Le pape évoque les rapports entre Rome et la Fraternité Saint-​Pie X

Pape François. Crédit photo : Antoine Mekary / Godong

Dans l’avion qui le rame­nait du Portugal au Vatican, le 13 mai 2017, le pape François a répon­du à une ques­tion de Nicolas Senèze, cor­res­pon­dant de La Croix à Rome.

Question : La Fraternité Saint-​Pie X a une grande dévo­tion pour Fatima. Un accord est-​il pour bien­tôt ? Ce serait le retour triom­phal de fidèles qui montrent ce que signi­fie être vrai­ment catholiques ?

Réponse : J’écarterais toute forme de triom­pha­lisme. Complètement. Il y a quelques jours, la feria quar­ta de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi – on l’appelle la feria quar­ta, car elle se réunit le mer­cre­di – a étu­dié un docu­ment. Et le docu­ment ne m’est pas encore par­ve­nu. Je l’étudierai.

Deuxièmement, les rap­ports actuels sont fra­ter­nels. L’année der­nière, je leur ai don­né à tous la per­mis­sion pour la confes­sion, et aus­si une forme de juri­dic­tion pour les mariages. Mais déjà avant, les pro­blèmes qui devaient être réso­lus par la doc­trine de la foi, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi les trai­tait. Par exemple les abus : les abus [sur des mineurs, ndlr] chez eux, ils nous en réfé­raient. Ainsi pour la Pénitencerie. Ainsi pour la réduc­tion à l’état laïc d’un prêtre. Il y a donc des rap­ports fra­ter­nels. Avec Mgr Fellay, j’ai de bons rap­ports. Nous avons par­lé quelques fois. Je ne veux pas brus­quer les choses. Cheminer, che­mi­ner, che­mi­ner, et après on ver­ra. Pour moi, ce n’est pas un pro­blème de gagnants ou de per­dants, mais de frères, qui doivent che­mi­ner ensemble en cher­chant la for­mule pour faire des pas en avant.

Commentaire : La réponse du pape est brève et quelque peu ellip­tique. On peut tou­te­fois noter que François récuse le mot « retour triom­phal » employé par Nicolas Senèze, auteur en 2008 de La crise inté­griste (Bayard). « J’écarterais toute forme de triom­pha­lisme », dit-​il avant de conclure : « Pour moi, ce n’est pas un pro­blème de gagnants ou de perdants ».

S’agissant du « docu­ment » étu­dié par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et que le pape dit n’avoir pas encore lu, on est réduit à de simples hypo­thèses puisqu’il n’indique pas la nature de ce docu­ment. Certains conjec­tu­re­ront que ce doit être un pro­jet de sta­tut cano­nique pour la Fraternité, mais comme il s’agit d’un docu­ment exa­mi­né par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi on peut plus vrai­sem­bla­ble­ment pen­ser à un texte doc­tri­nal et non pas cano­nique. Ce pour­rait être la décla­ra­tion doc­tri­nale, condi­tion préa­lable à toute recon­nais­sance cano­nique. A ce pro­pos, Mgr Bernard Fellay écri­vait à tous les prêtres de la Fraternité Saint-​Pie X, le 1er mars 2017, que l’établissement d’un tel texte doc­tri­nal n’était pas aus­si avan­cé que cer­taines rumeurs vou­draient le faire croire. Et d’ajouter qu’il n’y avait « pas d’accord imminent ».

C’est ce que François fait savoir dans la deuxième par­tie de sa réponse : « Je ne veux pas brus­quer les choses ». Ce qui est conforme aux pro­pos qu’il avait tenus lors de la ren­contre accor­dée à Mgr Fellay, le 1er avril 2016, et que ce der­nier avait rap­por­tés au cours du pèle­ri­nage du Puy, le 10 avril sui­vant : « Si j’ai des pro­blèmes », avait affir­mé le pape, « vous aus­si vous avez des pro­blèmes, donc il ne faut pas pous­ser, il ne faut pas créer davan­tage de divi­sions, donc on prend son temps ».

Au sujet des rap­ports avec la Fraternité que le pape juge « fra­ter­nels », il en fait savoir la teneur pré­cise : « Je leur ai don­né à tous la per­mis­sion pour la confes­sion, et aus­si une forme de juri­dic­tion pour les mariages. Mais déjà avant, les pro­blèmes qui devaient être réso­lus par la Doctrine de la Foi, la Congrégation les trai­tait. Par exemple les abus : les abus [sur des mineurs, ndlr] chez eux, ils nous en réfé­raient. Ainsi pour la Pénitencerie. Ainsi pour la réduc­tion à l’état laïc d’un prêtre. Il y a donc des rap­ports fraternels. »

Ces paroles de François ne sont pas sans rap­pe­ler les réponses déjà don­nées à Nicolas Senèze par la Commission Ecclesia Dei, le 7 mai pré­cé­dent : « ‘Mgr Fellay n’a jamais pris aucune déci­sion concer­nant les délits graves sans en réfé­rer à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) ou à celle pour le cler­gé pour les ren­vois de l’état clé­ri­cal’. ‘Mgr Fellay n’a jamais vou­lu créer une Eglise paral­lèle’, explique-​t-​on, confir­mant que la CDF a déjà confié à Mgr Fellay la pos­si­bi­li­té de juger en pre­mière ins­tance des auteurs d’abus sexuels. » (Voir La Croix, 07/​05/​17).

Jusqu’à plus ample infor­mé, ce sont là les seuls élé­ments dont on dis­pose sur l’état des rela­tions entre Rome et la Fraternité Saint-​Pie X : pas de recon­nais­sance cano­nique immi­nente, et – si elle a lieu – elle néces­site une décla­ra­tion doc­tri­nale préa­lable qui n’est pas encore for­mu­lée avec la rigueur requise. Tout le reste relève de la rumeur qui est une source d’information incon­trô­lable, donc peu fiable.

Sources : KTO/​DICI/​La Croix – – 26/​05/​17 /​La Porte Latine du 27 mai 2017