Paul VI (1897–1978)

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Le 5 août der­nier, François s’adressa à la foule assem­blée sur la place Saint-​Pierre pour l’Angélus : « Il y a qua­rante ans, le bien­heu­reux pape Paul VI vivait ses der­nières heures sur cette terre. Il mou­rut, en effet, dans la soi­rée du 6 août 1978. Nous le rap­pe­lons avec une grande véné­ra­tion et gra­ti­tude, dans l’attente de sa cano­ni­sa­tion le 14 octobre pro­chain… Saluons tous ce grand pape de la moder­ni­té par un applau­dis­se­ment ! » Nul doute qu’en cano­ni­sant Paul VI, après Jean XXIII et Jean-​Paul II, François ait l’intention de confir­mer les catho­liques dans les nou­velles orien­ta­tions prises par l’Église depuis le Concile, et de don­ner un nou­veau lustre à la litur­gie réfor­mée[1]. Paul VI fut d’ailleurs le pre­mier pape à uti­li­ser la cano­ni­sa­tion des saints pour ava­li­ser le Concile, en annon­çant le 18 novembre 1965, donc avant son achè­ve­ment, l’introduction de la cause de béa­ti­fi­ca­tion de Pie XII mais aus­si de Jean XXIII[2].

Combien oppo­sés étaient pour­tant les juge­ments de ces deux papes sur Monseigneur Montini ! Si celui-​ci fut le proche col­la­bo­ra­teur du car­di­nal Pacelli pen­dant de nom­breuses années, c’est par la volon­té de Pie XII qu’il fut écar­té de Rome en 1954. Le neveu de Paul VI témoi­gna que son oncle ne s’est jamais fait la moindre illu­sion : « c’était pour lui un drame dans tous les sens du mot »[3]. Même si Pie XII n’a pas cru qu’il conve­nait d’écarter un sub­sti­tut aux Affaires ordi­naires de la Secrétairerie d’État sans lui accor­der une appa­rente pro­mo­tion, le blâme n’en était pas moins public. En effet tra­di­tion­nel­le­ment le siège de Milan était occu­pé par un car­di­nal, or « Pie XII ne créa plus aucun car­di­nal », et cela « pour ne pas avoir à dési­gner Mgr Montini. »[4] Au contraire Jean XXIII, le 4 novembre 1958, un peu avant la céré­mo­nie de son cou­ron­ne­ment, écri­vit un billet à Monseigneur Montini pour lui annon­cer que cette digni­té lui serait pro­chai­ne­ment confé­rée[5] et sept ans plus tard, sur son lit de mort, il dit : « Mon suc­ces­seur sera le car­di­nal Montini. »

Comment est-​il pos­sible que le pape François uti­lise de nou­veau les paroles sacrées de la cano­ni­sa­tion pour pro­po­ser en exemple un fos­soyeur de la Tradition ? Nous lais­se­rons les théo­lo­giens répondre à cette ques­tion. Pour l’instant, le bon sens et la foi nous suf­fisent pour refu­ser de rendre un culte à Paul VI. Les graves défaillances dans la défense de la foi, la pro­mul­ga­tion de la nou­velle messe, l’abandon du zèle mis­sion­naire pour le règne de Notre-​Seigneur prouvent que Paul VI était libé­ral et qu’il ne sau­rait être un modèle pour les catholiques.

Défense de la foi

« Il arrive que paraissent des livres où la foi est dimi­nuée sur des points impor­tants, que l’épiscopat se taise, que l’on ne trouve pas ces livres étranges… et c’est cela qui, à mes yeux, est étrange »[6]. Mais le pape lui-​même sup­pri­ma l’Index, para­ly­sa le Saint-​Office, ne prit aucune sanc­tion contre les néga­teurs de la foi comme, par exemple, les évêques hol­lan­dais qui avaient publié un caté­chisme scan­da­leux qui niait aus­si bien les anges et le sacer­doce que l’Incarnation et la Présence réelle. Si le 30 juin 1968, il pro­fes­sa un Credo ortho­doxe, jamais il ne défen­dit cette foi en condam­nant les héré­tiques. À Rome, il remit à l’honneur des pro­fes­seurs naguère expul­sés par le Saint-​Office. « Paul VI aura lais­sé la sainte Église de Dieu être enva­hie par le défer­le­ment des eaux maré­ca­geuses de l’apostasie imma­nente »[7]. Il ne s’agissait pas de fai­blesse (ce qui aurait été déjà grave chez un sou­ve­rain pon­tife), mais d’une atti­tude iré­nique et irréa­liste qui lui était habi­tuelle. L’encyclique Mysterium Fidei[8] peut être citée en illus­tra­tion. En effet, avant même la fin du Concile, se mul­ti­pliaient les inno­va­tions litur­giques[9] et se répan­daient des doc­trines, qui, dit-​il lui-​même, trou­blaient les âmes des fidèles et jetaient une grande confu­sion. Or non seule­ment le pape ne condam­na per­sonne mais il ne put s’empêcher d’admirer les bonnes inten­tions des fau­teurs d’hérésies : « Nous ne nions pas chez ceux qui répandent ces opi­nions sur­pre­nantes le sou­ci louable d’approfondir un si grand mys­tère »[10].

En fait Paul VI ne se mon­tra sévère qu’à l’égard des défen­seurs de la Tradition. Invariablement, il cédait et lais­sait faire les autres.[11] C’est ain­si que le père Calmel consi­dé­rait le pon­ti­fi­cat de Paul VI comme « une éclipse de la papau­té » tant celui-​ci pré­ten­dait « gou­ver­ner l’Église en réunis­sant des synodes et sans condam­ner per­sonne. »[12] Le pro­fes­seur Amerio a pu inti­tu­ler un des sous-​chapitres de son maître livre Iota Unum : « le renon­ce­ment à exer­cer l’autorité ». Comme il fut sym­bo­lique ce 13 novembre 1964, quand Paul VI dépo­sa la tiare, signe de la plé­ni­tude de son pouvoir !

La publi­ca­tion de l’encyclique Humanæ vitæ le 25 juillet 1968 fut la seule fois où Paul VI impo­sa son ensei­gne­ment. Mais, là encore, il ne prit pas la moindre mesure contre les confé­rences épis­co­pales, relayées par une myriade de publi­ca­tions, qui avaient osé s’opposer publi­que­ment à sa déci­sion qui, cette fois-​ci, n’était que la reprise de l’enseignement tra­di­tion­nel au moins dans ses conclu­sions. Mais la ques­tion allait bien au-​delà de celle de la contra­cep­tion. Le car­di­nal Suenens, le car­di­nal Alfrink et beau­coup d’autres lui repro­chèrent de s’être mon­tré infi­dèle à la col­lé­gia­li­té que le concile Vatican II venait d’introduire dans l’Église. Le pape ten­ta alors de faire appel à la com­pas­sion de ses contra­dic­teurs, mais il ne se condui­sit point en chef : « Peut-​être le Seigneur ne m’a‑t-il pas appe­lé à ce ser­vice parce que j’y étais spé­cia­le­ment apte, ou pour que je gou­verne l’Église et la sauve dans les dif­fi­cul­tés pré­sentes, mais pour que je souffre quelque chose pour l’Église… » [13] Or l’office de Souverain Pontife pres­cri­vait à Paul VI de com­man­der et non d’apitoyer, ni même seule­ment d’exhorter et d’admonester. [14]

Jamais Paul VI n’a vou­lu remettre en cause le concile Vatican II qui, selon lui, « ne fait pas moins auto­ri­té, qui est même sous cer­tains aspects plus impor­tant que celui de Nicée. » [15] Et pour­tant, il en vit les fruits : « Nous en espé­rions un prin­temps, et il est venu une tem­pête. » [16] Le dis­cours à un groupe de sémi­na­ristes le 7 décembre 1968 est bien connu : « L’Église se trouve à une heure d’inquiétude, d’autocritique, on dirait presque d’autodémolition. » Il ajou­tait une remarque qui montre à quel point il était res­té sourd aux cris d’alarme qui avaient été lan­cés : « C’est comme un bou­le­ver­se­ment inté­rieur, aigu et com­plexe, auquel per­sonne ne se serait atten­du après le Concile » [17]. Dix ans après la Concile, à la mort de Paul VI, le nombre de reli­gieux dans le monde avait dimi­nué d’un quart. La plu­part de ceux qui res­taient ne menaient le plus sou­vent que l’ombre d’une vie reli­gieuse [18]. Les fidèles quit­taient les églises.

La dévo­tion mariale souf­frit aus­si beau­coup durant le pon­ti­fi­cat de Paul VI. À la pre­mière ses­sion du Concile, alors qu’il n’était que car­di­nal, il s’était déjà oppo­sé à l’attribution de nou­veaux titres à la Vierge Marie. C’est lui qui fit sup­pri­mer le sché­ma qui avait été pré­pa­ré sur Notre-​Dame, pour le réduire à un cha­pitre de celui consa­cré à l’Église. En 1967, il don­na au gou­ver­ne­ment turc l’étendard que les chré­tiens avaient pris aux musul­mans à Lépante grâce à la pro­tec­tion de Marie.

La nouvelle messe

Le 21 octobre 1969, un Bref exa­men cri­tique sur la nou­velle messe était pré­sen­té au pape par les Cardinaux Ottaviani et Bacci. Un peu plus d’un mois aupa­ra­vant, Monseigneur de Castro Mayer, évêque de Campos au Brésil, lui avait déjà écrit : « Le Novus Ordo Missæ non seule­ment n’inspire pas la fer­veur, mais encore exté­nue la foi dans les véri­tés cen­trales de la vie catho­lique, telles la pré­sence réelle de Jésus dans le très saint Sacrement, la réa­li­té du sacri­fice pro­pi­tia­toire, le sacer­doce hié­rar­chique. » [19] Pourtant Paul VI se mon­tra intrai­table pour impo­ser cette nou­velle litur­gie conçue pour plaire aux Protestants : « Ce n’est pas une déci­sion arbi­traire ; ce n’est pas une expé­rience tem­po­raire ou facul­ta­tive ; ce n’est pas une impro­vi­sa­tion due à un quel­conque dilet­tante. C’est une loi éla­bo­rée par d’éminent litur­gistes après de longues dis­cus­sions et de longues études. » [20] Les paroles les plus vio­lentes en ce sens furent celles du consis­toire du 24 mai 1976 : « C’est au nom de la Tradition que nous deman­dons à tous nos fils, à toutes les com­mu­nau­tés catho­liques, de célé­brer dans la digni­té et la fer­veur, la litur­gie réno­vée. L’adoption du nou­vel Ordo Missæ n’est pas du tout lais­sée au libre arbitre des prêtres ou des fidèles […]. Le nou­vel Ordo a été pro­mul­gué pour être sub­sti­tué à l’ancien […]. Avec la même auto­ri­té suprême [que celle de saint Pie V] qui nous vient du Christ Jésus, nous exi­geons la même dis­po­ni­bi­li­té … » À M. Jean Guitton qui lui sug­gé­rait d’autoriser la messe de saint Pie V pour apai­ser les esprits, le pape répon­dit : « Cela jamais ! » Pourtant en 2007 dans son Motu pro­prio Summorum Pontificum, Benoît XVI recon­nut que l’ancienne messe n’avait jamais été abro­gée. Paul VI s’est donc ren­du cou­pable d’un abus de pouvoir.

Mais les prêtres qui mou­rurent de cha­grin parce qu’on leur avait enle­vé la messe ne furent pas les plus mal­heu­reux. Les aban­dons du sacer­doce durant le pon­ti­fi­cat de Paul VI attei­gnirent des pro­por­tions inima­gi­nables. Il l’a recon­nu lui-​même mais tou­jours avec la même iner­tie : « Les sta­tis­tiques nous accablent, chaque cas par­ti­cu­lier nous décon­certe, les moti­va­tions nous imposent, certes, res­pect et com­pas­sion, mais elles nous causent une peine immense. Le sort des faibles qui ont trou­vé la force de déser­ter leur devoir nous confond »[21].

La ques­tion de la com­mu­nion dans la main n’est pas moins symp­to­ma­tique. L’instruction Memoriale Domini [22] est une apo­lo­gie de la com­mu­nion don­née par le prêtre sur la langue du com­mu­niant. Elle explique com­ment cette façon de faire exprime davan­tage le res­pect dû au Saint-​Sacrement ain­si que l’humilité avec lequel il doit être reçu. Elle fait état d’une consul­ta­tion des évêques dont une forte majo­ri­té « estiment que rien ne doit être chan­gé à la dis­ci­pline actuelle » et elle sti­pule donc que « cette façon de dis­tri­buer la Sainte Communion doit être conser­vée ». Elle fait état de la pra­tique de don­ner la com­mu­nion dans la main, pra­tique qui s’est répan­due sans que le Saint-​Siège ait don­né la moindre auto­ri­sa­tion. Les cou­pables vont-​ils être sévè­re­ment répri­man­dés ? Nullement ! Dans le même docu­ment romain, les Conférences épis­co­pales sont encou­ra­gées à peser avec soin les cir­cons­tances par­ti­cu­lières qui pour­raient exis­ter ( !) afin de prendre les déci­sions oppor­tunes pour que l’usage de la com­mu­nion dans la main « s’établisse comme il faut ».

Enfin l’usage du latin dans la litur­gie fut à la fois loué et sup­pri­mé par Paul VI. Le pape allait au rebours des prin­cipes qu’il énu­mé­rait et disait en souf­frir ! Le dimanche 7 mars 1965, il célé­bra, pour la pre­mière fois, la messe (tra­di­tion­nelle) entiè­re­ment en ita­lien. Dans son allo­cu­tion, lors de l’angélus du même jour, il décla­ra : « Ce dimanche marque une date mémo­rable dans l’histoire spi­ri­tuelle de l’Église, parce que la langue par­lée entre offi­ciel­le­ment dans le culte litur­gique, comme vous l’avez vu ce matin… L’Église a fait un sacri­fice en ce qui concerne sa langue propre, le latin, qui est une langue sacrée, grave, belle, extrê­me­ment expres­sive et élé­gante. Elle fait le sacri­fice de tra­di­tions sécu­laires et, sur­tout, de l’unité de langue entre ses divers peuples pour le bien d’une plus grande uni­ver­sa­li­té, pour arri­ver à tous. »Le 4 mai 1967, le « sacri­fice » fut accom­pli par l’Instruction Tres abhinc annos qui éta­blis­sait l’usage de la langue vul­gaire pour la réci­ta­tion, à voix haute, du canon de la messe. Si en juin 1969, lors de son voyage en Ouganda, il consen­tit à célé­brer la messe en latin à la demande des évêques afri­cains, dans son allo­cu­tion il encou­ra­gea les réformes : « Un plu­ra­lisme est légi­time, même sou­hai­table, sous l’aspect de la langue, du génie, de la culture » [23].Le 26 novembre de cette même année, lors de la pré­sen­ta­tion du nou­veau rite de la messe, l’abandon du latin était défi­ni­tif : « Ce n’est plus le latin, mais la langue cou­rante, qui sera la langue prin­ci­pale de la messe. Pour qui­conque connaît la beau­té, la puis­sance du latin, son apti­tude à expri­mer les choses sacrées, ce sera cer­tai­ne­ment un grand sacri­fice de le voir rem­pla­cé par la langue cou­rante. Nous per­dons la langue des siècles chré­tiens, nous deve­nons comme des intrus et des pro­fanes dans le domaine lit­té­raire de l’expression sacrée. Nous per­dons ain­si en grande par­tie cette admi­rable richesse artis­tique et spi­ri­tuelle qu’est le chant gré­go­rien. Nous avons, certes, rai­son d’en éprou­ver des regrets et presque du désarroi. »

Salut des âmes et œcuménisme

Dans son ency­clique Ecclesiam suam, Paul VI affir­ma le devoir mis­sion­naire de l’Église [24], mais il ne pou­vait le conce­voir que comme un dia­logue : « L’Église doit entrer en dia­logue avec le monde dans lequel elle vit. L’Église se fait parole ; l’Église se fait mes­sage ; l’Église se fait conver­sa­tion » [25]. Consacré par le concile Vatican II, l’œcuménisme fut impo­sé à la conscience catho­lique par le pape à tra­vers des gestes spec­ta­cu­laires et scan­da­leux que ces suc­ces­seurs n’auront plus qu’à imi­ter. En 1964, Paul VI fit un voyage en Terre Sainte [26] durant lequel il ren­con­tra le patriarche de Constantinople sur un pied d’égalité : après avoir lu alter­na­ti­ve­ment l’évangile, ils bénirent ensemble l’assistance à l’initiative de Paul VI. [27] De retour à Rome, il n’hésita pas à don­ner aux ortho­doxes le chef de saint André qui était une des reliques insignes de la basi­lique Saint-​Pierre. Le der­nier jour du Concile, le 7 décembre 1965, Paul VI annon­ça la levée de l’excommunication des ortho­doxes sans exi­ger la moindre abju­ra­tion de leur part. Lors de son voyage en Turquie en 1967, le pape remit une lettre offi­cielle au patriarche de Constantinople dans laquelle les Églises ortho­doxes et l’Église catho­lique étaient pré­sen­tées comme des « Églises sœurs. » C’était dire que Rome ne pré­ten­dait plus être la mère de toutes les Églises [28] et que le pape ne deman­dait plus à être recon­nu comme le père com­mun des fidèles.

Quant à l’œcuménisme avec les pro­tes­tants, il suf­fit d’évoquer la récep­tion du Dr Ramsey, « arche­vêque et pri­mat » de l’Église angli­cane, en mars 1966. Le pape lui pro­mit de faire réétu­dier la ques­tion de la vali­di­té des ordi­na­tions angli­canes (pour­tant tran­chée par Léon XIII) et, déjà, il lui mon­tra quelle était son opi­nion en lui deman­dant de bénir l’assemblée en sa pré­sence. Le « pri­mat » anglais ne com­prit pas cette demande inouïe et com­men­ça à se mettre à genoux lui-​même. Le pape le rele­va pres­te­ment. Mais ce n’était qu’une pre­mière sur­prise. Paul VI, dans un geste pré­mé­di­té, enle­va ensuite son propre anneau épis­co­pal pour le pas­ser au doigt du Dr Ramsey.

Jamais le règne de Notre-​Seigneur n’a autant souf­fert des mains d’un pape. Il est vrai que celui-​ci avait sur­tout le culte de l’homme [29] ! Ayant refu­sé de condam­ner le com­mu­nisme au cours du Concile, Paul VI s’est plu­sieurs fois plié aux exi­gences des pays de l’Est. Il suf­fit d’évoquer le cas du car­di­nal Mindszenty qui a pro­ba­ble­ment davan­tage souf­fert des manœuvres du pape que de ses bour­reaux en Hongrie[30]. Tous les pays encore catho­liques ont été encou­ra­gés à rayer le nom de Notre-​Seigneur de leur consti­tu­tion : après l’Espagne, la Colombie, cer­tains can­tons suisses, ce fut le tour de l’Italie [31]. La doc­trine condam­née de Lamennais a été reprise par Paul VI dans le mes­sage aux gou­ver­nants : « Que demande-​t-​elle de vous, cette Église… aujourd’hui ? Elle vous l’a dit dans un des textes majeurs de ce Concile : elle ne vous demande que la liber­té. » [32]

Un visage double

Le père Congar disait de Paul VI qu’il par­lait à droite et agis­sait à gauche. [33] Monseigneur Lefebvre, citant le Cardinal Daniélou, don­nait la véri­table rai­son de cette atti­tude : Paul VI était un libé­ral, et donc un inco­hé­rent, un homme qui affirme des prin­cipes et qui fait le contraire. « Parce que ce pape-​là est comme un fruit du libé­ra­lisme, toute sa vie a été impré­gnée par l’influence des hommes qui l’entouraient ou qu’il a pris pour maîtres et qui étaient libé­raux. » [34]

Cette contra­dic­tion fai­sait de Paul VI un pape triste. Le jeu de mot cou­rait en Italie : Paul VI (Paulo ses­to) est un « Paolo mes­to » (Paul triste). [35] Tout autre est la tris­tesse des saints. Dans le Journal de son âme, Jean XXIII, qui avait ren­con­tré Saint Pie X et qui avait remar­qué ce voile de tris­tesse dans les yeux du Pontife, disait ne pas croire en sa sain­te­té. Pourtant cette souf­france venait direc­te­ment de la cha­ri­té. Nulle inco­hé­rence n’existait entre les paroles et la vie de saint Pie X ! Au contraire l’âme de Paul VI était anxieuse et para­doxale. Nostalgique de la gran­deur de l’Église il a néan­moins par­ti­ci­pé acti­ve­ment à sa des­truc­tion. Était-​ce le ser­ment fait lors de son cou­ron­ne­ment qui lui reve­nait à l’esprit quel­que­fois et qui le tour­men­tait : « Si je devais tra­hir la Tradition reçue de mes pré­dé­ces­seurs, Dieu ne sera pas un juge misé­ri­cor­dieux au Jugement der­nier » [36] ?

Notes de bas de page
  1. À côté de la messe dite de saint Pie V, déjà qua­li­fiée de « rite extra­or­di­naire », il y aura celle de « saint Paul VI ».[]
  2. Chiron, Paul VI, le pape écar­te­lé page 247 (édi­tion Perrin).[]
  3. Giorgio Montini, « Mon oncle, le pape ».[]
  4. Chiron, Paul VI, le pape écar­te­lé page 153 (édi­tion Perrin).[]
  5. Roberto de Mattei, « Il Concilio Vaticano II » page 113.[]
  6. in « Paul VI secret » Jean Guitton (page 168).[]
  7. Lettre du père Calmel du 4 juillet 1970 cité par le père Jean-​Dominique dans « Le père Roger-​Thomas Calmel » page 461 (2nd édi­tion).[]
  8. 3 sep­tembre 1965 (le Concile sera clô­tu­ré le 8 décembre 1965).[]
  9. La pre­mière consti­tu­tion conci­liaire était sur la litur­gie et elle por­tait déjà ses fruits.[]
  10. Vers la fin de son pon­ti­fi­cat, alors que les épis­co­pats du monde jugeaient de haut ses ency­cliques, il exal­tait « l’extrême una­ni­mi­té de toute l’Église avec son pas­teur suprême et de tous avec leur propre évêque » (Allocution du 23 juin 1975).[]
  11. Parlant des abus litur­giques, le car­di­nal Gut, pré­fet de la Congrégation pour le culte divin, remar­quait : « Beaucoup de prêtres ont fait ce qui leur plai­sait. Ils se sont impo­sés. Les ini­tia­tives prises sans auto­ri­sa­tion, on ne pou­vait plus, bien sou­vent, les arrê­ter. Dans sa grande bon­té et sa sagesse, le Saint-​Père a alors cédé, sou­vent contre son gré » D.C. n°1551 cité dans Iota Unum n°69.[]
  12. Lettre du 17 jan­vier 1969 citée par le père Jean-​Dominique dans Le père Roger-​Thomas Calmel page 365.[]
  13. Discours au Sacré Collège le 22 juin 1972, cité dans Iota Unum n°65.[]
  14. Même dans son exhor­ta­tion apos­to­lique Paterna du 8 décembre 1974, où il reven­dique son auto­ri­té et s’insurge contre la déso­béis­sance, il le fait sous mode d’avertissement mais sans condam­ner.[]
  15. Lettre de Paul VI à Monseigneur Lefebvre écrite le 29 juin 1976. Même le car­di­nal Villot lui avait conseillé de ne pas écrire une chose pareille ![]
  16. Au Cardinal G. Colombo, arche­vêque de Milan.[]
  17. Cité par exemple dans Iota Unum n°7.[]
  18. Le pape ayant obli­gé tous les ins­ti­tuts reli­gieux (même les Chartreux qui n’avaient jamais eu besoin de réforme) à récrire leurs consti­tu­tions et leurs règles.[]
  19. Cité dans « Histoire de la messe inter­dite » par Jean Madiran p. 30.[]
  20. Discours de Paul VI (19 novembre 1969) sur le nou­veau rite de la messe, cité dans « Histoire de la messe inter­dite » par Jean Madiran p. 34.[]
  21. Lettre au cler­gé sécu­lier et régu­lier du dio­cèse de Rome de 10 février 1978.[]
  22. Instruction du 29 mai 1969 de la Sacrée Congrégation pour le culte divin.[]
  23. Chiron, Paul VI, le pape écar­te­lé page 296 (édi­tion Perrin).[]
  24. « C’est l’obligation d’évangéliser. C’est le man­dat mis­sion­naire. C’est le devoir d’apostolat » ; ency­clique du 6 août 1964.[]
  25. Déjà quand il était sub­sti­tut à la Secrétairerie d’État, en mars 1949, il reçut Roger Schutz et Max Thurian, de la com­mu­nau­té pro­tes­tante de Taizé, et lais­sa envi­sa­ger que l’Église catho­lique pour­rait par­ti­ci­per au Conseil œcu­mé­nique des Église (ce qu’un moni­tum du Saint-​Office avait pré­ci­sé­ment et for­mel­le­ment écar­té l’année pré­cé­dente), et qu’Elle devrait recon­naître les torts de ses membres dans l’histoire et aujourd’hui. Cf. Chiron, Paul VI, le pape écar­te­lé page 134 (édi­tion Perrin).[]
  26. Le pre­mier de ces voyages inter­na­tio­naux aux­quels les papes conci­liaires nous ont main­te­nant habi­tués.[]
  27. Chiron, Paul VI, le pape écar­te­lé page 217 (édi­tion Perrin).[]
  28. Par le mot « Église », on signi­fie alors les dio­cèses gou­ver­nés par un évêque mais en dépen­dance du pape.[]
  29. « Reconnaissez-​lui au moins ce mérite, vous, huma­nistes modernes, qui renon­cez à la trans­cen­dance des choses suprêmes, et sachez recon­naître notre nou­vel huma­nisme : nous aus­si, nous plus que qui­conque, nous avons le culte de l’homme. » Discours de clô­ture du concile Vatican II, le 7 décembre 1965.[]
  30. Voir le numé­ro 243 de mai-​juin 2018 de Fideliter.[]
  31. Dès 1976 Paul VI pré­pa­rait le trai­té conclu seule­ment en 1984 et qui abro­geait l’article qui spé­ci­fiait que la reli­gion catho­lique était la seule reli­gion de l’État.[]
  32. Messages du Concile du 8 décembre 1965.[]
  33. Monseigneur Lefebvre fai­sait le même constat : « Tantôt tra­di­tio­na­liste, au moins dans les paroles, et puis ensuite, dans les actes, fai­sant des choses com­plè­te­ment oppo­sées, ne condam­nant pas tout ce qui devrait être condam­né et condam­nant au contraire ce qui ne devrait pas être condam­né. » (Conférence spi­ri­tuelle de Monseigneur Lefebvre aux sémi­na­ristes le 18 mars 1977).[]
  34. « Il l’ont décou­ron­né », cha­pitre XXXI, page 224.[]
  35. Chiron, Paul VI, le pape écar­te­lé page 10 (édi­tion Perrin).[]
  36. Serment mul­ti­sé­cu­laire fait au cours du cou­ron­ne­ment papal.[]