Si le concile Vatican II reste la référence pour tout ce qui se fait dans l’Eglise, on sent cependant que le Cheval de Troie commence à avoir du jeu. Certains admettent aujourd’hui ce qu’ils niaient encore hier. Le « printemps de l’Eglise » se fait attendre et l’été fut maussade.
Mgr Mamie, évêque émérite de Genève-Fribourg-Lausanne, glisse certains aveux. Le cardinal Poupard le concède aussi. Le concile reste cependant l’Intouchable, et le grand ennemi reste Mgr Lefebvre, même dans sa tombe.
Extraits d’une interview de Mgr Mamie avec l’agence APIC
Mgr Mamie : Les changements demandés par le Concile ont provoqué des tensions, voire des divisions. Certains prêtres sont restés attachés à l’ancienne liturgie, d’autres ont appliqué les conclusions de Vatican II en les déformant, par exemple en excluant totalement le chant grégorien. Trop d’excès ont été commis, par exemple sur la dévotion à Marie ou l’adoration du St-Sacrement, qui ont été souvent négligées. Pour la célébration de la messe, certains prêtres ne gardaient que la première prière eucharistique, dite « romaine », d’autres la rejetaient totalement et n’utilisaient que les trois dernières.
APIC : Le début des années 70 a été marqué par de nombreuses désertions parmi les prêtres …
Mgr Mamie : (…) Entre 1968 et 1978, nous avons eu dans le diocèse autant de prêtres qui ont quitté le ministère que de nouvelles ordinations. En considérant les décès, encore plus nombreux, les vocations sacerdotales se sont vraiment raréfiées durant cette période.
Lorsque je suis devenu évêque, j’ai fait cette prière à Dieu : « Nous n’avons pas assez de prêtres ? Seigneur, c’est probablement pour que nous fassions aux laïcs la place qui leur revient ». Mais quelques années plus tard, j’ai dit à Dieu : « Maintenant, Seigneur, ça suffit, nous avons compris ! »
APIC : Toutes les conclusions du Concile se sont-elles réalisées ?
Mgr Mamie : Non, pas encore. L’histoire de l’Eglise nous apprend que les effets des conciles mettent plusieurs décennies pour se réaliser. Il faut encore attendre des années avant que les conclusions du Concile soient pleinement mises en application. Aux déçus, je dis : soyez patients. A ceux qui l’ont vécu : relisez les textes. Et à ceux qui ne l’ont pas connu : découvrez ses actes et vivons-les ensemble.
Au micro de Radio-Vatican, le cardinal français Paul Poupard
Au micro de Radio-Vatican, le cardinal français Paul Poupard, président du conseil pontifical de la Culture a évoqué « l’aggiornamento » et la « crise » issue du concile. Il était alors à Rome au service de la Secrétairerie d’Etat.
« Ce furent des années très riches, vécues surtout dans l’enthousiasme mais aussi avec des moments de tension, comme il est normal qu’il advienne dans un concile. (…)
Et puis, juste après le concile, une crise qui continue encore aujourd’hui. Cette crise a engendré le doute chez certains à propos du concile : il est toujours nécessaire de bien distinguer ce qu’a fait le concile et ce qui s’est produit dans le monde. Et sur ces événements, l’Eglise, hélas, n’a pas le pouvoir d’intervenir, en dépit de son désir. L’Eglise voulait s’ouvrir au monde, mais le monde, dans sa culture dominante, avait au contraire de moins en moins envie de s’ouvrir à l’Eglise.
« Et cela a fait que tout dialogue possible s’est transformé, si l’on peut dire, en monologue et certains ont vécu cette situation nouvelle avec une véritable angoisse.
Il y a eu, en particulier, la crise des prêtres, la remise en question du statut du prêtre et la diminution brutale des vocations sacerdotales, et religieuses.
« Après l’éclat de l’été et les brumes de l’automne, un hiver rigoureux, empli de tempêtes, demeure traversé de bourrasques, cependant que pointe un timide printemps ». Et de citer les caractéristiques de la « mutation socio-culturelle » qui a suivi le Concile : le triomphe des méthodes critiques, la révolte d’une partie de la jeunesse, l’urbanisation galopante, la crise du magistère, l’enfouissement dans l’hédonisme, l’effondrement de la pratique religieuse, le laxisme moral ou encore la difficulté de la transmission de la foi.
Aujourd’hui, le cardinal Poupard estime ainsi que « le défi principal pour la foi réside dans l’absence de Dieu dans la culture dominante, puissamment orchestrée par les médias, la télévision, ou encore internet ». « Le pluralisme engendre le scepticisme, et le matérialisme, l’indifférence religieuse », explique-t-il. Mais, pour lui, « l’Esprit-Saint suscite, au sein même de cet apparent désert de Dieu, des oasis qui peu à peu reverdissent ».
Cardinal Garrone
En 1983, le cardinal Garrone, ancien préfet de la Congrégation de l’enseignement, dans son ouvrage 50 ans de vie d’Eglise a reconnu que « les lendemains conciliaires ont été difficiles ».
« On a vu dans quelles larges mesures une satisfaction mal maîtrisée avait été à la naissance des regrettables abus que l’on a pu déplorer, dans le domaine liturgique en particulier », écrit-il. Mais « rien n’interdit de penser, selon le cardinal français, qu’on pourra remonter et qu’on remontera une pente malencontreusement descendue et qu’on assistera à une stabilisation des initiatives auxquelles le Concile a pu donner lieu ».
Au sujet de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint Pie X, celui-ci ajoute qu’« il aura joué le rôle d’un avertissement douloureux, capable de contribuer au redressement général ».
Ce cardinal – qui ne fut pas des plus tendres envers Mgr Lefebvre ! – fut obligé d’admettre, au sujet de la réforme liturgique : « En faisant parler aux fidèles, dans la liturgie, une langue qui leur soit immédiatement accessible, on ne les a pas approchés par le fait même plus près de Dieu dans la foi.
Cette finalité demande un effort continu et souvent difficile. Il ne faut pas perdre de vue le but si l’on veut que les moyens portent leurs fruits », conclut-il, précisant que c’est dans Lumen Gentium que ce but est exprimé formellement.
Malgré ces constats, l’aveuglement persiste : ce ne serait pas le concile le coupable, mais sa mise en application défectueuse et précipitée. Autrement dit, l’esprit du concile a tué le vrai concile, et c’est à lui qu’il faut revenir.
Source : MG/FSSPX