40 ans après le concile : un semblant d’aveux – 2002

Si le concile Vatican II reste la réfé­rence pour tout ce qui se fait dans l’Eglise, on sent cepen­dant que le Cheval de Troie com­mence à avoir du jeu. Certains admettent aujourd’­hui ce qu’ils niaient encore hier. Le « prin­temps de l’Eglise » se fait attendre et l’é­té fut maussade.

Mgr Mamie, évêque émé­rite de Genève-​Fribourg-​Lausanne, glisse cer­tains aveux. Le car­di­nal Poupard le concède aus­si. Le concile reste cepen­dant l’Intouchable, et le grand enne­mi reste Mgr Lefebvre, même dans sa tombe.

Extraits d’une interview de Mgr Mamie avec l’agence APIC

Mgr Mamie : Les chan­ge­ments deman­dés par le Concile ont pro­vo­qué des ten­sions, voire des divi­sions. Certains prêtres sont res­tés atta­chés à l’ancienne litur­gie, d’autres ont appli­qué les conclu­sions de Vatican II en les défor­mant, par exemple en excluant tota­le­ment le chant gré­go­rien. Trop d’excès ont été com­mis, par exemple sur la dévo­tion à Marie ou l’adoration du St-​Sacrement, qui ont été sou­vent négli­gées. Pour la célé­bra­tion de la messe, cer­tains prêtres ne gar­daient que la pre­mière prière eucha­ris­tique, dite « romaine », d’autres la reje­taient tota­le­ment et n’utilisaient que les trois dernières.

APIC : Le début des années 70 a été mar­qué par de nom­breuses déser­tions par­mi les prêtres …

Mgr Mamie : (…) Entre 1968 et 1978, nous avons eu dans le dio­cèse autant de prêtres qui ont quit­té le minis­tère que de nou­velles ordi­na­tions. En consi­dé­rant les décès, encore plus nom­breux, les voca­tions sacer­do­tales se sont vrai­ment raré­fiées durant cette période.
Lorsque je suis deve­nu évêque, j’ai fait cette prière à Dieu : « Nous n’avons pas assez de prêtres ? Seigneur, c’est pro­ba­ble­ment pour que nous fas­sions aux laïcs la place qui leur revient ». Mais quelques années plus tard, j’ai dit à Dieu : « Maintenant, Seigneur, ça suf­fit, nous avons compris ! »

APIC : Toutes les conclu­sions du Concile se sont-​elles réalisées ?

Mgr Mamie : Non, pas encore. L’histoire de l’Eglise nous apprend que les effets des conciles mettent plu­sieurs décen­nies pour se réa­li­ser. Il faut encore attendre des années avant que les conclu­sions du Concile soient plei­ne­ment mises en appli­ca­tion. Aux déçus, je dis : soyez patients. A ceux qui l’ont vécu : reli­sez les textes. Et à ceux qui ne l’ont pas connu : décou­vrez ses actes et vivons-​les ensemble.

Au micro de Radio-​Vatican, le cardinal français Paul Poupard

Au micro de Radio-​Vatican, le car­di­nal fran­çais Paul Poupard, pré­sident du conseil pon­ti­fi­cal de la Culture a évo­qué « l’aggiornamento » et la « crise » issue du concile. Il était alors à Rome au ser­vice de la Secrétairerie d’Etat.

« Ce furent des années très riches, vécues sur­tout dans l’enthousiasme mais aus­si avec des moments de ten­sion, comme il est nor­mal qu’il advienne dans un concile. (…)

Et puis, juste après le concile, une crise qui conti­nue encore aujourd’hui. Cette crise a engen­dré le doute chez cer­tains à pro­pos du concile : il est tou­jours néces­saire de bien dis­tin­guer ce qu’a fait le concile et ce qui s’est pro­duit dans le monde. Et sur ces évé­ne­ments, l’Eglise, hélas, n’a pas le pou­voir d’intervenir, en dépit de son désir. L’Eglise vou­lait s’ouvrir au monde, mais le monde, dans sa culture domi­nante, avait au contraire de moins en moins envie de s’ouvrir à l’Eglise.

« Et cela a fait que tout dia­logue pos­sible s’est trans­for­mé, si l’on peut dire, en mono­logue et cer­tains ont vécu cette situa­tion nou­velle avec une véri­table angoisse.

Il y a eu, en par­ti­cu­lier, la crise des prêtres, la remise en ques­tion du sta­tut du prêtre et la dimi­nu­tion bru­tale des voca­tions sacer­do­tales, et religieuses.

« Après l’éclat de l’été et les brumes de l’automne, un hiver rigou­reux, empli de tem­pêtes, demeure tra­ver­sé de bour­rasques, cepen­dant que pointe un timide prin­temps ». Et de citer les carac­té­ris­tiques de la « muta­tion socio-​culturelle » qui a sui­vi le Concile : le triomphe des méthodes cri­tiques, la révolte d’une par­tie de la jeu­nesse, l’urbanisation galo­pante, la crise du magis­tère, l’enfouissement dans l’hédonisme, l’effondrement de la pra­tique reli­gieuse, le laxisme moral ou encore la dif­fi­cul­té de la trans­mis­sion de la foi.

Aujourd’hui, le car­di­nal Poupard estime ain­si que « le défi prin­ci­pal pour la foi réside dans l’absence de Dieu dans la culture domi­nante, puis­sam­ment orches­trée par les médias, la télé­vi­sion, ou encore inter­net ». « Le plu­ra­lisme engendre le scep­ti­cisme, et le maté­ria­lisme, l’indifférence reli­gieuse », explique-​t-​il. Mais, pour lui, « l’Esprit-Saint sus­cite, au sein même de cet appa­rent désert de Dieu, des oasis qui peu à peu reverdissent ».

Cardinal Garrone

En 1983, le car­di­nal Garrone, ancien pré­fet de la Congrégation de l’enseignement, dans son ouvrage 50 ans de vie d’Eglise a recon­nu que « les len­de­mains conci­liaires ont été difficiles ».

« On a vu dans quelles larges mesures une satis­fac­tion mal maî­tri­sée avait été à la nais­sance des regret­tables abus que l’on a pu déplo­rer, dans le domaine litur­gique en par­ti­cu­lier », écrit-​il. Mais « rien n’interdit de pen­ser, selon le car­di­nal fran­çais, qu’on pour­ra remon­ter et qu’on remon­te­ra une pente mal­en­con­treu­se­ment des­cen­due et qu’on assis­te­ra à une sta­bi­li­sa­tion des ini­tia­tives aux­quelles le Concile a pu don­ner lieu ».

Au sujet de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint Pie X, celui-​ci ajoute qu’« il aura joué le rôle d’un aver­tis­se­ment dou­lou­reux, capable de contri­buer au redres­se­ment géné­ral ».

Ce car­di­nal – qui ne fut pas des plus tendres envers Mgr Lefebvre ! – fut obli­gé d’admettre, au sujet de la réforme litur­gique : « En fai­sant par­ler aux fidèles, dans la litur­gie, une langue qui leur soit immé­dia­te­ment acces­sible, on ne les a pas appro­chés par le fait même plus près de Dieu dans la foi.

Cette fina­li­té demande un effort conti­nu et sou­vent dif­fi­cile. Il ne faut pas perdre de vue le but si l’on veut que les moyens portent leurs fruits », conclut-​il, pré­ci­sant que c’est dans Lumen Gentium que ce but est expri­mé formellement.

Malgré ces constats, l’aveuglement per­siste : ce ne serait pas le concile le cou­pable, mais sa mise en appli­ca­tion défec­tueuse et pré­ci­pi­tée. Autrement dit, l’esprit du concile a tué le vrai concile, et c’est à lui qu’il faut reve­nir.

Source : MG/​FSSPX