A la fin du Concile Vatican II, Monseigneur Lefebvre est supérieur général des Pères du Saint-Esprit. Il s’efforce de maintenir sa congrégation dans la fidélité à l’esprit de son fondateur, mais voyant ses efforts réduits à néant et son autorité contournée par ses subordonnés, il finit par démissionner en 1968. Il accepte alors un emploi à la Sacrée Congrégation pour la Propagande de la Foi, à Rome. Mais il ne va pas tarder à être sollicité par des jeunes gens effrayés par les évolutions du post-concile…
Ceci est un récit de Monseigneur Marcel Lefebvre, fondateur de la Fraternité Saint-Pie X :
Il y avait une douzaine de séminaristes, qui, au Séminaire français de Rome, avaient eu des contacts avec moi, lorsque j’étais encore Supérieur général des Pères du Saint-Esprit. Ils ont continué à venir me voir quand j’étais seul, à m’informer des désastreux progrès de la déliquescence au sein de cette institution si respectée jusqu’alors. Angoissés, ils m’exposaient leurs doutes grandissants quant à la possibilité de poursuivre leur formation dans de semblables conditions. Puis, ils se sont montrés de plus en plus pressants : « Monseigneur, ce n’est plus possible, faites quelque chose pour nous ! » Je n’imaginais pas alors où mènerait l’expression de ces cris de détresse. J’ai alors pensé à Fribourg, où il y avait une maison des Pères du Saint-Esprit. Je suis allé voir Mgr Charrière, que j’avais reçu pendant une quinzaine de jours à Dakar et avec lequel nous avions tissé des liens d’amitié. J’ai envoyé plusieurs jeunes étudiants à l’Université de Fribourg, où les Dominicains donnaient les cours dans un esprit encore assez traditionnel et où il y avait le Père Philippe. (…)
J’allais de temps à autre visiter les séminaristes que j’avais envoyés à Fribourg. C’est au cours de l’une de ces visites que j’ai été invité à participer à une réunion chez le professeur Bernard Faÿ, à laquelle assistaient le Père Marie-Dominique Philippe, le Révérendissime Père Abbé d’Hauterive, M. Braillard et d’autres amis. Ils m’ont littéralement pris au collet et m’ont dit : « Il faut faire quelque chose pour ces séminaristes », qui commençaient d’ailleurs à n’être plus très à l’aise, ni bien admis chez les Dominicains où s’engouffraient les réformes. J’ai eu beau invoquer que j’avais soixante-cinq ans, l’âge de la retraite et que cela ne paraissait pas très sérieux d’entreprendre une œuvre alors que je pouvais disparaître d’ici à quelques années. Rien n’y fit. Et c’est ainsi que tout a été engendré !
Je suis allé voir Mgr Charrière à Fribourg, qui m’a encouragé sans restriction. « Monseigneur, m’a‑t-il dit, il faut rester ici. On va vous trouver une maison. Regroupez ces séminaristes. C’est très important. Il faut absolument qu’il y ait des jeunes qui soient bien formés. » il s’est montré très enthousiaste et très persuasif. Sans lui, je n’aurais rien fait. Je serais resté dans l’ombre. J’aurais continué mon travail à la Propagande. Sans aucun doute, l’existence de la Fraternité a dépendu de Mgr Charrière. Nous avons contracté envers lui une très grande dette de reconnaissance. Je dois ajouter que Mgr Adam s’est montré aussi très encourageant.
Ces encouragements et diverses étapes m’ont conduit, finalement, en cet été 1969, à louer douze chambres au Foyer Dom Bosco, établi route de Marly à Fribourg, pour l’ouverture de l’année scolaire 1969–70. Du groupe de séminaristes du Séminaire français de Rome ne sont venus à Fribourg que l’abbé Aulagnier, qui est le premier des prêtres restés dans la Fraternité que j’ai ordonné, et M. l’abbé Cottard, qui a rejoint Fribourg l’année suivante. Des neuf séminaristes du début, il n’y en a que deux qui soient demeurés dans la Fraternité : M. l’abbé Paul Aulagnier et M. l’abbé Tissier de Mallerais.
Paru dans la revue Fideliter n°59, septembre-octobre 1987
Source : La Couronne de Marie n°79