Le Coetus Internationalis Patrum, dirigé par Mgr Marcel Lefebvre, fut le principal groupe d’opposants au sein du concile Vatican II (1962–1965).
Dans cet article, l’auteur présente tout d’abord l’histoire de ce mouvement tout au long des sessions et intersessions du Concile, en tâchant de mettre en évidence son organisation et son activité, ainsi que l’évolution de ses stratégies.
Il analyse ensuite l’impact du groupe sur les documents promulgués par Vatican II. En conclusion, au vu de l’histoire du catholicisme postconciliaire, il tâche de répondre à la question suivante : le Coetus Internationalis Patrum se trouve t‑il à l’origine d’une dissidence ?
Note de la rédaction : Philippe J. Roy est docteur en histoire (université de Lyon 3) et docteur en sciences des religions (université Laval). Actuellement, il est chargé de cours à l’université Laval (Québec – Canada) et chercheur post-doctoral à la Katholieke Universiteit Leuven (Belgique). Il a soutenu, en novembre 2011, une thèse de doctorat intitulée Le Coetus Internationalis Patrum, un groupe d’opposants au sein du concile Vatican II. |
Le 25 janvier 1959, moins de trois mois après son élection, le pape Jean XXIII (1958–1963) annonçait à un groupe de cardinaux réunis en consistoire dans la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs son intention de convoquer un concile œcuménique pour l’Église universelle [1] . Après trois ans de préparation, il s’ouvrit le 11 octobre 1962 dans la basilique Saint-Pierre. Il fut clôturé quatre ans plus tard, le 8 décembre 1965. Au cours des quatre sessions qu’il comporta, seize documents furent promulgués, portant respectivement sur : la liturgie et les moyens de communication sociale (4 décembre 1963) ; l’Église, les Églises orientales catholiques et l’œcuménisme (21 novembre 1964) ; les évêques, la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse, la formation des prêtres, l’éducation chrétienne, les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes (28 octobre 1965) ; la Révélation, l’apostolat des laïcs (18 novembre 1965) ; la liberté religieuse, l’activité missionnaire de l’Église, le ministère et la vie des prêtres, l’Église dans le monde de ce temps (7 décembre 1965).
Le déroulement de Vatican II [2] , comme celui de plusieurs conciles, pourrait – d’un certain point de vue – être comparé aux manœuvres d’une véritable guerre, avec ses armées, ses officiers et ses soldats, ses francs-tireurs et ses résistants. Chaque schéma conciliaire était un champ de bataille duquel sortait un gagnant et un perdant…, même si le gagnant ne fut jamais totalement gagnant, ni le perdant complètement perdant. Ainsi, l’assemblée s’est rapidement trouvée divisée entre une « majorité » libérale, et une « minorité » conservatrice – pour généraliser une réalité plus complexe – au sein de laquelle le Coetus Internationalis Patrum[3](CIP) devint le groupe le plus important et le plus influent.
Quoique la plupart des textes du concile Vatican II fussent des documents de compromis, le CIP perdit globalement la guerre de résistance dans laquelle il s’était engagé : peu après la clôture de l’événement, plusieurs ont cru que la conception de l’Église défendue par les conservateurs au Concile avait disparu pour de bon. Évalué à l’aune du déroulement de Vatican II, le groupe peut donc – aux côtés de la minorité – être considéré comme ayant été mis en échec : les idées pour lesquelles il s’était battu étaient alors jugées révolues. C’est du moins ainsi que cela fut vécu dans l’imaginaire collectif.
Après le Concile, certains des anciens membres du Coetus Internationalis Patrum refusèrent d’adhérer aux idées nouvellement consacrées. Ils faisaient valoir que certaines d’entre elles avaient été condamnées par le magistère préconciliaire et qu’elles allaient contre la tradition de l’Église catholique. Ils restèrent donc sur leur position, continuant à agir et à penser de la même manière qu’ils le faisaient auparavant, en interprétant le Concile dans un sens minimaliste et conservateur. Quelques années plus tard, Mgr Marcel Lefebvre[4] s’engagea activement dans la résistance en fondant la Fraternité sacerdotale Saint-Pie‑X. Le 30 juin 1988, il sacra, avec Mgr Antonio de Castro-Mayer [5] , quatre évêques sans l’autorisation de Rome. Le lendemain, les deux co-consécrateurs et les quatre nouveaux évêques furent excommuniés latae sententiae au titre des canons 1364–1 et 1382 [6] .
Au vue de ces considérations, une question se pose : les combats menés au Concile par les membres du CIP sont-ils à l’origine d’une dissidence ? Avant de répondre explicitement à cette question en conclusion, il est nécessaire de se pencher sur le Coetus Internationalis Patrum lui-même en examinant brièvement son histoire tout au long des sessions et intersessions du Concile, et en analysant l’impact du groupe sur les documents promulgués par Vatican II.
Brève histoire du Coetus Internationalis Patrum
Historiographie et sources
Le Coetus Internationalis Patrum, probablement en raison des difficultés inhérentes au traitement du sujet, a été très peu étudié jusqu’ici, malgré l’importance qu’il eut au Concile. Nous n’avons cependant pas été le premier à user notre bêche sur les terres arides de cette recherche ; des pionniers sont passés avant nous et ont commencé à défricher le terrain. Le premier d’entre eux fut l’espagnol Salvador Gómez de Arteche y Catalina, qui soutint, en 1980, une thèse de doctorat à la faculté de droit de l’université de Valladolid, intitulée Grupos « extra aulam » en el II Concilio Vaticano y su influencia[7] . Dans cette thèse, le CIP n’était que l’un des nombreux groupes qu’il étudia et il n’y consacra, somme toute, que peu de pages. La recherche fut poussée plus loin par l’historien Luc Perrin qui écrivit deux textes sur le sujet : le premier est un chapitre d’ouvrage collectif, paru à Bologne en 1997[8] , et le second – qui est en fait la traduction française augmentée du premier – est un article paru dans la revue Catholica en 1999 [9] . Puis, ce terrain à peine défriché fut abandonné. Le groupe fut certes mentionné dans des ouvrages scientifiques sur Vatican II, notamment dans l’Histoire du Concile Vatican II parue sous la direction de Giuseppe Alberigo [10] , mais, d’une façon générale, les auteurs ne firent que répéter ce que les deux précurseurs avaient déjà dit. Ils s’attardèrent parfois sur l’un ou l’autre document « nouveau », ou sur le traitement d’un schéma en particulier, mais, en général, ce ne furent pas des documents inconnus ou totalement originaux, puisqu’ils se trouvent dans les Acta et Documenta Concilio Oecumenico Vaticano II apparando [11] ou dans les Acta synodalia Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II [12].
Les évêques du groupe venant des quatre coins du monde, les archives se rapportant au Coetus Internationalis Patrum sont extrêmement dispersées. On peut citer notamment : les documents conciliaires de Mgr Marcel Lefebvre au Séminaire international Saint-Pie‑X à Écône (Suisse) ; les papiers de dom Jean Prou, de dom Georges Frénaud et de dom Paul Nau, dans les archives de l’abbaye Saint-Pierre de Solesmes (France) ; les archives conciliaires de Victor-Alain Berto, conservées chez les Dominicaines du Saint-Esprit (France) ; le « Fonds Concile Vatican II » de l’Archivio Segreto Vaticano II (Cité du Vatican) ; le fonds conciliaire de Mgr Luigi Carli, dont une copie microfilmée se trouve à la Fondazione per le scienze religiose Giovanni XXIII (Bologne – Italie), les papiers conciliaires de Mgr « Geraldo de Proença Sigaud », qui se trouvent dans les archives de l’archidiocèse de Diamantina (Brésil) ; les archives de Mgr Georges Cabana, au Service des archives de l’archidiocèse de Sherbrooke (Canada).
Outre ces documents de première main, quelques sources imprimées sont disponibles. En plus des Acta et Documenta Concilio Oecumenico Vaticano II apparando, des Acta synodalia Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II, ainsi que de l’Annuario pontificio [13] , il faut considérer quelques chroniques et journaux conciliaires. Parmi ceux-ci, l’ouvrage le plus important pour étudier le groupe dirigé par Mgr Lefebvre est sans conteste celui de Ralph M. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre [14] , car l’auteur relaya la pensée du Coetus Internationalis Patrum via son agence de presse et était bien informé des documents et de l’action du groupe. Sont utiles également le journal conciliaire d’Yves Congar [15], les chroniques de Giovanni Caprile[16] , d’Henri Fesquet [17] , de René Laurentin [18] , de Robert Rouquette [19] et d’Antoine Wenger [20] .
Du premier « Groupe d’études » à la naissance officieuse du CIP
Il est difficile de connaître avec précision la date de naissance du Coetus Internationalis Patrum. Les archives sont très lacunaires sur ses premières heures, mais elles permettent néanmoins de prouver qu’un premier « piccolo comitato » s’est formé autour de Mgr Marcel Lefebvre dès les premiers jours du Concile [21] et qu’il s’est constitué de façon progressive au cours de la première session (11 octobre – 8 décembre 1962), se renforçant au fil des jours, alors qu’il devenait de plus en plus évident que la trajectoire donnée au Concile par les commissions préparatoires était en train de disparaître, au profit d’une orientation héritée des différents mouvements qui avaient traversé l’Église depuis le début du XXe siècle [22] . Pendant la première session, il y eut donc un premier « Groupe d’Étude », ancêtre du Coetus Internationalis Patrum, mais ce ne fut pas un groupe organisé, structuré, avec une stratégie clairement définie. Il s’agissait d’un regroupement anonyme de Pères conciliaires « d’orientation traditionnelle [23] », réunis spontanément pour lutter contre la direction que prenait le Concile. Il n’était donc question que d’un groupe de personnes déroutées par la tournure des événements, sans stratégie en raison de l’évolution imprévue et imprévisible du Concile, et mis sur la défensive, sans être en mesure d’articuler une défense cohérente.
Les choses évoluèrent pendant la première intersession (9 décembre 1962 – 28 septembre 1963) et la deuxième session (29 septembre – 4 décembre 1963). C’est durant cette période que le groupe fut créé et qu’il se dota d’une structure et d’une stratégie, sans toutefois prendre aucun nom. La décision de former un groupe organisé fut prise pendant la première intersession par Mgr Geraldo de Proença Sigaud [24] et Mgr Marcel Lefebvre, lequel s’assura du concours des bénédictins de Solesmes [25] – avec lesquels il travailla sur les schémas qui avaient été envoyés aux Pères conciliaires pendant l’intersession – et d’un peritus privatus[26] , l’abbé Victor-Alain Berto [27]. Ce dernier devint rapidement le théologien du groupe au sein duquel il joua un rôle de premier plan.
Les sources permettent de dater la naissance officieuse du CIP – et non officielle car il ne prit aucun nom et n’agit pas officiellement en tant que groupe – le mercredi 2 octobre 1963, c’est-à-dire trois jours après l’ouverture de la deuxième session [28]. Ce jour-là, une première assemblée réunissait une quinzaine de Pères conciliaires qui confièrent unanimement la présidence de leur association à Mgr Lefebvre. Le groupe se dota immédiatement et spontanément d’une structure à deux niveaux : un comité directeur qui planifiait et organisait son action, et des assemblées générales [29] . Ces dernières réunissaient, tous les mardis soirs, les membres et sympathisants du Coetus autour d’un conférencier qui les entretenait d’un thème débattu au Concile.
Le groupe se constitua graduellement au cours de cette session. Il se construisit d’abord sur les amitiés et contacts préconciliaires des uns et des autres, mais également sur le repérage qui se fit au moyen des interventions publiques. C’est par ce biais que Mgr Carli [30] s’associa au CIP [31] en emportant, semble-t-il, des sympathisants dans son sillage [32] . Voici un témoignage de l’abbé Berto sur la naissance du Coetus :
« Il n’est pas né d’un dessein arrêté dans l’esprit d’un seul ; il n’est pas né d’un projet concerté entre plusieurs ; il n’est pas né d’un pacte conjuré. Il est né d’une « harmonie préétablie », à leur propre insu, entre des Pères qui ne se connaissaient pas avant le Concile, mais qui s’y sont reconnus comme s’ils s’étaient connus de toujours. Ils n’ont eu qu’à s’apercevoir que leurs vues doctrinales et pastorales étaient semblables, semblables leurs vœux pour l’orientation et l’issue du Concile, semblables leurs appréciations sur les événements et les hommes à mesure que le Concile se poursuivait. De là naquirent des relations plus étroites, des rencontres plus fréquentes. Puis, – mais on était déjà à la deuxième session – tantôt par l’un, tantôt par l’autre des Pères, tantôt par un théologien, se firent des conférences ouvertes à quiconque, du cardinal à « l’expert privé », avait titre à participer aux affaires du Concile, qu’il fût ou non favorable aux vues du Coetus. […] Aussi spontanément que le Coetus des Pères, se constitua le coetus mineur de leurs théologiens : amitié d’abord, puis, et très vite, collaboration fraternelle et quotidienne selon les intentions du Coetus majeur[33] . »
Comme le montre cette citation, le CIP comportait des théologiens dont il ne faudrait pas négliger le rôle. Les deux plus importants d’entre eux furent l’abbé Victor-Alain Berto et dom Georges Frénaud (moine à Solesmes) [34] , mais d’autres s’adjoignirent au groupe de façon au moins occasionnelle, comme le père Marie-Rosaire Gagnebet, dominicain français [35] . Le travail des théologiens consistait essentiellement à étudier les schémas, à composer des notes et des mémoires pour les évêques et à les distribuer dans Rome, ainsi qu’à aider les Pères conciliaires dans l’élaboration de leurs interventions orales ou écrites [36] .
Au début de la session, le groupe n’avait, pour ainsi dire, aucun moyen matériel. Cependant, à partir du début du mois de novembre [37] , il améliora son fonctionnement par l’acquisition d’une machine à ronéotyper qui lui permit de toucher un plus grand nombre de Pères conciliaires. Matériellement plutôt démuni au cours de cette deuxième session, le Coetus Internationalis Patrum avait cependant d’assez bons contacts qui pouvaient lui laisser escompter une action au sommet et lui permettre de contourner les voies habituelles : le comité directeur pouvait espérer recevoir le soutien du cardinal Ottaviani (secrétaire de la Congrégation du Saint-Office, président de la Commission doctrinale) ; par les cardinaux Siri (archevêque de Gênes), et surtout Ruffini (archevêque de Palerme), il avait accès au conseil de présidence ; par le cardinal Siri et par Mgr Carli, il avait ses entrées dans la Conférence épiscopale italienne ; Mgr Carli était un ancien du Latran, et il était à la tête du petit diocèse de Segni, celui dont était originaire Mgr Felici (secrétaire général du Concile).
Dès le début de la session, les dirigeants du CIP n’hésitèrent d’ailleurs pas à utiliser tous les moyens et contacts possibles pour parvenir à leurs fins. Ainsi, dès les premiers jours, ils s’adressèrent directement au pape, probablement via le cardinal Ruffini ou le cardinal Siri, pour dénoncer le fonctionnement du Concile qui nuisait à son action et à la possible victoire des idées de la minorité. Ils proposèrent donc une façon de procéder radicalement différente, mais leur demande n’eut aucune suite [38].
Durant la deuxième session, le Coetus Internationalis Patrum est donc officieusement né. Il faut cependant souligner qu’il n’agit pas encore publiquement en tant que groupe. La pétition demandant la condamnation du communisme qu’il remit au cardinal Cicognani (secrétaire d’État du Vatican) en décembre 1963, par exemple, était accompagnée d’une lettre signée par Mgrs de Proença Sigaud et de Castro Mayer, dans laquelle il n’était nulle part fait mention du groupe auquel ils appartenaient [39] . Il en était de même des études critiques sur les schémas De Revelatione, De Ecclesia et De Episcopis ac de dioecesium regimine que le groupuscule avait envoyées au secrétariat général du Concile durant l’intersession [40] . S’il ne prit aucun nom et resta discret, le CIP était tout de même relativement structuré et organisé, comme le prouve l’existence du comité directeur et des assemblées générales, ainsi que la tactique adoptée par les membres du comité directeur pour contrer les points qu’ils jugeaient ambigus, à savoir de coordonner les interventions des membres du groupe et de les faire soussigner par d’autres.
Le CIP entre dans une nouvelle dynamique
À partir de la deuxième intersession (5 décembre 1963 – 13 septembre 1964), le Coetus entra dans une nouvelle phase de son histoire. Après la clôture de la deuxième session, conforté par le discours de Paul VI et par l’audience qu’il avait eue avec lui, Mgr Lefebvre avait décidé de continuer à aller de l’avant et mobilisa ses troupes [41] . C’est ainsi que, pendant l’intersession, le groupe tint quatre réunions à Solesmes, lesquelles donnèrent lieu à la rédaction de divers documents, dont deux suppliques au pape [42] . Celles-ci, ainsi qu’une pétition demandant la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie [43] qui fut remise par Mgr de Proença Sigaud directement à Paul VI, montrent que le groupe escomptait une action au sommet et qu’il espérait que le pontife romain se servirait de son autorité pour infléchir le cours des débats dans leur sens.
Par ailleurs, c’est pendant cette deuxième intersession que le groupe naquit officiellement. Les archives contiennent une lettre circulaire, datée du 5 août et signée par Mgrs Lefebvre, de Proença Sigaud, Cabana (archevêque de Sherbrooke), Silva Santiago (archevêque titulaire de Petra in Palaestina), Lacchio (archevêque de Changsha) et Cordeiro (archevêque de Karachi), annonçant un regroupement de Pères conciliaires attachés à la « tradition de l’Église ». Ils justifiaient ce rassemblement par les ajouts faits récemment au règlement du Concile, permettant aux Pères dont la pensée était semblable de se regrouper pour que l’un d’entre eux prenne la parole au nom de tous [44] . Cette lettre peut être considérée comme le premier acte de naissance officiel du CIP, même si aucun nom n’était encore donné au groupe ; il n’apparut qu’au début de la session.
Un autre élément vient confirmer que le CIP était entré dans une nouvelle dynamique à partir de 1964 : Mgr Lefebvre et l’abbé Berto sont arrivés à Rome quelques jours avant l’ouverture de la troisième session (14 septembre – 21 novembre 1964) pour organiser le travail [45] . Ils avaient voyagé en voiture, de façon à pouvoir disposer sur place d’un moyen de transport plus efficace que ne l’étaient les bus et les taxis [46] . Arrivés à Rome, le supérieur général des spiritains et l’abbé Berto travaillèrent à fédérer les « romains », c’est-à-dire les tenants de la théologie romaine traditionnelle, et à tout préparer pour que l’action du groupe soit plus efficace que lors des sessions précédentes [47] . Contrairement aux deux premières sessions, le Coetus commençait donc la troisième en étant organisé : Mgr Lefebvre et son peritus avaient pris les contacts nécessaires pour mobiliser les traditionalistes, ils avaient une voiture, un local, et la première réunion de travail était prévue pour le mardi suivant l’ouverture officielle de la session.
Tout comme ce fut le cas durant la deuxième session, le CIP continua à tenir ses réunions-conférences du mardi soir [48]. Outre celles-ci, qui n’eurent pas beaucoup de succès, le groupe avait mis sur pied un secrétariat tout près de la place Saint-Pierre [49] . Les Pères conciliaires pouvaient venir y chercher les documents produits par les membres du groupe. Il est difficile d’évaluer l’impact de ce secrétariat mais, selon ce qu’il est possible de déduire des archives, il semble avoir été minime. Cependant, la stratégie privilégiée par le groupe pour cette session fut la production et la distribution de modi (amendements) [50]. Ils étaient préparés chez le cardinal Larraona [51] qui avait mis son matériel de polycopie et ses deux secrétaires à la disposition du groupe [52] . Le travail – du moins celui des théologiens – était donc complètement différent de celui de l’année précédente.
Si le Coetus Internationalis Patrum gardait la structure et l’organisation adoptées durant la deuxième session, la tactique et les conditions de travail n’étaient pas les mêmes. Les dirigeants du CIP s’étaient adaptés à la conjoncture particulière de cette session et produisirent un flot presqu’ininterrompu de modi, espérant ainsi modifier in extremis les passages des schémas qu’ils jugeaient ambigus ou contraires à la tradition de l’Église. Le groupe, qui avait davantage de ressources, et qui avait le soutien explicite de plusieurs cardinaux, n’était plus seulement sur la défensive. Sa tactique était plus offensive et sa stratégie bien arrêtée. Elle pourrait se résumer en la formule suivante, souvent employée par Victor-Alain Berto à partir de la date du 17 septembre : « fédérer les romains [53] ».
La troisième intersession (22 novembre 1964 – 13 septembre 1965) et la quatrième session (14 septembre – 8 décembre 1965) furent tout à fait similaires à la deuxième intersession et à la troisième session au niveau des stratégies d’action et de l’organisation. Les archives sont plus rares que pour les sessions précédentes pour éclairer cet aspect, mais durant la dernière intersession le CIP tint des réunions, cette fois à Solesmes [54] et à Rome [55] , et il envoya des études sur les schémas au secrétariat général du Concile. Pendant la session elle-même, il distribua aux Pères conciliaires des modi, des consignes de votes et des lettres circulaires ; il adressa des lettres au pape, au secrétariat général, ou aux modérateurs ; il lança une pétition. Il n’est actuellement pas possible d’affirmer avec certitude que les réunions-conférences du mardi soir continuèrent, car les archives disponibles n’en conservent aucune trace, mais une lettre de l’abbé Berto laisse croire qu’il était prévu qu’elles aient lieu [56] . Il semble donc qu’il n’y ait pas eu, au niveau de l’organisation matérielle et de la stratégie adoptée par le Coetus Internationalis Patrum au cours de la quatrième session, la moindre différence majeure par rapport à la session précédente. En revanche, le groupe avait perdu l’un de ses principaux acteurs, l’abbé Victor-Alain Berto, qui fut victime d’une thrombose rétinienne peu de temps après la clôture de la troisième session ; il ne put donc accompagner le groupe à Rome [57]. Pendant l’intersession, le CIP avait également été désavoué par le secrétaire d’État comme regroupement particulier au sein du Concile et donc susceptible de diviser l’assemblée [58], mais les membres du groupe décidèrent de n’en point tenir compte et continuèrent à s’opposer aux idées qu’ils jugeaient inacceptables dans les schémas conciliaires, avec les mêmes moyens qu’auparavant. Tout au plus évitèrent-ils d’utiliser – pour un temps – le nom qu’ils s’étaient donné au cours de la troisième session [59] .
La tactique évolua donc au fil des sessions et le groupe s’adapta à la progression des travaux dans l’aula. Ainsi, à partir de la troisième session, lorsque les Pères conciliaires furent appelés à voter sur de nombreux schémas, le CIP prépara et distribua de très nombreux modi. Pendant les intersessions, le moyen privilégié par le Coetus était la production d’études sur les schémas et des interventions auprès du pape. Ces deux moyens n’étaient pas dédaignés lors des sessions, mais s’y ajoutaient les interventions dans l’aula, parfois coordonnées, la distribution de modi, les conférences du mardi soir, et le secrétariat situé tout près de la Place Saint-Pierre pour diffuser sa pensée auprès des Pères conciliaires. À tout cela, il faut ajouter les pétitions, dont trois furent majeures : celle qui demandait la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, et les deux qui réclamaient la condamnation explicite du communisme. Ces différentes stratégies montrent que les dirigeants du CIP avaient bien compris le souci conciliaire de rechercher le consensus. Ainsi, ce que le groupe a surtout cherché à faire, c’est d’empêcher l’unanimité morale des « libéraux », espérant ainsi faire triompher la théologie romaine traditionnelle. L’abbé Berto ne voulait pas signifier autre chose lorsqu’il parlait de « fédérer les romains ». Cependant, les archives ne permettent pas de voir la moindre stratégie d’alliance ni la moindre association du Coetus avec un autre groupe, comme par exemple la minorité espagnole, le « groupe des évêques missionnaires », le « groupe des supérieurs généraux », ou encore les conférences épiscopales particulières, comme par exemple l’italienne, où le cardinal Siri, Mgr Carli, et d’autres membres du CIP étaient également actifs.
L’impact du CIP sur les schémas du Concile
État de la question
Les membres et sympathisants du CIP se prononcèrent sur chacun des seize textes conciliaires promulgués [60] . S’ils avaient des critiques à faire sur chacun d’eux, elles ne furent pas toutes de la même teneur. Certains schémas n’avaient pas une importance doctrinale majeure, et le CIP ne fit à leur sujet que des jugements et des reproches de détails. Ce fut le cas pour les schémas sur les moyens de communications sociales (Inter Mirifica), sur l’apostolat des laïcs (Apostolicam Actuositatem), sur les Églises orientales catholiques (Orientalium Ecclesiarum), et sur l’éducation catholique (Gravissimum Educationis).
D’autres schémas avaient des conséquences doctrinales plus importantes, mais les membres du Coetus ne se prononcèrent tout de même pas beaucoup sur eux, peut-être par manque de temps, car il fallait choisir ses combats. Ce fut le cas des schémas sur le ministère et la vie des prêtres (Presbyterorum Ordinis), sur le renouvellement de la vie religieuse (Perfectae Caritatis), sur la formation des prêtres (Optatam Totius), et sur l’activité missionnaire de l’Église (Ad Gentes). Le fait qu’ils ne se mobilisèrent pas contre ces textes ne signifie pas qu’ils en étaient satisfaits – des témoignages montrent qu’ils auraient souhaité les voir rédigés dans un autre esprit et certains d’entre eux firent l’objet d’interventions assez dures –, mais qu’ils n’avaient pas de griefs doctrinaux d’une importance majeure contre eux.
Pour d’autres schémas, l’opposition des membres et sympathisants du CIP fut virulente. Parmi eux, il faut considérer, avec une importance variable, les schémas sur la liturgie (Sacrosanctum Concilium), sur l’œcuménisme (Unitatis Redintegratio), sur la charge pastorale des évêques (Christus Dominus), sur l’Église (Lumen Gentium), sur la Révélation (Dei Verbum), sur la liberté religieuse (Dignitatis Humanae), sur les religions non chrétiennes (Nostra Aetate), et sur les rapports de l’Église avec le monde (Gaudium et Spes). Pour tous ces schémas, dont trois dépendaient du secrétariat pour l’Unité des chrétiens, l’opposition fut plus ou moins véhémente, mais les membres du CIP condamnèrent la plupart d’entre eux en bloc, parce qu’ils réprouvaient l’orientation théologique dans laquelle ils avaient été rédigés, et parce qu’ils estimaient que l’enseignement qui y était véhiculé s’opposait à la doctrine traditionnelle de l’Église.
Quelques exemples
Sans aborder ici tous les schémas conciliaires, ni même entrer dans les détails, nous nous interrogerons sur l’efficacité des interventions du Coetus Internationalis Patrum dans la rédaction des textes conciliaires, en mettant en évidence les grands points contre lesquels les membres et sympathisants du CIP s’élevèrent, de façon à voir si le groupe a réussi ou non à faire modifier certains de ces textes, et dans quelle mesure.
Concernant le schéma sur la liturgie, qui ne fut débattu qu’à la première session, les futurs membres et sympathisants du CIP, qui craignaient que les modifications liturgiques n’altèrent l’unité de la foi, s’opposèrent tout particulièrement à l’introduction des langues vernaculaires – à la fois dans la liturgie et dans l’office divin –, à la concession de compétences liturgiques aux conférences épiscopales, à la communion sous les deux espèces, à la concélébration (sauf dom Prou), et aux changements touchant les sacrements, tout particulièrement l’extrême-onction. Rien de tout cela ne fut agréé par la Commission liturgique, et le schéma promulgué alla dans un autre sens que celui qu’aurait souhaité le Coetus : l’usage des langues vernaculaires fut étendu, les compétences des conférences épiscopales élargies, la communion sous les deux espèces et la concélébration acceptées, et l’extrême-onction transformée en sacrement des malades [61]
Pour ce qui est du schéma sur l’œcuménisme, les membres du Coetus firent valoir que l’Église catholique romaine, sous l’autorité du souverain pontife, était l’unique voie ordinaire de salut et que, par conséquent, l’œcuménisme ne pouvait se concevoir autrement que comme le retour des chrétiens séparés dans son giron. Ils reprochaient donc principalement au schéma de favoriser un faux irénisme, d’atténuer les distinctions entre les Églises, de concéder de trop grands moyens de salut en dehors de l’Église catholique, de délayer la primauté pontificale en ne présentant pas le pape comme l’unique source d’unité, et enfin, de reconnaître que le Saint-Esprit pouvait agir aussi dans les communautés non catholiques en tant que telles. Les principes défendus par les membres du CIP dans ce débat étaient surtout l’unité et l’unicité de l’Église, fondée sur Pierre, la nécessité absolue de l’Église catholique pour le salut et l’obligation d’exposer la foi catholique clairement et intégralement, sans faux irénisme. Pour le Coetus, il était donc absolument inadmissible et inconcevable que l’Église puisse s’insérer et trouver sa place dans le mouvement œcuménique né au début du XXe siècle. Cependant, le schéma ne fut pas modifié dans le sens demandé par le groupe, et les modi qu’il déposa à son endroit ne furent pas bien accueillis par la Commission. Nous pouvons donc affirmer que le CIP n’a pas réussi à changer la perspective théologique et l’esprit dans lequel le schéma avait été composé. Néanmoins, nous ne pouvons pas déclarer que le groupe n’eut aucun impact sur le schéma. Sans l’adversité pugnace du Coetus, Paul VI aurait-il soumis des amendements de dernière minute dans le but de favoriser la plus grande unanimité possible ? Peut-être pas [62].
Le schéma sur l’Église – non le premier, mais celui issu de la « seconde préparation » – fut l’un de ceux qui mobilisèrent le plus le Coetus Internationalis Patrum. Ses membres estimaient que le schéma était mauvais, que son esprit était exécrable, qu’il était équivoque et qu’il prônait une doctrine nouvelle. Ils s’élevèrent contre certaines expressions qu’ils jugeaient ambiguës, ils défendirent le caractère hiérarchique et monarchique de l’Église, mais le point contre lequel ils concentrèrent leurs forces fut la notion de collégialité épiscopale. Ils firent valoir que le pape était le seul chef de l’Église, et que la plénitude du pouvoir résidait dans sa seule personne. Lors de la deuxième session, ils subirent une défaite majeure avec le vote du 30 octobre, au cours duquel l’assemblée accepta le principe de la collégialité. Mais ils ne désarmèrent pas pour autant et redoublèrent d’ardeur dans la bataille au cours de la deuxième intersession et de la troisième session. Ils furent tenus en échec jusqu’au dernier moment, puisque la très grande majorité des modi qu’ils avaient distribués sur le schéma furent écartés par la Commission. Cependant, un événement fortuit changea le cours des choses lorsque Paul VI demanda, à la dernière minute, que l’on inséra une Nota explicativa praevia pour expliciter le sens dans lequel il fallait interpréter le schéma. Le CIP n’était peut-être pas directement à l’origine de ce texte, mais il y était tout de même pour quelque chose, car le fait qu’il n’ait jamais désarmé et qu’il eut protesté vigoureusement contre le rejet de ses modi a probablement incité le pape à imposer cette note [63] .
Le Coetus déploya beaucoup d’énergie pour lutter contre le schéma sur les rapports de l’Église avec le monde. Les membres du groupe, qui avaient une vision tout à fait similaire du monde contemporain – considéré comme une menace contre laquelle l’Église devait protéger les fidèles –, estimaient que le schéma était rempli d’erreurs, qu’il était ambigu et contradictoire, qu’il sentait le libéralisme, le modernisme et d’autres « ‑ismes », en un mot, qu’il était en opposition avec la doctrine traditionnelle de l’Église. Ils s’opposèrent jusqu’au bout au schéma : pour les votes sur la première partie, ils distribuèrent des modi, mais pour la deuxième, ils incitèrent les Pères conciliaires à voter non placet à tous les scrutins. N’ayant pas réussi à faire modifier substantiellement le texte, après avoir reçu le texte révisé et l’expensio modorum, le CIP adressa aux Pères conciliaires une lettre circulaire les appelant à voter non placet. Il ne réussit cependant pas à empêcher l’unanimité morale. Néanmoins, comme pour les autres schémas, il est parvenu à faire ajouter des incises, à faire modifier quelques propositions, et à adoucir certaines opinions [64]. Par exemple, après deux pétitions, dont la deuxième fut signée par plus de quatre cents Pères conciliaires [65], le Coetus est parvenu à faire insérer dans le texte une note de bas de page concernant l’enseignement de l’Église sur le communisme. C’était loin d’une condamnation explicite et formelle de cette idéologie – telle que l’avaient demandée les membres du groupe – mais cet ajout permet d’affirmer que le CIP eut une influence sur le document.
Le schéma sur la liberté religieuse fut celui à propos duquel le Coetus Internationalis Patrum intervint le plus. Ses membres protestèrent avec vigueur contre toutes les versions de ce schéma, de la première à la sixième. Avec celle contre la collégialité des évêques, la lutte contre la liberté religieuse fut la plus importante du CIP, celle dans laquelle ses membres mirent toutes leurs forces et toute leur énergie, car, sans entrer dans les détails de leurs griefs, ils jugeaient ce schéma inacceptable, radicalement contraire à la doctrine traditionnelle de l’Église et au magistère des papes, réalisé selon les désirs et la pensée des hommes modernes, et non selon la pensée permanente de l’Église. Les membres du groupe défendaient donc le principe classique de la thèse (liberté de l’Église catholique dans les pays non catholiques) et de l’antithèse (tolérance des non-chrétiens dans les pays catholiques). Cependant, malgré son opposition acharnée et toute l’énergie qu’il déploya contre le schéma jusqu’au dernier moment, que ce soit à travers les interventions orales et écrites de ses membres, les lettres et requêtes à Paul VI, aux Modérateurs (quatre cardinaux chargés de diriger les débats à partir de la deuxième session), au secrétariat général, et ses lettres circulaires appelant les Pères conciliaires à voter non placet, le Coetus Internationalis Patrum ne réussit pas à empêcher l’unanimité morale, ni à faire changer l’esprit dans lequel il avait été écrit. Néanmoins, le groupe eut tout de même une influence sur ce document, qui fut réécrit cinq fois, en raison notamment de son opposition systématique. Le Coetus, par sa contestation continuelle et tenace, a empêché que ce texte soit voté à la fin de la troisième session. Pendant l’intersession, le secrétariat pour l’Unité des chrétiens a dû rédiger un nouveau texte qui suivait largement les indications fournies par Mgr Colombo (théologien personnel du pape) dans son allocution du 25 octobre 1964. Il s’agissait probablement d’une intervention télécommandée, qui prenait en compte les desiderata de la minorité jugés recevables. Ainsi, si le Coetus n’a pas réussi à faire rejeter le texte comme il l’aurait espéré, ou à faire changer la perspective dans laquelle il avait été écrit, il eut tout de même une influence sur la déclaration Dignitatis humanae, qui aurait été d’une autre teneur sans l’antagonisme du CIP [66].
Conclusion
Finalement, nous pouvons considérer que, d’une façon générale et malgré son organisation, son action multiforme et sa stratégie, le Coetus Internationalis Patrum n’a pas réussi à changer l’esprit ni la perspective théologique dans lesquels les textes qu’il pourfendait avaient été écrits. Cependant, son opposition a conduit à l’adoucissement de plusieurs affirmations, et, dans le détail, il a réussi à faire remanier certaines phrases, à changer certaines propositions ou à atténuer certaines expressions. Certains des textes du Concile sont des documents de compromis qui n’auraient pas été ce qu’ils sont si le Coetus n’avait, par son opposition incessante et tatillonne, réussi à faire modifier certains passages.
À la clôture du Concile, les membres les plus importants du Coetus Internationalis Patrum s’étaient engagés à continuer le combat en résistant à l’interprétation libérale qui pourrait être faite des textes conciliaires. Pour cela, ils décidèrent de fonder une revue dans laquelle il ne s’agissait pas de rejeter le Concile ou de s’y opposer, mais de l’interpréter dans un sens conservateur et de dénoncer les interprétations qui s’éloigneraient de la doctrine traditionnelle. Les dirigeants du CIP ont donc quitté Rome déterminés à demeurer dans la résistance, chacun dans son diocèse, et à inciter les membres et sympathisants du groupe, ainsi que d’autres évêques, à résister également. Après un premier projet, qui ne fonctionna pas, une revue intitulée Fortes in Fide fut créée, mais elle cessa rapidement de paraître car la formule n’était pas viable [67] .
Dans un premier temps, les anciens membres du comité directeur se battirent donc contre l’interprétation qu’ils jugeaient « non traditionnelle » des documents conciliaires. Mais cette position, d’inconfortable qu’elle était, devint rapidement difficile à tenir, car l’Église catholique s’imprégnait chaque jour davantage de l’esprit du Concile qu’ils pourfendaient si vigoureusement. Il fallait donc, pour ces hommes imbus de la théologie post-tridentine et nourris du magistère des papes des XIXe et début XXe siècles, recevoir un Concile qu’ils considéraient en opposition avec la théologie et la doctrine qu’ils avaient reçues ; il leur fallait accepter des textes qu’ils estimaient contraires à la doctrine traditionnelle de l’Église et, plus les années passaient, adhérer à des paroles et à des gestes de la papauté qu’ils jugeaient en contradiction avec la doctrine dont ils avaient été nourris.
Les textes du Concile et l’évolution de l’Église post-conciliaire mirent donc les anciens du Coetus, du moins les plus convaincus, dans un désarroi terrible [68] . Pourtant, dans un premier temps, aucun d’entre eux ne rejeta le Concile, pas même Mgr Lefebvre ni Mgr de Castro Mayer. En ce sens, le Coetus Internationalis Patrum ne se trouve aucunement à l’origine d’une dissidence ; il est simplement un groupe de la minorité parmi d’autres. Mais l’évolution postérieure de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro Mayer peut-elle nous faire conclure autrement ?
En 1974, Mgr Lefebvre déclara ouvertement la guerre à l’Église postconciliaire avec sa fameuse déclaration du 21 novembre :
« Nous adhérons de tout cœur, de toute notre âme à la Rome catholique, gardienne de la foi catholique et des traditions nécessaires au maintien de cette foi, à la Rome éternelle, maîtresse de sagesse et de vérité.
Nous refusons par contre et avons toujours refusé de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile dans toutes les réformes qui en sont issues. […] [69] »
Les conséquences de cette déclaration ne se firent pas attendre : en mai 1975, la FSSPX était supprimée par Mgr Mamie, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg. Mgr Lefebvre refusa de se soumettre et de fermer son séminaire : « Demander que nous fermions le séminaire d’Écône, c’est nous demander de collaborer à la destruction de l’Église [70] ». L’année suivante, le 29 juin 1976, il fut frappé d’une suspense a divinis pour avoir ordonné treize prêtres sans lettres dimissoriales. Il continua, en expliquant ainsi les raisons de son insoumission :
« En définitive, cette suspense me prive de dire la messe… nouvelle, de donner les sacrements nouveaux. On me demande l’obéissance à l’« Église conciliaire », comme l’appelle Mgr Benelli. Mais cette Église conciliaire est une Église schismatique, parce qu’elle rompt avec l’Église catholique de toujours [71] . »
Après la publication du nouveau code de droit canonique (1983) et la réunion interreligieuse d’Assise (1986), il envisagea sérieusement de sacrer un ou plusieurs évêques pour la survie de son œuvre, ce qu’il fera le 30 juin 1988. Le lendemain, il fut excommunié latae sententiae avec Mgr Antonio de Castro-Mayer – qui était venu le soutenir – et les quatre évêques qu’il venait de sacrer. Il se trouva alors dans un état de dissidence par rapport à l’Église postconciliaire. Peut-on dire que le CIP en soit la genèse ? Oui et non. Non, si l’on considère que le CIP en lui-même n’est pas la cause de leurs choix et de leurs idées, mais plutôt la conséquence d’un aggiornamento auquel ils refusèrent d’adhérer pour les raisons évoquées dans cet article. Non, car ils furent seulement deux sur les plus de soixante membres et sympathisants du CIP – sans compter les plus de huit cents Pères conciliaires qui signèrent l’un ou l’autre des documents du groupe – à se retrouver dans cet état [72] . Oui, si l’on considère que le combat de ces deux prélats contre les idées conciliaires a commencé au Concile, au sein du Coetus Internationalis Patrum, et que les idées qu’ils défendaient – celles du magistère préconciliaire intégral – n’ont pas varié.
Source : Philippe J. Roy, « Le Coetus Internationalis Patrum au concile Vatican II : genèse d’une dissidence ? », Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 18, septembre-décembre 2012 [en ligne, www.histoire-politique.fr]
- La Documentation catholique, 29 mars 1959, col. 385–388.[↩]
- Après avoir été préparé par une commission, un schéma était distribué aux Pères conciliaires, aux experts et aux observateurs. Lorsqu’il arrivait en Congrégation générale, il était d’abord présenté par un membre de la commission, appelé rapporteur. Il était ensuite discuté, d’abord dans son ensemble, puis dans des points particuliers. Les Pères conciliaires qui voulaient intervenir pouvaient le faire de deux manières : oralement ou par écrit. Lorsqu’ils désiraient s’exprimer devant l’assemblée, ils devaient s’inscrire plusieurs jours à l’avance. L’intervention devait être faite en latin et durer au maximum dix (plus tard huit) minutes. Une fois les discussions sur un schéma closes, la Commission compétente devait examiner les modi (amendements) et revoir le texte en fonction de ceux qu’elle avait acceptés. Le schéma amendé était ensuite distribué aux Pères conciliaires à qui il était demandé de se prononcer par des votes placet (positif), non placet (négatif) ou placet iuxta modum (positif avec des réserves). Les Pères qui choisissaient cette dernière option devaient déposer leurs modi à la Commission compétente, qui devait les examiner et intégrer ceux qu’elle acceptait. Le nouveau texte était ensuite soumis à l’assemblée qui devait le voter – par placet ou non placet – dans chacune de ses parties. Si le texte était accepté, il était à nouveau soumis à un vote solennel avant d’être promulgué par le pape au cours d’une séance publique.[↩]
- Voir Philippe J. Roy, Le Coetus Internationalis Patrum, un groupe d’opposants au sein du concile Vatican II, thèse de doctorat en cotutelle sous la direction de Gilles Routhier et de Jean-Dominique Durand, Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’université Laval, Département d’histoire de la Faculté des Lettres et Civilisations de l’université Jean Moulin Lyon 3, 2011, 8 tomes, 2 331 p.[↩]
- Marcel Lefebvre (1905–1991). Il naquit en 1905 à Tourcoing, dans une famille profondément catholique. Il fut élève de l’Institution Libre du Sacré-Cœur avant d’entrer au Séminaire français de Rome en 1923, alors que l’institution était dirigée par le père Henri Le Floch, l’un des chefs de file du catholicisme intransigeant du début du XXe siècle. Il sortit de cette institution docteur en philosophie et en théologie. Il fut ordonné en 1929. Après un an de vicariat dans une paroisse ouvrière de Lille, il entra au noviciat des spiritains, congrégation dans laquelle il fit profession en septembre 1932. Il devint alors missionnaire au Gabon jusqu’en 1945, date à laquelle il fut nommé supérieur du scolasticat des spiritains à Montain. En 1947, Pie XII le nomma vicaire apostolique de Dakar et évêque titulaire d’Anthedon. Il fut sacré le 18 septembre suivant par le cardinal Liénart. En 1948, il devint archevêque titulaire d’Arcadiopolis in Europa et Délégué apostolique du Sénégal. Quelques années plus tard, le 14 septembre 1955, il fut intronisé premier archevêque de Dakar par le cardinal Tisserant. Dans ces différentes tâches, il travailla activement à l’affirmation d’une Église africaine. Hostile à la décolonisation (qu’il estimait prématurée), il fut transféré au siège épiscopal de Tulle le 23 janvier 1962. Quelques mois plus tard, il fut élu Supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit. Le 11 août suivant, il démissionna de sa charge à Tulle et fut nommé archevêque titulaire de Synnada in Phrygia. Il fut membre de la Commission centrale préparatoire du Concile, où il se fit déjà remarquer comme conservateur.[↩]
- Antonio de Castro-Mayer (1904–1991). Il naquit en 1904 à Campinas (Brésil). Étudiant à la Grégorienne de 1924 à 1927, il obtint son doctorat en théologie à Rome, où il fut ordonné prêtre le 30 octobre 1927. Par la suite, il fut professeur au Grand Séminaire de São Paolo – où enseignait également Mgr Geraldo de Proença Sigaud –, chanoine de la cathédrale, curé de la paroisse Saint-Joseph de Balem et vicaire général du diocèse de São Paolo. En février 1945, il fut sanctionné pour avoir donné son appui à un ouvrage de Plinio Corrêa de Oliveira dénonçant les infiltrations progressistes dans l’Action catholique brésilienne (Em defesa da Ação Católica, São Paulo : Ave Maria, 1943). Il fut donc nommé vicaire économe d’une paroisse rurale et professeur à l’université catholique de São Paolo. Le 6 mars 1948, il fut nommé évêque coadjuteur de Campos et titulaire de Prienne. Sacré le 23 mai suivant, il accéda au siège le 3 janvier 1949. En 1969, il obtint la permission de maintenir l’usage du rite tridentin dans son diocèse. Atteint par la limite d’âge, il démissionna de sa charge le 29 août 1981. Son successeur, Mgr Carlos Alberto Etchandy Gimeno Navarro, décida d’imposer la réforme liturgique à tout le diocèse. Cette décision créa de telles tensions que Mgr de Castro Mayer décida de fonder une Union sacerdotale Saint-Jean-Marie-Vianney pour la préservation du rite tridentin et le maintien de la doctrine traditionnelle. Le 30 juin 1988, Mgr de Castro Mayer participa comme consécrateur aux sacres faits par Mgr Lefebvre à Écône. Cela lui valut l’excommunication en même temps que Mgr Lefebvre et les quatre évêques sacrés.[↩]
- Voir Bernard Tissier de Mallerais. Marcel Lefebvre, une vie. Étampes, Clovis, 2002.[↩]
- Salvador Gómez de Arteche y Catalina, Grupos « extra aulam » en el II Concilio Vaticano y su influencia, thèse de doctorat soutenue à faculté de droit de l’université de Valladolid, 1980, 3 vol., 9 tomes, 2 585 f.[↩]
- Luc Perrin, « Il« Coetus Internationalis Patrum » e la minoranza conciliare », dans Maria Teresa Fattori, Alberto Melloni(dir.), L’Evento e le decisioni, Studi sulle dinamiche del concilio Vaticano II, Bologna, Il Mulino, 1997, p. 173–187.[↩]
- Luc Perrin, « Le Coetus Internationalis Patrum et la minorité à Vatican II », Catholica, n° 63, (printemps 1999), p. 71–84.[↩]
- Giuseppe Alberigo (dir.), Histoire du Concile Vatican II (1959–1965), 5 tomes, Paris, Éditions du Cerf ; Louvain, Éditions Peeters, 1997–2005.[↩]
- Acta et Documenta Concilio Oecumenico Vaticano II apparando, Città del Vaticano : Typis polyglottis vaticanis, Series I, Antepraeparatoria : Vol. I : « Acta Summi Pontificis Joannis XXIII », 1960 ; Vol. II : « Consilia et vota episcoporum ac praelatorum (8 tomes divisés en ères géographiques et 2 tomes d’appendices, 1960–1961 ; Vol. III : « Proposita et monita SS. Congregationum Curiae Romanae », 1960 ; Vol. IV : « Studia et vota Universitatum et Facultatum Ecclesiasticarum et Catholicarum » (3 tomes), 1961 ; Volume d’« Indices », 1961. Serie II, Praeparatoria : Vol. I : « Acta Summi Pontificis Ioannis XXIII », 1964 ; Vol. II : « Acta pontificae Commissionis Centralis praeparatoriae Concilii Oecumenici Vaticani II » (4 tomes), 1965–1968 ; Vol. III : « Acta Comissionum et Secretariatuum praeparatorium Concilii Oecumenici Vaticani II » (2 tomes), 1969 ; Vol. IV : « Acta Subcommissionum Comissionis Centralis Praeparatoriae » (3 tomes), 1988, 1993, 1994[↩]
- Acta synodalia Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II, Città del Vaticano : Typis polyglottis vaticanis, 1970–2000, 6 tomes, 35 volumes.[↩]
- Annuario pontificio, Città del Vaticano, Tipografia Poliglotta Vaticana, notamment 1959–1965.[↩]
- Ralph Michael Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre, Le Concile inconnu, Paris, Éditions du Cèdre, 1974.[↩]
- Yves Congar, Mon Journal du Concile, Paris, Éditions du Cerf, 2002, 2 tomes.[↩]
- Giovanni Caprile, Il Concilio Vaticano II, Roma, 1965–1969, 5 vol. en 6 tomes.[↩]
- Henri Fesquet, Le journal du Concile, Paris, Robert Morel Forcalquier, 1966.[↩]
- René Laurentin, T. 1 : L’enjeu du Concile ; T. 2 : Bilan de la première session ; T. 3 : Bilan de la deuxième session ; T. 4 : Bilan de la troisième session ; T. 5 : Bilan du Concile, Paris, Éditions du Seuil, 1962–1967.[↩]
- Robert Rouquette, La fin d’une chrétienté. Chroniques, Paris, Éditions du Cerf, 1968, 2 vol.[↩]
- Antoine Wenger, Vatican II. Première session ; Vatican II. Chronique de la deuxième session ; Vatican II. Chronique de la troisième session ; Vatican II. Chronique de la quatrième session, Paris, Éditions du Centurion, 1963–1966.[↩]
- Lettre de Mgr Marcel Lefebvre au cardinal William Godfrey, Rome, le 19 octobre 1962. Archives du Séminaire d’Écône (ASE), E02-05, 001.[↩]
- Gilles Routhier, Philippe J. Roy et Karim Schelkens, La théologie catholique entre intransigeance et renouveau. La réception des mouvements préconciliaires à Vatican II, Louvain-la-Neuve, Leuven, Brepols Publishers, 2011.[↩]
- Lettre de Mgr Geraldo de Proença Sigaud à Mgr Marcel Lefebvre, Diamantina, le 18 avril 1963, ASE E02-09A, 001.[↩]
- Geraldo de Proença Sigaud (1909–1999). Il naquit à Belo Horizonte le 26 septembre 1909. Il reçut la vêture dans la Société du Verbe Divin en 1926. Deux ans plus tard, il prononçait ses premiers vœux, avant d’être envoyé à Rome pour y faire un doctorat en théologie à la Grégorienne entre 1928 et 1932. C’est dans la Ville Éternelle qu’il fit ses vœux perpétuels en 1931, et qu’il fut ordonné prêtre en 1932. Il devint ensuite professeur de théologie fondamentale et dogmatique au Grand Séminaire de São Paolo où enseignait également Mgr Antonio de Castro Mayer. Après avoir donné son appui à un ouvrage de Plinio Corrêa de Oliveira dénonçant les infiltrations progressistes dans l’Action catholique brésilienne (Em defesa da Ação Católica, São Paulo : Ave Maria, 1943), il fut sanctionné, tout comme Mgr de Castro Mayer, et envoyé en Espagne en mars 1946. Cependant, quelques mois plus tard, le 29 octobre 1946, il fut nommé évêque de Jacarèzinho par Pie XII, et sacré le 1er mai 1947. Le 20 décembre 1960, il fut transféré à l’archevêché de Diamantina. Secrétaire du Coetus Internationalis Patrum pendant le Concile, il ne suivit pas Mgr Lefebvre dans sa contestation du Concile. Il démissionna de sa charge à Diamantina le 10 septembre 1980 et mourut le 5 septembre 1999.[↩]
- Lettre de Mgr Marcel Lefebvre à Mgr Geraldo de Proença Sigaud, Paris, le 4 mai 1963, ASE, E02-09A, 001.[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto au chanoine Madec, le 19 septembre 1963, Archives des Dominicaines du Saint-Esprit (ADSE), fonds Victor-Alain Berto ; « Notice biographique », Notre-Dame de Joie, Correspondance de l’abbé V. A. Berto, prêtre 1900–1968, 2e édition, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1989, p. 41.[↩]
- Victor-Alain Berto (1900–1968). Il est né en 1900 à Pontivy dans le Morbihan. Après l’obtention de son baccalauréat ès lettres en 1917, il continua ses études à l’université où il obtint une licence ès lettres en 1919. Il fut ensuite professeur à Lorient, Dinan et Vitré. En 1920, il fut admis dans le Tiers Ordre dominicain et fit profession en 1922 à Rome, car entre-temps, en 1921, il était entré au Séminaire français de Rome (de 1921 à 1926), alors sous l’égide du père Henri Le Floch à qui il vouera toute sa vie une grande admiration. C’est à Rome qu’il fut ordonné prêtre pour le diocèse de Vannes le 3 avril 1926, dans la basilique Saint-Jean de Latran. Il fut vicaire dans la paroisse de Noyal-Pontivy, de 1926 à 1928, avant d’enseigner, à partir de 1929, l’Écriture sainte au Grand Séminaire de Vannes. En 1932, il fut éloigné de l’enseignement et devint aumônier du pensionnat des Ursulines de Vannes. Il y fut jusqu’en 1942, tout en étant directeur du Tiers-Ordre dominicain à Vannes, directeur de l’enseignement religieux du diocèse et aumônier des Guides de France. Mais à cette époque, son évêque le nomma également responsable de l’œuvre de l’Adoption, destinée à secourir les garçons orphelins ou en difficulté et qu’il dirigera jusqu’à sa mort, non sans l’avoir transformée de façon astucieuse : cette fondation caritative avait pour mission de confier des enfants en difficulté à des familles auxquelles elle payait une pension, mais l’abbé Berto voulut leur offrir une véritable famille, un véritable foyer et dans ce but il fonda le Foyer Notre-Dame de Joie. Il recruta son premier personnel parmi les jeunes professeurs du pensionnat des Ursulines. Son œuvre grandit à une telle vitesse que la première maison ouverte à La Bousselaie vers 1936 fut bientôt trop petite. Le Foyer ouvrit une deuxième maison à Fescal (1939), puis il s’établit à Pontcalec (1955). Le 21 janvier 1943, quelques jeunes tertiaires s’engagèrent à part entière pour le Foyer et devinrent les premières religieuses de ce qui deviendra l’Institut des Dominicaines du Saint-Esprit. Il mourut le 17 décembre 1968.[↩]
- Agenda de dom Jean Prou, Mercredi 2 octobre 1963, Archives de l’abbaye bénédictine de Solesmes (AABS).[↩]
- Procès-verbal de l’assemblée du jeudi 3 octobre à 17 h 00, ADSE, fonds Victor-Alain Berto. En croisant les archives, il semble que cette assemblée eut plutôt lieu le mercredi 2 octobre.[↩]
- Luigi Maria Carli (1914–1986). Il naquit à Comacchio le 19 novembre 1914. Après avoir fréquenté le Séminaire régional de Bologne (1930–1932), il fut envoyé à Rome comme étudiant au Séminaire romain et à l’Apollinaire. Il en ressortit diplômé en théologie et en droit (iure utroque). Il fut ordonné prêtre le 20 juin 1937. Après son ordination, il devint recteur du séminaire de Comacchio et vicaire général de ce diocèse. Nommé évêque de Segni le 31 juillet 1957, il fut sacré le 21 septembre suivant. Le 26 janvier 1973, il fut nommé archevêque de Gaëte. Au Concile, il fut membre de la Commission préparatoire de episcopis et dioecesium regimine, puis de la commission conciliaire correspondante.[↩]
- Ralph M. Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre, Le Concile inconnu, Paris, Éditions du Cèdre, 1974, p. 88–89.[↩]
- Acta Synodalia Sacrosancti Concilii Oecumenici Vaticani II (AS), II/V, 72–75.[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto au directeur de Rivarol, le 19 mars 1966. ADSE, fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à MB, Rome, le 17 octobre 1963. ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ». Les dominicaines du Saint-Esprit tiennent à ce que la plupart des destinataires des lettres de l’abbé Berto demeurent anonymes. C’est pourquoi nous utilisons des initiales. Elles renvoient la plupart du temps à des religieuses de la communauté.[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à MM, Rome, le 12 novembre 1963. ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à une dominicaine du Saint-Esprit (D.), Rome, le 5 octobre 1963 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à MB, Rome, le 17 octobre 1963. ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à une dominicaine du Saint-Esprit (D), Rome, le 6 novembre 1963. ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre du Coetus Internationalis Patrum à Paul VI, s.d., mais au début de la deuxième session ; « Ratio nova procedendi in congregationibus generalibus proposita », annexée à la précédente lettre, ASE, fonds Marcel Lefebvre, E.02.10.002. Lettre de Mgr Pericle Felici à Mgr Marcel Lefebvre, État du Vatican, le 11 novembre 1963 ; Lettre de Marcel Lefebvre au cardinal Ruffini, Rome, le 13 novembre 1963, ASE, fonds Marcel Lefebvre, E02-10. « Colloquium primum », procès-verbal de la réunion du 6 octobre 1963 ; « Colloquium alterum », procès-verbal de la réunion du mardi 8 octobre 1963 ; « Congressus alter », procès-verbal de l’assemblée du mardi 8 octobre 1963 ; « Colloquium tertium », procès-verbal de la réunion du jeudi 10 octobre 1963 ; « Colloquium quartum », procès-verbal de la réunion du samedi 12 octobre à la maison généralice de la Congrégation du Très Saint Sauveur, ADSE, fonds Victor-Alain Berto. Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à M.P., Rome, le 13 novembre 1963, ADSE, fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de Mgr de Proença Sigaud et de Mgr de Castro Mayer, Campos, le 31 juillet 1963, AABS, Carton dom Prou-Vatican II, dossier n° 20.[↩]
- ASE, E02-09A, 004 ; Archivio Segreto Vaticano (ASV), Fonds concile Vatican II, Carton 762, 272 et Carton 765, 294, fascicolo 3 ; AS II/I, 647–652 ; AS II/IV, 851 ; AS III/III, 888–891.[↩]
- Lettre de Mgr Marcel Lefebvre à Mgr Pericles Felici, Paris, le 8 février 1964, ASE, E02-09A, 001 ; Lettre de Mgr Marcel Lefebvre à dom Jean Prou, Paris, le 23 décembre 1963, AABS, carton dom Prou – Vatican II, dossier n° 20.[↩]
- Voir Philippe J. Roy : Le Coetus Internationalis Patrum…, op. cit., p. 733–779.[↩]
- Archives de l’archidiocèse de Diamantina (AAD), fonds Geraldo de Proença Sigaud. Pour l’histoire détaillée de cette pétition, voir Philippe J. Roy : Le Coetus Internationalis Patrum…, op. cit., p. 750–758.[↩]
- Lettre circulaire de Mgr Marcel Lefebvre, Mgr Geraldo de Proença Sigaud, Mgr Georges Cabana, Mgr Alfredo Silva Santiago, Mgr Secondino Petronio Lacchio et Mgr Josephus Cordeiro, le 5 août 1964, ASE, fonds Marcel Lefebvre, E 02–10, 003 ; AABS, fonds Jean Prou, Carton dom Prou-Vatican II, dossier n° 17, « Die 5a Augusti 1964 ».[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à C.M., le 26 août 1964. ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Ibid.[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto aux Dominicaines du Saint-Esprit, Rome, le 8 septembre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à B., le 10 septembre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto aux Dominicaines du Saint-Esprit, Rome, le 12 septembre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à C.M., le 12 septembre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à M., le 13 septembre 1964. ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à C.M., Rome, le 12 septembre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à une Dominicaine du Saint-Esprit (Jn), Rome, le 14 septembre 1964, ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ». Lettre circulaire de Mgr Marcel Lefebvre aux présidents des conférences épiscopales, Rome, le 21 septembre 1964, ASE, fonds Marcel Lefebvre, E.02.10.004 ; Journal de Mgr Geraldo de Proença Sigaud, AAD, fonds Geraldo de Proença Sigaud ; Tract du 2 octobre 1964, AAD, fonds Geraldo de Proença Sigaud ; Tract du 6 octobre 1964, ASE, fonds Marcel Lefebvre, E.02.10.004 ; Tract du 16 octobre, AAD, fonds Geraldo de Proença Sigaud ; Tract du 21 octobre, AAD, fonds Geraldo de Proença Sigaud, ASE, fonds Marcel Lefebvre, E.02.10.004 ; Tract du 21 octobre 1964, ASE, fonds Marcel Lefebvre, E.02.10.004 ; Tract du 27 octobre 1964, ASE, fonds Marcel Lefebvre, E.02.10.004, AAD, fonds Geraldo de Proença Sigaud.[↩]
- Tract du 2 octobre 1964, AAD, fonds Geraldo de Proença Sigaud ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à A., le 23 septembre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à D., le 23 septembre 1964, ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican »[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à D., le 12 octobre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à J.L., le 12 octobre 1964, ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Arcadio Larraona (1887–1973). Il naquit à Oteiza de la Solona en 1887. Entré chez les Missionnaires Fils du Cœur Immaculé de Marie (clarétains), il reçut l’habit en 1902 et fit sa profession solennelle l’année suivante. De 1902 à 1911, il étudia la philosophie et la théologie à l’université de Cervera. Après son ordination, en 1911, il partit étudier à Rome, à l’université Saint Apollinaire, où il obtint un doctorat in utroque iure. En 1916, il travailla à la préparation du Code de Droit Canon, proclamé par Benoît XV l’année suivante. À partir de l’année académique 1919–1920, et pendant une quarantaine d’années, il enseigna le droit à l’Apollinaire. Il enseigna également à l’Athénée pontifical Urbaniana, ainsi qu’à la Scuola Pratica de la Sacrée Congrégation pour les Religieux. En 1923, il fut nommé directeur du journal Commentarium pro Religiosis, qu’il avait fondé avec le père Maroto quelques années auparavant. En plus d’avoir occupé plusieurs postes au sein de sa Congrégation, il fut visiteur apostolique de plusieurs ordres et congrégations religieuses. En 1929, il fut nommé consulteur de la Sacrée Congrégation pour les Églises orientales et de la Sacrée Congrégation des religieux. En 1933, il devint membre de la Commission pontificale pour la codification du droit canonique oriental. En 1943, il fut nommé sous-secrétaire, puis, en 1949, secrétaire de la Congrégation pour les religieux. En 1944, il devint membre du conseil général de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la foi. Jean XXIII le créa cardinal lors du consistoire du 14 décembre 1959. En 1961, il fut nommé pénitencier majeur. En 1962, il devint préfet de la Sacrée Congrégation des Rites et président de la Commission pontificale pour la liturgie sacrée. Le 5 avril de la même année, il fut nommé archevêque titulaire de Diocaesarea in Isauria et reçut la consécration épiscopale le 19 avril suivant. Il se retira de sa charge de préfet de la Congrétation des rites le 9 janvier 1968. En 1969, il fut nommé cardinal-prêtre du San Cuore di Maria. Dans le cadre de la préparation du Concile, il fut nommé membre de la Commission centrale préparatoire et président de la Commission préparatoire sur la liturgie. Pendant le Concile, il fut président de la Commission de la liturgie.[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à B., le 25 septembre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à M.P., le 26 septembre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à D., le 3 octobre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à M., le 5 octobre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à J.L., le 12 octobre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto aux Dominicaines du Saint-Esprit, le 18 octobre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à P., le 5 octobre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à J.L., le 12 octobre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à Cl., le 9 octobre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à J.L., le 12 octobre 1964 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à C.M., le 30 octobre 1964. ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto aux Dominicaines du Saint-Esprit, le 17 septembre 1964, ADSE, Fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de Mgr Marcel Lefebvre à dom Jean Prou, Paris, le 22 juin 1965 ; Lettre de Mgr Marcel Lefebvre à dom Jean Prou, Paris, le 1er juillet 1965, AABS, carton dom Prou – Vatican II, dossier n° 20 ; Agenda de dom Jean Prou, Jeudi 15 juillet 1965 ; Agenda de dom Prou, Mercredi 21 juillet 1965, AABS ; Lettre de Mgr Marcel Lefebvre à l’abbé Victor-Alain Berto, Paris, le 18 août 1965, ADSE, fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de Mgr Marcel Lefebvre à l’abbé Victor-Alain Berto, Rome, le 25 juillet 1965, ADSE, fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto au chanoine Madec, le 9 septembre 1965, ADSE, fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto à Mgr Luigi Carli, Notre-Dame de Joie, le 29 juin 1965, dans Nicla Buonasorte, « Per la « pura, piena, integra fede cattolica » : il p. Victor Alain Berto al concilio Vatican II », Cristianesimo nella storia 22, 2001, p. 140 ; Lettre de l’abbé Victor-Alain Berto au cardinal Alfredo Ottaviani, le 24 janvier 1965, ASV, fonds Concile Vatican II, Carton 756, dossier 243 ; Lettre de Mgr Marcel Lefebvre à l’abbé Victor-Alain Berto, Rome, le 24 septembre 1965, ADSE, fonds Victor-Alain Berto, dossier « Le deuxième Concile du Vatican ».[↩]
- Lettre du cardinal Amleto Cicognani à Mgr Luici Carli, Cité du Vatican, le 11 août 1965, AS VI/IV, 140–141 ; AAD, fonds Geraldo de Proença Sigaud.[↩]
- Par exemple, lettre du groupe aux modérateurs, Rome, le 18 septembre 1965, AS V/III, 360–362, ou « Petitio quorundam Patrum », Rome, le 21 septembre 1965, AS V/III, 372.[↩]
- Cette partie est basée sur les résultats de notre thèse de doctorat : Philippe J. Roy, Le Coetus Internationalis Patrum…, op. cit.[↩]
- Voir P.J. Roy, Le Coetus Internationalis Patrum…, op. cit., p. 355–389.[↩]
- Voir P.J. Roy, Le Coetus Internationalis Patrum…, op. cit., p. 421–436 ; 643–676 ; 901–945.[↩]
- Ibid., p. 535–613 ; 807–883.[↩]
- Ibid., p. 989‑1012 ; 1201–1289.[↩]
- ASE, E.02,11,002 ; AAD, Fonds Geraldo de Proença Sigaud, AS V/III, 557–561.[↩]
- Voir P.J. Roy, Le Coetus Internationalis Patrum…, op. cit., p. 666–673 ; 901–912 ; 918–938 ; 1115–1200.[↩]
- Ibid., p. 1376–1390.[↩]
- Ibid.[↩]
- Ce document est reproduit dans B. Tissier de Mallerais, Marcel Lefebvre…, op. cit., p. 654–655.[↩]
- COSPEC (Conférences spirituelles de Mgr Lefebvre à Écône), 1er décembre 1975. [↩]
- « Quelques réflexions à propos de la « suspense a divinis » », 29 juillet 1976. Cité dans B. Tissier de Mallerais, Marcel Lefebvre…, op. cit., p. 514.[↩]
- Pour la liste des membres et sympathisants du CIP, ainsi que celle des Pères conciliaires qui signèrent l’un ou l’autre des documents du groupe, voir P.J. Roy, Le Coetus Internationalis Patrum…, op. cit., p. 45–126.[↩]