Dés-​ordre sacramentel

Cérémonie de baptême.

L’ordre des sacre­ments entre eux est trop sou­vent igno­ré de la pra­tique contemporaine. 

À Pâques, cette année encore, les bap­têmes d’adultes et d’adolescents ont aug­men­té de manière spec­ta­cu­laire. Assurément il s’agit d’une bonne nou­velle qui certes tra­duit en creux (ce qui n’est pas nou­veau) une déchris­tia­ni­sa­tion pro­fonde du pays (et cor­ré­la­ti­ve­ment, une chute non moins spec­ta­cu­laire du nombre de bap­têmes d’enfants), mais qui mani­feste aus­si que la grâce de Jésus-​Christ conti­nue d’agir dans les cœurs et que la foi catho­lique n’a pas dit son der­nier mot d’autant qu’il faut ajou­ter à ces nou­veaux bap­ti­sés, ceux qui, tout en l’étant déjà, viennent aujourd’hui à la foi et à l’Eglise, faute de trans­mis­sion reçue dans le cadre fami­lial et/​ou parois­sial. L’Eglise catho­lique en France pour­rait donc trou­ver un nou­vel élan si ces bap­têmes étaient suf­fi­sam­ment bien pré­pa­rés et accompagnés.

Or rien n’est moins sûr : les remon­tées de ter­rain (qui, certes, n’ont pas la pré­ci­sion et la rigueur des sta­tis­tiques) montrent que le sacre­ment de bap­tême est par­fois confé­ré en dehors de toute logique sacra­men­telle. À titre d’exemple, le mariage catho­lique n’est pas tou­jours exi­gé de ceux qui, vivant pour­tant déjà en couple, demandent le bap­tême ou la confir­ma­tion. Très fré­quem­ment l’assistance à la messe du dimanche n’est pas une condi­tion sine qua non pour ceux qui demandent le bap­tême, comme si la loi de l’Eglise – tou­jours en vigueur – n’exprimait pas le lien essen­tiel entre bap­tême et eucha­ris­tie, le bap­tême trou­vant son accom­plis­se­ment dans la com­mu­nion à la messe ; la messe domi­ni­cale appor­tant au bap­tême l’aliment indis­pen­sable qui lui per­mette de s’affermir, de s’épanouir et de por­ter ses fruits.

Ce désordre sacra­men­tel appa­raît encore avec la confes­sion, qui n’est pas tou­jours exi­gée, ou même seule­ment pro­po­sée, à ceux qui reçoivent la confir­ma­tion ou l’eucharistie. Au contraire elle est par­fois don­né à des per­sonnes qui vivent dans une situa­tion conju­gale irré­gu­lière de sorte que les sacre­ments de péni­tence et de mariage sont décon­nec­tés et vécus de manière sépa­rée (et donc fausse).

Pourtant la doc­trine catho­lique enseigne que les sept sacre­ments s’articulent les uns aux autres au point de par­ler d’un orga­nisme sacra­men­tel. Si cha­cun des sacre­ments per­met à l’homme, dans des situa­tions de vie à chaque fois dif­fé­rente, d’être rat­ta­ché à – et comme gref­fé sur – Jésus-​Christ, il ne peut être reçu, sous peine de faus­se­té et de sté­ri­li­té, sans lien avec d’autres. L’unité et la cohé­rence entre les sept rites ins­ti­tués par Jésus-​Christ expliquent pour­quoi ils forment ensemble un ordre sacramentel.

La pra­tique actuelle dans les dio­cèses, trop sou­vent, désor­donne mal­heu­reu­se­ment le sep­té­naire : les sacre­ments ne sont plus tou­jours liés les uns aux autres et pro­po­sés les uns en cohé­rence avec les autres : ils sont désar­ti­cu­lés comme les pièces éparses d’un puzzle, dont l’image – l’homme revê­tu du Christ – n’apparaît plus clairement.

Source : Apostol, mai 2025. Image : Godong.