Le sacrement de pénitence

Le retour du fils prodigue par Rembrandt, 1668.

Quand le juste pèche sept fois le jour, cer­tains catho­liques boudent mal­gré tout le sacre­ment de la misé­ri­corde divine.

Au terme du Carême et dans la pers­pec­tive de la com­mu­nion pas­cale, les catho­liques fer­vents ont cou­tume de pré­pa­rer et de faire une bonne confes­sion. Même si le pré­cepte ecclé­sias­tique de la confes­sion annuelle n’oblige pas en un temps par­ti­cu­lier, l’Église ne peut que se féli­ci­ter d’une cou­tume si salutaire.

Malheureusement, nombre de catho­liques boudent de nos jours le sacre­ment de péni­tence et com­mu­nient d’autant plus sou­vent qu’ils se confessent plus rare­ment. Quand le juste pèche sept fois le jour, cer­tains gardent mal­gré tout leurs dis­tances avec le sacre­ment de la misé­ri­corde divine.

Dans ce contexte, un sur­vol rapide du décret du concile de Trente consa­cré au sacre­ment de péni­tence ne peut qu’être utile à tous : aux uns pour per­sé­vé­rer dans leurs bonnes habi­tudes, aux autres pour les acqué­rir sans retard.

Institué par mode de jugement

Dès l’abord, le concile de Trente rap­pelle que, si la péni­tence comme ver­tu a été néces­saire de tout temps pour le par­don divin, la péni­tence comme sacre­ment n’a été ins­ti­tuée par le Christ que le soir de Pâques :

« Avant la venue du Christ, la péni­tence n’était pas un sacre­ment ; et après sa venue, elle n’en est un pour per­sonne avant le bap­tême. Or le Seigneur a prin­ci­pa­le­ment ins­ti­tué ce sacre­ment de péni­tence lorsque, res­sus­ci­té des morts, il souf­fla sur les dis­ciples en disant : “Recevez l’Esprit-Saint ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remet­trez ; ils seront rete­nus à ceux à qui vous les retien­drez”. » (ch. 1)

Pour bien cer­ner la nature spé­ci­fique de chaque sacre­ment, il faut exa­mi­ner le mode propre à cha­cun d’entre eux. Ainsi le bap­tême a‑t-​il été ins­ti­tué comme puri­fi­ca­tion, la confir­ma­tion comme conso­li­da­tion, l’eucharistie comme ali­ment, l’extrême-onction comme sou­la­ge­ment, le mariage comme contrat et l’ordre comme pou­voir. Mais qu’en est-​il du sacre­ment de pénitence ?

Au dire du saint concile, ce sacre­ment est un jugement :

« Qu’ils se pré­sentent en cou­pables devant ce tri­bu­nal pour que, par la sen­tence des prêtres, ils puissent être libé­rés… » (ch. 2)

« Notre Seigneur Jésus-​Christ a lais­sé les prêtres pour tenir sa place (cf. Mt 16, 19 ; 18, 18 ; Jn 20, 23) en tant que pré­si­dents et juges aux­quels seraient défé­rées toutes les fautes mor­telles dans les­quelles tom­be­raient les chré­tiens, afin que, en ver­tu du pou­voir des clés, ils pro­noncent la sen­tence qui remet ou retient les péchés. Il est, en effet, évident que les prêtres ne pour­raient exer­cer ce juge­ment si la cause ne leur était connue, et qu’ils ne pour­raient agir équi­ta­ble­ment dans l’injonction des peines si les péni­tents décla­raient leurs péchés d’une manière géné­rale et non pas plu­tôt en les spé­ci­fiant et en les pré­ci­sant. » (ch. 5)

« Doivent aus­si être expli­quées en confes­sion les cir­cons­tances qui changent l’espèce du péché, parce que sans elles ces péchés ne sont pas entiè­re­ment expo­sés par les péni­tents ni connus des juges. » (ch. 5)

« [L’absolution] est à l’image d’un acte judi­ciaire par où une sen­tence est pro­non­cée par le prêtre comme un juge. » (ch. 6)

« Parce que la nature et la consti­tu­tion d’un juge­ment demandent que la sen­tence soit por­tée sur des sujets, on a tou­jours été per­sua­dé dans l’Église de Dieu —et ce concile confirme que cela est très vrai— que ne doit avoir aucune valeur l’absolution pro­non­cée par un prêtre sur quelqu’un sur lequel il n’a pas juri­dic­tion ordi­naire ou délé­guée. » (ch. 7)

« Les anciens Pères eux aus­si croient et enseignent que le pou­voir des clés a été accor­dé aux prêtres non seule­ment pour délier, mais aus­si pour lier (cf. Mt 16, 19 ; 18, 18 ; Jn 20, 23, can. 5). Et ils n’ont pas, à cause de cela, esti­mé que le sacre­ment de la péni­tence était un tri­bu­nal de colères et de peines… » (ch. 8)

« Si quelqu’un dit que l’absolution sacra­men­telle n’est pas un acte judi­ciaire, mais un simple minis­tère qui pro­nonce et déclare que les péchés sont remis à celui qui les confesse, pour­vu seule­ment qu’il croie qu’il est absous, qu’il soit ana­thème. » (cn. 9)

Le sacre­ment de péni­tence a certes été ins­ti­tué par le Christ sous forme de juge­ment, mais un juge­ment très par­ti­cu­lier où le cou­pable s’accuse lui-​même et où le juge est tout dis­po­sé à par­don­ner dès lors que le fau­tif se pré­sente à lui avec un cœur contrit.

Le signe visible du sacrement

Selon le caté­chisme, les sacre­ments sont les signes visibles d’une grâce invi­sible ins­ti­tués par Jésus-​Christ. Le signe visible du sacre­ment se com­pose d’une matière, d’une forme et d’un ministre. Ainsi, pour que la grâce invi­sible de puri­fi­ca­tion du péché ori­gi­nel soit confé­rée, il faut néces­sai­re­ment que le ministre dise les paroles sacra­men­telles (= forme) tout en ver­sant l’eau (= matière). Faute de quoi, le bap­tême ne serait pas admi­nis­tré vali­de­ment et la grâce confé­rée effectivement.

Aussi le concile de Trente a‑t-​il pris soin de défi­nir les élé­ments qui com­posent le signe visible du sacre­ment de pénitence :

« Le saint concile enseigne que la forme du sacre­ment de la péni­tence, dans laquelle réside prin­ci­pa­le­ment sa ver­tu, est pla­cée dans ces paroles du ministre : “Je t’absous, etc.”. » (ch. 2)

« Sont quasi-​matière de ce sacre­ment les actes du péni­tent lui-​même, la contri­tion, la confes­sion et la satis­fac­tion. » (ch. 3)

« Alors qu’il allait mon­ter de la terre au ciel, Notre Seigneur Jésus-​Christ a lais­sé les prêtres pour tenir sa place (cf. Mt 16, 19 ; 18, 18 ; Jn 20, 23) en tant que pré­si­dents et juges aux­quels seraient défé­rées toutes les fautes mor­telles dans les­quelles tom­be­raient les chré­tiens, afin que, en ver­tu du pou­voir des clés, ils pro­noncent la sen­tence qui remet ou retient les péchés. » (ch. 5)

On mesure alors l’illusion de ceux qui s’imaginent obte­nir le par­don divin en s’adressant direc­te­ment à Dieu sans recou­rir au sacre­ment de péni­tence ou en par­ti­ci­pant aux céré­mo­nies d’absolution collective !

Comment le prêtre pourrait-​il por­ter un juge­ment au nom de Dieu sur une cause qui lui est incon­nue ? En réa­li­té, faute d’accuser, de regret­ter et de répa­rer les péchés com­mis, per­sonne ne peut rece­voir la grâce du sacre­ment de pénitence.

Autant ima­gi­ner qu’on pour­rait rece­voir la grâce du bap­tême sans que l’eau soit ver­sée, ou la grâce de l’ordination sacer­do­tale sans que l’évêque impose les mains à l’ordinand, ou la grâce du mariage sans que les futurs mani­festent leur consentement !

La confession annuelle

C’est pour­quoi le concile de Trente pro­digue ses encou­ra­ge­ment à tous ceux qui pro­fitent du Carême pour se confesser :

« Par le concile du Latran, l’Église n’a pas sta­tué que les chré­tiens se confes­se­raient —elle avait com­pris que cela était néces­saire et ins­ti­tué de droit divin—, mais que le pré­cepte de la confes­sion serait accom­pli au moins une fois par an pour tous et cha­cun de ceux qui auraient atteint l’âge de la rai­son. D’où il vient que, dans l’Église uni­ver­selle et avec un grand fruit pour les âmes, est obser­vée cette cou­tume salu­taire de se confes­ser au temps saint et très pro­pice du Carême, cou­tume que ce saint concile approuve gran­de­ment et embrasse comme pieuse et à gar­der à juste titre. » (ch. 5)

Puissions-​nous tirer un pro­fit spi­ri­tuel de ce sacre­ment, non seule­ment une fois par an, mais aus­si sou­vent que nécessaire !