Candide, le Père de Chivré l’était assurément par la blancheur de son habit de lumière, par la parole splendide puisée aux sources intarissables de la candeur éternelle : l’Hostie et l’Immaculée !
Le 5 Août 2009,
Beaucoup ici n’ont pas connu, ni entendu le Père de Chivré, mort il y a 25 ans[1]. Ils l’ont lu peut-être et j’espère qu’ils ont su le lire en faisant résonner en eux cette voix disparue.
Car il faut entendre ce que nous lisons lorsqu’il s’agit d’un frère prêcheur qui parle la langue des hommes pour leur prêcher le Christ, et s’adresse à tout ce qui fait l’homme : l’âme, l’esprit et le cœur pour que tout l’homme vibre à l’annonce du Christ. Il faut écouter ce que nous lisons sous peine de ne rien comprendre, hélas ! L’idéal serait de lire à voix haute, ou de faire lire par un autre, afin d’entendre ce que la simple lecture passive ne peut pas exprimer, d’autant que le père est un chantre et un poète, fidèle à l’antique tradition, qui veut que « Poète et prêtre ne faisaient qu’un à l’origine…Mais le vrai poète est toujours resté prêtre, comme le vrai prêtre est toujours resté poète »
Et il est difficile d’évoquer en quelques mots la figure du Père, sa prédication, sa vie. En outre, tant de choses ont déjà été dites et écrites sur lui par ceux qui l’ont connu. Alors que dire encore aujourd’hui ?
Le Père disait de lui qu’il faisait une « tache de lumière », faisant allusion à son bel habit blanc qui mettait un peu de lumière dans l’obscurité des lieux où il passait. Il pensait peut-être aussi à sa prédication qu’il voulait toujours pleine de lumière, exigeante mais remplie d’espérance et de joie. Mais nous pouvons, quant à nous, penser à sa personne tout entière.
Jean Guitton, accueillant le Père Carré à l’Académie Française en 1976, eut quelques belles réflexions : « vous appartenez à cet ordre dominicain dont la vocation est de transmettre à chaque époque ce que l’on a contemplé d’une manière secrète ». Il voulut ensuite dessiner un diptyque : les dominicains et les jésuites ! nous ne le suivrons pas dans tous son discours et je ne retiendrai que ceci : « le dominicain conserve l’esprit du Moyen-âge. Il a la candeur du héraut d’armes. Il clame, il proclame…il prêche sans trop se soucier des adaptations. C’est un croisé ! ».
Comment ne pas penser au Père en lisant cela ? La candeur du Père !
Les litanies du Saint Nom de Jésus évoquent cette candeur en l’attribuant à Notre-Seigneur : « Jesu, candor lucis eternæ »… éclat de la lumière éternelle… Jésus-Christ, le plus candide des hommes, le plus pur et le plus lumineux, splendeur et Sagesse éternelle de Dieu.
Chez les autres hommes, la candeur devient cette vertu morale mêlant pureté et fermeté, innocence et rectitude… comme une naïveté surnaturelle et volontaire qui préfère toujours s’étonner du mal et du péché que de s’y habituer ou s’y complaire… qui n’ignore pas le mal mais le considère toujours comme anormal et ne lui demande rien d’autre que de disparaître pour laisser place à la lumière !
Le Père était, je crois, de la race de ces candides, tellement préservés par la prière et purifiés par le sacrifice, tellement innocents et faussement naïfs que le mal n’a pas prise sur eux. Le mal est toujours impuissant à briser l’espérance et la joie de ces cœurs purs tellement sûrs de Dieu et de la grâce qu’ils étincellent et font reculer les ténèbres.
Cette candeur, âprement préservée, est le secret de leur force et de leur audace, de la contagion de leur paix et de leur joie, car cette candeur surnaturelle n’est pas le fruit de l’ignorance mais d’une science plus haute, elle est le fruit de l’Amour et de la Haine… Amour du Verbe éternel de Dieu, Jésus-Christ lumière du monde, qu’il importe de ne pas diminuer sous prétexte de l’adapter au monde ou à une époque… Haine des ténèbres du mensonge et du mal dont il faut délivrer les âmes en leur disant le Verbe éternel et immuable dans un langage humain et fraternel, comme le fit le verbe lui-même se révélant aux hommes et leur disant Dieu à travers et au moyen d’une humanité semblable à la leur…
Candeur… splendeur et pureté de la lumière éternelle,
Candeur… innocence, fraîcheur, intégrité,
Candeur du héraut d’armes et du croisé,
Le Croisé intègre, intrépide et intraitable dans sa fidélité à sa parole et à sa foi,
Le croisé qui se bat toujours,
sans autre motif que l’honneur et l’amour de Jésus-Christ et des âmes,
sans autre haine au cœur que celle du péché et du mal.
Tout cela manifesté par la blancheur d’un habit de lumière, par une parole splendide parce qu’intacte et pure, puisée aux sources intarissables de la candeur éternelle : l’Hostie et l’Immaculée !
L’HOSTIE, toujours la même, intacte et parfaite, parole vivante de Dieu fait homme, parole vivante et purifiante saisissant nos âmes pour enflammer nos paroles et leur donner l’éclat de la lumière éternelle, l’éclat de la vérité et de la bonté, l’éclat de la miséricorde, l’éclat de la victoire et de la résurrection.
L’Hostie fidèle à nous rejoindre au cœur de notre âme, de notre première à notre dernière communion, de notre première à notre dernière messe, pour faire de nos vies une incessante communion, pour faire de nos messes quotidiennes l’unique messe du Calvaire où l’Amour triomphe et annonce la Résurrection.
La VIERGE, toujours la même, IMMACULÉE.
Mère de nos consentements et de nos loyautés, Mère de nos OUI et de nos fidélités pour faire de nos vies un OUI unique au Verbe de Dieu, un OUI à tous les désirs de l’Hostie pour nous laisser saisir et dévorer jusqu’au dernier battement de nos cœurs demeurés innocents, candides comme au jour de la première visite de la grâce à nos âmes.
La candeur, en définitive, est la beauté et la douceur d’une âme qui s’est gardée pure pour Jésus-Christ, intacte et fraîche comme au jour de son baptême pour l’hostie de sa communion quotidienne, conservée intacte et pure par l’Hostie et par sa Mère.
Le Père, je crois, avait conservé cette candeur baptismale, faite d’innocence, de fraîcheur et de pureté dans une âme aussi droite et forte qu’une épée de croisé. Il l’avait préservée au prix de multiples combats et cette candeur brillait dans son sourire et dans cette faculté devenue si rare aujourd’hui… faculté d’étonnement devant la méchanceté, la lâcheté, la trahison… faculté d’admiration et d’émerveillement devant le beau et le bien, ce qui est sans doute la meilleure façon de décourager le mal et de faire reculer la laideur.
Il aimait chanter la grâce et la bonté de Dieu,
Chanter la beauté de Jésus-Christ et de l’Hostie,
Chanter la douceur de la Vierge Immaculée,
Chanter l’héroïsme des saints connus ou cachés.
Il aimait, et le faisait presque sans y penser – mais non sans le désirer – soulever, encourager, enthousiasmer les âmes… et la moindre de ses paroles parlait au cœur en donnant le désir de devenir meilleur et de mieux aimer.
Car il ne prêchait que les réalités supérieures, le plus belles et les plus exaltantes, celles qui mettent au cœur l’espérance et le désir d’aimer, offertes aux plus misérables et aux plus petits.
Il prêchait la lumière… celle de Noël et celle de Pâques.
Il prêchait Jésus-Christ, candeur de la lumière éternelle.
Il prêchait l’Hostie, la Messe, la grâce.
Il prêchait Jésus crucifié, les rigueurs de la foi, les exigences de la charité.
Il prêchait, comme saint Paul, Jésus ressuscité et les promesses des Béatitudes.
Il prêchait l’espérance, la paix et la joie inhérentes aux belles et saintes batailles.
Et il prêchait, bien sûr, la Vierge Immaculée, ne cessant d’égrener la litanie de ses apparitions et de ses grâces…
Nous savons que, enfant, il avait été confié par sa mère à la protection de la Vierge Marie. Et cette candeur est, sans aucun doute, un don spécial de la Vierge Immaculée. C’est elle qui, à Rome en plein été, avait recouvert l’Esquilin d’une neige estivale pour indiquer où devait demeurer son Fils. Ainsi, c’est elle encore qui avait répandu dans l’âme du Père un peu de sa propre candeur. Et c’est pourquoi la parole du Père ne savait faire autre chose que répandre cette même candeur sur les âmes qui venaient à lui pour trouver lumière, force et joie.
Pour mieux connaître les écrits et la pensée du Père de Chivré, rendez-vous sur le site de l’Association du Révérend Père de Chivré.
- Au moment où cet article est publié sur La Porte Latine, il y a 40 ans que le R. P. de Chivré est décédé, le 14 juillet 1984[↩]