Saint Dominique

Fondateur de l’Ordre des Frères Prêcheurs (1170–1221)

Fête le 4 août.

Espagnol de nais­sance, saint Dominique, par son apos­to­lat et par le déve­lop­pe­ment de son Ordre, est presque un Saint de France. C’est à Toulouse qu’il fon­da les Frères Prêcheurs. C’est à Prouille, près de Carcassonne, qu’il ins­ti­tue l’Ordre des Domi­nicaines et qu’il éta­blit la dévo­tion du Rosaire. C’est un Français, Réginald ou Regnaud d’Orléans, que la Sainte Vierge revêt du scapu­laire blanc, si popu­laire. En 1575, il y avait déjà en France cent qua­rante cou­vents domi­ni­cains. C’est à Paris que les deux plus grands doc­teurs de l’Ordre, le bien­heu­reux Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin, enseignent devant une mul­ti­tude d’é­tu­diants, de prêtres, d’évêques, et même devant des rois. Les pro­vinces de France ont don­né de tous temps à l’Ordre d’é­mi­nents reli­gieux. Et cepen­dant, le Père d’une famille si fran­çaise par son allure et ses ori­gines, si riche d’ex­pan­sion et de vie com­mu­ni­ca­tive, est né sur un sol aus­tère, triste d’aspect : celui de la Vieille-Castille.

Naissance de saint Dominique.

C’est à Caleruega qu’il naquit, le 24 juin 1170, de Félix de Guzman et de Jeanne d’Aza, châ­te­lains du lieu. Le père était un homme très ver­tueux ; la mère, après avoir pro­vo­qué la véné­ra­tion publique, vif son culte recon­nu, en 1828, par le Pape Léon XII. Dominique était donc un enfant pré­des­ti­né. On sait le songe fameux qu’eut la bienheu­reuse Jeanne d’Aza au moment de le mettre au monde ; elle vit son enfant sous la forme d’un chien tenant dans sa gueule un flam­beau dont devait s’embraser toute la terre. De tous temps, on a tiré de ce pré­sage les plus beaux effets d’un sym­bo­lisme, d’ailleurs si bien jus­tifié. De Dominique on aime à dire aus­si qu’un essaim d’abeilles vint repo­ser sur sa bouche, sym­bole de la future dou­ceur. A sept ans l’en­fant fut confié (1177) à l’un de ses oncles, nom­mé Guillaume, archi­prêtre de Gumiel d’Izan, pour y faire, près de lui, sa pre­mière éducation.

Etudiant et chanoine.

Vers l’âge de qua­torze ans, Dominique s’acheminait vers Palencia, pour y fré­quen­ter les écoles qui, vingt-​cinq ans plus tard, don­nèrent nais­sance à une Université. Maîtres et élèves ne furent pas long­temps sans remar­quer l’ardeur au tra­vail, les brillants suc­cès et, tou­te­fois, l’humble atti­tude, si sym­pa­thique, du jeune étu­diant avide de science, des sciences divines par­ti­cu­liè­re­ment. Entre temps, il lui arri­va, pour sub­ve­nir aux besoins d’une rude famine, de vendre jusqu’à ses vête­ments, et, sacri­fice qui dut lui paraître plus dur encore, ses chers livres anno­tés de sa main.

— Pourrais-​je, disait-​il, étu­dier sur des peaux mortes, quand il y a des hommes qui meurent de faim ?

Un autre jour, voyant une pauvre femme pleu­rer son frère emme­né cap­tif chez les Maures, Dominique, qui n’avait plus d’argent, offrit de se vendre lui-​même pour rache­ter le pri­son­nier. Mais cette femme ne vou­lut point y consentir.

La répu­ta­tion de ses ver­tus s’étendit bien­tôt au loin ; l’évêque d’Osma, Martin de Bazan, qui venait de réunir ses cha­noines en com­mu­nau­té, sous la règle de saint Augustin, réso­lut, vers 1194, de leur adjoindre Dominique. Le jeune homme, qui peut-​être avait déjà reçu le sacer­doce, obéit au mes­sage du pré­lat et méri­ta bien­tôt par sa pié­té d’être nom­mé sous-​prieur du Chapitre.

Il eut aus­si une grande part dans le gou­ver­ne­ment du dio­cèse où il prê­cha pen­dant cinq ans avec grand succès.

Le convertisseur des Albigeois.

En 1203, Dominique avait trente-​trois ans, l’époque de la belle matu­ri­té. En ce temps-​là, le roi de Castille, Alphonse VIII, char­gea le nou­vel évêque d’Osma, Diego de Azevedo, ancien prieur des cha­noines, d’une impor­tante mis­sion à l’étranger. Dominique accompa­gnait ce der­nier. Ils pas­sèrent par le Languedoc. Alors, sévis­sait la fameuse héré­sie des Albigeois, ces néo-​manichéens qui sou­te­naient la doc­trine du « Double Dieu » : Bien et Mal. Cette doc­trine, si licen­cieuse dans ses consé­quences, avait, huit siècles aupa­ra­vant, séduit la jeu­nesse inquiète de saint Augustin ; elle sédui­sait de même les popu­la­tions méridionales.

Les comtes de Toulouse, les pre­miers pour­tant à mar­cher à l’assaut de Jérusalem au temps des Croisades, s’en étaient décla­rés les protec­teurs. Pour tout dire, Provençaux et Languedociens n’étaient pas fâchés, sans quit­ter la grande Eglise, d’avoir leur reli­gion à part à force de sim­pli­fier le catho­li­cisme, ils en arri­vaient à le détruire, en même temps qu’à ébran­ler les fon­de­ments de la famille et de toute morale. Ces héré­tiques consti­tuaient un véri­table dan­ger pour la socié­té ; ils étaient répan­dus de Marseille aux Pyrénées ; Albi, Mont­pellier, Béziers, Carcassonne, Avignon, étaient leurs prin­ci­paux fiefs.

Pour conju­rer ce péril redou­table, Innocent III éta­blit un plan de cam­pagne dont il ne fut pas entiè­re­ment le maître. On sait com­ment la croi­sade, dite « des Albigeois », sous la conduite du rigide Simon de Montfort, outre­pas­sa, par ses vio­lences guer­rières, les inten­tions du Pape, et com­ment, à par­tir de 1213, elle ne fut plus qu’une œuvre pour­sui­vie, par les sei­gneurs du Nord, pour dépos­sé­der les sei­gneurs du Midi, et par les rois de France, Philippe-​Auguste en par­ti­cu­lier, pour réunir le beau Languedoc à la cou­ronne. Mais l’in­tention der­nière du Pape Innocent III était d’extirper l’erreur au moyen de la per­sua­sion maniée par des hommes d’une ver­tu éprou­vée. Tel fut jus­te­ment le rôle de Diego de Azevedo, pen­dant quelques mois — il devait mou­rir en 1207, — et sur­tout le rôle de saint Dominique. Il ren­for­ça heu­reu­se­ment la mis­sion qu’exerçaient alors les moines de Cîteaux, et son apos­to­lat appa­rut aus­si sur­na­tu­rel qu’intelligemment métho­dique. Il éta­blit un peu par­tout des con­férences contradictoires.

L’une d’elles est res­tée célèbre par le fait mer­veilleux qui sou­li­gna l’intervention divine en faveur de Dominique : C’est « le miracle de Fangeaux ». Fangeaux est un bourg de l’Aude qui a pos­sé­dé un couvent de Dominicains jusqu’à la Révolution, et depuis 1923 un couvent de Dominicaines, dans lequel se voit encore la cha­pelle dite « du Miracle ». Un jour de contro­verse, où la foule avait répon­du très nom­breuse à l’appel du pré­di­ca­teur, le « mémoire » de Dominique fut oppo­sé à celui des Albigeois. Trois arbitres furent dési­gnés pour déter­mi­ner où se trou­vait la véri­té. Comme l’entente est impos­sible, on décide de sou­mettre les mémoires des deux par­ties à l’épreuve du feu. Mais tan­dis que celui des rebelles est vite anéan­ti, celui de Dominique, à la stu­peur géné­rale, s’élance sain et sauf sur une poutre voi­sine, à laquelle il imprime une pro­fonde brû­lure. On voit encore dans l’église de Fangeaux la poutre qui reliait les deux murs de la salle où eut lieu le col­loque, et contre laquelle fut pro­je­té le manus­crit. La triple empreinte des brû­lures s y dis­tingue nettement.

Quand il y avait néces­si­té de « convaincre » un rebelle sur le point d’être remis au bras sécu­lier, Dominique fai­sait de « cette convic­tion », ou assis­tance suprême, un office de dévoue­ment où la force de l’éloquence et de la cha­ri­té s’animait de l’espoir d’arracher les mal­heu­reux à la mort. En somme, et quoi qu’on ait pu dire, Dominique res­ta tou­jours au milieu des vain­queurs et des vain­cus l’homme de la cha­ri­té, de la véri­té et de la paix. Par ses prières, il coopé­ra à la vic­toire de Muret (12 sep­tembre 1213), où le brave Simon de Montfort, avec trois mille catho­liques, vain­quit la grande armée des héré­tiques, forte de plus de cent mille hommes.

Fondation de Prouille. — Saint Dominique prêche le Rosaire.

Ce cha­noine espa­gnol qui, si loin de son pays, tra­vaille avec éner­gie à répandre la véri­té, n’a rien d’un rêveur pieux : c’est un homme d’action et un homme de prière. Cette double qua­li­té s’affirme durant toute sa car­rière. En même temps qu’il s’efforçait de com­battre l’hérésie par la pré­di­ca­tion, il vou­lut s’assurer le secours divin, sol­li­ci­té par des âmes fer­ventes. Les Albigeois avaient des œuvres, des écoles qui atti­raient les jeunes filles même catho­liques, et pour­voyaient géné­reu­se­ment à leurs besoins, de même qu’au xxe siècle les sectes pro­tes­tantes, sous le double cou­vert de la bien­fai­sance et de la neu­tra­li­té, s’occupent de nos enfants. Dominique de Guzman fon­da, le 22 novembre 1206, à Prouille, en la paroisse de Fangeaux, un couvent de vierges cloî­trées qui com­men­ça à vivre régu­liè­re­ment le 27 décembre sui­vant. Sans aucun doute, ce monas­tère de femmes pra­ti­quait, comme son fon­da­teur, la règle de saint Augustin. C’est à Prouille encore que le saint prêtre rédi­ge­ra les Constitutions de l’Ordre des Frères Prêcheurs dont il pro­je­tait la fondation.

En même temps qu’il ins­ti­tuait cette œuvre de prières et de mor­tification des Sœurs de Prouille, Dominique tra­vaillait avec suc­cès à répandre la dévo­tion du Rosaire, dévo­tion que lui ins­pi­ra la Très Sainte Vierge. En face de l’hérésie albi­geoise mena­çante, la nou­velle dévo­tion sug­gé­rée par Dominique, s’accompagnant de la médi­tation des prin­ci­paux mys­tères, était un moyen très facile, très popu­laire, d’instruire les fidèles et d’éclairer les héré­tiques. On sait que, depuis lors, la dévo­tion du saint Rosaire est deve­nue la dévo­tion de tous les peuples chrétiens.

Institution des Frères Prêcheurs.

Dominique avait quarante-​cinq ans lorsque, l’hérésie vain­cue, il put enfin ren­trer dans Toulouse pacifiée.

L’évêque Foulques, de Marseille, ancien trou­ba­dour, qui s’était sépa­ré de sa femme pour deve­nir Cistercien, tan­dis que sa femme pre­nait le voile, sou­cieux de voir renaître la paix dans son dio­cèse, s’efforçait d’encourager toutes les ini­tia­tives de Dominique ; il s’inté­ressa par­ti­cu­liè­re­ment à l’idée de consti­tuer un groupe de prédica­teurs, pra­ti­quant la vie religieuse.

Les pre­miers com­pa­gnons du nou­vel apôtre furent quatre mis­sionnaires, dont son frère, le bien­heu­reux Mannès, puis deux notables de Toulouse, Thomas et Pierre Seila. Ce der­nier offrit à la Congréga­tion nais­sante sa propre mai­son, un des plus beaux édi­fices de la ville. Dominique y ras­sem­bla le 25 avril 1215 ceux qui s’étaient atta­chés à lui, en tout, six hommes, les revê­tit de l’habit des Chanoines régu­liers d’Osma, dont il avait tou­jours gar­dé l’usage : tunique de laine blanche, sur­plis de lin, chape et capuce de laine noire. A l’approche du IVe Concile de Latran, Dominique se ren­dit à Rome en com­pa­gnie de l’évêque Foulques. Tous deux envi­sa­geaient la pos­si­bi­li­té d’étendre à l’Eglise uni­ver­selle la fon­da­tion des Prêcheurs. Le Concile vit la plus grande réunion de pré­lats qu’ait connue Rome jusqu’alors. Dans ses lettres de convo­ca­tion, Innocent III avait assi­gné pour but prin­ci­pal du Concile « l’extinction de l’hérésie et l’affermissement de la foi ». C’était le ter­rain même sur lequel depuis onze ans s’était mue l’activité de Dominique de Guzman. Mais la volon­té du Pape fut plus expli­cite encore. Par le dixième Canon du Concile, qui trai­tait de l’ins­ti­tu­tion des Prêcheurs, ou Prédicateurs, il impo­sa à tous les évêques l’o­bli­ga­tion de s’entourer d’eux, comme de coad­ju­teurs, dans l’office de la pré­di­ca­tion et l’au­di­tion des confes­sions. L’Ordre nou­veau reçut le nom offi­ciel, qu’il a tou­jours conser­vé, d’Ordre des Frères Prêcheurs : c’est dire quel en est le but prin­ci­pal, essentiel.

Il fut solen­nel­le­ment approu­vé par Honorius III en 1217, mais, pour ne pas intro­duire une règle nou­velle dans l’Eglise, ce qui venait d’être inter­dit par le Concile, ce Pape lui don­na la règle de saint Augustin avec des sta­tuts appropriés.

Première rencontre de deux Saints.

Dominique eut à Rome, en sep­tembre 1215, une autre joie bien vive. A ce moment Dieu venait de sus­ci­ter une autre famille spiri­tuelle, dont le rôle consis­te­rait à rame­ner au bien le monde cor­rompu, par la pra­tique du déta­che­ment abso­lu des richesses et la péni­tence. François d’Assise avait donc lui-​même réuni ses compa­gnons à l’ombre d’un sanc­tuaire de la Vierge, Notre-​Dame des Anges. Pareillement, il venait à Rome sol­li­ci­ter l’approbation pour son Ordre. François et Dominique ne s’étaient jamais vus. Or, ce der­nier, étant en prières, eut une vision : c’était Jésus-​Christ irri­té contre le monde cou­pable. Près de lui, la Vierge Marie, pour apai­ser son cour­roux, lui pré­sen­tait deux hommes ; dans l’un des deux, Dominique se recon­naît, mais il ne savait qui était l’autre. Il le fixe attenti­vement, afin de rete­nir ses traits. Or, le len­de­main, quelle n’est pas sa sur­prise, en entrant dans une église de Rome ! Il aper­çoit un pauvre qui res­semble trait pour trait au com­pa­gnon de sa vision. Il l’embrasse avec effu­sion, et depuis lors Dominique et François ne furent qu’un cœur et qu’une âme.

Saint Dominique et saint François se recon­naissent sans s’être jamais vus

Cette fra­ter­nelle ren­contre a ins­pi­ré bien des artistes. La tra­di­tion s’en est trans­mise jusqu’à nos jours d’une façon char­mante, à Rome. Chaque année, le Ministre géné­ral des Frères Mineurs, accom­pa­gné de ses frères, assiste à la fête de saint Dominique chez les Frères Prêcheurs. Par un retour de reli­gieuse cour­toi­sie, le Maître géné­ral des Dominicains rem­plit le même rôle chez les Franciscains, à la fête du Patriarche d’Assise.

Diffusion de l’Ordre dominicain.

Dominique, fort du plan à pour­suivre, quit­ta Rome, au commen­cement du Carême de 1217, et reprit le che­min de Toulouse. Après quelques mois pas­sés avec ses frères, il leur décla­ra que l’heure de la dis­per­sion était proche ; il leur disait : « Entassé, le grain se cor­rompt ; jeté au vent, il porte ses fruits. » En quelques mois, il prend pos­ses­sion des trois points lumi­neux de la chré­tien­té : Rome, où lui-​même reçoit du Pape Honorius III le monas­tère de Saint-​Sixte, près du Colisée ; puis Bologne et Paris, les deux grands centres universi­taires de l’Europe. A Paris, à l’appel du bien­heu­reux Réginald, des maîtres célèbres et de nom­breux étu­diants affluent dans l’Ordre et s’installent, en 1217, près de la cathé­drale Notre-​Dame, puis se trans­portent un peu plus loin, en plein quar­tier uni­ver­si­taire, dans l’hos­pice de Saint-​Jacques, ce qui fît don­ner en France aux fils de saint Dominique le nom de Jacobins.

Deux autres cou­vents de l’Ordre devaient encore s’établir à Paris au xviie siècle : le novi­ciat géné­ral de l’Ordre pour la France, dont l’ancienne église est aujourd’hui l’église parois­siale de Saint-​Thomas d’Aquin, et le couvent de la rue Saint-​Honoré, qui ser­vit de lieu de réunion pen­dant la Révolution aux « Amis de la Constitution », connus plus tard sous le nom de « club des Jacobins » : On voit ain­si com­ment le, nom très res­pec­table don­né aux reli­gieux dans les siècles pas­sés a pris, de nos jours, un sens tout à fait dif­fé­rent de sa signi­fi­ca­tion primitive.

En 1220, l’Europe entière était évan­gé­li­sée par les fils de Dominique, sauf l’Angleterre et la Hongrie. Mais, en 1221, le monas­tère d’Albe Royale était fon­dé dans ce der­nier pays, et les écoles de Saint-​Edouard éta­blies près de la célèbre Université d’Oxford.

Les ser­vices émi­nents que les Frères Prêcheurs ren­dirent à l’Eglise enga­gèrent les Papes à leur confier sou­vent les fonc­tions d’inquisi­teurs de la foi. En cette qua­li­té, ils avaient des pou­voirs redou­tables, et sous le nom d’Inquisition, ils for­maient un tri­bu­nal dont res­sor­tis­saient toutes les accu­sa­tions de magie, sor­cel­le­rie et héré­sie ; les armoi­ries de ce tri­bu­nal étaient sup­por­tées par un glaive, dans lequel il faut voir non le châ­ti­ment maté­riel du condam­né, mais le glaive de la parole qui devait ser­vir à convaincre le fidèle et à détruire l’erreur.

C’est pour récom­pen­ser ces ser­vices que deux postes de la cour romaine sont encore exclu­si­ve­ment réser­vés aux Dominicains : le pre­mier, et le plus impor­tant, est celui de maître du Sacré Palais ; le second, celui de com­mis­saire géné­ral de la S. Congrégation du Saint-​Office ; le Maître géné­ral de l’Ordre et le maître du Sacré Palais sont de droit Consulteurs de cette Congrégation romaine.

La fin prématurée d’une belle vie.

Dominique avait à peine atteint la cin­quan­taine qu’il était au bout de ses forces et pré­ma­tu­ré­ment usé. Il venait d’évangéliser la Haute-​Italie et la Lombardie ; puis il s’était ren­du à Rome pour y rece­voir les suprêmes marques de bien­veillance du Pape pour la famille des Prêcheurs. Il conti­nuait à visi­ter ses mai­sons, quand il fut gra­ve­ment atteint par la mala­die à Venise ; il revint à Bologne, s’efforçant d’ob­server la règle jusqu’à la fin mal­gré les sup­pli­ca­tions de ses enfants. On le trans­por­ta hors de la ville, dans un endroit salubre, où le mal s’aggrava : bien que mou­rant, il deman­da qu’on le rame­nât à Bologne, où il s’éteignit le 6 août 1221. Le car­di­nal Hugolin, légat du Pape, ami très cher de Dominique et de François d’Assise, vou­lut pré­si­der ses funé­railles. Devenu le Pape Grégoire IX, il auto­ri­sa les Frères Prêcheurs à trans­fé­rer solen­nel­le­ment les restes du saint fon­da­teur en la nou­velle église Saint-​Nicolas. Cette céré­mo­nie fut comme le pré­lude du pro­cès de cano­ni­sa­tion, qui, com­men­cé le 11 juillet 1233, eut une conclu­sion glo­rieuse le 13 juillet de l’année sui­vante : il y avait moins de treize ans que le Patriarche avait quit­té ce monde quand il fut éle­vé sur les autels.

Les nom­breux miracles qui se mul­ti­plièrent au tom­beau de saint Dominique sont la conti­nua­tion des mer­veilles de cha­ri­té qu’il opé­ra durant sa vie. Que de malades gué­ris par son inter­ces­sion ! Un demi-​siècle seule­ment après la mort du thau­ma­turge, Thierry d’Apolda en dres­sait une liste impressionnante.

Les reliques du Saint, de nou­veau recon­nues en 1267, en pré­sence de saint Thomas d’Aquin, le plus admi­rable de ses fils, le furent encore en 1383. Son tom­beau se trouve aujourd’hui dans l’église Santa Domenico, construite vers 1730, et où ne cessent d’affluer les pèle­rins. Le roi d’Espagne Alphonse XIII s’étant ren­du à Rome en 1923, pour visi­ter le Souverain Pontife, tint à faire son pèle­ri­nage à Bologne pour y véné­rer les reliques de son saint com­pa­triote. Le prince avait d’ailleurs une rai­son par­ti­cu­lière de faire ce voyage, car la vasque des fonts bap­tis­maux de Caleruega, enle­vée de cette église sous le règne du roi Alphonse le Sage, est réser­vée depuis 1605 au bap­tême des infants d’Espagne.

La famille religieuse de saint Dominique.

En 1927, l’Ordre des Frères Prêcheurs comp­tait 31 pro­vinces et deux Congrégations, 358 mai­sons et 5 300 reli­gieux, dont plus de 700 mis­sion­naires ; quant aux reli­gieuses Dominicaines du second Ordre ou Sœurs régu­lières du Tiers-​Ordre, elles forment un groupe impor­tant de Congrégations, dont cer­taines comptent plu­sieurs mil­liers de sujets. Par le Tiers-​Ordre sécu­lier, l’arbre domi­ni­cain étend ses rameaux et porte sa sève par­mi les chré­tiens vivant dans le monde, à l’instar du Tiers-​Ordre de Saint-​François d’Assise. Il n’est point per­mis d’ap­par­te­nir aux deux Tiers-​Ordres à la fois, ce qui est par­faitement logique ; l’archevêque de Bologne jouit cepen­dant de ce privilège.

A. Poirson. Sources consul­tées. — P. Dominique Rambrand, O. P., Saint Dominique, sa vie, son âme, son Ordre (Paris, 1926). — P. Pierre Mandonnet, O. P., Saint Dominique, Vidée, l’homme, l’œuvre (Gand). — J. J. Berthier, O. P., Le tom­beau de saint Dominique (Paris, 1895). — B. Kirsch et H.-S. Roman, Pèlerinages domi­ni­cains, Espagne, France, Italie (Paris et Lille, 1920). — (V. S. B. P., n° 129.)