L’espérance, une vertu pour l’Avent

Dimanche 28 novembre, nous entrons dans l’Avent, un temps litur­gique rem­pli d’es­pé­rance. Affermissons notre confiance en la venue tou­jours plus grande de Notre Seigneur dans notre âme.

Lors du 2e dimanche de l’Avent, la voix de Saint Paul reten­tit : « Que le Dieu de l’espérance vous rem­plisse de toute joie et toute paix en votre foi, pour que vous soyez riches d’espérance par la puis­sance de l’Esprit Saint » (Ro 15, 13). L’Apôtre nous parle de l’espérance chré­tienne, qui est bien la ver­tu propre au temps de l’Avent, au cours duquel on espère la venue tou­jours plus grande de Notre- Seigneur Jésus-​Christ dans notre âme.

Qu’est-ce donc que l’espérance chré­tienne ? Commençons par en don­ner deux images. Cette ver­tu est d’abord sym­bo­li­sée par une ancre de bateau. Celle-​ci per­met de gar­der une posi­tion sur la mer mal­gré le mou­ve­ment des vagues. L’espérance per­met ain­si de gar­der le bon cap, celui du Ciel, mal­gré les épreuves. Saint Thomas d’Aquin dit que l’ancre des bateaux s’accroche dans les pro­fon­deurs, alors que l’ancre de l’espérance s’accroche dans les hau­teurs du Ciel… L’autre image est celle de deux hommes qui rament, cha­cun dans sa barque, au milieu de la mer. Le pre­mier ne voit aucune terre à l’horizon ; bien vite, il va hési­ter sur la direc­tion à prendre, et va même être ten­té d’arrêter de ramer. Le second, au contraire, voit la terre à l’horizon. Il sait que c’est dans cette direc­tion qu’il doit se diri­ger, et la vision de cette terre l’encourage à conti­nuer de ramer. Le pre­mier homme sym­bo­lise l’âme sans l’espérance, le second la vie avec cette ver­tu ; elle fait aller de l’avant, mal­gré les évé­ne­ments par­fois contraires.

La doc­trine catho­lique de Boulenger a un très beau para­graphe pour par­ler de cette ver­tu : « L’homme est né pour le bon­heur ; il en a un désir immense qu’aucune joie ter­restre ne peut assou­vir et qui renaît sans cesse en dépit de toutes les dés­illu­sions de la vie. Dieu aurait-​il mis en nous cette soif de bon­heur pour nous trom­per éter­nel­le­ment ? Le pré­tendre serait un blas­phème. L’espérance est donc dans notre cœur parce que Dieu a vou­lu l’y mettre, et elle est d’ailleurs un des plus sûrs prin­cipes d’action. En nous mon­trant dans le loin­tain un bien infi­ni, elle nous aide à lut­ter ; elle nous relève si nous sommes momen­ta­né­ment vain­cus ; elle met dans nos âmes la patience et nous garde la confiance par­mi les insuc­cès et les épreuves. »

Ce même caté­chisme donne ensuite la défi­ni­tion de l’espérance : c’est une ver­tu sur­na­tu­relle, par laquelle nous avons la ferme confiance d’obtenir la béa­ti­tude éter­nelle et les moyens d’y parvenir.

C’est une ver­tu : c’est donc une bonne dis­po­si­tion de l’âme, une bonne incli­na­tion, une faci­li­té, qui nous porte à poser des actes d’espérance au sein même des obs­tacles. L’espérance chré­tienne ne va pas sans dif­fi­cul­tés car le bon­heur qu’elle pour­suit est sou­vent en oppo­si­tion avec les plai­sirs de ce monde. C’est une ver­tu sur­na­tu­relle : c’est-​à-​dire qu’elle est don­née avec la grâce sanc­ti­fiante, avec la foi et la cha­ri­té. Elle peut tou­jours augmenter.

L’espérance a trois objets, trois cibles. L’objet prin­ci­pal est la béa­ti­tude du Ciel ; on espère d’abord le Ciel, pas la fin d’une crise. L’objet secon­daire est la grâce : sanc­ti­fiante et actuelle. Nous disons bien dans l’acte d’espérance : « J’espère avec une ferme confiance que vous me don­ne­rez votre grâce en ce monde ». Enfin les biens tem­po­rels consti­tuent le troi­sième objet. Strictement, ces biens ne sont pas du domaine de l’espérance, mais ils peuvent être des moyens indi­rects de tra­vailler à notre salut. Retenons en tout cas, pour ces biens, la belle leçon de Notre Seigneur : « Ne vous inquié­tez donc pas, en disant : Que mangerons-​nous, ou que boirons-​nous, ou de quoi nous couvrirons-​nous ? Car ce sont les païens qui se pré­oc­cupent de toutes ces choses ; mais votre Père sait que vous avez besoin de tout cela » (Mt 6, 31–32).

L’espérance s’appuie sur trois per­fec­tions de Dieu ; d’abord sur sa toute-​puissance. J’espère parce que Dieu peut tout ce qu’il veut. Comme dit l’ange Gabriel lors de l’Annonciation : « Rien n’est impos­sible à Dieu » (Lc 1, 37). L’espérance repose ensuite sur la bon­té de Dieu. J’espère parce que Dieu est infi­ni­ment bon ; donc II m’aime. Avec saint Jean, nous croyons à l’amour de Dieu pour nous (1 Jn 4, 16), et c’est pour­quoi nous espé­rons en Lui. Enfin, cette ver­tu théo­lo­gale s’appuie sur la fidé­li­té de Dieu. J’espère avec une ferme confiance le Ciel et les grâces, parce que Dieu les a pro­mis et qu’il est fidèle dans ses pro­messes. Saint Clément de Rome dit : « Nous sommes convain­cus que Celui qui a défen­du le men­songe est lui-​même inca­pable de tromper. »

Il est inté­res­sant de noter ce qu’apporte l’espérance par rap­port aux deux autres ver­tus théo­lo­gales. La foi nous fait connaître Dieu. La cha­ri­té nous le fait aimer ; les véri­tés ne sont plus seule­ment connues, elles sont aimées. L’espérance donne le cou­rage, l’élan pour tendre vers Dieu, en s’appuyant sur lui. Sans l’espérance chré­tienne, l’homme désire les choses ter­restres ; avec, il désire plus que l’univers entier, il désire Dieu, il a une ambi­tion divine. Avec la foi seule, on sait qu’il y a un Ciel à gagner, mais on peut être pares­seux pour l’atteindre ; l’espérance donne de l’ardeur pour tra­vailler à son salut. Sans l’espérance, on peut déses­pé­rer de son salut ; avec, on sait que l’on pour­ra comp­ter sur un secours tout-puissant.

« Cette espé­rance, nous la gar­dons comme une ancre sûre et solide, qui pénètre jusqu’au-delà du voile » (He 6,19)

Peut-​on pécher contre l’espérance ? Oui, par excès comme par défaut. Dans le pre­mier cas, c’est la pré­somp­tion, illus­trée par saint Pierre pen­dant la Passion. Il avait dit que si tous les autres apôtres aban­don­naient Notre-​Seigneur, lui res­te­rait fidèle… Dans le deuxième cas, c’est le déses­poir, celui par exemple de Judas ; il a pen­sé qu’il ne pour­rait pas être pardonné.

Tobie, ren­du aveugle, a gar­dé l’espérance : « De même que des rois insul­taient le bien­heu­reux Job, ain­si ses parents et ses proches se raillaient de sa conduite, en disant : Où est votre espé­rance pour laquelle vous fai­siez tant d’aumônes et de sépul­tures ? Mais Tobie, les repre­nant, leur disait : Ne par­lez pas ain­si ; car nous sommes enfants des saints, et nous atten­dons cette vie que Dieu doit don­ner à ceux qui ne changent jamais leur foi envers lui » (Tb 2, 15- 18).

Le caté­chisme enseigne qu’il y a quatre moments où il y a obli­ga­tion de poser des actes d’espérance : dès qu’on arrive à l’âge de rai­son et qu’on connaît suf­fi­sam­ment la béa­ti­tude que Dieu nous a pro­mise ; sou­vent pen­dant la vie, comme pour les actes de foi ; à l’article de la mort ; dans cer­taines cir­cons­tances par­ti­cu­lières, par exemple quand on est ten­té de désespoir.

Notre fon­da­teur, Mgr Marcel Lefebvre, a bien sûr prê­ché cette belle ver­tu, notam­ment lors d’une prise de sou­tane, à Ecône, le 2 février 1974. Il disait aux jeunes lévites : « Vous serez aus­si un signe d’espérance. Le monde se meurt de déses­pé­rance, de déses­poir, car on veut enfer­mer les hommes dans le milieu d’ici-bas. On veut leur fer­mer les hori­zons spi­ri­tuels pour les enfer­mer dans cette pri­son des hommes entre eux, dans cette masse humaine qui ne sait plus où elle va, ce qu’elle fait, ni ce qu’elle pense. On veut les assoif­fer des biens de ce monde afin qu’ils ne pensent plus à Dieu, ni aux biens spi­ri­tuels, ni à la vie éter­nelle. Eh bien ! vous serez le signe de cette espé­rance, car votre sou­tane est le signe de l’abandon des choses du monde pour l’attachement aux choses célestes et aux choses spi­ri­tuelles. Or l’espérance consiste pré­ci­sé­ment à fixer notre regard sur les biens éter­nels. » Que Notre Dame, Mère de l’espérance, nous garde dans cette vertu !

Source : Lou Pescadou n° 205

Une lec­ture spi­ri­tuelle pour mieux appri­voi­ser la ver­tu d’Espérance : Nous sommes la jeu­nesse de Dieu