Le problème de la liberté

Mgr Lefebvre au Concile Vatican II, assis à côté de lui, Mgr O’Donnel d’Australie, debout derrière lui, Mgr Hoyer de Madagascar.

Dans cette confé­rence de 1965 à des étu­diants pari­siens, Mgr Lefebvre rap­pelle avec fer­me­té et séré­ni­té les prin­cipes et appli­ca­tions de la liber­té, quelques mois seule­ment avant la ses­sion du Concile Vatican II sur la liber­té religieuse.

Le 2 mai 1965, Mgr Marcel Lefebvre, alors Supérieur géné­ral des Pères du Saint-​Esprit, don­nait une confé­rence à des étu­diants pari­siens sur le pro­blème de la liber­té. La trans­crip­tion de cet expo­sé a été impri­mée dans une petite bro­chure de 16 pages, sans aucune indi­ca­tion ni sur les orga­ni­sa­teurs de la réunion, ni sur le lieu exact où elle se tenait. Le texte prouve que l’orateur lui-​même ne connaît pas pré­ci­sé­ment son audi­toire, en par­ti­cu­lier quelles études ces jeunes gens pour­suivent. S’agit-il déjà des membres de ces mou­ve­ments dont l’ancien arche­vêque de Dakar admi­rait l’enthousiasme en 1968 : « Nous voyons se lever une jeu­nesse nou­velle, (…) jeunes pas­sion­nés de leur décou­verte. (…) Ils s’aperçoivent que la vraie richesse de leur intel­li­gence et de leur cœur leur a été cachée, alors que c’est elle qui a trans­for­mé le monde. Ils découvrent (…) la véri­table his­toire de la civi­li­sa­tion chré­tienne et cela désor­mais, c’est leur vie, leur vie inté­rieure, leur vie en socié­té, leur idéal. Ils ne l’abandonneront plus. » (Itinéraires, n° 127, pp ; 227–228 ; cité dans Marcel Lefebvre, une vie, Clovis, pp. 410–411) ?

L’intérêt de cette confé­rence est dans son conte­nu, le pro­blème de la liber­té, et dans sa date, mai 1965, soit quelques mois avant la reprise des tra­vaux du Concile Vatican II où il sera ques­tion de la liber­té reli­gieuse. Le Supérieur géné­ral des Spiritains a divi­sé son pro­pos en deux par­ties : après le rap­pel des prin­cipes, il traite des appli­ca­tions de la liber­té, et il en vient tout natu­rel­le­ment à la liber­té reli­gieuse dont il aura à débattre dans l’aula conci­liaire, à l’automne suivant.

A la lec­ture de ce docu­ment dont on appré­cie­ra la grande clar­té péda­go­gique, on peut affir­mer l’opposition inva­riable du fon­da­teur de la Fraternité Saint-​Pie X à la doc­trine moderne de la liber­té reli­gieuse, avant, pen­dant et après le concile.


On m’a deman­dé de venir vous par­ler de ce sujet si déli­cat de la liber­té. Si j’ai hési­té un peu, ce n’est pas que je ne sois pas très heu­reux de venir vous en par­ler et sur­tout de prendre contact avec vous et de vous encou­ra­ger. C’est plu­tôt parce que, pris par des tâches nom­breuses, je crai­gnais de ne pas vous don­ner satis­fac­tion et de ne pas être tout à fait à la hau­teur de la tâche qui m’était deman­dée. Aussi vous m’excuserez si mon expo­sé est un expo­sé très simple et en même temps convain­cu. J’essaierai de vous don­ner d’abord quelques prin­cipes et ensuite quelques appli­ca­tions de cette liberté.

Je vous remer­cie d’avoir eu l’amabilité de m’inviter, sur­tout parce que je suis très heu­reux de prendre contact avec vous, heu­reux de pou­voir vous dire de conti­nuer votre effort, heu­reux de pou­voir vous dire que vous êtes dans la Vérité, que vous y êtes par le fait que vous étu­diez vrai­ment les prin­cipes chré­tiens, les prin­cipes catho­liques, à leur source la plus vraie, la plus sûre. Vous pou­vez cer­tai­ne­ment faire beau­coup de bien, à vous-​mêmes d’abord, et aus­si beau­coup autour de vous. C’est pour­quoi je n’ai pas hési­té à accep­ter, espé­rant que vous serez un peu indul­gents si mon expo­sé n’est pas celui que vous atten­dez exac­te­ment. Si à la fin de ce court expo­sé vous avez quelques ques­tions à poser sur la liber­té ou même sur d’autres sujets, j’essaierai d’y répondre dans la Vérité et dans la Charité.

Ce sujet de la liber­té est un sujet immense. C’est un sujet qui touche tel­le­ment au cœur même de ce que nous sommes, au cœur même de l’homme et par consé­quent de la socié­té humaine tout entière, qu’il est dif­fi­cile de l’embrasser d’une manière com­plète, totale. Et j’avoue que plu­tôt que de faire une ana­lyse de la liber­té, comme le Pape Léon XIII dans son Encyclique Libertas Praestantissimum, je pré­fère com­men­cer par la syn­thèse, parce que j’ai peur que, cette ana­lyse étant longue et dif­fi­cile à faire, il n’y ait des notions qui ne soient pas très bien éclai­rées sur la liber­té elle-​même, et qu’il ne manque au juge­ment sur la liber­té la lumière qui est néces­saire pour la prendre dans son ensemble.

Ordre de l’univers et lois naturelles

Pour bien situer la nature de notre liber­té, la fin de notre liber­té, il faut la voir dans l’ordre de l’univers. Je pense qu’il faut situer la place de notre liber­té, son rôle, en exa­mi­nant d’abord l’ordre uni­ver­sel que le Bon Dieu a mis dans les choses. Je ne fais pas une péti­tion de prin­cipe en disant cela. Je ne pars pas de prin­cipes pré­con­çus pour en arri­ver à prou­ver la thèse que je désire prou­ver, mais je pars de l’évidence. En ouvrant les yeux de notre esprit, de notre intel­li­gence nous ne pou­vons pas ne pas consta­ter qu’il y a dans l’univers qui nous entoure un ordre magni­fique. Cet ordre n’est autre que l’orientation de toutes les acti­vi­tés de cette nature vers une fin, vers une fin utile, vers un but qui a été assi­gné par Dieu à toute la Création.

Il y a dans l’u­ni­vers qui nous entoure un ordre magnifique

Vous-​mêmes qui êtes étu­diants, – je ne connais pas les études que vous faites d’une manière par­ti­cu­lière -, mais d’une manière ou d’une autre, vous étu­diez les lois qui se trouvent ins­crites dans la nature ; à plus forte rai­son si vous faites des sciences. L’homme ne peut pas s’empêcher de recher­cher les lois de la nature, les lois qui conduisent l’activité des êtres. Et nous nous aper­ce­vons que ces lois sont vrai­ment ins­crites dans la nature puisque nous arri­vons à les retrou­ver. Et nous finis­sons par les éta­blir en sciences. Tous nos livres de sciences, tous les livres qui étu­dient la nature, – qui étu­dient aus­si bien la nature végé­tale que la nature ani­male, la nature humaine et la nature de l’homme dans la socié­té -, recherchent les lois qui sont inti­me­ment ins­crites dans la nature. Et l’on arrive très bien à les décou­vrir. Et nous serions encore beau­coup plus savants si nous arri­vions à les connaître toutes. C’est à cela que s’appliquent les hommes de science. Qu’il s’agisse de la méde­cine, qu’il s’agisse de n’importe quelle science phy­sique ou chi­mique, on étu­die tou­jours quelles sont les lois qui sont ins­crites dans la nature. Et l’on s’aperçoit que bien sou­vent on croit être arri­vé au bout de la science et que le Bon Dieu a encore caché des secrets et des mys­tères dans la nature que l’on ne découvre que peu à peu.

Ces lois sont sui­vies par les êtres qui ne sont pas intel­li­gents d’une manière fatale, c’est-à-dire qu’ils suivent le cours de ces lois d’une manière néces­saire et déterminée.

S’il s’agit des lois de la phy­sique, il est évident que ces lois, en géné­ral, sont des lois qui s’exercent d’une manière abso­lue et sans défaut. Si elles s’exercent avec défaut, c’est qu’il y a d’autres lois qui s’appliquent et que l’on ne connaît pas encore, sinon on pour­rait pré­voir vrai­ment tout ce qui est condi­tion­né par une loi dans la nature et en pré­voir jusqu’aux effets les plus extrêmes. Et s’il y a quel­que­fois des défauts, par exemple dans la météo­ro­lo­gie, si la météo­ro­lo­gie se trompe si sou­vent, c’est pré­ci­sé­ment parce qu’on n’en connaît encore que mal les lois. Le jour où l’on arri­ve­rait à décou­vrir toutes les lois qui condi­tionnent la météo­ro­lo­gie, il est évident que, d’une manière abso­lue, on arri­ve­rait à dire : « Tel jour à telle heure, il pleu­vra ou il ne pleu­vra pas, il fera beau temps ou il ne fera pas beau temps… ». De toute manière donc, il faut recher­cher les lois et ces lois s’appliquent d’une manière fatale dans les choses natu­relles et sur les élé­ments qui ne sont pas vivants.

Si nous pas­sons à la vie, les lois des végé­taux sont déjà moins déter­mi­nées. Il y a cer­tains élé­ments dans les végé­taux qui sont, d’une cer­taine manière, lais­sés un peu à la libre déter­mi­na­tion des végé­taux eux-​mêmes dans leur déve­lop­pe­ment. Une plante grim­pante, par exemple, s’adaptera sui­vant les élé­ments qu’elle trou­ve­ra, elle s’attachera et contour­ne­ra les obs­tacles qu’elle ren­con­tre­ra. Il y a déjà une cer­taine adap­ta­tion qui vient de la nature même du végé­tal, qui ne lui est pas impo­sée de l’extérieur et qui est déjà un cer­tain ves­tige de liber­té, un soup­çon d’indétermination qui se trouve dans la vie végétale.

Et si nous allons plus loin, nous pas­sons à la vie ani­male, à la vie sen­sible. Dans ce domaine, la déter­mi­na­tion est encore moins grande. Il y a une indé­ter­mi­na­tion dans les sens, dans les facul­tés sen­sibles qui fait que l’animal semble avoir éga­le­ment une cer­taine liber­té. Il y a cer­tai­ne­ment, au moins dans une cer­taine mesure, une indé­ter­mi­na­tion et une pos­si­bi­li­té de se déter­mi­ner, mais non pas de se déter­mi­ner d’une manière abso­lu­ment libre. L’animal est sou­mis à des influences aux­quelles il répond d’une manière presqu’automatique. C’est ce qui fait que l’animal ne se déve­loppe pas, ne pro­gresse pas ou peu, à moins qu’il ne soit dres­sé par un homme ; mais sinon, de sa nature, l’animal ne pro­gresse pas. Il reste tou­jours dans les mêmes lignes car il n’a pas cette conscience de ses actes, ou, du moins, on ne peut pas dire qu’il en ait une véri­table conscience comme nous. Si bien que l’on voit une cer­taine indé­ter­mi­na­tion dans les plantes et les ani­maux et ce soup­çon de liber­té que ces der­niers ont, nous l’appelons « instinct ».

Cet ins­tinct des ani­maux est le centre de toutes leurs sen­sa­tions, ce qui fait que, par les sen­sa­tions qu’ils éprouvent, ils arrivent à se diri­ger d’une manière abso­lu­ment admi­rable, mais selon les lois qui ont été ins­crites dans la nature par le Créateur. Cet ins­tinct a quelque chose qui nous émer­veille et qui dépasse sou­vent tout ce que nous pou­vons faire nous-​mêmes. Ces pro­prié­tés de l’instinct des ani­maux sont donc de véri­tables mer­veilles, mais ils res­tent cepen­dant déter­mi­nés dans leurs actes d’une manière interne. La déter­mi­na­tion de leurs actions, de leur acti­vi­té est sou­mise à des lois internes. Ils ne sont pas libres. Ils ne sont pas libres de cette liber­té dont jouit l’homme.

La liberté humaine et ses lois

Passons main­te­nant de la vie ani­male à la vie humaine. La dif­fé­rence est consi­dé­rable, car l’homme est libre. Pourquoi ? Parce qu’il a en lui une facul­té de se déter­mi­ner lui-​même sans que, dans sa nature inté­rieure, il puisse être déter­mi­né par qui que ce soit. Il s’agit de la liber­té psy­cho­lo­gique, cette facul­té qu’a l’homme de pou­voir se déter­mi­ner lui-​même. Mais pré­ci­sé­ment, si les ani­maux, les végé­taux, les miné­raux suivent des lois et par consé­quent se conforment à l’ordre de l’univers, si Dieu a don­né la liber­té à l’homme, il est incon­ce­vable que cette liber­té n’obéisse pas à des lois éga­le­ment. Et c’est là que se tient tout le nœud et la dif­fi­cul­té pour ceux qui ont une fausse notion de la liber­té. C’est de croire que, parce que l’homme peut se déter­mi­ner lui-​même à des actes dont il a conscience, et que, psy­cho­lo­gi­que­ment, per­sonne ne peut, inté­rieu­re­ment, rien à cette déter­mi­na­tion, cela peut être appli­qué au domaine de l’homme dans son ensemble. Il est donc libre de faire ce qu’il veut. Cette simple liber­té psy­cho­lo­gique, on l’applique à l’homme dans son ensemble. C’est comme si l’on disait en ana­ly­sant son intel­li­gence : « l’homme peut connaître, l’homme a la pos­si­bi­li­té de connaître. Donc il peut connaître tout ce qu’il veut et il n’est obli­gé de s’attacher à aucune connais­sance par­ti­cu­lière ». On fait abs­trac­tion de la Vérité pour laquelle l’intelligence est faite. Alors on défi­nit une facul­té sans tenir compte de sa fin. C’est abso­lu­ment absurde. Il ne faut pas seule­ment faire l’analyse de cette facul­té abs­trai­te­ment, il faut la voir dans l’homme com­plet, dans les lois que le Bon Dieu lui impose. Alors nous ver­rons très bien que la liber­té que le Bon Dieu a don­née à l’homme n’est pas autre chose que de per­mettre à l’homme de se déter­mi­ner lui-​même en vue de la fin que le Bon Dieu veut lui donner.

Et c’est cela qui fait toute la gran­deur de l’homme, toute sa noblesse. Tandis que l’animal est condi­tion­né inté­rieu­re­ment, déter­mi­né inté­rieu­re­ment, l’homme, tout au contraire, peut se déter­mi­ner lui-​même, sans que per­sonne ne puisse l’influencer dans la cause même de sa liber­té. On aura beau le mar­ty­ri­ser, per­sonne n’arrivera à lui faire croire dans l’intime de sa liber­té, une chose qu’il ne veut pas croire, ou à lui faire vou­loir une chose qu’il ne veut pas vou­loir. Évidemment, sa volon­té peut être influen­cée, peut finir par céder d’une cer­taine manière. Il pour­ra même expri­mer, dans le cas des per­sé­cu­tions, quelque chose qui est conforme à ce que pensent les bour­reaux, mais inti­me­ment, il n’y adhé­re­ra pas. Par consé­quent, sa liber­té reste totale mal­gré toutes les influences exté­rieures qui peuvent s’exercer en tous sens. On ne peut pas agir direc­te­ment sur la racine même de la liber­té humaine. C’est ce qui fait que l’homme est libre. Et il l’est parce qu’il est une créa­ture intelligente.

Car on n’imagine pas quelqu’un qui soit libre sans intel­li­gence. Comment se diri­ge­rait cette liber­té ? Comment l’homme pourrait-​il se diri­ger dans sa vie si l’on pre­nait comme pre­mier pos­tu­lat de la vie humaine la liber­té ? La liber­té seule n’est pas conce­vable. Elle n’est conce­vable qu’avec l’intelligence et la volon­té. L’intelligence qui nous montre la loi que le Bon Dieu veut que l’on applique – et qu’il exprime et qu’il mani­feste -, et la volon­té qui y adhère de son propre mou­ve­ment, de sa propre déter­mi­na­tion, de sa propre autodétermination.

C’est cela qui fait pré­ci­sé­ment toute la gran­deur de l’homme : connaître la loi qui est ins­crite dans la nature et y appli­quer sa volonté.

Mais voyez-​vous, on ne peut vrai­ment conce­voir la liber­té et on ne peut vrai­ment la com­prendre que si on la place dans cet ordre uni­ver­sel. Si on com­mence par ana­ly­ser la liber­té elle-​même, on risque de faire la confu­sion entre la liber­té psy­cho­lo­gique et la liber­té morale. Le Pape Léon XIII marque bien la dif­fé­rence entre la liber­té natu­relle (ou psy­cho­lo­gique) et la liber­té morale. La liber­té natu­relle, c’est la liber­té dans son être phy­sique. La liber­té morale, c’est l’application de cette liber­té à la fin de l’homme qui est déter­mi­née par les lois que l’intelligence connaît. Par consé­quent, la liber­té morale n’est pas com­plète parce que les lois limitent cette liber­té morale. Il y a des choses qui sont bonnes et il y a des choses qui sont mau­vaises, il y a des choses que nous ne pou­vons pas faire.

Mais direz-​vous peut-​être, cette liber­té morale limite notre liber­té psy­cho­lo­gique ? Pas du tout ! Parce qu’elle se pré­sente comme objet à notre liber­té, à notre intel­li­gence et n’influe pas sur le sujet lui-​même. Elle influe sur notre esprit par l’intelligence, comme objet de notre facul­té et non pas sur le sujet lui-​même. Si la liber­té morale influait sur la facul­té même d’être libre, à ce moment nous ne serions plus libres, évi­dem­ment. Mais elle se pré­sente à nous comme une loi à laquelle nous devons nous sou­mettre libre­ment, de nous-mêmes.

Donc la gran­deur de l’homme, cer­tai­ne­ment, réside dans cette liber­té. Mais dans cette liber­té qui doit s’appliquer encore une fois à exer­cer son acti­vi­té selon ces lois qui sont dans la nature. Il serait d’ailleurs bien mal­heu­reux de pen­ser que des hommes intel­li­gents, capables de connaître les lois qui doivent les mener à leur fin, sont au fond moins fidèles à la loi que ne le sont les êtres irrai­son­nables : les oiseaux, les fleurs des champs, les êtres inani­més qui doivent suivre la loi de Dieu d’une manière abso­lu­ment par­faite, sans dérè­gle­ment. Tandis que l’homme qui est intel­li­gent, l’homme auquel le Bon Dieu a don­né une intel­li­gence exprès pour qu’il se sou­mette à ces lois de lui-​même et que, com­pre­nant la beau­té et la gran­deur de ses lois et de sa fin, il se sou­mette libre­ment, et que par consé­quent, il adhère de toute son âme à la gran­deur de l’ordre de l’univers et à la gran­deur de l’ordre vou­lu par Dieu, pour méri­ter de par­ti­ci­per à cet ordre de l’univers et à ce but qui est la gloire de Dieu, l’homme recher­che­rait des voies contraires à ces lois ! C’est donc dans cette optique que j’essaie de consi­dé­rer en quoi consiste la liber­té et quelles sont les limites de cette liberté.

On pour­rait dire peut-​être que la loi est une limite de notre liber­té. Or la loi, en tant qu’ordonnance de la rai­son des­ti­née à orien­ter vers leur fin l’activité des dif­fé­rents êtres, tend par défi­ni­tion même au bien de ces êtres, puisque la fin et le bien, maté­riel­le­ment ne font qu’un. S’agit-il spé­cia­le­ment des êtres rai­son­nables, nous dirons que l’effet de la morale est de les rendre ver­tueux. Ce n’est que par la ver­tu que l’homme se pré­pare à l’obtention du Souverain Bien : tel est l’effet éloi­gné de la loi. La loi a des effets immé­diats : sa fin pro­chaine est de créer dans le sujet de la loi une obli­ga­tion d’agir. Chez les êtres inin­tel­li­gents, cette néces­si­té est fatale et irré­sis­tible. Chez les êtres rai­son­nables, elle est de nature morale et reçoit le nom d’obligation et de devoir. Il s’agit bien ici encore d’une néces­si­té, fût-​ce mal­gré la volon­té du sujet de la loi, mais elle est morale et non phy­sique, c’est-à-dire qu’elle ne pro­cède pas d’une déter­mi­na­tion intrin­sèque de la nature ni d’une contrainte externe : elle s’adresse à la rai­son mais elle res­pecte la liber­té du sujet de la loi. Comme vous le voyez, l’obligation morale s’adresse à l’homme comme une obli­ga­tion. Mais non pas une obli­ga­tion qui fasse que l’homme ne soit plus libre. Le sujet reste libre, mais le sujet doit se sou­mettre. Cette loi qu’il conçoit comme son bien, comme sa fin, le sujet doit s’y sou­mettre mora­le­ment. C’est là que réside la dif­fi­cul­té du libé­ra­lisme qui affirme que l’obligation morale sup­prime notre liber­té. Ce n’est pas exact. L’obligation morale ne sup­prime pas notre liber­té. Il n’y a pas de liber­té de faire ce que l’on veut. Il n’y a pas d’homme sans loi ni sans but, sans fin ni sans rai­son. Nous ne pou­vons pas être libres sans avoir une direc­tion à don­ner à notre liber­té et ce choix néces­sai­re­ment nous conduit à une fin, nous conduit à un but. Par consé­quent, l’obligation morale ne dimi­nue pas notre liber­té mais la dirige et nous montre quel est son but, quelle est son uti­li­té. Sa fin est la rai­son même du don que le Bon Dieu nous a fait de cette liberté.

Je crois que nous devons nous atta­cher de toute notre âme, de tout notre cœur, à connaître ces lois si nous vou­lons atteindre notre fin. C’est pour cela que le Bon Dieu nous a don­né une intel­li­gence et une volon­té libre. De même que les êtres inin­tel­li­gents ne connaissent la loi que d’une manière non intel­li­gente et la suivent d’une manière ins­tinc­tive, fatale, nous devons recher­cher de toute notre âme quelle est la loi de notre acti­vi­té, la loi de notre nature qui nous condui­ra vers notre fin.

Adam et Eve expul­sés du Paradis par Pol de Limbourg, XVIe siècle.

La loi natu­relle a été ins­crite dans notre propre conscience, dans nos propres cœurs, dans nos propres âmes. Elle est com­plé­tée par la loi posi­tive : loi humaine et loi divine, loi de l’Église que Notre Seigneur a fon­dée pour le salut de tous les hommes. Car aucun homme n’est en dehors de l’ordre sur­na­tu­rel. Jamais n’a exis­té un homme en dehors de l’ordre sur­na­tu­rel. Adam et Eve étaient dans l’ordre sur­na­tu­rel. Par leur péché ils ont été pri­vés des biens sur­na­tu­rels et ont subi de graves dom­mages dans l’ordre de la nature. Depuis lors tout homme a besoin de res­tau­rer l’ordre sur­na­tu­rel pour res­tau­rer aus­si l’ordre natu­rel et retrou­ver l’application des lois qui le dirigent vers sa fin, fin natu­relle et sur­na­tu­relle. On a trop ten­dance à sépa­rer ces ordres natu­rel et sur­na­tu­rel. Dieu a don­né à Adam et à Eve, déjà, l’ordre sur­na­tu­rel. Pourquoi, nous disons-​nous, Dieu a‑t-​il don­né ces lois d’ordre sur­na­tu­rel qui com­pliquent notre vie ? Pourquoi ne pas nous avoir don­né tout sim­ple­ment une loi natu­relle ? Le Bon Dieu, dans sa libé­ra­li­té, sa bon­té, sa gran­deur, sa magni­fi­cence vis-​à-​vis des hommes a vou­lu ajou­ter à ce qui aurait pu être suf­fi­sant pour un cer­tain bon­heur natu­rel, a vou­lu leur don­ner un bon­heur encore plus grand. Est-​ce que nous devons repro­cher à Dieu d’avoir vou­lu nous don­ner un bien encore plus grand que celui que nous aurions eu par notre simple nature ? Mais on peut dire en véri­té que cette sur­na­ture que le Bon Dieu nous a don­née pour mieux le connaître, mieux l’aimer, mieux jouir de sa gran­deur dans l’éternité, fait par­tie main­te­nant en quelque sorte de la nature humaine. Parce que, encore une fois, il n’existe pas d’homme, il n’a jamais exis­té d’homme qui ait été en dehors de l’ordre sur­na­tu­rel. Je crois que c’est une erreur assez fré­quente que de croire que, quand on n’a pas la Grâce, on est en dehors de l’ordre sur­na­tu­rel, on est sim­ple­ment dans l’ordre de la nature. Or, on a per­du l’ordre de la nature quand on n’est plus dans l’ordre de la Grâce parce que l’ordre de la grâce est néces­saire pour la per­fec­tion de l’ordre natu­rel. Nous ne le voyons plus main­te­nant. Par la perte de l’ordre sur­na­tu­rel, Adam et Eve ont per­du éga­le­ment l’ordre natu­rel, en ce sens que vis-​à-​vis des lois de l’ordre de la nature, ils se trouvent en défi­cience. C’est pour­quoi notre liber­té se trouve atteinte aus­si, tou­chée non mor­tel­le­ment, mais bles­sée par le péché, par la perte des biens sur­na­tu­rels dont les consé­quences se font sen­tir aus­si dans l’ordre de la nature. Et notre liber­té est moins capable de s’exercer que lorsqu’Adam et Eve avaient la per­fec­tion de la nature et de la surnature.

Quelques applications de la liberté

Liberté et autorité

Vous avez pu voir peut-​être que dans l’Encyclique Libertas Praestantissimum, le Pape Léon XIII parle éga­le­ment de cette dimi­nu­tion de notre liber­té, pour l’application de l’autorité. Et il insiste sur­tout sur le fait de notre fai­blesse, de la fai­blesse de nos facul­tés qui nous vient d’une manière plus par­ti­cu­lière des consé­quences du péché originel.

Saint Thomas parle des quatre bles­sures qui sont faites à la nature par la perte de l’ordre sur­na­tu­rel : l’ignorance dans l’intelligence, la malice dans la volon­té, la fai­blesse et la concu­pis­cence. Voilà les quatre bles­sures qui sont faites à notre nature par le fait que nous per­dons l’ordre sur­na­tu­rel. Donc notre nature n’est plus par­faite. Saint Thomas insiste sur ces fai­blesses de la nature qui touchent éga­le­ment indi­rec­te­ment à notre liber­té, qui l’amenuisent, pour dire que l’autorité est nécessaire.

Je vou­drais à ce sujet cor­ri­ger une erreur qui pour­rait être assez com­mune : pen­ser que l’autorité ne nous est don­née que pour cela ; que l’autorité ici-​bas, que toutes les auto­ri­tés ne nous ont été don­nées par Dieu qu’à cause du péché ori­gi­nel. Ce serait évi­dem­ment une erreur. L’autorité est une per­fec­tion. Elle exis­te­ra tou­jours. L’autorité de Dieu vis-​à-​vis de nous exis­te­ra tou­jours. Si en consé­quence l’autorité n’était don­née qu’à cause de notre fai­blesse, de nos défi­ciences, l’autorité n’existerait que pen­dant l’existence humaine ici-​bas ; après cette vie, nor­ma­le­ment, dans le ciel et au para­dis, l’autorité ne devrait plus exis­ter. Cela n’est pas exact. D’ailleurs le mot lui-​même l’indique : auto­ri­té veut dire auteur ; l’autorité est donc auteur de la vie, elle doit conti­nuer à gar­der cette vie, à pro­té­ger cette vie, à conti­nuer de don­ner cette vie. Ainsi l’autorité est source de vie et par les lois qu’elle donne et par l’exécution même de ces lois.

Évidemment cer­tains diront : « il y a une contrainte » mais la contrainte est néces­saire quel­que­fois, jus­te­ment à cause de notre fai­blesse. Et c’est pour­quoi existent le pou­voir exé­cu­tif, le pou­voir légis­la­tif et le pou­voir judi­ciaire de ceux qui ont auto­ri­té. Le pou­voir légis­la­tif consiste pré­ci­sé­ment à faire des lois, à pré­ci­ser les lois qui sont dans la nature. L’autorité les for­mule, les pro­mulgue et les fait exé­cu­ter. Ensuite le pou­voir judi­ciaire consiste à punir les délin­quants, ceux qui ne veulent pas se sou­mettre à ces lois. Tel est le pou­voir même de l’autorité qui est faite pour le bien.

Bien sûr, si ces lois sont des lois injustes, des lois illé­gi­times, des lois qui ne sont pas conformes à l’ordre natu­rel ni conformes à la loi posi­tive de Dieu, alors ces lois n’ont pas de valeur. Une loi ne peut avoir de valeur que quand elle est conforme à la loi de la nature, à la loi posi­tive divine et aux lois posi­tives humaines que sont, par exemple, les lois de l’Église, les com­man­de­ments de l’Église qui sont des lois humaines, des lois ecclé­sias­tiques, mais qui cor­res­pondent à la loi divine.

Vous voyez donc que l’autorité par rap­port à la liber­té a un très grand rôle à jouer.

Liberté et pouvoir de faire le mal

Le Pape Léon XIII a dit expli­ci­te­ment qu’il est évident que le pou­voir de faire le mal ne fait pas par­tie de l’essence de la liber­té. Sinon le Bon Dieu ne serait plus libre, parce qu’il ne peut pas faire le mal. Et je pense que Dieu est sou­ve­rai­ne­ment libre. Et les élus qui sont dans le Ciel ne peuvent plus faire le mal non plus, mais pour­tant ils adhèrent libre­ment et d’une manière infaillible, au bien qu’ils conçoivent dans leur intel­li­gence, parce que cette fois le bien se pré­sente à eux tota­le­ment et direc­te­ment à leur intel­li­gence ; ils ne peuvent pas ne pas le voir, ils ne peuvent pas ne pas en jouir, ils ne peuvent pas, dans leur volon­té, ne pas dési­rer ce bien qu’ils aper­çoivent d’une manière par­faite, c’est incon­ce­vable ; ils s’y portent de tout leur cœur, de toute leur âme, parce qu’il est impos­sible que, ce bien leur étant pré­sen­té par la vision béa­ti­fique d’une manière directe, ils ne voient ce bien qui est leur bien, leur propre bien, leur propre fin ; ils ne peuvent pas ne pas y adhé­rer, et ils y adhèrent libre­ment, infailli­ble­ment. Donc dire de la liber­té qu’elle serait le pou­voir de faire le mal, ce serait dire qu’il n’y aurait plus de liber­té, ni chez les élus, ni en Dieu.

C’est un défaut de notre liber­té que le pou­voir de faire le mal. Et pour­quoi ce défaut ? Parce que les biens qui se pré­sentent à nous ne sont pas des biens néces­saires. Il y a un bien néces­saire qui est notre fin, le bon­heur, le désir de toutes les âmes. Mais entre ce bien final vers lequel nous mar­chons, et ce que nous sommes main­te­nant, il y a une infi­ni­té de biens qui se pré­sentent à nous et par­mi eux, il y a des biens réels et des biens trom­peurs. Il y a des biens appa­rents, aux­quels nous ris­quons de nous atta­cher si nous ne fai­sons pas atten­tion ; nous pou­vons quel­que­fois nous y atta­cher sans mau­vaise conscience, mais nous pou­vons aus­si nous y atta­cher avec mau­vaise conscience. Nous pou­vons nous atta­cher à des biens trom­peurs, de même que nous pou­vons nous atta­cher aus­si à des véri­tés appa­rentes, qui en réa­li­té sont des erreurs. Parce que main­te­nant, actuel­le­ment encore, nous n’avons pas le bien total de notre intel­li­gence et de notre volonté.

Alors si nous sommes libres du choix, on com­prend très bien que le Bon Dieu ne pou­vait pas nous empê­cher, étant don­né la nature de pèle­rins qu’il nous a don­née, dans laquelle nous sommes à de nom­breuses croi­sées de che­mins et avons de nom­breux choix à faire, – le Bon Dieu ne pou­vait pas nous empê­cher de faire de mau­vais choix. Alors nous n’aurions plus la liber­té humaine, qui s’attache à des biens par­ti­cu­liers, à des biens contin­gents, que nous pou­vons choi­sir, et c’est là que nous pou­vons errer, parce que nos intel­li­gences ne sont pas par­faites, parce que nos volon­tés ne sont pas par­faites non plus et à plus forte rai­son depuis que nous sommes sou­mis au péché ori­gi­nel. Comme je vous le disais tout à l’heure, l’ignorance et la malice font mal­heu­reu­se­ment par­tie des défauts que nous avons d’une manière encore beau­coup plus grande que ne pou­vaient l’avoir nos pre­miers parents.

La liberté religieuse

Voici une autre véri­té impor­tante à connaître et à affir­mer : autre chose est de pou­voir faire le mal et autre chose le droit de faire le mal.

Seulement là j’en viens main­te­nant à une conclu­sion que vous devi­nez, et à ce cha­pitre qui va nous don­ner encore bien des sou­cis et bien des dif­fi­cul­tés à la pro­chaine ses­sion du Concile, celui de la liber­té reli­gieuse. Pouvons-​nous envi­sa­ger jus­te­ment que l’homme, comme il est dit et comme on l’a dit, l’homme, à cause de sa digni­té humaine est mora­le­ment libre d’adhérer et de mettre en pra­tique publi­que­ment la reli­gion qu’il conçoit dans sa conscience ?

Voilà à peu près l’énoncé de ce que vou­draient un cer­tain nombre de Pères du Concile, pour dire les choses comme elles sont, de ce qu’ils vou­draient nous faire adop­ter. L’homme est libre, a le droit par consé­quent, – vous voyez que c’est grave -, a le droit, je ne dis pas le pou­voir (cela est autre chose : hélas ! nous avons le pou­voir de pécher), mais le droit de pécher. Ainsi l’homme aurait le droit, de par sa digni­té humaine, – expli­quez cela comme vous l’entendez -, d’adhérer et de pra­ti­quer publi­que­ment la reli­gion qu’il conçoit dans sa conscience !

C’est effrayant une affir­ma­tion comme celle-​là, effrayant de consé­quences ! C’est épou­van­table ; je sup­pose que ceux qui énoncent des prin­cipes comme ceux-​là ne voient pas les consé­quences qu’ils peuvent pro­vo­quer. « Mais enfin, dira-​t-​on, vous ne pou­vez pas empê­cher les Protestants de mani­fes­ter publi­que­ment et offi­ciel­le­ment leur foi ! ». Évidemment, cela paraît extrême de dire le contraire. Mais autre chose est une foi qui n’est pas conforme à la Foi telle que Notre Seigneur nous l’a ensei­gnée, autre chose sont les consé­quences de cette foi.

Si l’erreur n’était que dans le domaine du dogme, ce serait déjà très grave. Supposons que dans une famille catho­lique par exemple, on fasse venir régu­liè­re­ment une per­sonne qui pro­fesse une foi dif­fé­rente et qu’on dise : « il faut que les enfants connaissent tout, il faut de l’ouverture au monde, il faut de l’ouverture aux idées ». On lais­se­rait cette per­sonne expo­ser sa foi et mon­trer aux enfants la foi qu’elle pro­fesse ; ce serait déjà très grave. Car si ce n’est pas la vraie foi, c’est une erreur. Cela revient à expo­ser des erreurs devant des enfants qui sont plus ou moins capables de se défendre devant ces erreurs. Il est tou­jours grave d’accepter le scan­dale de l’erreur.

Mgr Lefebvre au Concile Vatican II, assis à côté de lui, Mgr O’Donnel d’Australie, debout der­rière lui, Mgr Hoyer de Madagascar.

Mais, logi­que­ment, il faut arri­ver à la morale. On ne peut pas sépa­rer le dogme de la morale. On dira : « Ah ! cela c’est dif­fé­rent, ne nous par­lez pas de morale. Il s’agit seule­ment de la reli­gion pra­ti­quée publi­que­ment, par exemple les offices du culte ». Je réponds : vous ne pou­vez pas dire : « Nous auto­ri­sons les autres reli­gions à faire les offices du culte » et ne pas les auto­ri­ser aus­si à pra­ti­quer leurs lois morales et par consé­quent, ne pas deman­der aux États et aux gou­ver­ne­ments d’entériner leurs lois morales. La reli­gion et la morale ne font qu’un ; le dogme et la morale ne font qu’un. Il faut donc être logique com­plè­te­ment. Par consé­quent, il fau­drait conclure qu’il faut désor­mais dans tous les États accep­ter le birth-​control et le divorce et qu’il ne doit plus y avoir aucun État qui n’accepte pas le divorce. C’est logique, si c’est un droit. Et s’ils ont le droit, c’est que Dieu le donne. C’est donc que Dieu donne, par égard à la digni­té humaine, le droit de pra­ti­quer publi­que­ment la reli­gion conforme à sa conscience et de pra­ti­quer la morale qui en découle.

Ce sont des prin­cipes qui sont abso­lu­ment contraires à toutes les Encycliques des Papes jusqu’à pré­sent ; c’est clair. C’est pour­quoi les libé­raux concluent que les États, les gou­ver­ne­ments ne sont pas capables de connaître la vraie reli­gion. Il faut en arri­ver là pour mettre ensuite toutes les reli­gions sur le même pied, tous les cultes et toutes les morales sur le même pied. Il faut en arri­ver logi­que­ment à dire que les États n’étant pas capables de connaître quelle est la vraie reli­gion, ils sont obli­gés d’admettre la liber­té de tous les cultes qui peuvent s’imposer à eux. La seule limite sera soi-​disant l’ordre public. Mais com­ment défi­nir l’ordre public ? Car il faut le défi­nir, cet ordre public. On peut dire par exemple, que la poly­ga­mie est l’ordre public pour les Musulmans… Eux aus­si vont venir avec leur culte, eux aus­si vont venir avec leur morale. Et pour­quoi pas ? Alors on ne peut plus en sortir.

Que l’on dise que : « On tolère, on accepte, la pru­dence veut que l’on admette… » ; enfin qu’il y ait une cer­taine tolé­rance par les États Catholiques, par exemple de la pra­tique du culte, d’une cer­taine liber­té reli­gieuse, cela est lais­sé au juge­ment des chefs d’État qui doivent être conscients de leurs devoirs et de leurs res­pon­sa­bi­li­tés. Par exemple, pour évi­ter un plus grand mal qui serait des oppo­si­tions vio­lentes entre citoyens, pour évi­ter des dif­fi­cul­tés graves, on pour­rait tolé­rer que les édi­fices de culte des dif­fé­rentes reli­gions soient ouverts.

De là à dire ensuite que ceux qui demandent aux États cette liber­té la demandent par égard à un droit, ah, non ! Cela jamais ! Est-​ce que le Bon Dieu, main­te­nant, don­ne­rait le droit aux hommes d’adhérer à l’erreur ? Est-​ce que le Bon Dieu don­ne­rait le droit aux hommes de faire le mal ? Le droit, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Et c’est là que toute la dif­fi­cul­té gît : le “jus habent’ par égard à la digni­té humaine. Est-​ce que la digni­té de l’homme ne consiste pas dans sa fin, dans ces lois dont je vous ai par­lé, dans cet ordre uni­ver­sel qui nous est don­né par l’Église, qui nous est ensei­gné par Notre Seigneur qui parle par l’Église ? Alors il n’y a plus d’ordre pos­sible. Nous ne savons plus quel est l’ordre vrai, quel est l’ordre qui n’est pas vrai. Je crois qu’il y aura encore des dis­cus­sions très vives à ce sujet-​là au Concile.

On se demande même com­ment on a pu en arri­ver à expri­mer des choses sem­blables. Que ceux qui pro­fessent le libé­ra­lisme ou le moder­nisme expli­ci­te­ment aient des idées de ce genre, passe, c’est nor­mal peut-​être pour eux, mais que des théo­lo­giens aient cette audace, c’est vrai­ment grave, très grave, je vous assure, vous en voyez les conséquences.

Encore une fois, si on admet que les hommes ont le droit de pra­ti­quer publi­que­ment la reli­gion qu’ils conçoivent dans leur conscience, ils ont droit aus­si à leur morale. On ne peut pas dire : « Vous n’avez droit uni­que­ment qu’à la pra­tique du culte, vous n’avez pas droit à la morale ». C’est une consé­quence abso­lu­ment inévi­table. D’ailleurs, ceux qui veulent cette liber­té du culte, cer­tains du moins, dési­rent aus­si cette liber­té de la morale, pous­sés qu’ils sont par je ne sais quel esprit, mais enfin ils la dési­rent éga­le­ment parce que, il n’y a pas de doute, mal­heu­reu­se­ment il faut bien le dire, que cer­tains esprits sont abso­lu­ment mécon­tents, cha­grins, de pen­ser qu’il y a encore des États, des gou­ver­ne­ments qui peuvent inter­dire le divorce. Cela leur paraît inimaginable.

Ainsi vous voyez com­bien cette notion de la liber­té est faus­sée, et même com­plè­te­ment faus­sée. Comme si on pou­vait sépa­rer la liber­té de ce qui fait l’homme tout entier. On ne peut pas sépa­rer la liber­té, pas plus qu’on ne peut sépa­rer l’intelligence, de l’homme et défi­nir l’intelligence en dehors de l’homme tout entier, en dehors de sa fina­li­té ; pas plus qu’on ne peut défi­nir la volon­té de l’homme sans consi­dé­rer la fina­li­té de l’homme total, on ne peut non plus défi­nir la liber­té en dehors de l’homme. Il faut la défi­nir donc en vue de la fina­li­té de l’homme. La liber­té nous est don­née pour cela. Toutes nos facul­tés nous sont don­nées pour que nous attei­gnions notre fin. Et cette fin est ins­crite dans une loi indi­quée par l’autorité. Ce n’est pas tel­le­ment com­pli­qué. Mais il existe une telle obses­sion du dan­ger d’avoir une liber­té un peu limi­tée que l’on vou­drait appli­quer cette liber­té d’une manière com­plète, totale, en dehors de toute loi, en dehors de toute fina­li­té. L’homme est libre, abso­lu­ment libre. Il peut faire tout ce qu’il veut ; cela regarde sa conscience. C’est sa conscience qui est le cri­tère final, le cri­tère défi­ni­tif de tout ce que l’homme peut faire. Chaque homme peut se faire sa loi, chaque homme peut se faire sa fin… Mais est-​ce que le Bon Dieu nous a créés comme des êtres qui seraient cha­cun un monde à part ? Tous seraient des êtres d’ordre dif­fé­rent, ayant cha­cun une fina­li­té dif­fé­rente ! On se demande com­ment on peut ima­gi­ner des choses pareilles…

Voilà ce que je vou­lais vous expri­mer. Je m’excuse si je n’ai pas été clair. Je vou­drais tel­le­ment que vous ayez, conscience de l’importance d’une claire défi­ni­tion de la liber­té, dans notre être et dans notre vie, parce qu’elle a des consé­quences non seule­ment pour nous, mais dans toute la vie sociale. Et sur la liber­té, sur une bonne liber­té, s’échafaude, vous le savez bien, toute la res­pon­sa­bi­li­té, les lois, l’autorité, la jus­tice, enfin tout ce qui fait au fond une vie humaine, une vie sociale. Parce que sans cela, pour­quoi les tri­bu­naux, pour­quoi les magis­trats, pour­quoi la jus­tice ? Si nous sommes libres de faire ce que nous vou­lons, il y a là une incon­sé­quence invrai­sem­blable. Sur le plan spé­cu­la­tif, on nous dit : « Vous êtes libres de faire ce que vous vou­lez ». Puis, tout d’un coup, un gen­darme vient nous prendre et nous met en pri­son en nous disant : « Vous avez mal fait ». « Mal fait ? Moi je fais ce que ma conscience me dit ! Cela ne vous regarde pas ! Je fais ce que je veux. Je suis libre ! ». Que faire ? Il n’y a plus de péché, il n’y a plus de mal, il n’y a plus de tri­bu­naux, il n’y a plus de jus­tice. Chacun se fait sa loi à soi et tout est dit. On ne voit pas où l’on peut s’arrêter. Dire : « il y a une limite » ? Quelle limite ? Quand on part des prin­cipes, il faut être logique jusqu’au bout. Si on applique cette idée de la liber­té totale en dehors d’une fin, en dehors des lois que le Bon Dieu nous donne, il n’y a plus aucune pos­si­bi­li­té de jus­ti­fier une action en jus­tice et plus de res­pon­sa­bi­li­té et plus de péché et plus de mal.

De là viennent éga­le­ment toutes les fausses liber­tés contre les­quelles s’élève le Pape Léon XIII : liber­té de la presse, liber­té de la conscience, toutes ces erreurs modernes qui paraissent aujourd’hui nor­males. Mais nous dit-​on : « Vous retar­dez, par­ler de la liber­té de la presse… Comme si la presse n’était pas libre ! Les hommes d’aujourd’hui ne sont tout de même plus les hommes de 1888 ! Les hommes sont bien capables main­te­nant de juger ce qui est bien et ce qui est mal ! Pourquoi voulez-​vous limi­ter la liber­té de la presse ? Chacun est libre de faire et de publier ce qu’il veut ! ». Donc liber­té du scan­dale, du scan­dale de l’erreur, du scan­dale des mœurs…

Il n’y a pas moyen d’en sor­tir. Si on com­mence à vou­loir dire qu’il faut une liber­té, il faut la liber­té de la presse, il faut la liber­té des mœurs, il faut la liber­té de tout. Il n’y a pas de limite pos­sible. Qu’il y ait une cer­taine tolé­rance, d’accord. Mais on ne peut tout de même pas dire que la presse n’ait pas une influence consi­dé­rable. La presse, la télé­vi­sion, la radio, le ciné­ma ont une influence énorme sur le condi­tion­ne­ment des esprits humains. Nous allons vers un esprit stan­dard. On va stan­dar­di­ser les esprits en les ame­nant sous le joug de visions de l’humanité abso­lu­ment dimi­nuées : visions maté­ria­listes, sen­suelles, que sais-​je ? C’est effrayant, le condi­tion­ne­ment que peuvent faire la radio, la Presse ! Alors je pense que des États comme le Portugal, l’Espagne et d’autres ont par­fai­te­ment rai­son de dis­ci­pli­ner la presse et tous les moyens d’information.

Liberté de la presse, liber­té d’enseignement, liber­té de conscience : autant de liber­tés contre les­quelles s’élève le Pape Léon XIII. Je ne sau­rais trop vous conseiller de lire l’Encyclique Libertas Praestantissimum qui est vrai­ment le plus beau résu­mé qu’on ait pu faire sur la liber­té et en même temps sur l’application des prin­cipes aux « erreurs modernes » qui sont tou­jours actuelles.

Conclusion

Union des âmes par la doctrine enseignée par l’Église

Je vou­drais ter­mi­ner par un petit pas­sage de l’Encyclique Sapientiae Christianae du Pape Léon XIII. Il y demande jus­te­ment l’union des âmes :

« 26 – Pour réa­li­ser cette union des esprits et cette uni­for­mi­té dans la conduite, si jus­te­ment redou­tées des adver­saires du catho­li­cisme, la pre­mière condi­tion à réa­li­ser est de pro­fes­ser les mêmes sen­ti­ments. Avec quel zèle ardent et avec quelle sin­gu­lière auto­ri­té de lan­gage saint Paul, exhor­tant les Corinthiens, leur recom­mande cette concorde ! Mes frères, je vous en conjure par le nom de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, dites tous la même chose ; qu’il n’y ait pas de divi­sions par­mi vous ; ayez entre vous le plus par­fait accord de pen­sées et de sentiments.

« 27 – La sagesse de ce pré­cepte est d’une évi­dence immé­diate. En effet, la pen­sée est le prin­cipe de l’action, d’où il suit que l’accord ne peut se trou­ver dans les volon­tés, ni l’ensemble dans la conduite, si chaque esprit pense dif­fé­rem­ment des autres. Chez ceux qui font pro­fes­sion de prendre la rai­son seule pour guide, on trou­ve­rait dif­fi­ci­le­ment – si tant est qu’on la trouve jamais – l’unité de doc­trine. En effet, l’art de connaître le vrai est plein de dif­fi­cul­tés ; de plus, l’intelligence de l’homme est faible par nature et tirée en sens divers par la varié­té des opi­nions ; elle est sou­vent le jouet des impres­sions venues du dehors, il faut joindre à cela l’influence des pas­sions, qui, sou­vent, ou enlèvent com­plè­te­ment, ou dimi­nuent dans de notables pro­por­tions la capa­ci­té de sai­sir la véri­té. Voilà pour­quoi, dans le gou­ver­ne­ment poli­tique, on est sou­vent obli­gé de recou­rir à la force, afin d’opérer une cer­taine union par­mi ceux dont les esprits sont en désaccord.

« 28 – Il en est tout autre­ment des chré­tiens : ils reçoivent de l’Église la règle de leur foi ; ils savent avec cer­ti­tude qu’en obéis­sant à son auto­ri­té et en se lais­sant gui­der par elle, ils seront mis en pos­ses­sion de la véri­té. Aussi, de même qu’il n’y a qu’une Église, parce qu’il n’y a qu’un seul Jésus-​Christ, il n’y a et il ne doit y avoir entre les chré­tiens du monde entier qu’une seule doc­trine, un seul Seigneur, une seule foi. Ayant entre eux le même esprit de foi, ils pos­sèdent le prin­cipe tuté­laire d’où découlent, comme d’elles-mêmes, l’union des volon­tés et l’uniformité dans la conduite.

« 29 – Mais, ain­si que l’ordonne l’apôtre saint Paul, cette una­ni­mi­té doit être parfaite.

« 30 – La foi chré­tienne ne repose pas sur l’autorité de la rai­son humaine, mais sur celle de la rai­son divine ; car, ce que Dieu nous a révé­lé, « nous ne le croyons pas à cause de l’évidence intrin­sèque de la véri­té, per­çue par la lumière natu­relle de notre rai­son, mais à cause de l’autorité de Dieu, qui révèle et qui ne peut ni se trom­per ni nous trom­per ». Il résulte de là que, quelles que soient les choses mani­fes­te­ment conte­nues dans la révé­la­tion de Dieu, nous devons don­ner à cha­cune d’elles un égal et entier assen­ti­ment. Refuser de croire à une seule d’entre elles équi­vaut, en soi, à les reje­ter toutes. Car ceux-​là détruisent éga­le­ment le fon­de­ment de la foi, qui nient que Dieu ait par­lé aux hommes, ou qui mettent en doute sa véri­té et sa sagesse infinie.

« 31 – Quant à déter­mi­ner quelles doc­trines sont ren­fer­mées dans cette révé­la­tion divine, c’est la mis­sion de l’Église ensei­gnante, à laquelle Dieu a confié la garde et l’interprétation de sa parole ; dans l’Église, le doc­teur suprême est le Pontife Romain. L’union des esprits réclame donc, avec un par­fait accord dans la même foi, une par­faite sou­mis­sion et obéis­sance des volon­tés à l’Église et au Pontife Romain, comme à Dieu Lui-même. »

Et c’est très impor­tant, jus­te­ment parce qu’actuellement on parle beau­coup d’union. Ceux qui ne veulent pas se confor­mer aux opi­nions des autres, à l’opinion publique, on les accuse de divi­ser. « Vous êtes des gens qui sont tou­jours mécon­tents, qui ne sont jamais satis­faits. Vous divisez… ».

Je pense que c’est là ce qui doit nous gui­der et nous unir, la doc­trine de l’Église ensei­gnée par les Papes. Étudiez la doc­trine des Papes !

Piété, Étude, Action

Vous connais­sez ces prin­cipes que l’on a quel­que­fois dans cer­tains mou­ve­ments d’Action Catholique et qui sont en soi des prin­cipes tout à fait élé­men­taires : « Voir, juger, agir » ?

Eh ! voir, juger, agir… encore faut-​il juger selon la Vérité, encore faut-​il agir selon la Vérité. « Voir, juger, agir » tout le monde fait cela ; les com­mu­nistes font cela ; tout homme sen­sé fait cela. On voit, on juge, on agit, mais on peut voir, juger agir dérai­son­na­ble­ment. Il faut donc voir, il faut donc étu­dier. Je trouve que les consignes du Pape saint Pie X à ce propos-​là étaient beau­coup plus justes : « Piété, Étude, Action ». Voilà quelle était la consigne que don­nait le Pape saint Pie X aux membres de l’Action Catholique ; « Piété, Étude, Action », c’est beau­coup plus réa­liste. Là au moins il y a des prin­cipes aux­quels on s’attache. Piété : prier d’abord, donc s’unir à Dieu ; puis étude : étu­dier la Vérité. Alors on agit avec suc­cès. Et même s’il n’y a pas de suc­cès appa­rent, on a au moins l’espérance d’un suc­cès à venir.

©Photo. R.M.N. /​R.-G. OjŽda

Je vous féli­cite aus­si de tout cœur de vous réunir comme cela, en petits groupes, pour étu­dier la Vérité. Surtout à votre âge, dans les condi­tions où vous êtes, dans les milieux où vous vous trou­vez, étant don­né l’ambiance, il est abso­lu­ment indis­pen­sable que vous étu­diiez les prin­cipes afin que vous ayez une vue claire, un esprit qui adhère vrai­ment à la Vérité. Alors vous agi­rez dans toutes les cir­cons­tances de votre vie d’une manière qui sera vrai­ment conforme aux lois du Bon Dieu, à l’ordre de l’univers. Vous serez dans l’ordre. Et l’ordre pro­duit la jus­tice et la jus­tice pro­duit la paix.

Ce sont des prin­cipes fon­da­men­taux sur les­quels on ne doit jamais tran­si­ger : il y a un ordre dans le monde, le Bon Dieu nous a ordon­nés vers une fin. Si nous sor­tons de cet ordre, c’est fini, nous sommes dans le désordre. Si c’est un désordre moral, nous sommes dans le péché. Si c’est un désordre poli­tique ou éco­no­mique, si on sort de l’ordre qui est ins­crit dans les lois de la nature, on va vers des catas­trophes pour la socié­té. Et Dieu sait si on le voit main­te­nant depuis quelques années. Toutes ces guerres que nous déplo­rons sont le fruit du désordre, du désordre moral, du désordre phi­lo­so­phique et du désordre qui règne dans les esprits. Alors il faut d’abord mettre de l’ordre dans les esprits. Puis vien­dra ensuite l’ordre dans l’action et dans tous les domaines. Car il ne faut pas exclure le domaine poli­tique. Ce serait encore une erreur que l’on vou­drait main­te­nant incul­quer dans les esprits, les esprits des catho­liques, les esprits des chré­tiens, que l’on ne doit pas recher­cher pour les États une légis­la­tion catho­lique et un gou­ver­ne­ment catho­lique. Aujourd’hui, c’est pros­crit !!! C’était bon pour le temps des Croisades !!! Mais main­te­nant il ne s’agit pas de vou­loir remettre un gou­ver­ne­ment catho­lique à la tête d’un État, ou des catho­lique à la tête d’un gou­ver­ne­ment ! Alors que ce doit être l’un des buts essen­tiels que se pro­pose tout citoyen catholique.

Nous sommes abso­lu­ment dans une atmo­sphère de folie : le pre­mier désir de tout catho­lique devrait être que sa com­mune soit catho­lique, que sa région soit catho­lique, que l’État devienne catho­lique, pour le bien de sa famille, pour le bien de ses conci­toyens, pour que le Règne de Notre Seigneur arrive sur la terre comme au Ciel.

Source : Nouvelles de Chrétienté n° 111, mai-​juin 2008 et n° 112, juillet-​août 2008.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.