Quatorze ans après la mort de notre fondateur, nous pouvons constater que sa société religieuse a pris de l’ampleur. Son esprit et son action ont marqué profondément.
Même ceux qui se sont désolidarisés de lui au moment des sacres – et qui l’ont critiqué souvent assez fortement – lui doivent beaucoup, bien que n’ayant pas vraiment compris son esprit. D’autres se réclament de son héritage, mais tout en croyant le connaître, ils n’ont pris de lui que certaines positions doctrinales, effleurant à peine sa personnalité religieuse ; ils tentent aujourd’hui d’introduire une dialectique entre ce qui serait l’esprit de Mgr Lefebvre et la manière d’agir de ses successeurs à la tête de la Fraternité St-Pie X. Dans les nombreuses conférences spirituelles que Mgr Lefebvre a données à Ecône, ils nous a dévoilé son véritable esprit, celui d’un religieux qui a toujours considéré comme puéril ces vaines oppositions entre le missionnaire et le religieux, entre l’action et la contemplation.
La formation spirituelle [1]
« Soyons des prêtres saints, car je ne pense pas que le libéral puisse parvenir à la sainteté. Assainir sa nature pour la retrouver intègre et la mieux disposer à la grâce : ceci c’est l’œuvre de la prière et de la mortification, c’est la sainteté vécue. Parmi les notes de l’Eglise, la plus convaincante c’est la sainteté (l’unité, la catholicité, l’apostolicité ne sont pas si évidentes). C’est par la sainteté du prêtre que les campagnes sont conquises. Un saint prêtre, c’est le Bon Dieu. L’Eglise ne peut pas se passer de sainteté, elle est indispensable.
Il faut faire la conquête de soi. Nous devons lutter contre celui qui nous possédait avant le baptême pour retrouver la maîtrise de soi. On se possède lorsque l’on est capable de soumettre toutes ses pensées, tous nos actes à Notre Seigneur Jésus-Christ et cela il faut le rechercher dans les plus petits détails de notre vie. Nous ne sommes que des locataires de nous-mêmes. Notre Seigneur est chez lui chez nous plus que nous-mêmes puisque c’est Lui qui nous soutient dans l’existence. Il faut nous reconquérir tous les jours. Les prières de Prime sont admirables. Elles nous mettent entièrement sous la mouvance de Notre Seigneur Jésus Christ : « Que notre langue soit réfrénée, que notre vue soit voilée aux mondanités… ! » Il faut surveiller notre égoïsme, notre éducation moderne est lamentable. Les parents se sont mis au service de leurs enfants, jamais l’idée de faire faire un sacrifice aux enfants.
Le prêtre malheureux c’est celui qui n’a jamais ce qui fait le bonheur du vrai prêtre. Peut-on faire une équivalence entre l’amour de Notre Seigneur et une créature, même sa famille ? On comprend cela par la méditation, petit à petit. C’est pourquoi vous avez une cellule individuelle.
Vous devez être des ermites au moins par un désir intérieur. Vous devez être heureux de retrouver votre cellule après les vacances. C’est l’enseignement de l’Imitation de Jésus- Christ (Liv. I ch. XX) : « Je n’ai jamais été parmi les hommes sans en revenir moins homme. Nul ne se montre sans péril s’il n’aime à vivre caché ». Sans cet amour de la cellule, un jour viendra où vous ne pourrez plus vous passer des fidèles. La solitude vous sera physiquement impossible.
On ne peut pas manquer indéfiniment au règlement sans porter atteinte à sa ferveur. Le mépris de l’autorité, c’est le mépris de Dieu ! Vous faites des indélicatesses et vous allez prier Dieu à la chapelle. Alors ça ne marche plus, le courant ne passe plus.
Il n’y a pas de sacrifice sans prêtre. Il n’y a pas de prêtre sans sacrifice.
C’est une grâce particulière que Dieu demande à chaque membre de la Fraternité de retrouver la valeur du Saint Sacrifice. S’il n’y avait pas de Sacrifice, il n’y aurait pas de sacrement.
Sans sacrifice propitiatoire pour les péchés, il n’y a plus de raison de sacerdoce. Si le monde va si mal, c’est à cause de l’absence du sacrifice.
Le prêtre qui ne respecte pas l’autel, qui n’a pas le culte du tabernacle, ne respecte pas son sacerdoce.
Vivez d’espérance, c’est la vertu du pèlerin. Ce serait naturel de penser constamment au but vers lequel nous marchons. L’espérance, c’est le désir du ciel. Il ne faut pas hésiter à en parler aux fidèles.
La lutte contre les erreurs n’est pas la spiritualité de la Fraternité, n’oublions pas de rechercher la sainteté.
L’apostolat des prêtres de la Fraternité
Notre apostolat doit être une source de sainteté. Il ne faut pas s’attacher aux personnes, tout doit revenir à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Le ministère a envisager sera celui que fit saint Louis-Marie Grignion de Montfort : des missions paroissiales, des soutiens aux prêtres, des retraites sacerdotales. Pour cela, il faut que les prieurés soient des maisons de prières, le PC de la vie de prière.
Le comble de la charité, c’est la miséricorde, vertu essentielle du prêtre. Il n’y a pas de distinction réelle entre l’amour de Dieu et celle du prochain car la raison d’aimer notre prochain, c’est Dieu. Ut in Deo sit : voilà toute la pastorale, je dois aimer mon prochain pour ce qu’il y a de Dieu en lui. Je me suis souvent servi de ces deux petites phrases pour des sermons de mariage.
Quand on se trouve dans une situation telle qu’est celle que connaît l’Eglise, on n’a pas le droit de perdre son temps. Vous manquez de charité envers les âmes qui vous attendent.
Voir – Juger – Agir étaient les principes des mouvements de la JOC – JEC – etc. Ils voyaient, ces jeunes, à leur manière ; ils jugeaient, à leur manière. C’est toujours l’autorité qui avait tort. Tout le monde fait ça : voir, juger, agir ; même les communistes, mais à partir de quels principes ? Voir, juger, agir : ça ne veut rien dire ! Saint Pie X disait : prière, étude, action !
Il n’y a pas d’action missionnaire sans contemplation, ça n’existe pas. Il n’y a pas de religion sans la Croix : le Sacrifice de la Messe. Tout le reste est diabolique.
Si on écarte la Croix on tombe dans le péché. C’est la loi de Notre Seigneur Jésus-Christ qui rend heureux et la loi de Notre Seigneur, c’est la Croix. Ce n’est pas rien d’être prêtres et vous êtes attendus, mais soyez prudents, votre apostolat doit toujours être surnaturel.
Notre différend avec Rome : l’abîme du modernisme (conférence du 26 mars 1976)
Comment expliquer l’attitude de Mgr Benelli vis-à-vis du séminaire ? Il est évidemment difficile et délicat de définir l’attitude intime de ceux qui occupent des places de responsabilités à Rome. Il semble qu’ils soient au service d’une idéologie. L’Eglise a pris une nouvelle orientation depuis le concile et ils se sentent responsables de cette orientation vis-à-vis de tous ceux qui l’ont prise, vis-à-vis des Pères du concile. Il s’agit non seulement de l’idéologie du concile, mais de toute l’idéologie post-conciliaire, comprenant toutes les applications du concile ; ils nous demandent même de nous soumettre à toutes les directives venant de Rome. Il est évident que nous sommes en face de tout un ensemble imprégné de modernisme, et le modernisme est une idéologie très subtile, difficile à découvrir ; la simple lecture de Pascendi nous montre cette difficulté à le définir, en tous cas, elle nous montre comment le prendre. C’est le propre du modernisme que de se présenter sous un aspect de vérité et de foi, mais dans un langage tellement équivoque, voire contradictoire, que pour finir on ne sait plus comment le prendre ou le condamner. Un exemple est celui de Mgr Benelli me disant : « Mais l’idée de sacrifice est dans la messe, regardez le prologue de Missale romanum ! ». Certes, c’est marqué là – il faut cependant dire qu’ils l’ont rajouté par la suite sous la pression des réclamations – mais dans la messe elle-même, ils n’ont rien changé. S’ils avaient voulu redonner la notion de sacrifice à la messe, il aurait fallu remettre les textes qui en parlent de façon explicite. Ils arrivent toujours à défendre la théorie, mais les directives pratiques détruisent cette propre théorie dont ils font soi-disant profession.
C’est ce qui rend notre combat difficile, car bien des personnes peuvent nous reprocher : « Vous exagérez en disant que la crise de l’Eglise est une crise de la foi, qu’elle commence avec le concile, voyez ce qu’a dit le pape à tel sujet, voyez son Credo ! » Evidemment, il y a des choses qui sont exactes, mais quand on regarde toute la réforme liturgique, la réforme des catéchismes, des congrégations religieuses, la réforme pratique des institutions de l’Eglise avec les conférences épiscopales, les conseils presbytéraux, on se rend compte qu’entre les paroles qui sont dites et la réalité, il y a un monde. Autre chose est la thèse, autre chose l’hypothèse ; et quand on passe à l’action, on applique des principes tout à fait subversifs.
J’ai très bien senti que nous faisons obstacles à l’application du concile et disons-le, à l’application d’une nouvelle religion, religion moderniste, apparentée au protestantisme, au collectivisme, apparentée même au marxisme, au theilardisme, c’est tout un ensemble !
L’attitude du St-Siège influencée par les idées maçonniques
De plus en plus, on découvre les dessous de la nouvelle politique du St-Siège, et on est stupéfait d’apprendre par exemple l’appartenance du cardinal Liénart à la maçonnerie (citée dans la revue Chiesa viva), on y donne sa date d’entrée, les différents degrés dont il a fait partie. Heureusement que j’ai saint Pie V dans ma généalogie ! – et dans la vôtre aussi pour ceux qui reçoivent les ordinations. Le bruit court aussi à Rome, et maintenant c’est assez public, que le départ de Rome de Mgr Bugnini est du à des indiscrétions de sa part au sujet de la maçonnerie dont il fait partie. (.) Je me rappelle encore être allé voir Mgr Cicognani pour lui faire part de mes doléances concernant la messe normative ; je le vois encore se prenant la tête et me dire : « Tout cela, c’est Mgr Bugnini, il peut entrer à n’importe quelle heure dans le bureau du pape et lui faire signer n’importe quoi ! ». Si maintenant on apprend qu’il est franc-maçon, tout cela est d’une gravité incroyable !
L’apostolat, fruit de la vie surnaturelle (Conférence du 24 novembre 1975)
Je voudrais préciser les pensées qui m’ont orienté dans la rédaction des statuts ; beaucoup des anciens les connaissent, mais je ne voudrais pas qu’il y ait pas par la suite des divergences profondes entre les membres de la Fraternité dans la compréhension des statuts. (.)
Tout apostolat, s’il veut être fructueux, doit être basé sur la contemplation. Les apôtres étaient des contemplatifs. Tous les apôtres devraient être des contemplatifs.
Je pense que les curé d’Ars, les Padre Pio ou saint Jean Bosco, qui étaient très actifs, étaient pourtant des hommes de contemplation, des gens qui passaient aisément de la vie active à la vie d’oraison, qui aspiraient au cours de leur vie à passer quelques jours d’exercices spirituels pour se retrouver plus proches de Notre Seigneur, pour penser davantage à Notre Seigneur et vivre mieux avec Lui.
C’est là un peu le test de l’esprit contemplatif d’un apôtre : avons-nous ce désir de passer quelques jours dans la contemplation, dans la prière ? Ou bien au contraire, dès qu’on nous parle d’une retraite à faire ou d’une récollection, cela nous pèse, on se dit qu’on perd son temps, on ferait mieux de continuer à travailler à son apostolat, on est attendu à droite, à gauche. C’est clair que si on veut travailler, on en trouvera toujours. Mais c’est là qu’on voit qu’on est pris par l’action et qu’on n’est plus capable de se recueillir pendant quelques jours pour rechercher la vraie vie spirituelle.
Le véritable apôtre a ce désir de contemplation, tout en ayant aussi le désir du bien des âmes. Si on a une vie active, cela ne veut pas dire qu’on n’est fait que pour l’action ; d’ailleurs l’action serait purement stérile, ne signifierait rien si nous étions de purs fonctionnaires de l’apostolat, si on n’a pas l’esprit d’apostolat qui est l’esprit d’union à Notre Seigneur. Par nous-mêmes, nous ne sommes pas capables de faire de l’apostolat ; si on considère que l’apostolat est une série de recettes et de méthodes pour arriver à convertir les âmes, c’est absolument faux !
L’apostolat n’est pas une question de recettes ou de méthodes ; sans doute, il y a des initiatives à prendre, mais elles ne sont bonnes que si elles sont prises dans un esprit surnaturel, dans un esprit de prière et d’union à Notre Seigneur, d’humilité vis-à-vis de Notre Seigneur, comptant uniquement sur la grâce pour convertir les âmes.
C’est dans ce sens que nous devons absolument avoir l’esprit contemplatif, d’où l’importance de la vie spirituelle et de l’esprit de piété. Malheureusement, il faut le reconnaître, même quand on insiste sur l’importance des exercices de piété, ils sont encore négligés. C’est une des choses sur lesquelles on insistait le plus dans les noviciats et dans toute la formation des religieux, on nous disait : « Vous ne ferez du bien que si vous accomplissez vos exercices de piété ; vous ne ferez du bien que si vous êtes exacts à réciter votre chapelet, à faire votre lecture spirituelle, si vous maintenez au cours de votre vie apostolique tout ce que vous avez fait et appris dans vos maisons de formation ».
Bien sûr, il ne s’agit pas seulement de se rendre à la chapelle et de se dire : j’ai obéi au règlement ; cela ne suffit pas. S’il n’y a pas l’esprit de prière, un jour ou l’autre on risque d’abandonner ces exercices de piété. C’est cet esprit qui nous dit : si je ne prie pas, si je ne suis pas uni à Notre Seigneur, si je ne passe pas une partie de ma journée en union avec Notre Seigneur, union grande et profonde, je viderai ma vie spirituelle de la vie de la grâce et je ne pourrai plus rien donner aux autres, mon action sera inefficace.
L’attitude vis-à-vis de la nouvelle messe (Conférence du 21 mars 1977)
Quelle doit être notre attitude vis-à-vis de ces messes nouvelles ? Je crois que nous devons être de plus en plus sévères. Notre attitude se conforme à l’évolution qui se produit peu à peu dans les esprits et surtout ceux des prêtres (modernes). A force de vivre dans une ambiance d’erreur, dans une ambiance contraire à la foi, les intentions peuvent changer, le jugement que les prêtres peuvent se faire de leur propre messe peut finir par se modifier et je crois que ce n’est pas du tout illusoire, même pour des prêtres qui étaient très proches de nous, qui aimaient la Tradition mais qui, à force de se trouver dans cette ambiance qu’a créé la réforme liturgique, finissent lentement, mais sûrement par perdre la foi, du moins par changer leur foi sur certains points de la sainte messe, et cela peut, à la longue, influencer leur intention. Etant donné cette évolution de plus en plus grave et dangereuse pour la foi, nous devons aussi éviter de plus en plus, et presque de manière radicale, toute assistance à la nouvelle messe.
Il est évident que si nous étions convaincus que toutes ces messes sont invalides, on ne devrait pas y aller, c’est clair, on ne va pas à une messe invalide, ce serait faire un sacrilège. Mais je ne crois pas qu’on puisse affirmer cela d’une manière absolue. Ce qui est requis pour la validité du sacrement sont la matière, la forme et l’intention du ministre. Quant à la matière, c’est la plupart du temps du pain ; pour le vin, le prêtre doit s’assurer que ce soit du vin naturel ; tous les prêtres ne s’assurent plus de cela. Pour la forme, c’est surtout dans les traductions qu’on peut avoir des doutes, car la forme en latin telle qu’elle a été donnée par Rome porte encore le terme « pro multis » ; mais la traduction pour la plupart des langues est tout à fait fausse, puisque, que ce soit en anglais, en italien, en espagnol, en allemand, en français, c’est toujours « pour tous », ce qui est absolument contraire à ce que l’Eglise et donc Notre Seigneur lui-même a voulu lorsqu’il a prononcé ces paroles. Le catéchisme du concile de Trente explique sur une page et demie pourquoi l’Eglise dit « pro multis » et non « pro omnibus ».
Parce que en réalité, dans l’application de la Rédemption, tout le monde n’est pas sauvé ; non pas dans le but de la rédemption, mais dans son application. Malheureusement, elle ne profite pas à tous les hommes, par la faute des hommes qui ne veulent pas recevoir les grâces de la rédemption. Est-ce que ce changement dans les langues vernaculaires atteint la validité de la forme ? On trouve des ouvrages à ce sujet qui concluent à l’invalidité. Selon saint Thomas, les paroles essentielles de la forme sont : « Hoc est corpus meum – Hic est calix sanguinis mei, novi et aeterni testamenti ». Il semble que ces paroles viennent de Notre Seigneur lui-même, même l’incise « mysterium fidei ». Pendant les 40 jours que Notre Seigneur a passé avec les apôtres, il a du leur donner des indications précises sur la chose qui est la plus importante, la plus essentielle de sa rédemption, son sacrifice.
Alors, serait-il étonnant que Notre Seigneur en parle aux apôtres, leur léguant la forme qu’ils devaient employer pour réaliser à nouveau ce sacrifice sur nos autels ? Quand on dit que cela remonte aux temps apostoliques, comme l’affirme le concile de Trente à la suite des Pères de l’Eglise, on peut penser que les apôtres ont reçu des indications précises de Notre Seigneur lui-même. (.)
L’intention œcuménique de la réforme liturgique
Plus on examine cette réforme liturgique, plus on se demande quelles ont pu être les intentions des auteurs. Quelle avantage ont-ils pensé acquérir en changeant ces paroles de la forme sacramentelle qui ont été dit pendant des siècles et des siècles par l’Eglise ? Pourquoi enlever « mysterium fidei » ? Pourquoi avoir ajouté « quod pro vobis tradetur » dans la forme de la consécration du pain ? C’est incroyable ! Quelle raison si ce n’est une raison œcuménique, parce que les protestants ont rajouté le « quod pro vobis tradetur », parce que les protestants ont supprimé « mysterium fidei », parce que les protestants ont voulu reproduire exactement la Cène, qui pour eux n’est pas un sacrifice. N’oubliez jamais que le concile de Trente a dit de manière explicite : « Celui qui dit qu’il n’y a pas eu de sacrifice à la Cène, lorsque Notre Seigneur Jésus-Christ a institué l’eucharistie, qu’il soit anathème ! »
Donc il y a bien déjà un sacrifice à la cène qui est en rapport avec le sacrifice de la croix. On ne voit donc pas d’autre explication possible au changements de la réforme liturgique si ce n’est celle de l’œcuménisme qui nous rapproche des protestants. Comment est-il possible que l’on transforme la messe catholique pour la rendre semblable à celle des protestants qui ne croient pas au sacrifice de la messe, qui ont changé les paroles de la consécration précisément parce qu’ils ne croient pas au sacrifice de la messe ? C’est inouïe ! On peut donc se poser la question : la forme telle qu’elle est dite dans les langues vernaculaires, est-elle vraiment valide ? Oui, on peut se la poser.
La corruption de l’intention
Enfin, troisième élément, l’intention, celle de faire ce que fait l’Eglise. Certains disent, ce que fait l’Eglise aujourd’hui, c’est la nouvelle messe. Non, quand on dit « avoir l’intention de faire ce que fait l’Eglise », il s’agit de l’Eglise de toujours, depuis les apôtres. Et donc il faut avoir cette intention de faire ce que l’Eglise a toujours fait, c’est-à-dire un véritable sacrifice et non pas simplement faire mémoire, pas simplement faire un repas. Or, il est clair que les jeunes prêtres, vu l’enseignement qu’ils reçoivent, n’ont pas l’intention de faire ce qu’enseigne le concile de Trente ; comme on a rompu avec le concile de Trente et la doctrine sacrificielle, ces prêtres, en voulant explicitement la nouvelle doctrine et en refusant l’ancienne, créent une rupture dans l’Eglise. Ils n’ont pas le droit de faire cela, car il n’y a pas une Eglise d’aujourd’hui et une Eglise d’hier, c’est l’Eglise de toujours, il n’y en a qu’une, sinon il y aurait une Eglise tous les jours ! Cette intention risque de devenir celle des prêtres qui disent constamment la nouvelle messe.
Je pense qu’au bout d’un an, deux ans, à force de dire cette messe, à la fin, ils ont vraiment l’intention de faire la nouvelle messe, une nouvelle messe, et non plus la messe d’autrefois. Et donc ils n’ont plus l’intention de faire la messe de toujours. Je pense qu’il y a aussi un certain nombre, mais peu, ceux qui font partie de certaines associations, qui résistent et qui ont une intention contraire à ce qu’ils font. C’est incroyable de faire une chose pareille, mais parce qu’ils se croient obligés de prendre le nouveau rite à cause de leur évêque, ils ont peur de se faire chasser ou pour toute autre raison – à mon avis, ces raisons ne valent rien, mais les faits sont là – ces prêtres ont l’intention de célébrer la messe de leur ordination et continuent à avoir l’intention qu’ils ont toujours eu pendant leur vie sacerdotale. Il est possible que ces messes soient valides. Mais ce n’est pas une raison pour se mettre dans une situation de perdre la foi au sacrifice de la messe et de le faire perdre à leurs fidèles. C’est inadmissible pour un prêtre quand il se rend compte de cela. Et puis peu à peu, cela devient une question d’habitude, on se déforme la conscience et puis on devient aveugle.
Ne pas aller à ces messes
C’est pourquoi je pense que nous devons éviter d’aller à ces messes et même s’il faut rester sans messe pendant un mois, eh bien on reste sans messe pendant un mois !
Les parents expliquent à leurs enfants pourquoi ils ne vont pas à la messe et puis ils font un long chemin pour aller à la messe une fois par mois. Dans nos missions, nous visitions nos fidèles une fois tous les trois mois ; la plupart de nos fidèles avaient une messe tous les trois mois.
En Amérique du sud, j’ai eu l’occasion, en tant que Supérieur général, de fonder une mission au Paraguay, et avant que nous ne fondions la mission, ces gens étaient visités par un prêtre une fois par an ; en Amazonie, certains villages n’avaient de visite du père missionnaire que tous les trois ans ! Evidemment, ce n’est pas l’idéal, mais malgré cela ces gens conservaient la foi ; le dimanche ils se réunissaient, le catéchiste ou le chef du village les faisait prier, non pas comme ils font maintenant pour remplacer le prêtre par un laïc, mais parce qu’il n’y a pas de prêtre. Alors le prêtre leur donnait les prières à réciter, les textes à lire et ils priaient et communiaient spirituellement, s’unissant aux messes célébrées dans le monde au même moment.
C’est autre chose que ce qu’ils font maintenant pour supprimer les prêtres et les remplacer par des laïcs parce qu’ils ne croient plus à la messe ! Si bien qu’on peut garder la foi même si on ne peut aller à la messe tous les dimanches, plutôt que d’aller à une messe plus ou moins empoisonnée et qui risque de faire perdre la foi. Il y a aussi certains cas comme la mort d’un parent proche où l’on va à ces messes par piété filiale ; de même qu’on peut aller dans ces cas à un enterrement orthodoxe, dans le cadre d’un événement extraordinaire.
Je pense que nous devons devenir de plus en plus sévère et de plus en plus radical, parce que les messes se dégradent toujours, la foi diminue, et donc on est de plus en plus susceptible de se trouver devant une messe qui n’est pas valide. »
Le Chardonnet n° 212 de novembre 2005
- Cette première partie est un condensé de l’enseignement de Mgr Lefebvre au sujet de la sainteté sacerdotale, puisé dans les conférences spirituelles données à Ecône. Nous remercions M. l’abbé Pineau qui a publié ces lignes et plus encore dans son bulletin Le donjon.[↩]