Sermon de Mgr Lefebvre – Profession du Frère Gabriel

Cher frère Louis,

Cher frère Gabriel,

Dans quelques ins­tants, vous allez faire pro­fes­sion publique vous, cher frère Louis d’une manière plus impli­cite, moins publique, vous mon cher frère Gabriel d’une manière tout à fait for­melle et expli­cite de recher­cher la perfection.

Vous en revê­tant l’habit clé­ri­cal et l’habit reli­gieux et vous cher frère Gabriel, en pro­non­çant vos vœux de religion.

Ainsi par votre exemple, nous serons tous encou­ra­gés à recher­cher la per­fec­tion. Et ces céré­mo­nies sont très fruc­tueuses pour le sémi­naire. La Fraternité a besoin de ces ordi­na­tions, de ces céré­mo­nies, de ces prises d’habit, de ces pro­fes­sions reli­gieuses qui nous encou­ragent tous à recher­cher la vraie per­fec­tion, à recher­cher le vrai bon­heur ici-​bas et pour la vie éter­nelle. Et pour vous aus­si, mes bien chers frères, qui venez assis­ter à ces céré­mo­nies, je suis per­sua­dé que vous en reti­rez beau­coup de fruits et que cela vous encou­ra­ge­ra à pra­ti­quer tou­jours davan­tage les ver­tus chré­tiennes. Car ce n’est pas autre chose que la per­fec­tion, c’est la pra­tique des ver­tus, ver­tus théo­lo­gales, ver­tus morales, ver­tus de foi, d’espérance, de cha­ri­té, ver­tu de pru­dence, de jus­tice, de force, de tempérance.

Et qu’est-ce que cela ? Qu’est-ce que ces ver­tus nous font pra­ti­quer ? Elles nous font tou­jours appro­cher davan­tage Celui qui est la per­fec­tion même : Dieu.

Estote ergo vos per­fec­ti, sicut et Pater ves­ter cœles­tis per­fec­tu est (Mt 5,48).

« Soyez par­faits comme le Père céleste est parfait ».

Nous devons tous cher­cher ici-​bas par la pra­tique de ces ver­tus, de res­sem­bler tou­jours davan­tage à Dieu, afin un jour de pou­voir Lui être uni pour l’éternité et de jouir de la par­ti­ci­pa­tion à sa gloire et à son bonheur.

Mais pour­quoi faire vœu de pra­ti­quer la per­fec­tion alors que la per­fec­tion nous est déjà ordon­née par les com­man­de­ments de Dieu, par les com­man­de­ments de l’Église, nous devons recher­cher la per­fec­tion, pour­quoi donc ajou­ter à ce com­man­de­ment de pra­ti­quer la per­fec­tion, un vœu supplémentaire ?

Eh bien, c’est parce que dans notre fai­blesse, nous avons besoin d’être aidé par­fois à la pra­ti­quer mieux, à la pra­ti­quer davan­tage, à la pra­ti­quer d’une manière encore plus com­plète, plus entière ; à nous don­ner à Dieu d’une manière encore plus parfaite.

Et c’est pour­quoi, dans la Sainte Église, depuis tou­jours, des per­sonnes se sont enga­gées par vœux à pra­ti­quer la per­fec­tion. Et l’Église a recon­nu ces vœux. Elle les a recon­nus d’une manière tan­tôt pri­vée, tan­tôt publique, tan­tôt solen­nelle pour les ordres religieux.

Les vœux que le frère Gabriel va pro­non­cer, sont des vœux publics, mais non point des vœux solen­nels comme le font ceux qui s’engagent dans les grands ordres reli­gieux, mais néan­moins, ces vœux les obligent d’une manière plus par­faite et ain­si de mon­trer à tous, l’exemple d’une per­fec­tion plus grande.

Eh bien, c’est ce à quoi vous allez vous enga­ger et l’un et l’autre et d’un amour tou­jours plus grand du Bon Dieu. Vous deman­de­rez par­ti­cu­liè­re­ment aujourd’hui à la très Sainte Vierge qu’on appelle aus­si Virgo fide­lis : Vierge fidèle, celle qui accom­plit les choses qu’elle a dites. Elle a pro­non­cé son fiat. Elle a dit qu’elle vou­lait faire la volon­té du Bon Dieu et elle l’a fait tout au long de sa vie, sans jamais se démen­tir, sans jamais faire le contraire de ce qu’elle avait pro­mis. Elle a été fidèle et c’est pour­quoi elle a été appe­lée Virgo fide­lis : Vierge fidèle.

Fidèle veut dire : Faciens dice­ram, fai­sant ce que l’on a dit, accom­plir ce que l’on a dit. Aujourd’hui, mes chers amis, vous allez pro­non­cer des paroles devant Dieu, devant l’Église, devant vos frères : soyez fidèles à ce que vous allez dire désor­mais. Ne soyez jamais par­jures. Réfléchissez à ce que vous allez pro­non­cer. Prononcez-​les devant Dieu, afin d’être tou­jours fidèles, mais aus­si d’avoir la confiance en Dieu. Car vous serez fidèles par Dieu. Vous savez que vous êtes faibles. Nous sommes tous faibles. Mais en nous appuyant sur la grâce du Bon Dieu, nous sommes forts. Avec le Bon Dieu nous pou­vons tout et si vous pro­non­cez ces vœux qui peuvent paraître à pre­mière vue très dif­fi­ciles à pra­ti­quer, pra­ti­quer ces ver­tus d’obéissance, de pau­vre­té et de chas­te­té, voi­là des pro­po­si­tions qui sont bien dif­fi­ciles à tenir. Et pour­tant, avec la grâce du Bon Dieu, cer­tai­ne­ment vous pou­vez les tenir et vous les tiendrez.

Pourquoi l’obéissance, la pau­vre­té et la chas­te­té ? C’est saint Jean qui nous sug­gère déjà dans sa pre­mière Épître (1 Jn, 2,16), que le monde est atti­ré et rem­pli de l’orgueil de la vie :

Quoniam omne, quod est in mun­do, concu­pis­cen­tia car­nis est, et concu­pis­cen­cia ocu­lo­rum, et super­bia vitæ quæ non est ex Patre sed ex mun­do est.

La concu­pis­cence des yeux, la concu­pis­cence de la chair, concu­pis­cen­tia car­nis, trois choses qui plongent le monde dans le péché, dans l’aveuglement, dans l’éloignement de Dieu, qui lie en quelque sorte le monde avec le péché.

Eh bien en pro­non­çant ces vœux d’obéissance contre l’orgueil de la vie, le vœu de pau­vre­té contre la concu­pis­cence des yeux contre les choses qui se voient, qui s’achètent, qui s’acquièrent par l’argent, en pro­non­çant le vœu de pau­vre­té, en pro­non­çant le vœu de chas­te­té qui vous délie aus­si des dési­rs de la chair, vous bri­se­rez ces liens qui attachent le monde avec le péché et vous serez aus­si plus libres de vous don­ner tout entier au Bon Dieu, tout entier à l’apostolat auprès de vos frères.

Voilà ce que pro­duisent les vœux de reli­gion et les pro­messes que vous allez faire dans vos cœurs et dans vos âmes. Tous ensemble nous allons prier au cours de cette céré­mo­nie pour deman­der au Bon Dieu par l’intercession de la très Sainte Vierge Marie, de vous accor­der toutes les grâces dont vous avez besoin pour être fidèles à vos engagements.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.