Sermon de Mgr Lefebvre – Ordination, Sous-​diaconat et Ordres mineurs – 15 mars 1975

Mes chers amis,

Un bon nombre d’entre vous, vont rece­voir une par­ti­ci­pa­tion plus ou moins grande, plus ou moins impor­tante, au sacre­ment de l’ordre.

Ce sacre­ment ins­ti­tué par Notre Seigneur, est sans doute le plus sublime, le plus grand, le plus mys­té­rieux, je dirai le plus divin, que Notre Seigneur ait ins­ti­tué. Et je suis per­sua­dé qu’aujourd’hui, vous en êtes convain­cus, par la pré­pa­ra­tion que vous avez eue, par la médi­ta­tion que vous avez faite des textes de l’ordination, par les prières que vous avez adres­sées à Dieu tous les jours, dans cette cha­pelle, vous com­pre­nez mieux la gran­deur de ce sacre­ment. Et je suis per­sua­dé aus­si que vous vous en appro­chez avec joie sans doute, mais aus­si un peu avec crainte et trem­ble­ment. Comme Moïse mon­tant au Sinaï crai­gnait de s’approcher de la pré­sence de Dieu, vous aus­si vous mon­tez au Sinaï, vous aus­si vous gra­vis­sez cette mon­tagne vers laquelle et auprès de laquelle vous trou­ve­rez Dieu, vous trou­ve­rez Notre Seigneur Jésus-Christ :

Emitte lucem tuam, et veri­ta­tem tuam : ipsa me deduxe­runt, et adduxe­runt in mon­tem sanc­tum tuum, et in taber­na­cu­la tua : « Donnez-​moi votre lumière, ô mon Dieu, donnez-​moi votre véri­té, afin que je monte à cet autel et que je gra­visse les pentes de cette mon­tagne où je pour­rai entrer dans vos tabernacles ».

Approcher de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de Celui que les anges révèrent dans le Ciel, que les anges adorent, que la très Sainte Vierge elle-​même, que saint Joseph et tous les saints du Ciel adorent tous les jours dans l’éternité.

Oui, vous vous en appro­chez un peu plus cette fois-​ci, les uns par l’ordre de Portier. Le Portier doit veiller sur les lieux saints. Il doit évi­ter que ceux qui sont indignes ne pénètrent dans le sanc­tuaire. Il doit son­ner la cloche pour appe­ler les fidèles à célé­brer les saints mys­tères. Il doit son­ner les cloches pour chas­ser les démons. C’est une attri­bu­tion qui est don­née tout spé­cia­le­ment aux cloches lors de la béné­dic­tion, de la consé­cra­tion qui est don­née aux cloches, c’est de chas­ser les démons. Le Portier aura soin des lieux sacrés, de l’autel. C’est là une grande res­pon­sa­bi­li­té pour lui.

Et puis le Lecteur, lui aus­si, aura à appro­fon­dir par­ti­cu­liè­re­ment la connais­sance de l’Écriture sainte, car il aura désor­mais à expli­quer l’Écriture sainte, à faire le caté­chisme ; à apprendre la sainte Doctrine, la doc­trine de l’Église aux fidèles, à ceux qui ont besoin de s’éclairer sur leur foi, et ce afin d’augmenter la foi des fidèles.

Et puis l’Exorciste aura pour but par­ti­cu­lier de chas­ser les démons et par consé­quent il aura aus­si comme consigne par­ti­cu­lière de chas­ser d’abord le démon qui pour­rait être en lui ou autour de lui, qu’il s’efforce de pra­ti­quer la ver­tu, car le démon est sub­til, le démon est habile. Et ne chas­se­ra pas faci­le­ment les démons celui qui plus ou moins pac­tise avec lui. Il devra donc faire des efforts pour acqué­rir la ver­tu, de telle manière que les démons le craignent et s’éloignent de lui et qu’il puisse ain­si l’éloigner des âmes de ceux qui en sont possédés.

Et puis l’Acolyte aura déjà, lui, ce grand pri­vi­lège d’approcher davan­tage de l’autel, de pou­voir ser­vir ceux qui sont dans les ordres majeurs, afin de pré­pa­rer ce qui est néces­saire à la célé­bra­tion des saints Mystères.

Et puis, les ordres majeurs, eux, sont une par­ti­ci­pa­tion déjà plus grande au sacre­ment de l’ordre, car il est bien dit dans le concile de Trente, que le sacre­ment de l’ordre se com­pose d’ordres mineurs et d’ordres majeurs et que celui qui nie­rait ces choses-​là serait ana­thème. Il y a donc aus­si les ordres majeurs.

L’ordre majeur du Sous-​Diaconat qui nous rap­pelle par­ti­cu­liè­re­ment la ver­tu de pure­té, la ver­tu de chas­te­té que doit pra­ti­quer celui qui s’approche de l’autel. Et com­bien avons-​nous besoin de nous rap­pe­ler ces choses en notre temps, où il semble que n’importe qui pour­rait s’approcher de l’autel et célé­brer les saints mys­tères et pro­non­cer les paroles de la Consécration. Alors qu’il est abso­lu­ment cer­tain que toute la tra­di­tion de l’Église – je dirai toute la doc­trine même de l’Église – nous enseigne que plus l’on s’approche de Dieu et plus nous avons à pra­ti­quer la chas­te­té et la virginité.

Notre Seigneur l’a bien mon­tré par ceux qu’il a choi­sis pour être auprès de Lui ici-​bas. La très Sainte Vierge, saint Joseph, l’apôtre saint Jean qui L’a accom­pa­gné jusque sur le cal­vaire. Notre Seigneur a choi­si des âmes vierges et il est nor­mal que lorsque l’on s’approche de Dieu, l’on soit davan­tage spi­ri­tuel et moins char­nel, parce que Dieu est esprit. Aussi le Sous-​Diaconat nous rap­pelle cela, nous rap­pelle la néces­si­té pour le prêtre de se déta­cher des choses de ce monde, de se déta­cher de lui-​même et de ne s’attacher qu’à Notre Seigneur Jésus-​Christ et d’avoir un cœur pur.

Et il me semble que toute l’atmosphère même de nos céré­mo­nies, de nos céré­mo­nies reli­gieuses, de la litur­gie, nous apprend cette ver­tu de chas­te­té, néces­saire aus­si aux per­sonnes qui sont dans l’état du mariage, de voir le prêtre qui pra­tique la ver­tu de chas­te­té et la vir­gi­ni­té. C’est un exemple qui est néces­saire aux chré­tiens, pour pra­ti­quer eux aus­si cette ver­tu de chas­te­té, qu’ils doivent pra­ti­quer aus­si dans le mariage.

Le mariage est – on pour­rait le défi­nir ain­si – une école de conti­nence et de chas­te­té, ce n’est pas facile dans le mariage et les fidèles ont besoin de cet exemple des prêtres qui mani­festent par leur vie, par leur atti­tude, par leurs rela­tions, par leur pié­té, qui mani­festent cette vir­gi­ni­té et cette chas­te­té. C’est un élé­ment abso­lu­ment indis­pen­sable dans l’Église, dans la mesure où la chas­te­té des prêtres dis­pa­raî­tra, dans la mesure où la vir­gi­ni­té des prêtres dis­pa­raî­tra, dimi­nue­ra aus­si la ver­tu de chas­te­té dans les ménages, dans les foyers chré­tiens. C’est évident. Nous le voyons, avec évi­dence, actuellement.

C’est pour­quoi le Sous-​Diaconat qui nous rap­pelle cette ver­tu, est aus­si impor­tant pour le prêtre et en même temps c’est aus­si l’engagement de prêtre pour mar­cher vers l’autel. Il doit faire ce pas qui le déter­mine à s’approcher de l’autel et à s’éloigner du monde.

Les Diacres, eux, s’approchent encore davan­tage de l’autel. Saint Thomas nous dit que les diacres auront le pou­voir de por­ter le Saint-​Sacrement. Il pense que ce n’est pas le propre du Diacre de tou­cher le Saint-​Sacrement et de dis­tri­buer le Saint-​Sacrement. C’est une excep­tion. Il le dit lui-même.

C’est par délé­ga­tion en quelque sorte que le Diacre pour­rait éven­tuel­le­ment, dans des cir­cons­tances par­ti­cu­lières, dis­tri­buer la Sainte Eucharistie, mais que ceci devrait être réser­vé au prêtre qui a les mains consa­crées. Et que ceci est réser­vé par­ti­cu­liè­re­ment à celui qui consacre l’Eucharistie, de la dis­tri­buer aus­si. Tandis que le diacre peut por­ter le Saint-​Sacrement. Et autre­fois, lorsque l’on com­mu­niait faci­le­ment sous les deux espèces, le Diacre por­tait le calice avec le Sang de Notre Seigneur. Le Diacre peut expo­ser la Sainte Eucharistie, le Diacre peut por­ter le ciboire rem­pli de l’Eucharistie, mais ce n’est pas sa fonc­tion par­ti­cu­lière de dis­tri­buer la Sainte Eucharistie. Elle est réser­vée plus par­ti­cu­liè­re­ment au prêtre.

Mais cepen­dant, quelle joie pour le Diacre de pou­voir s’approcher de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de pou­voir déjà Le por­ter, de pou­voir déjà ain­si être en com­mu­nion plus étroite avec Notre Seigneur et ser­vir le prêtre d’une manière plus intime dans les saints mys­tères. Et c’est ain­si que le Saint-​Esprit vous mar­que­ra, mes chers amis, donc, du carac­tère sacer­do­tal, de la par­ti­ci­pa­tion au carac­tère sacerdotal.

Saint Thomas pense aus­si, que le carac­tère est déjà dans les pre­mières ordi­na­tions, même dans les ordres mineurs, il y a déjà une par­ti­ci­pa­tion au carac­tère sacer­do­tal. Que le carac­tère sacer­do­tal est pro­gres­si­ve­ment com­plé­té, à mesure que l’on s’avance dans les ordi­na­tions. Et qu’ainsi vous êtes mar­qués de ce carac­tère qui vous ordonne au sacerdoce.

Il est pos­sible que cer­tains demeurent Acolytes, comme c’est le cas de nos chers frères par exemple qui sont ordon­nés Acolytes. Mais ils sont mal­gré tout ordon­nés à l’autel et ont une fonc­tion par­ti­cu­lière à l’autel qui les déter­mine donc à ser­vir à l’autel, à ser­vir Notre Seigneur.

Et aujourd’hui, d’une façon par­ti­cu­lière, nous devons deman­der pour vous, mes chers amis, à Notre Seigneur, de vous don­ner la lumière. Dans l’évangile d’aujourd’hui. Notre Seigneur dit : Ego sum lux mun­di (…) lumen vitæ (Jn 8 ‚12) : « Où trouverons-​nous la lumière ? » Où trouverons-​nous la lumière de la vie ? Eh bien, dans le Saint Sacrifice de la messe.

Le Saint-​Sacrifice, c’est le Thabor, le Saint Sacrifice de la messe c’est le Sinaï. Et nous lisions dans les leçons du bré­viaire ce matin, que les Hébreux, lorsqu’ils virent Moïse des­cendre du Sinaï, voyaient comme des rayons sor­tir de sa face et sa face était tout illu­mi­née. Et ils trem­blaient et ils étaient émer­veillés de voir la face de Moïse tout illu­mi­née par la splen­deur de Dieu.

Eh bien, de même les apôtres qui eurent la joie de voir Notre Seigneur trans­fi­gu­ré sur le Thabor, eux aus­si furent trans­for­més, trans­fi­gu­rés d’une cer­taine manière par la Lumière qui venait de Notre Seigneur.

C’est cela nos autels. Notre autel c’est le Sinaï, notre autel c’est le Thabor. Notre Seigneur s’y trouve dans toute sa gloire. Si nous pou­vions le voir avec les yeux avec les­quels les anges Le voient, avec les­quels les saints Le voient, nous aus­si nous aurions notre visage illu­mi­né et rayon­nant de joie, de gloire, de la gloire de Notre Seigneur.

C’est cela nos saints Autels et c’est là que nous appren­drons à trou­ver la lumière de Dieu, la lumière de Notre Seigneur. Cette lumière qui est une source de vie, qui est tout sim­ple­ment l’émanation de la cha­ri­té de Dieu, de cette vie que nous trou­ve­rons dans le saint Autel et qui doit rem­plir nos âmes. Nous devrions chaque fois des­cendre de nos autels, de ces saints Mystères, avec le cœur rem­pli d’une cha­ri­té nou­velle pour aimer Dieu, pour chan­ter sa gloire et pour aimer notre pro­chain, pour por­ter l’Évangile au monde.

Oui, notre Sacrifice de la messe c’est vrai­ment ce que Notre Seigneur nous a don­né de plus beau, de plus grand, de plus divin et que nous devons aimer de toute notre âme.

Sans doute notre Fraternité sacer­do­tale, lorsque l’on pose la ques­tion de savoir si elle a une spi­ri­tua­li­té spé­ciale, on peut dire qu’elle n’a pas de spi­ri­tua­li­té spé­ciale. Mais si cela en était une spi­ri­tua­li­té par­ti­cu­lière, comme peuvent avoir les ordres Dominicain, Bénédictin ou Franciscain – que sais-​je – ce serait cette par­ti­cu­la­ri­té d’essayer de péné­trer tou­jours davan­tage la gran­deur, la splen­deur du Saint Sacrifice de la messe. D’y trou­ver la source fon­da­men­tale de votre pié­té, la source fon­da­men­tale de votre sain­te­té, la source fon­da­men­tale de votre apos­to­lat. D’y trou­ver tout ce dont vous avez besoin pour ensei­gner les fidèles, pour don­ner la vie aux chré­tiens, pour les faire par­ti­ci­per à Notre Seigneur.

Tout se trouve dans le Saint Sacrifice de la messe avec le fruit qui en est le plus beau : la Sainte Eucharistie, le sacre­ment, le fruit du Sacrifice. On a peut-​être eu trop ten­dance à mettre l’accent sur le sacre­ment en lais­sant un peu dans l’ombre le sacri­fice. Mais il ne faut pas oublier que le sacre­ment est le fruit du sacri­fice. Si Notre Seigneur est le Pain de vie. Il l’a été sur la Croix. Et c’est par par­ti­ci­pa­tion à sa Sainte Croix que nous rece­vons ce fruit qui est le paral­lèle de ce mau­vais fruit qui empoi­son­na nos pre­miers parents.

Eh bien, le fruit que nous rece­vons aujourd’hui de la Croix, c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ dans la Sainte Eucharistie, qui nous donne la Vie, alors que le fruit de l’arbre de Bien et du Mal a don­né la mort à nos pre­miers parents. C’est cela l’Eucharistie. Donc il ne faut jamais sépa­rer le Sacrifice du sacre­ment. Et c’est dans le Sacrifice que se pré­pare le sacre­ment et que s’accomplit le sacrement.

Aimez donc, je vous en sup­plie, cette doc­trine de l’Église. Méditez-​la, afin que le Saint Sacrifice de la messe soit la joie de votre vie, la grande joie de votre vie et qu’il vous pro­cure aus­si cette paix, cette paix inal­té­rable, parce que fon­dée sur le Saint Sacrifice de la messe. Si votre foi, votre doc­trine, votre spi­ri­tua­li­té sont fon­dées sur le Saint Sacrifice de la messe, vous êtes dans la véri­té, dans la véri­té de tou­jours. On ne peut pas se trom­per lorsque l’on est fon­dé sur le Saint Sacrifice de la messe.

Demandons à la très Sainte Vierge Marie, qui elle a com­pris cela d’une manière admi­rable – elle a vécu le pre­mier, le seul, le vrai Sacrifice de la Croix, elle y était, elle était pré­sente, elle a com­pa­ti avec Notre Seigneur, elle a com­pris tout ce grand mys­tère – deman­dons à la très Sainte Vierge Marie de nous le faire com­prendre afin d’être tou­jours plus unis à Dieu et d’avoir dans nos cœurs une cha­ri­té tou­jours plus grande.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.