Du feu qui cuit le pain au feu de l’amour divin

Crédit : Philippe Lissac / Godong

A la fin d’un petit-​déjeuner pré­pa­ré avec une atten­tion toute divine, Jésus-​Christ confie le soin de son Église au pre­mier Pape.

Editorial par M. l’abbé Benoît de Jorna

Nous n’étions pas sur les bords de lac de Tibériade lorsqu’après sa résur­rec­tion, au petit matin, Notre-​Seigneur Jésus Christ invi­ta les Apôtres à se nour­rir du pois­son qu’il avait pré­pa­ré pour eux.

Cette mer­veilleuse scène de l’Évangile est par­ti­cu­liè­re­ment tou­chante. Saint Pierre, tou­jours ardent, dès qu’il com­prend que c’est la voix de Jésus qui appelle, se jette dans le lac pour arri­ver à la nage plus promp­te­ment que les autres dis­ciples. Mais une fois tous par­ve­nus sur le rivage, ils constatent avec éton­ne­ment que le Dieu fait homme a pris soin de cuire quelques pois­sons à la braise. 

Le petit-​déjeuner pré­pa­ré avec une atten­tion divine

Sous la pâle lueur du soleil levant, dans la fraî­cheur du matin, on entend le cla­po­tis de l’eau sur la berge et l’on déguste, après une nuit de labeur, le petit déjeu­ner cou­tu­mier de ces pêcheurs ; il a été pré­pa­ré avec un soin tou­chant et une atten­tion divine : du pain et du pois­son cuits sous la cendre. Quel bon­heur ! Combien de temps Jésus, le Créateur du ciel et de la terre, a‑t-​il mis pour apprê­ter ce repas fru­gal au pro­fit de ses Apôtres et sur­tout de son pre­mier vicaire, Pierre, celui à qui il va confier, comme à ses suc­ces­seurs, le soin de son Église, cette socié­té visible et monar­chique consti­tuée pour assem­bler tous les appe­lés et les élus ? Pierre a été choi­si, avant même que ne soit consti­tuée cette socié­té, afin de paître les bre­bis du trou­peau du Bon Pasteur.

Et à la fin de ce repas, devant tous les autres dis­ciples, Jésus demande : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-​ci ? » L’interrogation est répé­tée trois fois. Céphas doit recon­qué­rir le titre que Jésus lui avait don­né avant qu’il ne cédât à la chair et au sang. Et trois fois Pierre répond : « Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » L’émotion de saint Pierre est plus grande encore que pen­dant la col­la­tion mati­nale, au cours de laquelle per­sonne n’avait osé deman­der au Christ : «“Qui êtes-​vous ?”, car ils savaient que c’était le Seigneur. »

Jésus, Dieu éter­nel et tout puis­sant, dit donc par trois fois à Céphas : « Pais mes agneaux ; pais mon trou­peau ; pais mes bre­bis. » Et saint Pierre finit par se rendre défi­ni­ti­ve­ment à son Maître qui sait tout, pré­voit tout, et ordonne tout à sa gloire : « Seigneur, vous savez tout, vous savez que je vous aime. 

Jésus, vrai Dieu né du vrai Dieu, confie au pre­mier pape tout son trou­peau pour qu’il le guide vers les pâtu­rages du salut. La fonc­tion du sou­ve­rain pon­tife est défi­nie dans son prin­cipe : ame­ner à Jésus-​Christ toutes les âmes, pas celles d’une cha­pelle, d’une paroisse, d’un dio­cèse seule­ment ; non, toutes celles du monde entier. La pri­mau­té de Pierre est affirmée.

Un pon­tife aveu­glé égare les brebis.

Jésus, la véri­té sub­stan­tielle, le pré­di­ca­teur éter­nel de la foi, annonce donc à Pierre : « Je te don­ne­rai les clés du royaume des Cieux. » Tous sont par consé­quent sou­mis à ses clés ; tous, princes, chefs, peuples, pas­teurs. C’est à Pierre que Jésus ordonne de paître et de gou­ver­ner tous, les agneaux et les bre­bis, et les petits et les mères.

Mais que signi­fie donc cette inter­ro­ga­tion de Jésus, Roi des nations : « M’aimez- vous ? Paissez mes bre­bis. » Saint Augustin en donne la réponse dans son com­men­taire de l’Évangile selon saint Jean. « Si vous m’aimer, ne son­gez pas à vos avan­tages per­son­nels ; pais­sez mes bre­bis comme étant mes bre­bis et non les vôtres, cher­chez en les condui­sant non pas votre gloire, mais la mienne, à éta­blir mon empire et non le vôtre, mes inté­rêts plu­tôt que les vôtres. »

Au milieu des ténèbres du ven­dre­di saint, Jésus, Lumière de la Lumière, meurt sur la croix pour le salut de tous. Il va ensuite inves­tir Pierre de sa mis­sion : annon­cer au monde qu’il n’y a de salut qu’en cette croix. L’exercice du zèle du pre­mier des Apôtres et de ses suc­ces­seurs consis­te­ra donc à conver­tir le monde à Jésus-​Christ ; saint Pie X, le der­nier pape cano­ni­sé, en a fait sa devise : « Omnia ins­tau­rare in Christo ».

Dès lors, un Pontife s’aveugle et perd le cap de la Lumière éter­nelle s’il dis­perse le trou­peau et égare les bre­bis dans des idéo­lo­gies humaines, mon­daines et pro­fanes. Le Syllabus de Pie IX a condam­né en effet la pro­po­si­tion sui­vante : « le pon­tife romain peut et doit se récon­ci­lier et com­po­ser avec le pro­grès, le libé­ra­lisme et la culture moderne ». À Pierre, un moment éga­ré par un sou­ci trop humain, le Christ avait dit : « Arrière de moi, Satan ! tu m’es un scan­dale car tes sen­ti­ments ne sont pas ceux de Dieu mais ceux des hommes. » Terrible !

Source : Fideliter n° 277 de janvier-​février 2024

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.