Le roi est au service du Roi des rois

Artiste: Emile Signol

Une socié­té qui n’est plus diri­gée vers son but se condamne à la désa­gré­ga­tion. Editorial de Fideliter n°270.

La poli­tique n’est plus aujourd’hui cette ver­tu dont parle saint Thomas d’Aquin lorsqu’il traite de la pru­dence du chef, dis­tincte de celle de ses subor­don­nés. Elle est deve­nue une direc­tion de l’économie en vue d’un enri­chis­se­ment maté­riel. Il n’est plus ques­tion de ver­tus et l’on ne tient plus compte de la nature de l’homme, qui n’en demeure pas moins un ani­mal politique.

Malgré tout, le but d’une socié­té est de pour­voir au bien com­mun de tous les sujets qui la consti­tuent. La pour­suite de ce bien hon­nête est, avant tout, la fonc­tion de celui qui pré­side à la chose publique et pour ce, il doit faire montre de pru­dence : la poli­tique. Ce bien com­mun devrait être l’objet des ver­tus, de la jus­tice sur­tout et au pre­mier chef de la reli­gion qui en est la par­ti­ci­pa­tion la plus émi­nente. En effet, qu’on le veuille ou non, les hommes ont tous été créés et ils ne peuvent donc pas s’abstenir de rendre à leur Créateur son dû. On n’admet pas qu’on tourne les chefs en déri­sion, encore moins alors devrait-​on se moquer de Dieu, ou lui vouer une indif­fé­rence coupable.

Par ailleurs, un gou­ver­ne­ment est bon dans la mesure où il réa­lise l’unité et l’harmonie de la socié­té, selon la subor­di­na­tion des fins. Dans le cas contraire, il engendre la dis­corde. Il est éton­nant de voir, sous nos yeux, ces deux socié­tés visibles, l’État comme l’Église, être conduites par des prin­cipes homo­logues qui engendrent des effets simi­laires. Dans les deux cas, l’art éco­no­mique a rem­pla­cé la ver­tu de pru­dence et la poli­tique ; le but pour­sui­vi est ter­restre et maté­riel. Il s’ensuit néces­sai­re­ment la dis­per­sion, la dys­har­mo­nie, le trouble, la désar­ti­cu­la­tion au pro­fit des indi­vi­dus qui donc se perdent, puisqu’ils sont voués à vivre sans l’unité d’une socié­té pour­tant néces­saire à leur bien ; condam­nés dès lors à la tris­tesse sans plus de pers­pec­tive spi­ri­tuelle. Lorsque qu’une mul­ti­tude se dégrade en rai­son même des chefs qui ne tendent plus au bien com­mun spi­ri­tuel, la tyran­nie, sous quelle que forme qu’elle se pré­sente, devient l’ultime remède pour garan­tir d’une dégé­né­res­cence catastrophique.

Et en matière poli­tique, plus qu’ailleurs, le prin­cipe de l’unité vient de la fin envi­sa­gée. Ce qui cause de soi l’unité, c’est ce qui est davan­tage uni­fiant, et donc plus un en lui-​même. Plus donc la fin envi­sa­gée est uni­fiée, meilleure sera l’harmonie d’un ensemble. À moins d’être sourd, on ne peut man­quer d’observer cette évi­dence en écou­tant n’importe quel orchestre sous la direc­tion de son chef.

Mais quelle est donc la fin de l’homme, cet ani­mal poli­tique ? Ni ange ni bête, il a une âme immor­telle que Dieu lui a remise en son conseil pour qu’il puisse gagner cette éter­ni­té où il l’appelle. Voilà tout le pro­blème que des géné­ra­tions de sages ont cher­ché à résoudre. Les ver­tus sont les prin­cipes de ce retour à Dieu. Et comme les hommes sont poli­tiques, leurs ver­tus ne peuvent vrai­ment s’épanouir qu’en socié­té : c’est une condi­tion indis­pen­sable en rai­son même de leur nature. La reli­gion, cette ver­tu qui est comme une jus­tice qu’on doit d’abord à Dieu, créa­teur et maître de toutes choses, coor­donne donc, en rai­son même de son objet, toutes les ver­tus. Ainsi c’est elle qui donne, ulti­me­ment, aux socié­tés leur fin et leur uni­té. Les socié­tés sont comme les hommes qui les com­posent : elles ne peuvent avoir qu’une seule fin der­nière, le terme de l’action de toutes les ver­tus. Ainsi la socié­té civile tend à Dieu auteur des natures. Mais Dieu s’est incar­né. Il a révé­lé que les hommes tendent sur­tout à la Trinité, seule fin unique et véri­ta­ble­ment ultime de tous les hommes. Et à cette fin, il a dit aus­si qu’on n’y attei­gnait que par le Christ, Notre- Seigneur. « Qui me voit voit le Père » et « la vie éter­nelle, c’est qu’ils vous connaissent, vous le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus- Christ. » Dès lors, les hommes, êtres poli­tiques, ne peuvent pas moins atteindre cette fin essen­tiel­le­ment sur­na­tu­relle qu’en socié­té, l’Église.

Alors, comme la reli­gion sur­na­tu­relle, ordon­née à Dieu tri­ni­taire, se subor­donne la reli­gion natu­relle, celle que devraient au moins pra­ti­quer ceux que le Fils de Dieu n’a pas encore éclai­rés de la foi, de même l’Église, socié­té visible et sur­na­tu­relle, fon­dée par Jésus-​Christ, devrait se subor­don­ner la socié­té natu­relle pour l’aider à tendre à sa fin propre dans la quié­tude des ver­tus dès lors par­faites. Mais Vatican II a réso­lu­ment renon­cé à cet office. Et pour­tant « sans la foi, il est impos­sible de plaire à Dieu ».

Source : Fideliter n°270

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.