Conférence donnée par son excellence Mgr Bernard Fellay au prieuré de Fabrègues le 11 mai 2014 : Où va l’Eglise ? Où va la Fraternité ?
J’ai pensé donner comme thème à cette petite conférence « Où va l’Eglise ? » et puis comme conséquence « où va la Fraternité ? ».
Vous savez que toutes sortes de rumeur circulent, surtout sur la Fraternité. Il y a même un mouvement qui a vu le jour, mouvement de prêtres qui appartenaient à la Fraternité et qui publiquement ont attaqué sa direction, en disant qu’il fallait résister, qu’il y avait des déviations, qu’il y avait des volontés de s’acoquiner avec la Rome moderniste. Les termes utilisés, c’est « vendre », « vendre la Fraternité », c’est « Judas », c’est « traître », c’est « Mgr Fellay est devenu moderniste », enfin un peu tout, toutes sortes de termes assez violents et assez forts. Il me semble que l’intention de cette conférence n’est pas de répondre à ses bêtises car ce sont tout simplement des bêtises, mais beaucoup plus sérieusement de regarder ce qui est en train de se passer dans l’Eglise. Ensuite ce ne sera pas difficile de comprendre ce qui se passe entre la Fraternité et Rome.
Je voudrais donc commencer par décrire un peu où en est l’Eglise et ce qui s’y passe.
Partie I – Décadence et résistance dans l’Église depuis un siècle
De Saint Pie X à Pie XII
Il n’est pas facile de décrire correctement ce qui se passe ou plutôt ce à quoi on assiste : l’engendrement d’une confusion jamais vue, de toutes sortes de contradictions au niveau le plus haut, celui de Rome. Quand on pense au message de La Salette qui parlait de cardinal contre cardinal, d’évêque contre évêque, eh bien c’est ce que l’on voit ouvertement, on n’avait jamais vu ça aussi clairement et avec une cadence aussi importante et ces choses-là sont étalées en public.
Je reprends donc un petit peu en arrière car je pense qu’il est intéressant de voir les mouvements. Quand on dit « que se passe-t-il dans l’Eglise ? », il ne fait aucun doute que le concile Vatican II joue un rôle de pièce maîtresse, de pierre angulaire.
Pour comprendre ce qui se passe encore aujourd’hui, il faut revenir à Vatican II. C’est là qu’on trouve l’explication. Cela ne veut pas dire que Vatican II a tout inventé. Les nouveautés étaient déjà dans l’air avant. Pie XII le dénonçait ; Saint Pie X déjà le dénonçait fortement, il disait : « l’ennemi est à l’intérieur ! » ; Saint Pie X allait non seulement dénoncer le modernisme mais aussi prendre des mesures pratiques pour essayer de désamorcer cette incursion ennemie dans l’Eglise. Je crois qu’on peut dire que pendant une quarantaine d’années, cette intervention du Pape Saint Pie X a protégé l’Eglise. Cela ne veut pas dire que le modernisme était mort, il était fortement blessé mais il a survécu, il a continué. Déjà sous Saint Pie X, on voit que la méthode du modernisme est celle du déguisement : c’està- dire qu’on n’agit plus ouvertement. Si on agit ouvertement, si l’ennemi et donc le modernisme se montre, immédiatement l’Eglise réagit.
Et donc déjà à cette époquelà on assiste à une action subversive. Par exemple : en 1918 juste après la mort de Saint Pie X ce sont les premières condamnations de Teilhard de Chardin. Teilhard de Chardin demande conseil à ses amis qui lui disent « signez, signez ce que demande Rome et après, faites ce que vous voulez ». Déjà, apparaît cette malhonnêteté ! On fait croire qu’on se soumet et en même temps on continue le travail de sape. Sous Pie XII aussi, on peut dire que la vigilance de l’Eglise est là et donc les modernistes mettent au point des méthodes, des méthodes subversives : au lieu d’écrire des articles sous leur nom et même des articles tout courts – ils ont fait ça pendant un moment et ils ont vu justement que l’Eglise veillait -, ils ont commencé à faire circuler des feuilles volantes sans signature, sans nom. Elles se distribuaient dans les séminaires. Ils savaient très bien ce qu’ils faisaient, ils étaient introduits.
C’est ainsi que dans l’après-guerre, dans les années 40–50, toute une pensée moderne, une reviviscence du modernisme circule au point que Pie XII est obligé de faire une encyclique contre les erreurs modernes (Humani generis, 1950). La force du langage, la force de la condamnation sont du même genre que Pascendi et les textes de Saint Pie X. L’erreur est bien définie, bien condamnée. Mais Pie XII n’arrive déjà plus à passer à l’action sur l’autre volet : neutraliser ces gens. Ceux-ci trichent, se cachent. Certains seront pris, les noms fameux : Congar, de Lubac, Karl Rahner. Tous ces gens-là sont sous la vigilance de Rome, certains sont directement condamnés, interdits d’enseigner. Congar partira en exil à Jérusalem. De Lubac est interdit d’enseignement à Lyon. Son livre « Surnaturel. Études historiques » est condamné, il est même considéré à l’époque comme le livre le plus condamné des livres condamnés ! En Amérique un prêtre, John Courtney Murray, sur la demande de la conférence épiscopale américaine développe assez profondément l’idée de la liberté religieuse : il est condamné.
De Jean XXIII à Vatican II
Voyez-vous, quand on regarde aujourd’hui ce qui s’est passé, on est stupéfait de voir que les grands noms de Vatican II, ceux qui sont considérés par les historiens comme ayant marqué par leurs pensées Vatican II sont des personnages qui, 10 ans avant, ont été condamnés par l’Eglise. On dit : « Mais ce n’est pas possible, ce n’est pas possible, en 10 ans ? ». Ces gens, dénoncés par l’Eglise comme dangereux et comme n’enseignant plus la vérité, arrivent au concile en trombe et n’arrivent pas par la petite porte. Ils arrivent invités, invités par celui qu’on veut aujourd’hui nous faire accepter comme un saint, Jean XXIII !
On dit de Congar qu’il a cru d’abord à une blague. Quand on lui a dit « vous êtes invité au concile » Congar a dit « non ce n’est pas possible ! Vous vous fichez de moi ! ». Donc voyez, il y a eu toute une préparation, mais on peut dire que ce qui s’est passé au concile c’est grâce à Jean XXIII. Jean XXIII joue un rôle important, il n’est peut-être pas un moteur mais c’est un ouvreur de portes. C’est vraiment lui qui a facilité ce travail. D’abord, il annonce le concile à la grande surprise de tout le monde.
Pendant 2 ans, il y a un travail immense de préparation. 72 schémas sont préparés par plus de 2000 théologiens et évêques, des commissions à Rome : vraiment un très gros instrument de travail de préparation. A la veille du concile le cardinal Suenens va voir Jean XXIII et lui dit « Je n’aime pas ces schémas ; ils ne me plaisent pas ». Le pape de lui répondre « A moi non plus ». C’est lui le pape : il devrait alors agir normalement, et dire aux commissions qui ont fait tout ce travail « remettez-vous à la tâche » ; mais non, ce n’est pas ce qu’il va faire. Il va lui-même donner les conseils, les noms des cardinaux et demander au cardinal Suenens de les visiter pour saborder le concile dès le départ. Mais c’est invraisemblable ! C’est le pape qui coupe la branche sur laquelle il est assis. C’est incroyable ! Ainsi, dès la première séance du concile, cela commence immédiatement. Ils sont là pour voter, pour voter les commissions. Eh bien, il y a un putsch. Le cardinal Liénart prend la parole. Le cardinal secrétaire du concile dit « non, vous ne pouvez pas, ce n’est pas prévu ». Cela ne fait rien, il prend la parole et ensuite le cardinal de Munich qui le soutient, et ainsi de suite. Ils mettent tout par terre dès le départ. Il n’y aura pas de vote. C’était au départ une réunion pour faire des votes : il n’y aura pas de vote. On renvoie sous le prétexte qu’on ne connait pas les gens pour qui il faut voter, qu’il faut donc que les conférences épiscopales présentent les noms, etc… C’est un véritable putsch, il ne faut pas se tromper.
C’est par là qu’ils ont réussi ensuite à placer leurs gens, leurs experts les modernes. C’est inouï, il serait intéressant de faire une recherche historique pour voir si jamais dans l’histoire des hommes – je ne parle pas de l’Eglise mais des hommes – on a vu une telle chose. Pendant 2 ans, vous avez l’instance législative – je n’ose pas dire une constitutionnelle mais c’est presque cela – qui a préparé des textes. Ces textes, ce sont les textes de loi sur lesquels on doit discuter et voter. Eh bien, ils vont tous être mis à la poubelle sauf un. 72 textes, 2 ans de travail, 2000 personnes, à la poubelle ! Un seul texte reste : celui sur la liturgie. Et tous les autres seront concoctés non pas par les autorités en place mais par les conférences épiscopales, par des petits groupes par-ci par-là. Et puis bien sûr on va donner ça après à ceux qui se présentent maintenant comme les commissions officielles.
Donc c’est par la petite porte qu’on fait rentrer officiellement toute cette pourriture, c’est plus qu’un amoindrissement de la foi, c’est une démolition de la foi qui va rentrer grâce au concile. Le concile n’a pas inventé beaucoup mais il a pris et a catalysé les erreurs qui circulaient déjà. Cependant quelques-unes viennent quand même du concile.
La période postconciliaire
Ensuite, il y a eu ce qu’on appelle les réformes postconciliaires qui ont toutes été faites au nom du concile. Toutes ! Ceux qui ont un petit peu d’âge s’en souviennent bien. Tout cela a été fait au nom du concile, dans l’esprit du concile. Pour le justifier, on a dit « les choses changent, il faut s’adapter ». Le grand mot de l’époque était aggiornamento, en italien cela veut dire se mettre à jour, se mettre au goût du jour. Et les fameux discours du début du concile soit de Jean XXIII soit de Paul VI sont les mêmes : cette mise à l’heure du moderne tout simplement, il faut se mettre au diapason du monde moderne. Les résultats ne se sont pas fait attendre. C’est la débâcle, la débâcle dans les séminaires, la débâcle pour les vocations, les prêtres qui défroquent, les couvents qui se vident : départ en milliers, en centaines de milliers. On a perdu après le concile et à cause de toute cette ambiance de l’ordre de 100 000 prêtres et de l’ordre de 200 000 à 300 000 soeurs. Cela a fait plus de mal que toutes les persécutions ensemble ! C’est invraisemblable, invraisemblable ! Des dégâts tels que le pape Paul VI lui-même va dire « c’est un désastre ». Il va même dire « c’est une force étrangère, c’est le diable ». Il va le dire mais c’est lui qui a fait tout ça ! Voyez-vous, on touche là du doigt quelque chose de bien mystérieux. Ces papes font le malheur et ensuite se lamentent sur ce malheur. C’est Paul VI qui a fait la nouvelle messe ; puis après il se plaint. Et cela, c’est l’état de l’Eglise depuis 50 ans. Au moment où les autorités ont essayé d’imposer ces nouveautés, quelques-uns ont réagi : quelques prêtres, des fidèles, un évêque. Il n’y a vraiment pas beaucoup d’évêques qui ont réagi. Ici en Europe, il y en avait un : Mgr Lefebvre.
Il y avait des conservateurs au concile. Au concile, on voit tout un groupe qui essaie de se défendre, mais après ils se sont alignés, ils se sont rangés. C’est triste à dire mais ils n’ont pas osé. On voit la force de l’argument d’autorité et de l’obéissance surtout dans l’Eglise. J’en connais un, c’était l’évêque du Valais : Mgr Adam. Après la première session, il était tellement dégoûté de ce qui se passait à Rome qu’il n’y est plus allé. Dans la deuxième session, il a fait croire aux valaisans qu’il allait à Rome, qu’on ne pouvait pas le voir à Sion et il est allé se cacher dans la ferme du Grand- Saint-Bernard – il était ancien prévôt du Grand-Saint- Bernard – du côté d’Aoste. Il s’est caché là. Mgr Lefebvre, qui le connaissait, lui a dit : « il ne faut pas faire ça, il faut que vous descendiez, il faut vous battre, il ne faut pas vous cacher ». Mgr Adam a dit plus tard au chanoine Berthod qui était un des directeurs du séminaire d’Ecône et qui venait aussi de la congrégation du Grand- Saint-Bernard « Mgr Lefebvre a refusé 2 textes du concile. Moi, je les ai tous refusés. Je n’en ai pas signé un seul parce que je ne les juge pas dignes d’un concile ». Malheureusement en 1975 il a tout lâché. Jusque-là il ne pouvait pas voir le pape, c’était strictement porte fermée. Du moment qu’il a lâché, dans les 10 jours il voyait le pape et le visitait. C’est une tragédie : on voit très bien que Mgr Adam était conservateur mais après il n’a pas tenu le coup.
Mgr Lefebvre : Résistance courageuse et pragmatique
Il y avait des évêques qui voyaient bien que cela se passait mal et qui essayaient au moins dans leur tête de résister mais celui qui a vraiment osé résister publiquement c’est Mgr Lefebvre.
On voit dès le début que ce n’est pas une volonté de s’afficher, c’est simplement dire « Je ne fais pas, je ne vais pas sur ce chemin. La nouvelle messe ? Non, je ne la célèbre pas ». Interventions à Rome, ils sont encore un groupe, ils essaient d’obtenir des cardinaux. Il y en a 2 qui ont signé, il y en aurait peut-être eu plus mais il y a eu indiscrétion : il y a eu une madame, une laïque qui était tellement heureuse de savoir déjà cela qu’elle a publié la chose. Ainsi tous les autres se sont rangés. Sinon il n’aurait pas été impossible d’avoir au départ plus de résistance à la nouvelle messe.
Enfin, cela appartient à l’histoire et c’est comme ça. Petit à petit, ces conservateurs se trouvent isolés, isolés les uns des autres et puis découragés. Il n’y en a vraiment qu’un où l’on voit ce courage ; il ne faut réellement pas avoir peur de saluer ce courage de Mgr Lefebvre. Il est vraiment seul. Il y a au Brésil Mgr de Castro Mayer, mais c’est bien loin. Ici, il est seul avec une pression de tous les côtés : « Vous désobéissez, vous êtes contre tous les évêques, tous les évêques du monde. Vous êtes un orgueilleux », et tout ce que vous pouvez imaginer. Et il a tenu bon ! D’abord il démissionne de la congrégation du Saint-Esprit. Il dit « moi je ne veux pas démolir ma congrégation ». Rome a obligé à ce qu’il y ait un chapitre pour que la congrégation se mette à jour avec le concile. Mgr est en train de se rendre compte que ce serait la fin de sa société. Il dit « moi je ne peux pas ». Il s’adresse à Rome pour demander conseil. Dans la congrégation on essaie déjà de le neutraliser, on sait qu’il est conservateur, on essaie d’imposer 3 chefs pour le chapitre lui-même. Il est supérieur général, il est au milieu de son mandat ; on essaie d’imposer 3 directeurs ou présidents du chapitre. Mgr dit « Cela ne va pas. C’est moi le supérieur. Tout est réglé par nos statuts ; il faut les respecter ».
Il va demander ce qu’il faut faire à la Congrégation des religieux et celle-ci répond : « Faites comme un autre supérieur de religieux qui est parti en vacances. Alors vous allez partir en vacances, et puis vous les laissez faire et puis vous revenez après et puis voilà ». C’est le conseil qu’il a reçu de Rome. Il a dit « moi je ne peux pas. Ca ne tient pas debout ». C’est là qu’il a démissionné, démission qui a été immédiatement acceptée. Il se retrouve, on peut le dire, à la rue ; pas tout à fait, il a encore de menus travaux : la congrégation des missions, c’est tout ; la congrégation des missions, c’est ce qu’on appelle la propagande.
Les débuts d’Écône : Résistance mais esprit de l’Église
A ce moment-là en 1968 /1969, ça bouge partout. Il y a à Rome des séminaristes du séminaire français qui sont affolés et qui viennent le voir en disant : « Faites quelque chose, faites quelque chose ! ». Mgr dit « Mais qu’est-ceque vous voulez que je fasse ?, je n’ai plus rien, je suis tout seul », « aidez-nous, au secours ! ». Et finalement c’est poussé par la divine Providence, c’est poussé par cet appel de séminaristes qui le prient « Ecoutez, faites quelque chose » qu’il va dire : « il me semble que l’université de Fribourg en Suisse semble un peu se tenir, essayons de les envoyer là ». Donc il réunit un petit groupe de jeunes gens, il loue un étage chez les salésiens à Fribourg pour abriter ce petit début de quelque chose, pour essayer de former encore selon les principes traditionnels.
C’est sur ces entrefaites qu’arrive la nouvelle messe. L’introduction de cette messe a lieu le premier dimanche de l’avent 1969. Et là, Mgr dit « non, non on ne la dit pas, je ne la dis pas c’est mauvais, c’est protestant on le voit bien ». Il y a toute une étude qui est envoyée à Rome, je vous l’ai dit. Là-dessus Mgr a toute une réflexion ; il voit bien ce qui se passe ; il se dit « mais ces prêtres que je suis en train de former, ce sera impossible de les envoyer dans leurs diocèses, ils vont se retrouver dans une situation infernale ». Cette constatation va le pousser à dire « Bon, il faut que l’on fasse quelque chose, il faut que l’on fasse une petite société pour ces futurs prêtres ». Et c’est comme cela que commence la Fraternité.
Remarquez toujours en même temps ce regard sur la divine providence : qu’est-ce que veut le Bon Dieu ? Il dit « le signe que la providence veut bien cela, ce sera le placet, l’accord de l’évêque du lieu Mgr Charrière ». Ce geste de Mgr vous montre combien, même dans cette résistance, il garde l’esprit de l’église.
Il va voir Mgr Charrière et lui demande ce qu’il en pense. Et c’est Mgr Charrière qui approuve : « oui, oui, faites ça ». Vous savez qu’il ne faut pas prendre Mgr Charrière pour un conservateur : en 1960 il a fait partie de la toute première réunion préliminaire de mise au point de ce qu’on appellera ensuite la liberté religieuse ; celle-ci avait eu lieu à Fribourg avec Mgr De Smetd, qui sera le grand rapporteur à Rome des discussions de la liberté religieuse, et avec un autre dominicain, Hamer, qui deviendra cardinal. On est là 10 ans plus tard et Mgr Charrière dit « il faut des séminaristes, faites ça ». Mgr Lefebvre s’appuiera toujours sur cette reconnaissance de l’Eglise. Mgr Charrière n’était pas un champion de l’anti-modernisme, mais c’était l’évêque du lieu. Pour Mgr cela suffisait : il y a une appropriation de l’Eglise. Regardez tout ce que Mgr Charrière a pu dire comme bêtises ; mais bon, à l’époque les évêques se tenaient encore à peu près. Ce qui est très intéressant, vous voyez, c’est que Mgr Lefebvre regarde beaucoup plus haut que simplement les personnes, il regarde le Bon Dieu.
C’est le Bon Dieu qui a institué ces autorités et donc on les respecte. Mgr qui aura pu dire toutes sortes de chose sur les papes, les respecte. Il demande de prier pour eux même si on est horrifié de ce qu’ils peuvent dire.
Pour parler un peu de notre pape actuel c’est invraisemblable, absolument invraisemblable. Cela dépasse tout. Mais on prie encore pour lui. On dit : « bon, selon toutes les indications que l’on a dans nos mains, il est pape ». On verra bien si un jour des éléments nous poussent à dire autre chose. Pour l’instant les éléments que l’on a dans nos mains nous font affirmer qu’il est pape. Et donc on prie pour lui. Cela ne veut pas dire qu’on cesse d’objecter au concile, à ses réformes et à la destruction de l’Eglise. Non, au contraire ; on réagit mais on dit « le Bon Dieu permet une épreuve extraordinaire, très difficile à l’Eglise ».
Les interventions de Rome contre Écône : précision sur les divergences
Revenons à notre bref historique : le combat devient de plus en plus aigu. Les évêques français sont jaloux. En 1974, Mgr Etchegaray annonce à Marseille, 6 mois avant que les choses ne se passent, qu’Ecône sera fermé. Le plan est déjà là, il est établi ; ils ont décidé la mort d’Ecône. Et donc il y aura une visite apostolique, c’est-à-dire un contrôle par les autorités romaines du séminaire d’Ecône où les envoyés de Rome scandalisent les séminaristes, les professeurs et Mgr Lebebvre. Ces envoyés de Rome interrogent les séminaristes. A l’un d’eux, ils diront exactement ce que disait Pilate à Notre-Seigneur : « Qu’est-ce-que la vérité ? ». Vous vous rendez compte ! Auprès d’un autre séminariste ils mettent en doute la Résurrection en lui disant « mais ce n’est pas du tout sûr, la Résurrection de Notre-Seigneur ! ». A Mgr Lefebvre, ils diront « On est train de préparer les prêtres mariés, ça va bientôt sortir ». C’était vraiment les révolutionnaires qui arrivaient à Ecône pour nous juger. Et ça bouillonnait dans le séminaire : qu’est-ce qu’ils venaient faire ici ?
C’est à ce moment-là que Mgr a fait cette fameuse déclaration du 21 novembre 1974. Cela vient de là : ils ont tous été choqués par les envoyés de Rome qui étaient censés les examiner, et qui néammoins étaient capables de dire à la fin de la visite que 95 à 98 % des choses étaient en ordre à Ecône. Il n’y a qu’une toute petite chose qui ne va pas : c’est le refus de la nouvelle messe. Mais tout le reste est en ordre, ils le reconnaissent. Il y a eu une seule visite subséquente : la visite de Mgr Gagnon en 1987 qui a été aussi extrêmement positive ; ils ont simplement dit qu’il y avait 2 problèmes dans la Fraternité : la bibliothèque du séminaire d’Ecône ne contenait que des livres trop vieux et ne comportait pas de livres modernes, et au séminaire de Zaitzkofen les professeurs étaient trop jeunes ; trop vieux, trop jeunes, c’est tout. Ce sont les seules remarques qu’ils nous ont faites sur toutes leurs visites. Vous voyez qu’on ne va pas loin avec ça !
La résistance d’Écône à l’auto-démolition : comprendre les enjeux
Et pendant ce temps-là, l’Eglise continue à se démolir de tous les côtés. C’est triste. Mgr poursuit de son côté en disant « ça je ne peux pas, là je ne peux pas ». « Démolir ce séminaire, le fermer – c’est ce que demandait Paul VI – non je ne peux pas ; les ordres ne sont pas justes ; et il y va vraiment des âmes ». Ce n’est pas simplement une question disciplinaire. Si ce n’est qu’une question disciplinaire, on doit obéir même si ça ne nous plaît pas mais là on voit très bien qu’il y a un enjeu énorme.
Plus on avance, plus on le voit : cet enjeu, c’est la défense et la conservation de la Tradition ; et quand on dit « de la Tradition » cela veut dire « de l’Eglise » parce que l’Eglise est Tradition ; c’est la nature même de l’Eglise que de transmettre ce qu’Elle a reçu. Elle ne peut pas changer, elle n’a pas le droit de changer mais au contraire elle doit selon la fameuse parole de St Paul transmettre ce qu’elle a reçu. Cela c’est l’Eglise, c’est justement Tradition. St Pie X lui-même a dit : « tout catholique est traditionnel » parce que toute notre vie, tout notre patrimoine nous l’avons reçu, reçu de Notre-Seigneur donc de Dieu. C’est la Révélation, transmise ensuite de génération en génération jusqu’à la fin. C’est pour cela que l’on dit que, la Révélation s’étant terminée avec la mort du dernier des apôtres, il n’y a plus d’évolution.
Ce n’est pas possible, la vérité ne change pas ; il peut y avoir quelques petites modifications – appelons-le comme cela – mais elles ne changent pas le fond : des précisions dans les termes avec l’évolution de la philosophie ; il peut y avoir des perfections dans la philosophie ; ce n’est pas la théologie, ce n’est pas la Foi. On va profiter de certains affinements, on va utiliser des termes – et même des termes nouveaux – pour ne dire rien de neuf ; par exemple : le mot transsubstantiation, qui arrive au tout début du Moyen-Age, après que les philosophes se soient un peu disputés sur la question de la substance ; avec ce mot-là, l’Eglise va bloquer toutes les hérésies sur la Sainte Eucharistie ; c’est un terme technique, philosophique mais de St Pierre jusqu’à aujourd’hui la chose à laquelle on croit est exactement la même : Notre- Seigneur est réellement présent dans l’hostie. Maintenant on précise substantiellement, par mode de substance, mais la chose est exactement la même, nous avons exactement la même Foi que St Pierre et les premiers apôtres ; c’est cela qui est beau ; c’est magnifique ; c’est justement cela l’Eglise et ça ne change pas. Et tout d’un coup, après des siècles et des siècles où l’on a toujours enseigné cela, on nous dit que maintenant, avec le concile, ça peut changer. Non, ça ne va pas !
C’est ce qui s’est passé au concile, ils ont commencé à dire « ça peut changer » ; ils ont été habiles, les théologiens, dans ce travail de sape.
Sous Pie XII les textes qu’ils ont publiés l’ont été le plus souvent sous un aspect historique, on va parler d’histoire des dogmes. A chaque fois que vous tombez sur un livre qui a cela dans son titre, vous n’avez même pas besoin de le lire, vous pouvez le laisser de côté : c’est à peu près sûr que c’est un livre moderniste qui essaie de vous montrer qu’il y a eu évolution du dogme, c’est-àdire que le dogme a changé. Très habile : une page vraie, une page fausse, c’était leur méthode. On peut dire que jusqu’ici, eux, ils n’ont pas changé de méthode !
Jean-Paul II : Approfondissement des conséquences du Concile
Alors, on arrive sous Jean-Paul II qui continue à avancer et tire toutes les conséquences du concile ; l’une des plus spectaculaires est Assise ; vraiment un scandale énorme qui touche profondément – on ne peut pas aller plus profond que ça – à ce lien unique entre l’Eglise et Dieu ; il n’y a qu’une seule Eglise fondée par Notre- Seigneur, c’est l’Eglise Catholique. Et nécessairement cela veut dire que la seule qui est capable de plaire à Dieu c’est l’Eglise Catholique. Au concile on a commencé à dire que « non, il y a du bien partout ; un peu partout on peut plaire à Dieu ». Et hop, on ouvre les portes ; au concile on est habile, on ne va pas dire les choses entièrement, on ne va pas dire les hérésies comme ça, on va dire des petites phrases comme : « le Saint-Esprit ne dédaigne pas prendre les autres religions comme moyen de salut » ; on va dire qu’il y a des moyens de sanctification chez les autres chrétiens. A strictement parler, ce qui est dit n’est pas faux ; c’est très habile, ce qui est faux c’est le non-dit : si vous dites et si vous reconnaissez que dans certaines sectes protestantes il y a encore le baptême donc des sacrements, qu’il y a encore l’écriture sainte – un peu falsifiée -, dire qu’il y a encore quelque chose qui pourrait sanctifier (un baptême valide peut sanctifier, ce n’est pas faux ; le problème est qu’il ne peut pas avoir son effet parce qu’il y a des obstacles et cela on ne le dit plus !) fait tout de suite croire que cela peut sauver. C’est clair ; si vous prenez un avion où il manque le pilote, les moteurs et la queue et si vous vous évertuez à dire « Regardez ces ailes ! Elles sont magnifiques, ces ailes ! Ce sont des ailes avec lesquelles on peut voler ! », c’est vrai : avec ces ailes on peut voler, mais l’avion ne volera pas parce qu’il n’y a ni pilote ni moteurs ni queue ! C’est le problème de ces confessions chrétiennes qui en partant ont pris quelques morceaux à l’Eglise Catholique : elles ont volé (les morceaux) mais elles ne peuvent pas voler (comme l’avion) !
C’est tromper ; tout simplement c’est tromper ; mais c’est habile et la plupart des erreurs du concile sont de ce genrelà. On va mêler le vrai et le faux et même, on va taire le faux ; on ne va pas dire forcément beaucoup de faussetés, on va les taire ; ça trompe.
Et après justement vous avez un pape, Jean-Paul II, qui va en tirer les conséquences et faire Assise où tout le monde est là. Il va écrire l’encyclique Ut Unum Sint dans laquelle il dit que toutes les religions ont pour aboutissement Notre-Seigneur. Mais ce n’est pas vrai, purement et simplement pas vrai. Comment affirmer que toutes ces religions qui pensent que dire « Notre-Seigneur est Dieu » est un blasphème, peuvent conduire à Notre-Seigneur ? C’est ridicule ; mais c’est ce que vous trouvez dans ses encycliques !
Benoît XVI : Moderniste-Conservateur
On arrive à Benoit XVI. L’évolution de l’Eglise a conduit celle-ci à la décadence ; la réalité de l’Eglise est qu’elle s’effiloche ; de tous les côtés ça part en petits morceaux, gentiment ; ce n’est peut-être pas toujours spectaculaire mais quand on fait le total ça devient impressionnant ; quand on regarde la France, si j’ai bien compris, on est en train de démolir 7 000 églises catholiques parce qu’il n’y a plus personne, parce que cela coûte trop cher à l’état ; et si j’ai bien compris, en 2015 – c’est très proche – on va diminuer d’un tiers les diocèses en France et les réorganiser : c’est un plan d’il y a quelques années. Bref, c’est un désastre.
Arrive Benoit XVI qui est un mélange ; au point de vue intellectuel c’est un professeur, quelqu’un qui vit dans la spéculation et à ce niveau-là il est très profondément touché par le modernisme ; chaque fois qu’il part dans la théorie on ne comprend plus rien, on ne sait pas ce qu’il veut dire, c’est effrayant ; quand il est dans le concret ça va un peu mieux : en ce qui concerne la liturgie, on le voit, il aime ça, il veut une belle liturgie. Il y a comme une espèce de dichotomie chez lui, comme 2 aspects : l’aspect théorie où ça part dans les étoiles et un aspect plus concret qui est aussi un peu plus conservateur. Il a essayé pendant son pontificat de mettre les freins, d’arrêter certaines choses, de corriger même et de faire – je ne sais s’il faut l’appeler comme ça – certaines restaurations ; on le voit avec la Sainte Messe même si l’on peut réclamer et discuter sur la qualité de ce fameux motu proprio.
Celui-ci n’a pas eu beaucoup d’effets dans les faits mais cependant il affirme fondamentalement au niveau du droit que l’ancienne messe n’a jamais été abrogée. Au niveau du droit c’est une pièce maîtresse, au point de vue juridique cette phrase est d’une force extraordinaire. Cela veut dire que cette loi est restée dans son état antérieur ; et la loi c’est la loi universelle de la liturgie romaine. Affirmer qu’elle n’est pas abrogée cela veut dire qu’elle est restée dans cet état : l’ancienne messe est loi universelle de l’Eglise. Le problème est qu’on a fait une deuxième.
Ce qui est étonnant c’est que le pape ait prononcé cette phrase, parce qu’il pose un problème juridique : vous avez 2 lois différentes sur le même sujet. C’est un peu comme si vous disiez « on peut rouler à droite » et « on peut rouler à gauche » : ça pose certains problèmes ! Néammoins pour nous c’est extrêmement précieux d’avoir cette phrase du pape. Elle est vraiment très précieuse. On peut discuter de certaines choses, il reste que ça, c’est vraiment très fort.
Donc vous avez un pape qui essaie, qui voit bien que certaines choses ne vont pas. Il essaie vaille que vaille ; il n’est pas très fort, on le sait bien ; cela va même aller jusqu’à la démission. Ce n’est pas un acte de force, la démission. Il n’en peut plus. Je pense qu’on écrira encore des livres sur les raisons de sa démission. Il me semble que celle qui a été donnée, c’est-à-dire l’incapacité de gouverner, est plausible. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas d’autres, conjointes ; mais celle qui a été présentée d’une faiblesse physique – d’aucuns diront faiblesse psychologique – est en tout cas possible. Il peut y avoir des pressions, je ne l’exclue pas ; mais avant de pouvoir l’affirmer, il faudrait avoir les preuves.
Benoit XVI : Dédouaner le Concile – Le Concile des médias
Ce qui est intéressant c’est qu’à la fin de son pontificat Benoit XVI va faire ce qu’on ne peut pas appeler tout à fait un bilan, un des tout derniers textes qu’on a de lui. C’est une conférence où il va parler librement pendant 40 mn au clergé de Rome, une dizaine de jours avant de partir. Il raconte au clergé romain son expérience du concile ; il leur dit comment il a vécu le concile. Cela vaut la peine ; je trouve cette conférence précieuse parce qu’elle nous le montre comme il est ; on voit déjà là ce double aspect, un aspect qui veut rester conservateur, qui veut garder les choses mais en même temps un aspect qui veut faire du nouveau ; pour lui il fallait faire du nouveau, c’était normal (attention, je cite le pape !) ; et après il se lamente sur les choses qui se sont passées. Il reconnaît qu’il y a des choses qui se sont passées qui n’auraient pas dû se passer ; il va même jusqu’à dire « on ne veut pas ça ».
Il est très intéressant que, pour essayer d’expliquer ce qui s’est passé, il invoque ce qu’il appelle le concile des media. Il n’est pas le premier à nous en parler, mais cette fois-ci c’est le pape qui nous en parle. Cette idée circule pendant le pontificat de Benoit XVI. On va la retrouver sous l’idée d’herméneutique de la continuité. Elle consiste à dire « il y a un vrai concile qui est un bon concile et qui a voulu être fidèle ; puis il y a eu des déviations mais celles-ci ne viennent pas du vrai concile ; elles viennent d’un faux concile qui s’est substitué au vrai » ; ce faux concile, le pape l’appelle le concile des media. Autrement dit, les media ont récupéré les décisions du concile ; ils ont brodé là-dessus et, selon lui, ce qui est arrivé aux fidèles n’est plus le vrai concile ; ce n’est pas vraiment ce que le concile a voulu ; c’est la manière des media d’interpréter le concile, manière évidemment de ce monde c’est-à-dire politique, horizontale, et qui oublie complètement la dimension verticale de l’Eglise. Il va si loin qu’il va tout mettre sur le dos de ce fameux concile des media qui est pour moi de la sciencefiction. Quelques éléments sont vrais : les media ont pu jouer d’une part les courroies de transmission et d’autre part faire de la propagande, des falsifications, de l’intox ; mais prétendre que tout le concile, pendant plus de 40 ans, est arrivé aux fidèles de manière faussée, fait poser beaucoup de questions sur ce qu’ont fait les autorités de l’Eglise pendant ce temps-là. Si pendant plus de 40 ans un faux concile a été donné aux gens, que faisaient-ils à Rome pendant ce tempslà ? A nous, il semblait qu’ils étaient tout à fait d’accord avec toutes ces nouveautés, avec ce qu’il appelle maintenant le concile des media. Il y a quelque chose qui ne va pas !
Ce qui est intéressant c’est de voir un pape essayer de se dédouaner en disant qu’il y a un tas de choses qui se sont mal passées mais que ce n’est pas de leur faute. Il y a des méchants, ce sont les media.
Que va-t-il nous donner en illustration ? La collégialité : il nous dit que les media ont présenté l’analyse de l’Eglise d’une manière politique en parlant des combats progressistes/conservateurs, etc…, en parlant des conférences épiscopales comme d’une version horizontale, démocratisante, etc… ; il n’y a plus la version verticale : c’est la faute du concile des media, dit-il. Mais en réalité il est évident que la collégialité, c’est introduire la démocratie et c’est le texte lui-même qui l’introduit. Il y a même eu tout un combat à ce moment-là sur la collégialité. Encore aujourd’hui nous nous battons là-dessus, sur le texte du concile.
Que va-t-il nous dire encore ? La nouvelle messe : le pape va dire que cette nouvelle messe qui est aplatie, horizontale, au niveau des hommes, c’est le concile des media. Il va nous dire : les séminaires vides, les congrégations religieuses vidées, tout cela est dû au concile des media. Je trouve cela un peu facile ! C’est ainsi qu’il explique les choses, comme pour dire « on a voulu faire quelque chose mais ça a raté parce qu’il y a eu le concile des media ».
Et puis à la fin, il nous dit : « rassurez-vous, le concile des media est en train de se dissiper ». Comme le nuage se dissipe maintenant le soleil arrive : le vrai concile arrive ! Et lui s’en va !… En fait, il s’agit d’une fausse problématique ; mais ce qui est intéressant c’est qu’il y a la reconnaissance que des choses ne vont pas dans l’Eglise ; il y a au moins ça.
Le Pape François : Homme de Praxis
Arrive le pape François. J’ai envie de dire rebelote. « Tout va bien ! ». Avec le pape Benoît il y a des choses qui ne vont pas. Avec le pape suivant tout va bien. Le concile des media ? Il n’existe plus, c’est fini. Et puis les changements, c’était très bien, il fallait ça ; il va jusqu’à dire qu’il est absolument hors de question de discuter le concile, c’est la vie de l’Eglise, c’est fait.
D’ailleurs, voyez : Jean-Paul II ne fait que parler du concile, il ressasse et ressasse le concile, le concile, le concile. Benoit XVI, c’est mélangé. François ? Il n’en parle pratiquement jamais, mais s’il y en a un qui vit le concile et l’introduit dans la vie de l’Eglise c’est lui ; beaucoup plus que tous les autres. C’est lui qui passe à l’action.
Comprendre François ? Ce n’est pas facile. Un argentin m’a donné la clé de compréhension. Il m’a dit « Faites attention ! Vous les Européens, vous aurez beaucoup de peine à le comprendre : il n’est pas un homme de doctrine. C’est un homme de praxis, de pratique ».
Voyez ! Quand on parle d’un homme de doctrine, cela veut dire qu’il est un homme de principe ; il agit selon des principes ; il y a des choses qu’il ne fera pas à cause de ses principes même s’il doit en souffrir ; c’est la foi qui dit qu’il y a des choses qu’on ne fait pas ; l’homme de principe est prêt à supporter quelque chose de douloureux au nom de ses principes ; il se tient, c’est tout. L’homme de praxis est comme une anguille qui essaie de se faufiler dans la réalité et d’en tirer le maximum d’avantages, peu importe ce qui se passe autour, peu importe les théories. Dire cela du pape, vous vous rendez compte ! Mais on le voit tous les jours, excusez-moi de devoir dire ça comme ça.
Cependant, de nouveau ce n’est pas aussi simple qu’on le voudrait ; dans beaucoup de sermons de Ste Marthe le matin, le pape a un langage qui nous est très familier ; en fait c’est le même que nous : il parle du Ciel, de l’enfer, du péché, de la nécessité de la contrition, toutes choses qui nous sont extrêmement familières… Mais serait-il conservateur par hasard ?… Il dit des choses comme cela mais c’est toujours de la pratique ; souvent ça a l’air raisonnable ; puis, tout d’un coup, il y a une petite phrase qui détonne et on se dit « mais ça ne va pas, ça ! ».
Je vous en donne une : il est en train de parler dans une église, devant lui il a des SDF en minorité catholiques, les autres étant des musulmans. Il leur parle, il leur parle à un moment de la Croix, il leur dit qu’il faut porter la croix, qu’il faut montrer la croix, puis il dit « voyez-vous, c’est normal, les chrétiens doivent prier ; eh bien, priez avec la Bible », puis il s’adresse aux musulmans : « Vous les musulmans, priez avec le coran » ; comme si les 2 étaient complètement à égalité ! Mais ce n’est pas simplement comme si ; la phrase suivante est : « Vous savez, ce qui est important c’est d’être fidèle à ce que nos parents nous ont donné. Soyez fidèles, tenez ça et tout ira bien ». Catholiques, musulmans, vrai, faux, blasphèmes, hérésies, peu importe, il faut être fidèles à ce que nous avons reçu de nos parents et tout ira bien ! Là ça ne va plus ! Il est en train de parler à tous ces gens, il n’est pas en train de parler seulement à des catholiques. S’il ne parlait qu’à des catholiques, oui c’est ce qu’il faut dire « gardez, soyez fidèles à ce que vous avez reçu de vos parents ». Evidemment ! mais on ne dit ça qu’à des catholiques, pas aux autres !
C’est un tout petit exemple du problème du pape François, pape foncièrement moderne ; il l’a dit plusieurs fois, il a exprimé très clairement son dédain ou son incompréhension (je ne sais pas comment il faut dire) de tout ce qui serait attachement au passé ; vraiment, il le condamne clairement, pas simplement dans des interviews à des athées, mais même à ses jésuites dans un article soigné et aussi dans l’exhortation apostolique. C’est toujours la même chose, on voit très bien qu’il est comme ça, il est moderne à un point qui doit nous effrayer. La définition qu’il donne du concile c’est « la relecture de l’Evangile à la lumière de la culture moderne ». En théologie, en philosophie aussi, la lumière c’est ce qui donne la spécificité, et pour un catholique la lumière c’est la Révélation. Donc, quand on lit l’Evangile, la seule lumière qui nous est permise c’est la lumière de la Foi. Dire « lire l’Evangile à la lumière de la philosophie moderne », cela veut dire que la philosophie moderne va dicter la manière dont on va le lire ; pour un catholique c’est un non-sens ; mais pour le pape François cela va de soi ! Et il dit ensuite « c’était évident pour les pères du concile que ça impliquait nécessairement l’œcuménisme », puis « dans ce domaine de l’œcuménisme, on n’a vraiment pas fait grand-chose, on a fait très peu de choses ».
Quand on voit tout ce qu’ils ont fait au nom de l’œcuménisme depuis le concile, on tombe des nues ! Et lui de dire : « moi, j’ai l’humilité et l’ambition de faire quelque chose ! ». Qu’est-ce qui va se passer alors ? Pour l’œcuménisme on n’a encore rien fait, alors que – bien que ce soit encore théoriquement défendu – on voit des échanges où le pasteur prend la place du curé et le curé la place du pasteur ? En Australie, ils ont fait un accord à 3 : anglicans, luthériens et catholiques ; cet accord est le suivant : chacun des 3 change chaque dimanche et va dans l’église d’un autre, et les fidèles sont invités indifféremment à aller à l’une ou à l’autre ; autrement dit, tout se vaut. En Suisse, au niveau enseignement, la faculté théologique de Lucerne a fait un accord d’équivalence des grades académiques avec la faculté théologique protestante de Bâle ; autrement dit, ça vaut exactement la même chose ; vous avez un protestant qui a fait sa thèse de théologie protestante à Bâle et cela est accepté et reconnu exactement au même niveau qu’un doctorat de théologie catholique ; autrement dit, théologie protestante et théologie catholique se valent exactement ! Vous vous rendez compte ! Cela est public, ce n’est pas caché. Qu’est-ce qu’ils font à Rome ? Ils laissent faire. Cela, c’est la situation de l’Eglise.
Où va l’Eglise ? Comme il n’y a pas de grands principes, c’est très difficile de le dire.
Quelques idées du Pape François
Le pape a exposé quelques idées :
1° il faut décentraliser le pouvoir romain, c’est-à-dire qu’il faut le distribuer aux conférences épiscopales. Benoit XVI disait que les conférences épiscopales n’avaient pas de fondement théologique, et le pape François dit qu’il faut réfléchir pour voir si on n’en trouve pas un. Voilà déjà une idée qui montre la dissolution du gouvernement dans l’Eglise.
2° au niveau des moeurs et de la morale, il y a cette fameuse question de la communion aux divorcés. Vous allez voir, avec ça c’est tout qui va venir car ce point est un verrou qui protège encore toutes les notions de la famille, de la famille chrétienne, de son indissolubilité. Il travaille de manière extrêmement habile ; fait-il cela par ingénuité ou est-ce calculé ? J’ai beaucoup réfléchi et je crois que c’est calculé ; je peux me tromper, j’espère que je me trompe mais je pense que c’est calculé : on donne un coup puis après un cardinal essaie de récupérer les affaires, puis on redonne un coup et on essaie de nouveau de récupérer les affaires, et à la fin plus personne ne sait ce qu’il faut croire ou pas. Sur cette question du refus de la communion aux divorcés remariés c’est tellement fort : un faux mariage comme ça est un état de fornication, un état de péché et il est absolument impossible de donner la communion à quelqu’un en état de péché. C’est l’enseignement de l’Eglise et aucune variation n’est possible ; néammoins il cherche ! Lors du dernier consistoire en préparation du synode de cet automne, sur cette question le pape a demandé au cardinal Kasper de faire une conférence qui a duré 2h, ensuite les autres cardinaux ont parlé ; environ les ¾ des cardinaux étaient opposés à la thèse présentée par le cardinal Kasper qui est pour l’ouverture ; celui-ci a dit une phrase qui correspond à ce que nous disons de leurs méthodes « il faut faire avec cette question exactement ce qu’a fait le concile » et qu’a fait le concile ? Il a réaffirmé la doctrine catholique et ensuite il a ouvert les portes, autrement dit il a nié ce qu’il venait d’affirmer. Le cardinal Kasper ne le dit pas comme ça mais c’est la réalité ; il a dit « c’est ce qu’il faut faire maintenant ». Je vous donne un exemple frappant de cette méthode de travail : c’est la communion dans la main ; vous rendez-vous compte que la communion dans la main a été introduite grâce à un texte qui dénonce la communion dans la main comme un abus, qui la condamne ? Ils sont forts quand même ; on fait un texte qui dénonce la communion dans la main et c’est ce texte-là qui va pourtant permettre l’arrivée de la communion dans la main dans le monde entier, puisqu’après avoir dit que ce n’était pas bon, on va ajouter que « là où on le fait déjà on peut continuer ».
Et voilà comment cela s’est passé. C’est ce que je crains pour cette question de la communion aux divorcés ; ils vont dire « mais non, mais non ! on ne peut pas ! … mais, si dans tel cas …», vous allez voir !
3° Il y a aussi une question annexe, celle de l’introduction de la femme dans les décisions importantes de l’Eglise. Je ne sais pas comment ils vont faire ça, mais c’est un dada du pape. Quand on lui a dit « vous voulez des femmes cardinales ? », il a répondu « non, non ; ça c’est du cléricalisme ». Bon ! Qu’a-t-il dans la tête ? Il a aussi dit qu’il y avait des choses vétustes dans l’Eglise qu’il ne fallait pas avoir peur de balayer, qu’il fallait supprimer les vieillotteries et rajeunir l’Eglise, balayer, mettre dehors.
Qu’est-ce qui va nous rester ? Dieu sait ! C’est vraiment effrayant.
Quelques réactions actuelles au sein de l’Église
Il y a un grand espoir c’est le bon Dieu, c’est clair mais au niveau des hommes il y a peut-être un tout petit espoir : j’ai cru comprendre qu’un certain groupe de cardinaux était en train de préparer quelque chose ; l’un d’eux a dit « si, lors du synode d’octobre, ils font passer la communion aux divorcés, alors il y aura un schisme dans l’Eglise ». Cela veut dire que certains vont réagir ; il y a des cardinaux qui vont dire « ça, ce n’est pas possible ! ». Je ne sais pas combien ils sont ; je prie, je supplie qu’ils aient le courage de parler ; qu’ils n’attendent pas, qu’ils se dépêchent ! Il n’est pas impossible, comme je l’ai déjà dit, que l’on arrive à une situation encore plus confuse. Imaginez que le pape se trouve du côté des malfaiteurs, qu’un groupe de « bons » cardinaux réagisse et qu’il faille bien sûr soutenir les bons contre un pape schismatique, cela va être une de ces pagailles ! On n’a pas fini de rire. Enfin, ce sont des schémas, on verra bien comment les choses vont se passer ; il faut prier le Bon Dieu qu’il nous protège dans toute ces affaires.
Partie II – Savoir nous positionner dans le contexte actuel
Nous, que faisons-nous là-dedans ? Nous nous tenons de côté tout simplement.
2012 : Notre lutte pour la révision de l’autorité du Concile
En 2012, il y a eu un tout petit espoir qu’ils abaisseraient la qualité du concile. Ce petit espoir était dans une des phrases de ce que nous proposait Rome : « il y a une discussion légitime sur les points qui font problème » donc du concile ; s’il y a une discussion légitime sur le concile, cela veut dire que le concile n’est plus obligatoire, qu’il n’oblige plus. Pour moi c’était une modification qualitative du concile qui amenait à peu près à ce que nous disons, à savoir que ce concile n’a pas l’autorité des autres conciles et donc devient discutable. Cela nous a pris plus de 6 mois pour bien vérifier que cette phrase voulait dire ça et à la fin c’est retour à la case départ : il fallait d’abord accepter le concile puis discuter après, c’est ce qu’ils m’ont dit. Moi j’ai dit « ça ne sert à rien, il n’y a pas de discussion. On ne peut pas accepter, c’est tout. C’est contre ce que l’Eglise a enseigné ». Cela a tout bloqué.
La question qui restait était de savoir de quel côté se trouvait le pape Benoît XVI. Je recevais des messages qui me disaient « ce que l’on vous propose n’est pas ce que veut le pape, il veut mieux, il veut des choses plus conservatrices », mais à la fin il s’est aligné sur la Congrégation de la Foi. Je lui ai écrit que je ne comprenais plus et qu’il me dise clairement une fois pour toutes ce qu’il voulait et il a remis un texte stipulant que nous devions accepter ce concile comme partie intégrante de la Tradition. Et même il dit « de la dite Tradition » car la phrase précédente était qu’il fallait accepter que le Magistère soit la norme de la Tradition apostolique qui nous dit ce qui appartient à la Tradition (Ce qui est vrai, le Bon Dieu a donné aux papes cette mission de veiller sur le dépôt révélé ; c’est le pape qui peut nous dire ce qui appartient à l’Ecriture Sainte ; les protestants ne sont pas d’accord, mais c’est le pape qui décide ; il a ce pouvoir et lui seul). Mais alors de dire ensuite qu’il faut accepter que le concile fait partie de la Tradition apostolique c’est-à-dire de l’enseignement des apôtres, c’est faux, ça ne va plus.
2012 : La question de la Messe… et deux tristes rapports
Et puis il fallait accepter que la nouvelle messe n’était pas simplement valide mais licite. Là aussi, j’ai dit « non ». Licite ça veut dire qu’elle est bonne. J’ai dit « non » ; nous avons toujours dit le contraire ; même si elle est valide, elle n’est pas licite. Ils ont eu des arguments relativement subtils :
- Est-ce-que vous reconnaissez qu’elle est valide si elle est dite correctement avec tous les éléments qu’il faut ?
- Oui – Si elle est valide, c’est que Notre-Seigneur est réellement présent sur l’autel ?
- Oui – Mais Notre-Seigneur est infiniment saint ?
- Oui – Il y a le sacrifice de Notre-Seigneur ?
- Oui – Sacrifice lui aussi infiniment saint ?
- Oui
- Alors, comment pouvez-vous dire que cette messe est mauvaise puisqu’il y a toute la sainteté de Dieu, de Notre-Seigneur, du sacrifice.
Alors nous leur expliquons ce qu’est la Liturgie. La Liturgie est un ensemble de gestes, de paroles qui sont de l’ordre sensible, de l’ordre du signe comme les sacrements, qui indique une réalité beaucoup plus profonde. Si une messe est valide, cela veut dire que cette réalité essentielle est là. Mais la Liturgie est – j’allais dire – le signe, le véhicule qui nous apporte ces grâces essentielles, et c’est lui qui a été abîmé. Le signe, c’est-à-dire ce qu’il devrait signifier, ce qu’il devrait représenter, ce qu’il devrait nous apporter du niveau sensible vers ces réalités, a été endommagé.
Si vous voulez un exemple un peu plus simple, quand vous mangez une pomme vous ne mangez pas d’abord l’essence de la pomme ; ce que vous mangez ce sont les accidents : la couleur, le goût, la quantité ; ce n’est pas l’essence. Si ces éléments sont amochés, si vous avez une pomme pourrie, si elle est encore suffisamment pomme pour dire que c’est une pomme, l’essence de la pomme est là, mais elle est pourrie et vous ne la mangez pas. Ce n’est pas compliqué.
La Liturgie c’est du même genre. Vouloir simplement s’accrocher en disant « l’essentiel est là » est insuffisant ; l’essentiel de la Liturgie c’est plus que ça, c’est tout cet ensemble voulu par le Bon Dieu et qui va nous conduire au Bon Dieu. Voyez cette belle liturgie, les gestes, se mettre à genoux, la musique, les chants, tout cela nous conduit vers cette réalité du Sacrifice. Si on enlève ces éléments, on n’arrive jusqu’à nier cette réalité du Sacrifice.
C’est ce qu’on voit dans la nouvelle messe : les prêtres nient cette réalité. La quantité de prêtres qui aujourd’hui nient la réalité de la présence réelle est invraisemblable. J’avais fait une estimation et j’arrivais à 40% ; c’est déjà énorme et je pensais avoir été sévère. J’ai discuté avec des prêtres modernes et ils m’ont dit que c’était 60%. L’an dernier j’ai eu 2 rapports. L’un du diocèse de Trèves en Allemagne ; c’est le vicaire général qui annonce que 80 % de prêtres ne croient pas en la présence réelle ! L’autre vient du diocèse de Sidney en Australie ; ils ont dressé un questionnaire adressé aux prêtres avec réponse anonyme : 78% ne croient pas en la présence réelle. Tels sont les résultats et comment pouvez-vous dire que cette messe est bonne ! Jamais de la vie ! Cette messe est mauvaise.
- Donc, ont-ils dit, la messe du pape est mauvaise ?
- Oui. Vous l’avez faite comme ça, vous avez enlevé tous ces éléments qui appelaient et nourrissaient la Foi.
Voilà le résultat.
Le Pape François et la FSSPX
Avec le pape actuel, comme c’est un homme pratique, il va regarder les personnes. Ce que pense, ce que croit une personne lui est finalement assez égal. Ce qui compte c’est que cette personne lui soit sympathique, qu’elle lui paraisse droite, on peut le dire comme ça.
Et ainsi il a lu 2 fois le livre de Mgr Tissier de Mallerais sur Mgr Lefebvre et ce livre lui a plu ; il est contre tout ce que nous représentons, mais comme vie ça lui a plu. Lorsque, encore cardinal, il était en Amérique du Sud, le Supérieur du district est venu lui demander un service administratif n’ayant rien à voir avec l’Eglise : problème de visa, de permis de séjour. L’état argentin qui est très à gauche profite du concordat censé protéger l’Eglise pour nous embêter très sérieusement et nous dit « vous vous prétendez catholiques, il faut donc que vous ayez la signature de l’évêque pour résider dans le pays ». Le supérieur de district est donc allé lui exposer le problème : il y avait une solution facile, c’était de nous déclarer église indépendante, mais nous ne voulions pas car nous sommes catholiques. Et le cardinal nous a dit : « non, non, vous êtes catholiques, c’est évident ; je vais vous aider » ; il a écrit une lettre en notre faveur à l’état qui est tellement de gauche qu’il a réussi à trouver une lettre contradictoire de la part du nonce. Donc 0 à 0. Maintenant il est pape et notre avocat a eu l’occasion d’avoir une rencontre avec le pape. Il lui a dit que le problème continuait pour la Fraternité et lui a demandé de bien vouloir désigner un évêque d’Argentine avec qui l’on puisse traiter pour résoudre ce problème. Le pape a dit « Oui, et cet évêque, c’est moi, j’ai promis d’aider et je le ferai ».
J’attends toujours, mais enfin il l’a dit, de même qu’il a dit « ces gens-là croient que je vais les excommunier, ils se trompent » ; il a dit autre chose d’assez intéressant : « Je ne les condamnerai pas et je n’empêcherai personne d’aller chez eux ». Encore une fois, moi j’attends pour voir.
Ce que je vois en même temps, c’est que le cardinal Müller qui est évidemment sous le pape – mais enfin, il parle -, dit : « mais ces gens-là, ils sont excommuniés ! » ; on lui dit que l’excommunication a été levée ; il répond « oui, mais il reste l’excommunication sacramentelle ! ». Je ne la connais pas celle-là ! Même dans les livres, elle n’existe pas ! Mais lui en a inventé une pour nous et il dit que de toutes façons nous sommes schismatiques. Donc le n°2, qui sur les questions morales attaque le pape, redit la vérité avec force sur cellesci et se fait reprendre par des cardinaux, a également une position contraire à celle du pape vis-à-vis de nous. Voyez-vous, il ne faut pas se faire d’illusion, vraiment pas !
Pas encore d’entrevue avec le Pape
Jusqu’ici, je n’ai pas demandé d’audience. Et juste aujourd’hui, c’est amusant, court un bruit sur Internet. Quelqu’un dit posséder la preuve que Mgr Fellay a vu le pape, c’est une rencontre qui était préparée, etc…, etc… Je vais vous dire ce qui s’est exactement passé. La commission Ecclesia Dei avait demandé que je les rencontre. Je suis allé à Rome en décembre 2013 et, à midi, nous sommes allés manger à Ste Marthe. Le pape mange aussi à Ste Marthe dans ce vaste réfectoire plus grand que cette église, à l’écart des autres convives. Nous n’avons pas mangé à sa table ! Lorsque les Monseigneurs ont vu que le pape avait fini et sortait, ils m’ont pris ; nous sommes sortis du réfectoire et dans le couloir l’évêque qui était avec moi m’a présenté au pape. Je l’ai salué. Le pape a dit « Enchanté de faire votre connaissance », j’ai répondu « je prie beaucoup » ; je n’ai même pas dit que je priais pour lui mais simplement « je prie beaucoup ». Il m’a répondu « priez beaucoup pour moi ». Et c’était fini ; c’est tout.
Si vous voulez appeler cela une rencontre, vous le pouvez et vous pouvez aussi dire qu’elle était préparée mais cela ne sert strictement à rien !
Dire que j’ai eu une audience ou je ne sais pas quoi, ce n’est pas vrai. On utilise des petites choses vraies pour en faire des montagnes. On en fait des histoires qui sont complètement fausses. On a dit aussi que l’abbé Nély avait mangé avec le pape. C’est faux. Il était aussi à Ste Marthe. C’est une hôtellerie pour le clergé. Le pape mange dans un coin ; vous mangez dans un autre coin ; vous ne pouvez pas dire que vous avez mangé avec lui ; ou vous dites de manière tellement large que vous avez mangé avec le pape que cela n’a pas de sens, ce n’est pas sérieux. Là-dessus on construit toutes sortes de choses : « regardez, voyez, ils sont en train de faire des accords » ; ce n’est absolument pas vrai.
Pas d’accord possible dans la situation actuelle
On a aussi sorti récemment une autre affaire, je crois que c’est Monseigneur Williamson qui sort ça : « oui, oui, ils l’ont annoncé, il va y avoir une reconnaissance sans contrepartie, c’est une tolérance ! ». En fait, ce qu’on essaye d’expliquer c’est qu’il n’y aura pas d’accord, que c’est absolument impossible dans la situation actuelle. Tout simplement. Et depuis 2012 il n’y a plus rien. Alors ce qu’on constate c’est que le pape dit qu’il ne veut pas nous condamner, c’est ce qu’on appelle une tolérance de sa part. Si cela nous ouvre de temps en temps l’une ou l’autre église pour un pèlerinage, nous ne sommes pas contre mais cela ne veut pas dire que nous nous mettons à plat ventre devant Rome !
On mélange tout, on fausse tout ! Nous tolérer ce n’est même pas dit, et aujourd’hui dans une église on nous tolère, dans l’autre on nous jette dehors. C’est la situation, tout simplement. C’est la situation. Dans quelques endroits ça va, dans d’autres ça ne va pas. Pourquoi ? Parce que la situation de l’Eglise se déglingue, et certains un petit peu plus près de nous nous donnent quelques facilités ; mais s’ils essaient de se montrer avec nous, ils se font tout de suite brûler.
Quelques évêques sont avec nous et nous le disent, mais en secret ; simplement dire leurs noms et c’est fini : ils sont grillés ! Telle est la situation de l’Eglise.
Restons surnaturels, il ne sert à rien de s’énerver ou de s’impatienter
On n’a pas fini de se battre ; cela ne doit pas vous décourager ; on continue, c’est tout ; on continuera ce combat le temps qu’il faudra avec la grâce du Bon Dieu, sereinement ; ça ne sert à rien de se fâcher ni de s’énerver. Cela ne change pas la situation.
Il y a des choses de plus en plus scandaleuses ; toutes ces canonisations deviennent maintenant ridicules ; l’Eglise jette le discrédit sur elle-même avec ces choses-là ; ils parlent maintenant de la béatification de Paul VI. Il n’est pas difficile de montrer les choses scandaleuses qu’ont faites ces personnes. Cela choque, c’est scandaleux ; on ne peut pas canoniser un scandaleux. Ils font n’importe quoi. C’est cela mettre le discrédit sur l’autorité ; c’est grave ce qui se passe.
Nous ne pouvons pas faire autre chose que de continuer, c’est tout ; alors nous continuons. Je pense que ce n’est pas le moment de dire qu’il n’est plus pape ou je ne sais pas trop quoi d’autre.
Il y des blagues qui circulent, une partie est blague, une partie est vraie. Voilà une blague que j’ai entendue : il y a des prêtres à Rome qui prient au canon « pro pontifice nostro Benedicto et pro antistite nostro Francisco », pour notre pape Benoît et notre évêque François ; celui-ci dit toujours qu’il est l’évêque de Rome, il ne veut pas être le pape mais l’évêque de Rome. Bon, ça c’est une blague. Mais maintenant ce qui est vrai, c’est qu’il y a des prêtres à Rome qui prient en même temps pour les 2, pour Benoît et François : ils sont tellement troublés qu’ils ne savent plus qui est le vrai pape ; ce ne sont pas des gens de chez nous mais des modernes. Voilà à quel point de trouble on arrive. Cela devient insensé !
Ne décidons pas ce que Dieu doit faire ou ne pas faire pour résoudre la crise
Nous, nous continuons, c’est très simple, nous continuons comme nous sommes. Cela durera le temps que cela durera. Le Bon Dieu permet cette épreuve ; nous, elle nous semble longue ; mais c’est le secret du Bon Dieu. On espère tous les jours la fin de l’épreuve ; un jour cela viendra, mais je pense qu’on sera surpris par la manière qu’utilisera le Bon Dieu. Je ne sais pas laquelle, je n’ai aucune idée. Quand vous essayez d’imaginer, vous avez toutes les possibilités ! Cataclysme, guerre mondiale, persécution par les musulmans, révolte à l’intérieur de l’Eglise pas nécessairement de notre côté mais du côté des modernes, …, je n’en sais rien. Nous verrons bien.
Mais vouloir à présent projeter, décider comment les choses vont s’arranger, je n’en sais rien.
Nous laissons cela dans les mains du Bon Dieu ; ce n’est pas notre affaire ; notre affaire c’est de faire notre devoir d’état. Ca, oui ! Quand nous nous présenterons devant le Bon Dieu à la fin de notre vie, Il ne nous demandera pas « alors, il était pape ou pas ? », mais « qu’as-tu fait de tes journées ? qu’as-tu fait des grâces que je t’ai données ? » ; c’est de cela que nous devrons répondre et pas de vouloir se mêler de résoudre tous les problèmes de l’humanité. Ceux qui sont de notre niveau, oui bien sûr, et cela suffit.
Plus les épreuves sont grandes, plus grand doit être notre amour de Dieu
Et donc je vous invite à beaucoup de sérénité malgré tout cela, sérénité en regardant le Bon Dieu, qui permet ces épreuves redoutables, terribles et qui demandent de notre part un accroissement de prières.
C’est pour cela que je lance ces croisades, pour vous pousser à la prière et à toute la pratique chrétienne car les temps sont durs : Il nous faut donner quelque chose qui soit proportionnée à cette situation, un zèle plus grand envers le Bon Dieu.
Ces épreuves doivent nous aider et nous aident à grandir dans l’amour du Bon Dieu ; elles nous obligent à faire des efforts que nous n’aurions pas faits si tout allait bien. Ce sont des « felix culpa », le Bon Dieu permet ces épreuves pour nous éprouver et nous faire grandir dans la vertu. Il faut lui faire cette confiance, il faut lui demander cette grâce comme à chaque fois que l’on a une épreuve. Que cette épreuve serve au Bien, qu’elle serve à nous rapprocher de Lui, à nous rapprocher du Ciel ; c’est cela qu’il faut demander beaucoup plus que d’être libérés de l’épreuve.
Evidemment nous demandons la fin de cette crise, il faut la demander, c’est normal ; mais en même temps, tant que le Bon Dieu la permet, qu’elle nous serve à nous faire grandir dans toutes les vertus : la Foi, mais aussi la Charité, mais aussi la Justice, toutes les vertus sans chose à moitié !
Voici le temps de la Sainte Vierge
Bien sûr pour moi il est évident ce temps de la Sainte Vierge ; elle a suffisamment parlé pour qu’on ignore encore son message. Elle a dit que Dieu lui-même avait mis dans ses mains la paix des nations. La paix même des nations est dans les mains de la Ste Vierge. Que dire alors de la paix de l’Eglise ! Il est évident que la mère de l’Eglise a son mot à dire. Vivons cette dévotion à la Sainte Vierge. C’est le mois de mai, vivons intimement cette relation à Notre Mère du Ciel ; Mère de Dieu qui va devenir notre mère, vous vous rendez compte ! Reine de l’univers, reine du Ciel et de la Terre qui nous prend pour ses enfants et qui a payé au pied de la croix pour chacun d’entre nous ! C’est ce qu’on appelle la co-rédemption.
Nous lui sommes chers, nous lui avons coûté ; nous ne devons pas l’oublier ; la dévotion à la Sainte Vierge n’est pas une petite chose à prendre ou à laisser. Le culte de la Sainte Vierge est une nécessité pour les catholiques et c’est dans ses mains que je vais vous laisser.
Le temps est compté : il est l’heure des Vêpres et du Salut du Saint-Sacrement, puis je dois partir.
Ce sur quoi je veux insister une dernière fois, c’est que toutes les bêtises qui circulent sur Internet sur un prétendu accord entre la Fraternité et Rome, dépassent tout alors qu’en réalité il n’y en a pas. Il n’y en a pas.
Fin de la conférence de Mgr Fellay
Source : Apostol n° 78 de juin 2014