Ruiner la famille sape la base de la religion

Le Nain Louis (1600/1610-1648). Paris, musÈe du Louvre. RF2081.

La reli­gion est de toute néces­si­té. Non seule­ment parce que nous devons rendre à Dieu le culte qui lui est dû, mais parce que sans elle nous ris­quons cer­tai­ne­ment de som­brer, sinon dans l’absurde, au moins dans une déca­dence telle que l’Apôtre des Gentils l’a décrite au début de l’Épître aux Romains : « Comme ils n’ont pas vou­lu recon­naître Dieu, Dieu aus­si les a livrés à un sens dépra­vé, en sorte qu’ils ont fait des actions indignes de l’homme. » Et cette déca­dence a pour nom la moder­ni­té qui n’est rien autre que la sor­tie de la reli­gion. Cette funeste erreur a une consé­quence contre laquelle, qui que nous soyons, il faut réagir. La beau­té de la socié­té autre­fois chré­tienne repo­sait en véri­té sur un rap­port au Créateur qui impri­mait sur toutes les rela­tions une diver­si­té et une har­mo­nie qui reflé­tait la beau­té divine. L’inégalité est le grand prin­cipe au fon­de­ment de ce cette har­mo­nie. « La rai­son natu­relle com­mande à l’homme de se sou­mettre à un supé­rieur à cause des limites qu’il éprouve en lui-​même et par rap­port aux­quelles il a besoin d’être aidé et diri­gé par un supé­rieur. » Voilà tout bon­ne­ment ce qu’affirme saint Thomas, homme de bon sens et saint. Comment ne pas citer le Docteur angé­lique qui s’extasie, à sa façon un peu spé­cu­la­tive il est vrai, devant la majes­té divine : « On doit révé­rer Dieu pour l’excellence qu’il pos­sède. Si cette per­fec­tion se retrouve en cer­taines créa­tures, ce n’est jamais en des condi­tions d’égalité, mais de simple par­ti­ci­pa­tion. La véné­ra­tion dont nous entou­rons Dieu dif­fère donc de celle que nous accor­dons à l’excellence créée. Là c’est la reli­gion, ici la dulie. Venant à signi­fier au-​dehors nos sen­ti­ments inté­rieurs de res­pect, nous don­nons cer­taines marques de révé­rence aux créa­tures émi­nentes. » Saint Thomas, qu’on appe­lait par­fois le « bœuf muet », pour être « muet », n’en recon­naît pas moins une excel­lence créée. Dieu n’a cer­tai­ne­ment pas besoin de nous, mais il nous fait la grâce d’être des agents subor­don­nés ; il nous asso­cie à son gou­ver­ne­ment divin. Et cette par­ti­ci­pa­tion est hié­rar­chique. « C’est une loi divine éta­blie de façon immuable, que les êtres infé­rieurs font retour à Dieu par le moyen des êtres supé­rieurs », affirme Denys repris par le saint Thomas « du Créateur », ce nom don­né au Docteur angé­lique par Gilbert Chesterton ! 

Les rela­tions humaines sociales, et même fami­liales, s’affranchissent de plus en plus de cette véri­té qui est pour­tant un prin­cipe, c’est-à-dire ce à par­tir de quoi elles devraient être fon­dées. La pas­sion – main­te­nant vio­lente – pour l’égalité, inhé­rente à notre démo­cra­tie, s’oppose fran­che­ment au prin­cipe hié­rar­chique (même le mot dis­pa­raît, car il vient du grec hie­ros, sacré, et de arkhe, prin­cipe). Nous ne le savons que trop. Le der­nier bas­tion que tente de détruire la moder­ni­té cultu­relle et socio­po­li­tique favo­ri­sée, il faut bien le dire par Rome, est en train de s’effriter : la famille s’effiloche. La pater­ni­té, qui est le fon­de­ment de ce rap­port essen­tiel à Dieu, est ron­gée par l’esprit de copi­nage. Si le père appelle son enfant à l’existence, s’il le conserve en lui don­nant les moyens de vivre et s’il favo­rise son édu­ca­tion pour une vie humaine et ver­tueuse, c’est bien qu’il gou­verne son enfant. Et ce der­nier appren­dra par-​là la dépen­dance res­pec­tueuse empreinte de défé­rence à son père ché­ri. Cet enfant sera prêt à s’ouvrir à la vie sociale, car la famille ne peut pré­tendre à l’achèvement d’un homme dont la nature néces­site cette vie poli­tique. C’est déjà dans sa famille que l’enfant bien édu­qué décou­vri­ra ce que le petit Thomas obser­va cer­tai­ne­ment à l’abbaye du mont Cassin où il arri­va à l’âge de cinq ans : « la bon­té de la créa­tion ne serait point par­faite sans une hié­rar­chie des biens d’après laquelle cer­tains êtres sont meilleurs que les autres ; sans cela tous les degrés de bien ne seraient par réa­li­sés et aucune créa­ture ne res­sem­ble­rait à Dieu par sa pré­émi­nence sur les autres. En outre la beau­té der­nière des êtres s’évanouirait avec cet ordre fait de dis­tinc­tion et dis­pa­ri­té ; bien plus la sup­pres­sion de l’inégalité des êtres entraî­ne­rait celle de leur multiplicité. » 

Du pro­jet fumeux de sub­sti­tuer une chré­tien­té pro­fane à la chré­tien­té sacrale abo­lie, il ne reste rien. La moder­ni­té a pris la place et abo­lit la reli­gion, car elle ne serait pas néces­saire. Fourvoiement universel. 

Heureusement il nous reste la foi : nous croyons au Beau Dieu, pour reprendre le nom d’une célèbre sculp­ture du Christ à Amiens, qui nous a créés à son image et à sa ressemblance.

Abbé Benoît de Jorna, Supérieur du District de France de la Fraternité Saint-​Pie X

Source : Editorial de Fideliter n°255

FSSPX Supérieur du District de France

L’abbé Benoît de Jorna est l’ac­tuel supé­rieur du District de France de la Fraternité Saint Pie X. Il a été aupa­ra­vant le direc­teur du Séminaire Saint Pie X d’Écône.

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.