Entretien de Mgr Fellay donné à The Remnant le 11 mai 2010

Mgr Bernard Fellay – Supérieur Général de la FSSPX

Brian Mershon : Monseigneur, quelle est votre réac­tion devant ce résul­tat de plus de 19 mil­lions de cha­pe­lets, alors que la Fraternité Saint-​Pie X en avait deman­dé 12 millions ?

Mgr Fellay : Tout d’abord, je suis très, très heu­reux de voir autant d’enthousiasme et une telle réponse à notre appel. Je suis cer­tain que ce résul­tat ne pro­vient pas seule­ment de nos fidèles. Je suis per­sua­dé que beau­coup, beau­coup d’autres se sont joints à cette croi­sade, mais nous en igno­rons le nombre. C’est la pre­mière chose. Deuxièmement, cet enthou­siasme mani­fes­té veut dire que les fidèles ont pris conscience de l’importance de ce sujet. Et je m’en réjouis car ce sujet est très, très important.

Brian Mershon : Les deux pré­cé­dentes croi­sades du rosaire ont don­né lieu à des réponses rapides et his­to­riques – la libé­ra­tion de la messe tra­di­tion­nelle pour tous les prêtres dans le monde entier et la levée des excom­mu­ni­ca­tions des évêques de la Fraternité, ce qui a per­mis notam­ment d’entamer des dis­cus­sions doc­tri­nales avec le Saint-​Siège. Envisagez-​vous une réponse aus­si spec­ta­cu­laire à cette troi­sième Croisade du rosaire ?

Mgr Fellay : Je la laisse entiè­re­ment entre les mains de Dieu et de la T.S. Vierge Marie. Mais pro­ba­ble­ment, non. On ne sait jamais, mais je serais très éton­né de voir le pape consa­crer la Russie. Ce serait une très grande sur­prise. Mais d’un autre côté, nous avons déjà été sur­pris, aus­si je ne serai pas éton­né que cela arrive rapi­de­ment. Cette fois-​ci, ce que nous deman­dons est tel­le­ment impor­tant, si grand et direc­te­ment impli­qué dans tous les évé­ne­ments de l’histoire des temps modernes.

Brian Mershon : Depuis que Benoît XVI a été élu et que le nou­veau patriarche ortho­doxe de Russie a été choi­si, il y a eu un chan­ge­ment mani­feste dans les rela­tions, et, me semble-​t-​il, pour le mieux. Le Patriarche ortho­doxe russe a même publié un livre sur les écrits du Pape des­ti­né à être dis­tri­bué par­mi ses fidèles ! Comment comprenez-​vous cela ? Y a‑t-​il éga­le­ment un lien avec le Troisième secret de Fatima ?

Mgr Fellay : Personnellement je crois qu’il y a du mou­ve­ment dans l’air en Russie. Il y a assu­ré­ment quelque chose qui semble bou­ger en Russie. Jusqu’où et à quel point ? Je ne sais pas. Mais il y a beau­coup d’indices qui mani­festent une renais­sance de la reli­gion en Russie.

Brian Mershon : Avez-​vous déjà envoyé le bou­quet de chapelets ?

Mgr Fellay : Cela ne sau­rait tarder.

Brian Mershon : Quelle est l’attitude de la Fraternité Saint-​Pie X à l’égard des attaques contre le Saint-​Père et l’Eglise de la part des medias du monde entier ?

Mgr Fellay : Je pense que nous avons une bonne preuve que l’Eglise a tou­jours des enne­mis. Et que ces enne­mis portent des noms réels. Vous pou­vez le consta­ter à tra­vers la cam­pagne en cours. C’est très révé­la­teur. D’un côté nous avons les vieux enne­mis amé­ri­cains et de l’autre les gau­chistes euro­péens, les deux tra­vaillant ensemble.

Brian Mershon : Pensez-​vous que ces attaques soient liées aux châ­ti­ments pré­dits par sœur Lucie dans le Troisième Secret ?

Mgr Fellay : C’est trop dif­fi­cile à dire. Mais il y a une cita­tion de Fatima qui s’applique et que j’aimerais citer : « Le Pape va beau­coup souf­frir. Le Pape va beau­coup souf­frir. » C’est ce qui se passe.

Brian Mershon : Les dis­cus­sions en cours avec le Saint-​Siège se déroulent hors des pro­jec­teurs des médias pour des rai­sons évi­dentes. A quoi pensez-​vous que cela va abou­tir ? Qu’est-ce qui ferait que la Fraternité Saint-​Pie X accepte une struc­ture cano­nique ? Est-​ce que les dis­cus­sions ont un lien avec une éven­tuelle solu­tion canonique ?

Mgr Fellay : C’est impos­sible à dire. Absolument impos­sible. Cela dépend de trop de fac­teurs pour l’instant. Je n’ai pas la réponse.

Brian Mershon : Certaines cri­tiques disent que le rejet d’une solu­tion cano­nique ou pra­tique est un signe d’obstination ou de mau­vaise volon­té. Que répondez-​vous à cela ?

Mgr Fellay : C’est très simple. Le Saint Siège a accep­té que les dis­cus­sions doc­tri­nales aient lieu… Ce fait devrait répondre à votre ques­tion sans qu’on nous intente de pro­cès d’intention. Mais au-​delà, il est très clair qu’une solu­tion éven­tuelle sans fon­de­ment doc­tri­nal serait désas­treuse. Nous ne vou­lons pas de cela. Nous vou­lons et nous avons besoin de la sécu­ri­té d’une solu­tion fon­dée sur la doc­trine pour avan­cer. Alors pré­tendre qu’il y a quelque chose de défi­ni­tif avant même d’engager les dis­cus­sions doctrinales…

Nous avons sous les yeux tous ces exemples anté­rieurs : la Fraternité Saint-​Pierre, l’Institut du Christ-​Roi et tous les autres sont com­plè­te­ment blo­qués sur le plan doc­tri­nal car ils ont d’abord accep­té un accord pratique.

Brian Mershon : Croyez-​vous que le pape per­son­nel­le­ment désire sin­cè­re­ment abou­tir à une solu­tion cano­nique avec la Fraternité Saint-​Pie X ?

Mgr Fellay : Oui, je le pense. Je pense que c’est ce que le pape désire. Il veut que la situa­tion de l’Eglise s’améliore et il veut résoudre avec la Fraternité la ques­tion de la consé­cra­tion de ses évêques.

Brian Mershon : Lors de pré­cé­dents entre­tiens, vous avez dit que la Fraternité avait de bonnes rela­tions et mêmes des amis par­mi les évêques et car­di­naux – même au sein de la curie romaine. Quels conseils vous donnent-​ils sur les dis­cus­sions doc­tri­nales en cours ?

Mgr Fellay : Aucun. Ils sont très dis­crets en ce moment. Je pense que les dis­cus­sions que nous avons sont très bonnes et se passent en toute dis­cré­tion. La pro­chaine aura lieu en mai.

Brian Mershon : Avez-​vous connais­sance d’un groupe de prêtres ou de fidèles, ou de dio­cèses qui aurait, dans l’histoire récente de l’Eglise, offert un si grand bou­quet de cha­pe­lets au pape, comme vous l’avez fait trois fois ?

Mgr Fellay : Pas à ma connais­sance. Il y a peut-​être un pré­cé­dent mais je ne suis pas au cou­rant. Il est évident qu’une telle croi­sade est unique. Je crois savoir que le P. Gruner va faire la même chose.

Brian Mershon : Quel conseil donnez-​vous aux catho­liques qui dési­rent ouvrir une cha­pelle près de chez eux ? Est-​ce que la Fraternité met un frein à l’expansion du nombre de cha­pelles en rai­son des dis­cus­sions doctrinales ?

Mgr Fellay : Il fau­drait d’abord que les fidèles nous contactent et ensuite nous essaie­rons de faire quelque chose pour eux. En ce moment, nous avons tel­le­ment de demandes que nous pou­vons dif­fi­ci­le­ment les satis­faire toutes. Cette année a été une bonne année pour les ordi­na­tions. Néanmoins, nous sommes tou­jours en manque de prêtre (pour satis­faire toutes les demandes). Nous avons même du mal à y répondre. Mais nous conti­nuons notre vie comme avant. Ce serait abso­lu­ment contre-​productif de pen­ser que nous devons arrê­ter de gran­dir en rai­son des dis­cus­sions avec Rome. C’est le contraire qu’il faut.

Brian Mershon : Monseigneur, avez-​vous une der­nière chose à ajouter ?

Mgr Fellay : Les prières à la Très Sainte Vierge Marie doivent conti­nuer. Certains pen­se­ront que main­te­nant que nous avons accom­pli notre Croisade du rosaire, tout va bien. Non, non et non. Il est désor­mais clair que nous sommes enga­gés dans une bataille avec les vrais enne­mis de l’Eglise. Alors, Catholiques, soyez prêts ! Remportez la vic­toire avec le rosaire !

Interview publié le 11 mai 2010 par The Remnant 

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.