Testament de saint François

Fourni par « Benedictus », le Forum Catholique du 4 octobre 2004

1. Voici com­ment le Seigneur me don­na, à moi frère François, la grâce de com­men­cer à faire péni­tence. Au temps où j’é­tais encore dans les péchés, la vue des lépreux m’é­tait insupportable.
2. Mais le Seigneur lui-​même me condui­sit par­mi eux ; je les soi­gnais de tout mon cœur ;
3. et au retour, ce qui m’a­vait sem­blé si amer s’é­tait chan­gé pour moi en dou­ceur pour l’es­prit et pour le corps. Ensuite j’at­ten­dis peu, et je dis adieu au monde.
4. Et le Seigneur me don­na une grande foi aux églises, foi que j’ex­pri­mais par la for­mule de prière toute simple :

« 5. Nous t’a­do­rons, Seigneur Jésus-​Christ, dans toutes tes églises du monde entier, et nous te bénis­sons d’a­voir rache­té le monde par ta sainte Croix. »

6. Ensuite, le Seigneur m’a don­né et me donne encore, à cause de leur carac­tère sacer­do­tal, une si grande foi aux prêtres qui vivent selon la règle de la sainte Église romaine, que, même s’ils me per­sé­cu­taient, c’est à eux mal­gré tout que je veux avoir recours.
7. Si j’a­vais autant de sagesse que Salomon, et s’il m’ar­ri­vait de ren­con­trer de pauvres petits prêtres vivant dans le péché, je ne veux pas prê­cher dans leurs paroisses s’ils m’en refusent l’autorisation.
8. Eux et tous les autres, je veux les res­pec­ter, les aimer et les hono­rer comme mes seigneurs.
9. Je ne veux pas consi­dé­rer en eux le péché ; car c’est le Fils de Dieu que je dis­cerne en eux, et ils sont réel­le­ment mes seigneurs.
10. Si je fais cela, c’est parce que, du très haut Fils de Dieu, je ne vois rien de sen­sible en ce monde, si ce n’est son Corps et son Sang très saints, que les prêtres reçoivent et dont ils sont les seuls ministres.
11. Je veux que ce très saint sacre­ment soit par-​dessus tout hono­ré, véné­ré, et conser­vé en des endroits pré­cieu­se­ment ornés.
12. Et les très saints noms du Seigneur, et les manus­crits conte­nant ses paroles, chaque fois que je les trou­ve­rai aban­don­nés où ils ne doivent pas être, je veux les recueillir, et je prie qu’on les recueille, pour les pla­cer en un lieu plus digne.
13. Tous les théo­lo­giens, et ceux qui nous com­mu­niquent les très saintes paroles de Dieu, nous devons les hono­rer et les véné­rer comme étant ceux qui nous com­mu­niquent l’Esprit et la Vie.
14. Après que le Seigneur m’eut don­né des frères, per­sonne ne me mon­tra ce que je devais faire, mais le Très-​Haut lui-​même me révé­la que je devais vivre selon le saint Évangile.
15. Alors je fis rédi­ger un texte en peu de mots bien simples, et le sei­gneur Pape me l’approuva.
16. Ceux qui venaient à nous pour par­ta­ger cette vie dis­tri­buaient aux pauvres tout ce qu’ils pou­vaient avoir ; pour vête­ment ils se conten­taient d’une seule tunique, dou­blée de pièces à volon­té au dedans et au dehors, plus une corde et des braies.
17. Et nous ne vou­lions rien de plus.
18. Nous célé­brions l’of­fice : les clercs comme les autres clercs, les laïcs en réci­tant le Notre Père. Et nous pas­sions très volon­tiers de longs moments dans les églises.
19. Nous étions des gens simples, et nous nous met­tions à la dis­po­si­tion de tout le monde.
20. Moi, je tra­vaillais de mes mains, et je veux tra­vailler ; et tous les frères, je veux fer­me­ment qu’ils s’emploient à un tra­vail honnête.
21. Ceux qui ne savent pas tra­vailler, qu’ils apprennent, non pour le cupide désir d’en rece­voir salaire, mais pour le bon exemple et pour chas­ser l’oisiveté.
22. Lorsqu’on ne nous aura pas don­né le prix de notre tra­vail, recou­rons à la table du Seigneur en quê­tant notre nour­ri­ture de porte en porte.
23. Pour saluer, le Seigneur m’a révé­lé que nous devions dire :

« Que le Seigneur vous donne sa paix ! »

24. Les frères se gar­de­ront bien de rece­voir, sous aucun pré­texte, ni églises, ni mai­sons, ni tout ce qu’on pour­rait construire à leurs inten­tions, sauf s’ils ne font qu’y séjour­ner comme des hôtes de pas­sage, des pèle­rins et des étran­gers, confor­mé­ment à la sainte pau­vre­té que nous avons pro­mise dans la Règle.
25. À tous les frères, où qu’ils soient, d’o­ser jamais sol­li­ci­ter de la cour de Rome, ni par eux-​mêmes ni par per­sonne inter­po­sée, aucun pri­vi­lège sous aucun pré­texte : pour une Église ou pour une rési­dence, pour assu­rer une pré­di­ca­tion ou pour se pro­té­ger contre une persécution.
26. Si dans une contrée on ne les reçoit pas, eh bien ! qu’ils fuient dans une autre pour y faire péni­tence avec la béné­dic­tion de Dieu.
27. Je veux fer­me­ment obéir au ministre géné­ral de cette fra­ter­ni­té et à tout gar­dien qu’il lui plai­ra de me donner.
28. Je veux être tel­le­ment lié entre ses mains, que je ne puisse faire un pas ni la moindre action en marge de ses ordres et de sa volon­té, car il est mon seigneur.
29. Bien que je sois un homme simple et un malade, je veux cepen­dant avoir tou­jours un clerc qui me célèbre l’of­fice, comme il est mar­qué dans la Règle.
30. Que tous les autres frères soient tenus d’o­béir ain­si à leur gar­dien et de célé­brer l’of­fice selon la Règle.
31. S’il s’en trou­vait qui ne célèbrent pas l’of­fice selon la Règle et veuillent y opé­rer des chan­ge­ments, ou qui ne soient pas catho­liques, alors tous les frères, où qu’ils soient, seront tenus par obéis­sance, par­tout où ils ren­con­tre­ront l’un de ceux-​là, de l’a­dres­ser au cus­tode le plus proche du lieu où ils l’au­ront rencontré.
32. Le cus­tode sera rigou­reu­se­ment tenu, en ver­tu de l’o­béis­sance, de le gar­der comme pri­son­nier, jour et nuit, sans le lais­ser échap­per de ses mains, jus­qu’au moment où il pour­ra le pré­sen­ter en per­sonne à son ministre.
33.Le ministre, à son tour, sera rigou­reu­se­ment obli­gé, en ver­tu de l’o­béis­sance, de le faire accom­pa­gner par des frères comme un pri­son­nier, jour et nuit, jus­qu’au moment où on le défé­re­ra au car­di­nal d’Ostie, qui est maître, pro­tec­teur et cor­rec­teur de toute la fraternité.
34. Que les frères n’aillent point dire : Voilà une nou­velle Règle ! Non : c’est un retour sur notre pas­sé, une admo­ni­tion, une exhor­ta­tion, et c’est le tes­ta­ment que moi, votre petit frère François, je vous adresse, à vous mes frères bénis, afin que nous obser­vions plus catho­li­que­ment la Règle que nous avons pro­mis au Seigneur de garder.
35. Le ministre géné­ral, les autres ministres et les cus­todes sont tenus, par obéis­sance, de ne rien ajou­ter ni retran­cher à ces paroles.
36. Qu’ils aient tou­jours avec eux ce texte joint à la Règle.
37. Dans tous les cha­pitres qu’ils tiennent, qu’ils fassent lire aus­si ce texte après la lec­ture de la Règle.
38. A tous mes frères clercs et laïcs je pres­cris fer­me­ment, en ver­tu de l’o­béis­sance, de ne faire de gloses ni sur la Règle ni sur ces paroles en disant :

« Voici com­ment il faut les comprendre ! »

39. Non : de même que le Seigneur m’a don­né de dire et d’é­crire la Règle et ces paroles pure­ment et sim­ple­ment, de même vous aus­si, sim­ple­ment et sans glose, vous devez jus­qu’à votre der­nier jour les com­prendre et les mettre en pra­tique par de saintes actions.
40. Quiconque obser­ve­ra ces choses, qu’il soit béni dans le ciel de la béné­dic­tion du Père très haut, qu’il soit rem­pli sur la terre de la béné­dic­tion de son Fils bien-​aimé, avec celle du très saint Esprit Paraclet, de toutes les Vertus des cieux et de tous les saints.
41. Et moi, frère François, votre petit pauvre et ser­vi­teur, dans toute la mesure dont j’en suis capable, je vous confirme, au dedans et au dehors, cette très sainte bénédiction.

Commentaire de « Benedictus » (Forum Catholique)

L’obéissance aveugle a fait (…) les plus grands saints.
L’obéissance aveugle mais elle basée sur la confiance, sur l’au­to­ri­té de ceux qui ont éta­bli les lois, les règles.
L’obéissance aveugle fait tenir de grandes abbayes, elle dirige les gens vers l’humilité.
L’orgueil du siècle pré­sent est à l’en­contre de cette grande ver­tu. L’obéissance aveugle a mené les moines au salut. Et le Christ en a don­né l’exemple dans son obéis­sance aveugle à son Père..

Courte biographie de saint François d’Assises (1182–1226)

Né à Assise en Ombrie, saint François fut sus­ci­té par Dieu pour tra­vailler en même temps que saint Dominique au relè­ve­ment moral du monde, à une époque des plus trou­blées. Appelé Jean à son bap­tême, il reçut de son père le nom de François, parce que ce fut après une heu­reuse tour­née com­mer­ciale en France qu’il trou­va au retour son nouveau-né.

« Plus ce sublime insen­sé, dit Montalembert, se cachait et s’a­vi­lis­sait pour se rendre digne, par l’hu­mi­li­té et le mépris des hommes, d’être le vais­seau de l’a­mour divin, plus par un effet mer­veilleux de la grâce, les hommes se pré­ci­pi­tèrent à sa suite , »

François eut bien­tôt des dis­ciples qui se rédui­sirent à la même pau­vre­té que lui et par­ta­gèrent son ardeur pour la conver­sion des peuples.

« Mes frères, leur disait-​il, prê­chons la péni­tence plus par nos exemples que par nos paroles. »

Il leur don­na en 1209 une Règle qui fut approu­vée par Innocent III. Peu de temps après, il obtint des Bénédictins la petite église de Notre-​Dame-​des-​Anges, appe­lée Portioncule, qui fut le ber­ceau de son Ordre. cette nou­velle famille reli­gieuse dont il enri­chit l’Église se mul­ti­plia avec une telle rapi­di­té qu’il y eut jus­qu’à cinq mille frères au cha­pitre géné­ral tenu à Assise envi­ron dix ans après la nais­sance de l’Ordre . Voulant qu’ils se regar­dassent comme les plus petits et les plus humbles par­mi les reli­gieux, saint François leur don­na le nom de Fréres-​Mineurs. A côté de ce pre­mier Ordre, il en fon­da un second qui est l’Ordre des « pauvres dames » ou Clarisses, ain­si nom­mé de l’illustre vierge d’Assise sainte Claire ». Enfin, en 1221, il en ins­ti­tua un troi­sième, appe­lé le « Tiers-​Ordre de la péni­tence », auquel les Papes, et spé­cia­le­ment Léon XIII qui se fai­sait un hon­neur d’y appar­te­nir, pro­di­guèrent les plus puis­sants encou­ra­ge­ments et les plus riches faveurs, saint François envoya ses dis­ciples en France, en Allemagne, en Espagne, en Afrique ; lui-​même vou­lut aller en Palestine et au Maroc, mais la divine Providence l’ar­rê­ta en route. L’amour divin dont il était embra­sé lui valut le sur­nom de Séraphique. L’Église a consa­cré une fête le 17 sep­tembre à l’im­pres­sion des Sacrés Stigmates sur le corps de saint François. Le 4 octobre 1226, ce saint ren­dit son âme à Dieu, alors qu’il ache­vait le der­nier ver­set du Psaume 141 :

« Tirez mon âme de sa pri­son, Seigneur, afin qu’elle aille chan­ter vos louanges . »