« La procession du Christ-Roi remise à l’honneur à Mexico »
La Porte latine : Quelles ont été les origines de l’apostolat de la Fraternité au Mexique ?
Abbé François Knittel : S’il est vrai que nous fêtons cette année les 20 ans de l’ouverture de la première maison de la Fraternité au Mexique en août 1984, il faut se souvenir que l’apostolat dans cette partie du monde avait déjà commencé dès la fin des années 70 à partir de l’Argentine et du sud des Etats-Unis.
Les fruits d’une des premières retraites prêchées par nos confrères au Mexique allèrent grossir les files des séminaristes du . Les bâtiments du séminaire de La Reja n’existaient pas encore et c’est dans le prieuré de Buenos Aires que nos vocations commencèrent leur formation ecclésiastique.
La Porte latine : Il nous semble que Mgr Lefebvre avait pu dans des circonstances rocambolesque visiter le Mexique au début de l’année 1981.
Abbé François Knittel : Exactement. Après une première tentative avortée, notre fondateur a pu pénétrer au Mexique grâce à un stratagème. Il bénéficia alors de la haute protection des forces de police mexicaine, car le voyage n’était pas sans risque. La tournée de Mgr Lefebvre le conduisit à visiter un certain nombre de groupes traditionalistes répandus dans tout le pays à Tlaxiaco, Tuxtepec, Cordoba, Orizaba, Mexico et Guadalajara. Des centaines de confirmations furent administrées lors de cette unique visite de Mgr Lefebvre au Mexique.
« Construction d’une vraie église à Mexico, Capitale fédérale du Mexique. »
La Porte latine : Y avait-il au Mexique une présence traditionaliste avant l’arrivée de la Fraternité ?
Abbé François Knittel : Bien sûr, un certain nombre de prêtres et de fidèles s’étaient déjà rendu compte de la révolution qui bouleversait l’Eglise et avaient commencé à résister. Malheureusement, la résistance au modernisme fut en grande partie stérilisée par la naissance du sédévacantisme.
Il faut savoir que cette opinion est née au Mexique au début des années 70 sous la plume du jésuite Saenz y Arriaga dans ses ouvrages La Nueva Iglesia Montiniana et Sede Vacante. Lorsque la Fraternité est arrivée au Mexique la quasi totalité des traditionalistes était sédévacantiste et ignorait qu’on put résister à l’aggiornamento conciliaire sans rejeter l’autorité du Souverain Pontife.
Cette tonalité sédévacantiste de presque tous les prêtres traditionalistes (certains d’entre eux « évêques » de la ligne Thuc) rendit impossible la collaboration avec les prêtres de la Fraternité. Nous avons donc été conduits tout naturellement à former nos propres groupes, à construire nos propres églises, à organiser nos propres retraites et camps de jeunesse, etc.
La Porte latine : Pour revenir à la fondation de 1984 : où se fit-elle ?
Abbé François Knittel : C’est à Zapotiltic, village de l’état de Jalisco, que l’Abbé Franz Schmidberger décida d’ouvrir notre première maison au Mexique. En effet, les Señoritas Isabel et Anita Contreras y avaient fait construire une maison sur un terrain de deux hectares. C’est là que s’installèrent nos deux fondateurs, les Abbés Giulio Tam et . Mais qu’étaient deux prêtres, sans permis de séjour légal, pour un pays de 80 millions d’habitants ? Devant l’immensité de la tâche, nos confrères commencèrent à visiter régulièrement tous les groupes, personnes et associations qui pourraient être intéressés par notre apostolat. Des liens se tissèrent, d’autres se défirent.
La Porte latine : Quand le District du Mexique a‑t-il formellement été érigé par la Maison Généralice ?
Abbé François Knittel : A peine un an après l’ouverture de la première maison de Zapotiltic et sans avoir le minimum de 3 maisons exigé par les Statuts, le District du Mexique et d’Amérique Centrale fut érigé. Il se détachait alors du District d’Amérique du Sud, dont le siège est à Buenos Aires. L’Abbé Alfonso de Galarreta devenait alors supérieur en Argentine et l’Abbé Jean-Michel Faure recevait entre ses mains les destinées du District nouvellement érigé. Il le dirigea jusqu’en 1990. Lui succèdera l’Abbé Juan Carlos Iscara jusqu’en août 1993, date à partir de laquelle la charge m’échut.
La Porte latine : Quelle était l’état du District du Mexique lorsque vous arrivez ?
Abbé François Knittel : Le District comptait déjà trois prieurés : celui de Zapotiltic bien sûr, celui de Mexico fondé en 1987 et celui de Guadalajara ouvert en janvier 1993. Depuis lors, nous avons pu ouvrir trois autres maisons : à Gomez Palacio (dans le nord du pays) en novembre 1993, au Guatémala (en Amérique centrale) en octobre 1995 et finalement à Orizaba (dans l’état de Veracruz) en janvier 2001. Avant mon arrivée le District comptait 7 prêtres, nous sommes actuellement 14. Quant aux églises ou chapelles, celles des prieuré, nous n’en possédions pas. Ce que nous avions c’était des hangars ou des salles aménagés.
« La belle église de Dos Rios, dans l’état de Vera Cruz… »
La Porte latine : Pourquoi cet état de chose ?
Abbé François Knittel : Tout d’abord, en raison du peu de temps depuis notre installation. L’arrivée dans un pays inconnu requiert un temps d’adaptation pour connaître les gens, former des groupes, organiser le ministère, poser les bases légales de notre action apostolique, prendre la mesure des moyens financiers dont disposent les fidèles, etc. La liste peu paraître sèche, mais elle recouvre une longue liste de travaux et de progrès mais aussi d’échecs. Il faut un certain temps avant de savoir où s’installer, comment construire, comment financer les ouvres.
Ensuite, il faut se souvenir que les lois anti-catholiques qui provoquèrent le soulèvement des Cristeros en 1926 étaient toujours en vigueur au Mexique et cela jusqu’en 1992. L’Eglise catholique n’avait ni existence légale, ni personnalité morale reconnue dans le pays.
Certes, il faut distinguer la loi et son application. Beaucoup de mesures n’étaient plus appliquées strictement, mais elles existaient dans les textes et aussi dans les mœurs des gens. On est par exemple surpris de voir que parmi les prêtres traditionalistes, aucun ne portait la soutane dans la rue car la loi l’interdisait (!).
Ce n’est qu’en 1992 que les lois ont changé et qu’il a été concédé une existence légale à l’Eglise catholique. et à toutes les religions. Par le biais d’associations religieuses légalement constituées, il devenait désormais possible de posséder des biens immeubles, d’obtenir des permis de séjour légaux pour les prêtres étrangers, etc. Cela facilita les projets à long terme.
« Construction d’une autre chapelle dans l’état de Vera Cruz, dans la ville d’Orizaba »
La Porte latine : Quelles sont les constructions qui ont été entreprises durant ces dernières années ?
Abbé François Knittel : Etant donnée la lenteur des travaux, mesurée par les apports en argent (« Quand il y a de l’argent on construit, quand il n’y en a plus, on arrête »), les constructions dont nous parlerons sont plus ou moins avancées, mais rares sont celles qui ont pu être totalement terminées.
Le prieuré de Guadalajara a entrepris la construction d’une chapelle à Colima et d’une autre à Leon.
Le prieuré de Mexico est en processus de transformation de la chapelle-hangar de la capitale en église à trois nefs.
Le prieuré de Gómez Palacio a vu la construction de la chapelle du prieuré et d’une autre chapelle dans la ville de Chihuahua.
A Orizaba, prieuré de fondation récente, seule la chapelle du prieuré a pu être menée à bien.
Au Guatémala, les confrères ont pu construire une jolie petite chapelle sur le terrain du prieuré.
« Le prieuré d’Orizaba »
La Porte latine : Votre ministère se limite-t-il aux activités paroissiales ?
Abbé François Knittel : Non, bien sûr. Les groupes de jeunesses, les camps d’été, les retraites spirituelles de S. Ignace occupent le temps de nos prêtres. Nous sommes malheureusement seuls dans notre District : sans frères, sans sœurs, sans oblates. Certainement cette solitude était nécessaire dans les débuts où il fallait stabiliser les choses. Nous espérons qu’avec le temps l’une ou l’autre communauté religieuse viendra nous épauler dans la vigne du Seigneur. Ici, on ne se demande pas ce qu’on va bien pouvoir faire, on se demande quelle est la priorité parmi toutes les choses à faire.
« Salles de catéchisme de Guadalajara »
La Porte latine : N’y a‑t-il pas une communauté religieuse avec laquelle la Fraternité travaille au Mexique ?
Abbé François Knittel : Oui, nous sommes en relation avec la communauté de . Il s’agit d’une communauté de religieuse fondée en 1942 dans le diocèse de Zamora. Transférée près du sanctuaire de la Vierge de Guadalupe en 1967, la communauté d’une quinzaine de religieuses n’accepta pas les réformes issues du Concile. C’est tout naturellement qu’elles ont demandé notre aide lorsque nous les avons connues en 1988.
Depuis lors, nous leur assurons la Messe quotidienne, les cours, les confessions hebdomadaires, les retraites mensuelles. De notre côté, nous pouvons compter sur leurs prières et leurs sacrifices ainsi que sur toutes ces petites aides que les religieuses peuvent apporter aux prêtres. La communauté compte aujourd’hui 34 religieuses qui proviennent actuellement et pour l’essentiel de nos chapelles.
« Camp de fillettes à Michoacan. »
La Porte latine : Le District peut-il compter sur quelques publications pour prolonger son ministère par l’écrit ?
Abbé François Knittel : Sans parler des divers bulletins édités par les prieurés pour leurs fidèles, nous pouvons compter sur 3 revues et une série de livres. Quant aux revues, le District publie chaque trimestre une revue de 24 pages intitulée « Dios Nunca muere » [Dieu ne meurt pas]. Elle donne des nouvelles de la Fraternité dans le District et dans le monde, des articles de culture chrétienne et d’histoire du Mexique ainsi qu’un certain nombre d’articles d’intérêt plus général.
Un groupe de nos fidèles de la capitale mexicaine compose et diffuse une revue du même format « Familia católica » centrée sur les thèmes de la famille et de l’éducation. Sa diffusion est deux ou trois fois supérieure à la revue du District car elle pénètre dans beaucoup de milieux où notre revue ne serait pas acceptée.
Enfin, les sœurs Mínimas diffuse pour leur part la revue « Estrella » [L’étoile] dont nous assurons la supervision doctrinale alors que les sœurs en rédigent le contenu. Les sujets traités sont plutôt de vie chrétienne, de spiritualité franciscaine, de vocation.
La Porte latine : Vous parliez aussi de livres.
Abbé François Knittel : J’y viens. En effet, à côté des revues à parution régulière, lorsque le temps nous le permet, nous publions des ouvrages nécessaires pour la formation de nos fidèles et l’apostolat du livre.
En plus des catéchismes et des missels, nous avons publié un opuscule sur l’Opus Dei (très présent au Mexique), un opuscule du R.P. Mateo Crawley sur la sainte Messe, le traité de la mortification du Cardinal Mercier, un livret de complies en latin/espagnol, le Traité de l’Education de Jean Viollet.
Depuis quelques années, nous avons aussi commencé la publication des œuvres complètes de Mgr Lefebvre en espagnol. Il est vrai que la a déjà été diffusée à près de 5.000 exemplaires dans le District, mais la plupart des autres ouvrages de notre fondateur sont encore inédits. Avant de nous consacrer à l’édition, il faut d’abord s’assurer que les traductions soient faites correctement.
Après « Ils l’ont découronné » et Lettre ouverte, nous venons de publier « C’est moi l’accusé. » Les tomes suivants devraient concerner l’Itinéraire Spirituel et le Mystère de Jésus-Christ, et puis les Lettres Pastorales et Avis
« Intérieur de la chapelle de Guadalajarra, Etat du Jalisco. »
La Porte latine : Visiblement, vous avez encore du pain sur la planche. Nous vous remercions donc de nous avoir consacré un peu de votre temps pour nous faire connaître l’œuvre de la Fraternité dans cette partie du monde. Comptez sur nos prières et pourquoi pas sur notre aide !