Le Dies Irae, chant des funérailles chrétiennes dont les origines remontent au XIe siècle n’a pas survécu à la tourmente du calamiteux épisode révolutionnaire qu’il est convenu d’appeler « esprit du concile », rendu possible par le « Concile de Vatican II ». Des siècles de croyance, de tradition, de liturgie, d’art et de beauté ont été jetés aux orties.
Pendant tant de siècles, les papes, les cardinaux, les évêques, les prêtres, les fidèles, ont-ils été à ce point bêtes et stupides de chanter ce texte, aujourd’hui honni ?
On constate que les nouveautés, les reniements et les aberrations liturgiques, les prétendus retours aux sources condamnés par le saint pape Pie XII dans l’encyclique Mediator Dei, ont changé la foi de ceux qui les promeuvent ou qui les suivent. Lex orandi, lex credendi… (1)
Aujourd’hui, aux funérailles (mariages et baptêmes, idem), on passe une chanson, de Jacques Brel, d’Yves Duteil, de Florent Pagny etc., que tous, célébrant compris, écoutent « religieusement ». Ces chansons ordinaires, belles certes, doivent rester dans le monde pour qui elles ont été créées. Même si elles ont un sens profond, si elles font réfléchir, elles n’ont pas leur place dans la liturgie qui n’est orientée que sur Dieu seul. (Cette orientation théocentrique a été remplacée par une orientation anthropocentrique, conséquence du retournement des autels, acte aux conséquences néfastes incalculables.)
On peut très bien organiser de belles funérailles laïques, avec les chansons susdites.
Mais demander à l’Eglise les pompes liturgiques, c’est se tourner vers Dieu, exclusivement, c’est Lui demander Son aide, Son soutien, Sa consolation ; c’est recevoir Sa Parole. Il a des choses à nous dire quand on va dans Sa maison. Aller à l’église, c’est aussi prier Dieu pour qu’il accueille le défunt auprès de Lui et non célébrer une sorte de béatification, d’apothéose du disparu… Encore une conséquence de l’anthropocentrisme.
Le texte du Dies Irae ne peut choquer que ceux qui ignorent l’Ecriture sainte ou qui ne croient plus aux Vérités enseignées pendant 20 siècles, spécialement celles qui concernent les fins dernières.
C’était un fait religieux et culturel qui ne choquait personne : funérailles = Dies Irae. Il a inspiré nombre de grands compositeurs, il a marqué les esprits alors que d’autres chants de la Messe des morts, comme le très bel offertoire « Domine Jesu Christe, rex gloriae » sont moins populaires. Dans le film, Les Croix de Bois (1931), un soldat qui se trouve dans un caveau d’un cimetière pendant une attaque chantonne la mélodie du Dies Irae. Ces notes musicales faisaient partie de la culture populaire ; à cette époque, tous les spectateurs, même ceux qui n’allaient pas à la messe comprenaient…
La liturgie d’avant les bouleversements, d’avant le « du passé faisons table rase » était un roc, une référence immuable. Elle était un « lieu » de rassemblement des catholiques de toutes races, de toutes langues (par l’usage du latin), de tous les âges, et, de toutes les époques.
Aujourd’hui, il n’existe plus de liturgie fixe ; elle est livrée aux humeurs des « soviets liturgiques paroissiaux » et de la « créativité » du prêtre. Le « pratiquant » d’occasion (baptême, mariage, décès), invité à exprimer ses désirs sur la cérémonie, lui impose son ignorance religieuse et sa vision (non-chrétienne) du monde ; Dieu (le Dieu catholique, n’en déplaise au Pape François) est prié de faire silence pendant qu’on célèbre l’homme, le culte de l’homme, dont se faisait le promoteur un certain Paul VI…
Le Dies Irae est à la fois une prière pour les défunts et une méditation sur le sens de la vie, de la mort et de l’au-delà. Pour comprendre la beauté et la profondeur de ce texte, pour en retirer du fruit, nul besoin d’avoir suivi de longues études ; l’écoute régulière de la parole divine dans la liturgie, dimanche après dimanche, suffit.
L’appel de la créature au Créateur
Jour de colère, ce jour-là
Le clergé moderne et iconoclaste des années 1966 et suivantes, et ses admirateurs, à la manière des « hippies » (produits de cette même époque) ne veulent voir qu’un Dieu mièvre, souriant à tout péché, accueillant tout pécheur. Un Dieu en colère ? Mais voyons, Dieu est bon, il admet tout, il pardonne tout, prétendent-ils. Les œuvres des artistes étant le reflet de leur époque, Michel Polnareff chantait en 1972 « on ira tous au paradis qu’on soit béni ou qu’on soit maudit ». Enfer, Purgatoire, de la rigolade, dépassés : maintenant, on « sait », on a « compris » ; après vingt siècles de « ténèbres », le catholicisme est parvenu, « grâce » au Concile de Vatican II et à son « esprit », à l’âge adulte, à la lumière… une lumière ténébreuse. Ces catholiques « adultes » scient la branche sur laquelle ils sont assis ; si le paradis est promis à tous, plus besoin d’Eglise, plus besoin de messe, de sacrements, d’églises, de clergé… Résultat : églises vides, séminaires vides, destruction d’églises délaissées. On juge l’arbre à ses fruits !
S’ils lisaient les Evangiles, ces illuminés y trouveraient cependant des colères de Jésus ; Jésus qui est Dieu, n’en déplaises aux hérétiques de toutes les époques.
On rencontre également souvent la colère de Dieu dans la Bible, par exemple : Sodome et Gomorrhe (qu’il ne fait plus bon d’évoquer), le veau d’or, etc…
La colère (2) de Dieu au Jugement Dernier, ce sera la réprobation du péché qui aura fait tant de mal pendant des siècles (vol, meurtre, viol, infanticide, empoisonnement, torture, fraude, tromperie ; le catalogue des horreurs est long…)
Que dirait-on d’un Dieu Père plein d’Amour pour ses enfants qui ne se mettrait pas en colère contre tout le mal qui leur a été fait ? Il n’avait pas créé le monde pour que le mal s’y développe mais pour le bonheur de la créature qu’il avait créée « à Son image et à Sa ressemblance », dessein vicié par « l’adversaire ». Ne sommes-nous pas, nous aussi, en colère contre le mal que nous voyons, qu’on nous raconte ?
La colère de Dieu sera, en premier, réservée au tentateur, à celui qui a fait chuter l’homme. Mais ce dernier ne sera pas à l’abri de l’ire divine s’il a pleinement consenti aux séductions du tentateur : lorsqu” Adam et Eve ont commis le premier péché, le péché originel (encore un dogme mis à mal), la colère de Dieu a été terrible, à tel point que l’espèce humaine a été condamnée à la mort et à la privation de la vision divine après la mort !
« O felix culpa quæ talem ac tantum meruit habere Redemptorem » chante cependant l’Eglise dans la liturgie de la nuit pascale ! Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur, Jésus-Christ, venu nous délivrer de ce péché qui nous fermait la porte vers le Père après notre mort. Fallait-il que la faute soit importante pour que Dieu, pour l’effacer, s’incarne en la Personne du Fils, pour se livrer aux mains humaines et en subir sa Passion ! Mystère d’amour incompréhensible.
Il réduira le monde en cendres, David l’atteste, et la Sibylle.
Il suffit de lire les Evangiles pour savoir que le monde présent sera anéanti.
Quelle terreur à venir, quand le juge apparaîtra pour tout strictement examiner !
Qui d’entre nous, si on lui proposait de « voir » Dieu maintenant, de son vivant, ne serait pris de crainte ? Je dirais même d’une certaine épouvante. Dieu a toujours ménagé la sensibilité humaine en ne se révélant jamais dans sa pleine Majesté. Quel croyant peut affirmer qu’il ne craindra pas le jugement de Dieu ? La terreur, au jour du jugement, ne viendra pas de Dieu mais, de notre âme, qui, confrontée à la majesté divine, évaluera la valeur de notre vie sur terre.
Mais heureusement, Il connaît mieux que nous la faiblesse de la nature humaine tourmentée, viciée par cette faute originelle dont la cause provient du mauvais usage de la liberté qu’Il a donnée à l’homme. Car nous sommes des êtres libres, nous ne sommes pas des esclaves devant Dieu, des « soumis ». Il nous appelle « fils », c’est-à-dire héritiers (3), sans mérite de notre part, et Il nous demande, oui, Dieu nous demande de l’appeler « Père ». Il se soumet à notre liberté mais celle-ci nous place devant nos responsabilités.
La trompette répand étonnamment ses sons, parmi les sépulcres de tous pays, rassemblant tous les hommes devant le trône. La Mort sera stupéfaite, comme la Nature, quand ressuscitera la créature,
La résurrection est un dogme ; c’est même le dogme fondateur du christianisme.
Saint-Paul s’écrie : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi, vaine est ma prédication. » Qui ne sera pas stupéfait en présence de cet événement inimaginable que sera la résurrection générale ?
pour être jugée d’après ses réponses. Un livre écrit sera produit, dans lequel tout sera contenu ; d’après quoi le Monde sera jugé. Quand le Juge donc tiendra séance, tout ce qui est caché apparaîtra, et rien d’impuni ne restera.
Il y aura enfin une justice, une vraie justice. N’est-ce pas réconfortant ? Plus de puissants, plus de riches qui peuvent imposer le silence, corrompre les juges ou se payer les meilleurs avocats. Il n’y aura plus que l’homme sans fard, sans habit social.
Mais la créature jugée pourra se justifier, expliquer sa conduite : « pour être jugée d’après ses réponses » est-il dit ci-dessus. Nous aurons encore notre mot à dire !
Que, pauvre de moi, alors dirai-je ? Quel protecteur demanderai-je, quand à peine le juste sera en sûreté ?
En présence de la perfection divine, conscients de notre néant, pourrons-nous demeurer debout, sans crainte alors que le juste (le saint) pèche 7 fois par jour ? (Proverbes 24,16)
Roi de terrible majesté,
Beauté de Dieu, beauté de Sa perfection, beauté de Son intelligence, beauté de Sa grandeur, beauté de Sa Majesté. La liturgie romaine traditionnelle et celle des Eglises orientales n’ont d’autre but que de soulever légèrement le voile qui couvre la majesté divine pour nous laisser entrevoir l’extraordinaire beauté du culte céleste.
qui sauvez, ceux à sauver, par votre grâce, sauvez-moi, source de piété. Souvenez-vous, Jésus si doux, que je suis la cause de votre route ; ne me perdez pas en ce jour. En me cherchant vous vous êtes assis fatigué, me rachetant par la Croix, la Passion, que tant de travaux ne soient pas vains. Juste Juge de votre vengeance, faites-moi don de la rémission avant le jour du jugement. Je gémis comme un coupable, la faute rougit mon visage, au suppliant, pardonnez Seigneur. Vous qui avez absous Marie(-Madeleine), et, au bon larron, exaucé les vœux, à moi aussi vous rendez l’espoir. Mes prières ne sont pas dignes (d’être exaucées), mais vous, si bon, faites par votre bonté
Une belle prière de confiance en la justice divine mais aussi en la bonté infinie de Celui qui s’est livré sur la Croix pour la rédemption du genre humain.
Marie Madeleine, la prostituée, le rebut de la société juive de l’époque fut la première créature humaine à bénéficier de la vision de Jésus ressuscité ! (dans Saint Jean, c’est l’épisode extraordinaire du « Rabouni », « Marie ») Le bon larron, un brigand, voleur, assassin, autre rebut de la société, qui accompagne Jésus de la croix au paradis. A l’instant de la mort, le mauvais, l’ignoble, se repent et peut contempler immédiatement la Perfection divine. Le Christ n’avait-Il pas dit aux hypocrites : « Les voleurs et les prostituées vous précéderont au Royaume des Cieux. » ?
que jamais je ne brûle dans le feu. Entre les brebis placez-moi, que des boucs je sois séparé, en me plaçant à votre droite. Confondus, les maudits, aux flammes âcres assignés, appelez-moi avec les bénis.
Encore une vérité de foi annoncée par Jésus : le feu de l’enfer, la Géhenne « où il y aura des pleurs et des grincements de dents. »
Je prie suppliant et incliné, le cœur contrit comme de la cendre, prenez soin de ma fin. Jour de larmes que ce jour-là, où ressuscitera, de la poussière, pour le jugement, l’homme coupable. À celui-là donc, pardonnez, ô Dieu. Doux Jésus Seigneur, donnez-leur le repos. Amen.
La suite et la fin de la prière du pécheur confiant.
Le tout était dit ou chanté en latin qui recouvrait pudiquement des notions que tous n’étaient pas en mesure de comprendre ou d’apprécier ; il est important de le souligner !
Thierry Maquet – Janvier 2016
Notes de La Porte Latine
(1) Lex Orandi, lex credendi – La Nouvelle Messe et la Foi, par Daniel Raffard de Brienne – Mai 1983
(2) Il s’agit bien sûr de la dimension métaphorique de la colère (la colère est une passion, et Dieu n’a pas de passion). Cf. « La colère de Dieu n’est point comme celle de l’homme, le trouble d’un esprit emporté, mais l’arrêt calme et tranquille qui prononce une juste condamnation. » (St Augustin, sup Io, tract. 124, n°5). Ou encore : « Quelle que soit l’expression, elle signifie toujours un mouvement de l’âme qui pousse à infliger un châtiment. Mais ce mouvement ne peut être attribué à Dieu, comme produit dans son esprit, puisqu’il est écrit de lui : « Pour vous, Dieu des armées, vous jugez avec calme » (Sag 12, 18) Or, ce qui est calme n’est point troublé. Le trouble n’est donc point en Dieu lorsqu’il juge ; mais, parce qu’il est dans les ministres de ses décrets, comme ceux-ci n’agissent que par ses lois, on l’appelle la colère de Dieu » (St Augustin, sup. Ps 5, n°3)
(3) Dieu nous appelle Fils, donc héritiers : il s’agit ici des baptisés.