Jeter trois filets pour convertir les âmes

« Jetez les filets pour la pêche » (Luc 5, 4). Cette parole de Notre-​Seigneur à saint Pierre, juste avant la pêche mira­cu­leuse, peut s’adresser aux prêtres qui doivent « jeter leurs filets » pour conver­tir les âmes. On peut dire, de manière ima­gée, qu’ils doivent jeter le filet de la prière, de la pré­di­ca­tion et des sacre­ments. Mais cette parole peut aus­si s’adresser à vous, chers fidèles. Vous pou­vez aus­si manier ces mêmes « filets » pour conver­tir les âmes qui vous sont chères ou que la Providence met sur votre route.

Le filet de la prière

« Jetez les filets pour la pêche » (Luc 5, 4).

Le pre­mier filet donc (ce par quoi il faut com­men­cer) est celui de la prière. Le prêtre doit com­men­cer par prier s’il veut conver­tir des âmes. Vous serez donc apôtres en étant d’abord à genoux. C’est de Dieu qu’il faut obte­nir les conver­sions. La prière du prêtre, c’est sur­tout sa messe et son bré­viaire. Vous devrez donc com­men­cer par vous appuyer sur la messe. Monseigneur Lefebvre a fait de très belles consi­dé­ra­tions sur la messe et la conver­sion des âmes. En voi­ci un extrait : « Nous pou­vons par­ler (à une âme) des années ; s’il n’y a pas la grâce de Dieu qui la trans­forme, cette âme sera sourde à nos appels. Tandis que si nous pen­sons que, le matin (à la Messe), Notre Seigneur Jésus-​Christ a en quelque sorte mis dans nos mains toutes les grâces de la Rédemption, de son cal­vaire, de son sacri­fice, nous par­tons vers les âmes avec toutes ces grâces. Nous pou­vons être cer­tains que notre apos­to­lat aura un résul­tat, même si appa­rem­ment nous ne le voyons pas. (…) Mais, sans le sacri­fice de la Croix, source de toutes les grâces, notre apos­to­lat sera vain ». Cela fait pen­ser à une autre phrase que notre fon­da­teur écri­vait dans nos sta­tuts : « Les membres de la Fraternité sacer­do­tale Saint Pie‑X vivront dans cette convic­tion que toute l’efficacité de leur apos­to­lat découle du saint sacri­fice qu’ils offrent quo­ti­dien­ne­ment sur l’autel ». Ensuite, ce que le bré­viaire est au prêtre, le cha­pe­let l’est pour le fidèle. La Très Sainte Vierge Marie a dit la puis­sance de cette prière au bien­heu­reux Alain de la Roche : « Celui qui per­sé­vé­re­ra dans la réci­ta­tion de mon cha­pe­let rece­vra toutes les grâces qu’il deman­de­ra ». A Fatima, Notre-​Dame a ren­ché­ri. Sœur Lucie décla­ra au Père Fuentes, le 26 décembre 1957 : « La Très Sainte Vierge Marie a don­né une effi­ca­ci­té nou­velle à la réci­ta­tion du cha­pe­let ». Efficacité nou­velle : on savait le rosaire effi­cace pour obte­nir des grâces ; Notre-​Dame pro­met à Fatima une effi­ca­ci­té plus grande encore de nos jours. Il faut donc prier pour conver­tir les âmes. On peut aus­si… faire prier les reli­gieux et les reli­gieuses contem­pla­tifs. Il nous est déjà arri­vé de confier par cour­rier des inten­tions déli­cates, aux car­mé­lites par exemple. Dans cer­tains cas, c’est toute la com­mu­nau­té qui se met en neu­vaine pour répondre à notre demande. Ajoutons la péni­tence à ce même filet de la prière. On prête au Padre Pio cette sen­tence : « La prière demande, la péni­tence obtient ». A Fatima, l’Immaculée a jus­te­ment dit : « Priez, priez beau­coup et faites des sacri­fices pour les pécheurs. Beaucoup d’âmes vont en enfer parce que per­sonne ne se sacri­fie ni ne prie pour elles ».

Le filet de la prédication

Le deuxième filet pour conver­tir est celui de la pré­di­ca­tion. En effet, « la foi nait de l’audition » (Ro 10, 17). On ne peut croire à des véri­tés que si on les entend. Et pour entendre, il faut que quelqu’un prêche. A la ques­tion de savoir si le Christ aurait-​il dû ensei­gner par écrit, saint Thomas d’Aquin répond non car, ex-​plique-​t-​il, la parole est le mode d’enseignement le plus rele­vé pour répandre la véri­té ; elle s’adresse direc­te­ment à l’âme. Que prê­cher ? Relisons le pape Benoît XV dans son ency­clique Humani gene­ris : « Faire en sorte que les hommes connaissent de plus en plus Jésus-​Christ, et que par là ils sachent non seule­ment ce qu’il faut croire, mais encore com­ment il faut le vivre ». Cela veut dire, chers fidèles, que vous pour­rez, non pas mon­ter en chaire et rem­pla­cer le prêtre mais, si l’occasion se pré­sente, par­ler aux âmes du cre­do (ce qu’il faut croire), des com­man­de­ments et des sacre­ments (com­ment il faut le vivre). Puisqu’il y a une crise de l’Église, il fau­dra aus­si à un moment, si vous le pou­vez, éclai­rer votre audi­teur sur cer­tains sujets comme la nou­velle messe, l’œcuménisme, la liber­té reli­gieuse. A ce pro­pos, on lira avec pro­fit le Catéchisme catho­lique de la crise dans l’Eglise de M. l’abbé Gaudron. Il faut par­ler pour éclai­rer, et non pour avoir le der­nier mot. Il faut par­ler en étant conscients que vous semez la bonne parole, que vous l’arrosez, mais que vous n’en ver­rez pas for­cé­ment la crois­sance et les fruits. Cela peut être don­né à un autre. Car dans l’ordre de la grâce, sou­vent, autre est celui qui sème, autre celui qui récolte. Précisons que l’on prêche certes par la parole, mais aus­si par l’exemple. Notre audi­teur sera d’autant plus atten­tif s’il nous voit vivre ce que nous prê­chons, autre­ment dit s’il constate notre cohé­rence de vie.

Le filet des sacrements

Enfin, le troi­sième filet est celui des sacre­ments. Qu’est-ce qui don­ne­ra la vie sur­na­tu­relle aux âmes, qu’est-ce qui les uni­ra réel­le­ment à Dieu et achè­ve­ra leur conver­sion ? Les sacre­ments, ces signes sacrés ins­ti­tués par Jésus-​Christ pour pro­duire ou aug­men­ter la grâce dans les âmes. Retenons l’adage de saint Thomas d’Aquin : les sacre­ments sont pour les âmes bien dis­po­sées. Les sacre­ments ne donnent pas les dis­po­si­tions pour bien les rece­voir. Donc l’apostolat consiste à bien dis­po­ser les âmes pour que la récep­tion des sacre­ments soit fruc­tueuse. Bien sûr, chers fidèles, vous ne don­ne­rez pas les sacre­ments, sauf le bap­tême en cas de dan­ger de mort. Mais vous met­trez en contact l’âme avec la messe, et avec le prêtre pour que celui-​ci dis­pose ulti­me­ment cette âme. A cet égard, voi­ci un extrait de lettre reçue après avoir été appe­lé auprès d’un mou­rant, pour lui don­ner l’extrême onc­tion : « Je vous remer­cie infi­ni­ment d’avoir don­né les sacre­ments à mon oncle. Ses mau­vaises dis­po­si­tions vis-​à-​vis de la reli­gion ont empoi­son­né de nom­breuses années de ma vie. J’ai sou­vent prié et encore plus sou­vent été décou­ra­gé. Ces der­niers temps, alors que l’on savait sa fin proche, ont été très angois­sants pour moi. Quand j’ai télé­pho­né (au Prieuré), c’était une der­nière ten­ta­tive et j’espérais peu –et même pas –qu’il accepte un prêtre. Si vous étiez venu le len­de­main, c’était trop tard. Comme on dit, c’était sur le fil du rasoir. (…) Dès votre départ, il a som­bré dans l’inconscience. (…) Il a donc fini sa vie dans le calme et la paix. Je rends grâce à Dieu de tout cela. J’étais très proche de mon oncle. L’imaginer en enfer m’était insup­por­table. (…) Je ne veux pas m’accorder de mérite si j’ai contri­bué à sau­ver son âme, mais j’espère juste une chose, c’est qu’il se sou­vienne de moi quand il sera au Paradis ». Jetons donc les filets de la prière, de la pré­di­ca­tion et des sacre­ments, pour conver­tir les âmes ; sans oublier cette béa­ti­tude si conso­lante : « Bienheureux les misé­ri­cor­dieux, car ils obtien­dront eux-​mêmes misé­ri­corde » (Mt 5,7).

Abbé V. GRAVE

Source : Lou Pescadou, bul­le­tin du prieu­ré de Nice /​Image Wikipedia