La vie mariale de la « Petite Thérèse » à la fin de sa vie

« Avec Toi j’ai souf­fert et je veux main­te­nant, Chanter sur tes genoux, Marie, Pourquoi je T’aime, Et redire à jamais que je suis ton enfant ! ».

Sainte Thérèse de Lisieux Pourquoi je T’aime, ô Marie.

Parmi les ami­tiés spi­ri­tuelles et sur­na­tu­relles de la « Petite Thérèse », un être « tient une place à part ». C’est « la Sainte des saintes, la Vierge Marie »[1]. La fin de sa vie est toute mariale : « contentons-​nous de regar­der la malade vivre avec sa Mère », dans les der­niers mois de sa vie.

En mai 1897, « elle écrit tout ce qu’elle sou­hai­tait dire sur Marie dans son impor­tante poé­sie Pourquoi je T’aime, ô Marie ». C’est son tes­ta­ment marial. Elle avait même ébau­ché « un plan de ser­mon qu’elle aurait aimé faire si elle avait été prêtre ». Probablement que le conte­nu de ce ser­mon devait res­sem­bler à sa poé­sie mariale : « Enfin, j’ai dit dans mon Cantique, tout ce que je prê­che­rais sur Elle »[2].

La Vierge aide Thérèse à médi­ter : « En regar­dant la Sainte Vierge ce soir, j’ai com­pris (…) qu’Elle avait souf­fert non seule­ment de l’âme, mais aus­si du corps. (…) Oui, Elle sait ce que c’est souf­frir… Mais c’est peut-​être mal de vou­loir que la Sainte Vierge ait souf­fert ? Moi qui L’aime tant ! ». Elle pro­fite donc de ses souf­frances pour s’unir à sa Mère. Elle s’en explique dans sa poé­sie : « En médi­tant ta vie dans le saint Évangile, J’ose Te regar­der et m’ap­pro­cher de Toi, Me croire ton enfant ne m’est pas dif­fi­cile, Car je Te vois mor­telle et souf­frant comme moi ». À Mère Agnès qui se déso­la par avance de la voir morte, elle réplique sans hési­ter : « La Sainte Vierge a bien tenu son Jésus mort sur ses genoux, défi­gu­ré, san­glant ! C’était autre chose que ce que vous ver­rez ! ». Quel réalisme !

Thérèse pra­tique le per­pé­tuel recours à Marie, comme elle l’avait déjà pré­ci­sé autre­fois : « J’aime tant la Sainte Vierge (…). S’il me sur­vient une inquié­tude, un embar­ras, bien vite je me tourne vers Elle et tou­jours comme la plus tendre des mères, Elle se charge de mes inté­rêts ». Elle le fait avec une spon­ta­néi­té d’enfant durant sa mala­die pour « n’être plus assou­pie et absor­bée », ou bien pour « arran­ger les choses », ou bien pour « sup­por­ter la souf­france ». Thérèse constate que la Sainte Vierge « fait bien ses com­mis­sions ». Cependant, quand la Vierge semble se taire, elle pra­tique l’abandon : « Quand on a prié la Sainte Vierge et qu’Elle ne nous exauce pas, c’est signe qu’Elle ne veut pas. Alors, il faut La lais­ser faire à son idée et ne pas se tourmenter ».

Comme nous, Thérèse a ses « hauts et ses bas ». En juillet 1897, elle a des « hauts » comme celui-​ci : « Non la Sainte Vierge ne sera jamais cachée pour moi » ; mais en août, elle a des « bas » comme le montre ce qui suit : « Je vou­drais être sûre qu’Elle m’aime, la Sainte Vierge ». Comme nous, elle éprouve des dif­fi­cul­tés à prier le cha­pe­let : « Quand on pense que j’ai eu tant de mal toute ma vie à dire mon cha­pe­let ». Bien avant, elle avait déjà avoué : « La réci­ta­tion du cha­pe­let me coûte plus que de mettre un ins­tru­ment de péni­tence… Je sens que je le dis si mal ! J’ai beau m’ef­for­cer de médi­ter les mys­tères du Rosaire, je n’ar­rive pas à fixer mon esprit ».

Mais, en toute chose, elle trouve tou­jours un équi­libre. Dans la mala­die, Thérèse est « lucide et aban­don­née », elle est « prête à tout ». Son esprit est rem­pli d’interrogation devant la mort et le 29 sep­tembre, elle se demande : « Comment vais-​je faire pour mou­rir ? Jamais je ne vais savoir mou­rir ». Cependant, « elle n’é­carte pas l’hy­po­thèse d’une « belle mort » selon l’es­poir de ses sœurs ; elle l’a même deman­dée à la Sainte Vierge ».

En mai 1897, par­lant à la Vierge et se pré­pa­rant à la mort, elle écri­vait : « Bientôt dans le beau Ciel, je vais aller Te voir, Toi qui vins me sou­rire au matin de ma vie. Viens me sou­rire encore… Mère… Voici le soir ! Je ne crains plus l’é­clat de ta gloire suprême, Avec Toi j’ai souf­fert et je veux main­te­nant, Chanter sur tes genoux, Marie, Pourquoi je T’aime, Et redire à jamais que je suis ton enfant ! ».

Thérèse a vécu tous ces der­niers mois dans l’infirmerie. Elle les a vécus avec la Vierge Marie inti­me­ment : « Elle ne La quitte pas des yeux : deux images et sa sta­tue La rendent pré­sente ». Au terme d’une vie toute mariale, la « Petite Thérèse » meurt en sep­tembre 1897, « les yeux fixés un peu au-​dessus de sa sta­tue, après l’a­voir sup­pliée tout au long de son agonie ».

Source : Bulletin de la Confrérie Marie Reine des Cœurs n° 214

Notes de bas de page
  1. Source de toutes les cita­tions de cet article : Guy Gaucher, La pas­sion de Thérèse de Lisieux, Cerf-​DDB, 1972, pp. 182–194.[]
  2. Fraternité d’âme ? Montfort trans­for­mait ses ser­mons en can­tiques ; Thérèse trans­forme son « ser­mon » en can­tique éga­le­ment.[]