Vierge, Carmélite, Patronne des Missions (1873–1897).
Fête le 3 octobre.
Vie résumée par l’abbé Jaud.
Peu de Saints ont excité autant d’admiration et d’enthousiasme aussitôt après leur mort ; peu ont acquis une plus étonnante popularité dans le monde entier ; peu ont été aussi rapidement élevés sur les autels, que cette jeune sainte Carmélite.
Thérèse Martin naquit à Alençon, en Normandie, de parents très chrétiens, qui regardaient leurs neuf enfants comme des présents du Ciel et les offraient au Seigneur avant leur naissance. Elle fut la dernière fleur de cette tige bénie qui donna quatre religieuses au Carmel de Lisieux, et elle montra, dès sa plus petite enfance, des dispositions à la piété qui faisaient présager les grandes vues de la Providence sur elle.
Atteinte, à l’âge de neuf ans, d’une très grave maladie, elle fut guérie par la Vierge Marie, dont elle vit la statue s’animer et lui sourire auprès de son lit de douleur, avec une tendresse ineffable.
Thérèse eût voulu, dès l’âge de quinze ans, rejoindre ses trois soeurs au Carmel, mais il lui fallut attendre une année encore (1888). Sa vie devint alors une ascension continuelle vers Dieu, mais ce fut au prix des plus douloureux sacrifices toujours acceptés avec joie et amour ; car c’est à ce prix que Jésus forme les âmes qu’Il appelle à une haute sainteté.
Elle s’est révélée ingénument tout entière elle-même dans les Mémoires qu’elle a laissés par ordre de sa supérieure : « Jésus, comme elle l’a écrit, dormait toujours dans Sa petite nacelle. » Elle pouvait dire : « Je n’ai plus aucun désir, si ce n’est d’aimer Jésus à la folie. » C’est, en effet, sous l’aspect de l’amour infini que Dieu Se révélait en elle.
La voie de l’Amour, telle fut, en résumé, la voie de la « petite Thérèse de l’Enfant-Jésus » ; mais c’était en même temps la voie de l’humilité parfaite, et par là, de toutes les vertus. C’est en pratiquant les « petites vertus », en suivant ce qu’elle appelle sa « petite Voie », Voie d’enfance, de simplicité dans l’amour, qu’elle est parvenue en peu de temps à cette haute perfection qui a fait d’elle une digne émule de sa Mère, la grande Thérèse d’Avila.
Sa vie au Carmel pendant neuf ans seulement fut une vie cachée, toute d’amour et de sacrifice. Elle quitta la terre le 30 septembre 1897, et, brûlant les étapes, fut béatifiée en 1923 et canonisée en 1925. Comme elle l’a prédit, « elle passe son Ciel à faire du bien sur la terre. »
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950
Version longue (La Bonne Presse)
La vie de la « petite fleur » du Carmel de Lisieux est connue. Thérèse Ta écrite elle-même, sur l’ordre de sa supérieure, Mère Agnès de Jésus, en 1895 et 1896. Cette autobiographie, intitulée Histoire d’une âme, parut en 1898 ; complétée par les documents et renseignements de la famille et des procès canoniques, elle est le document capital pour l’histoire de la Sainte de Lisieux.
La famille de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
Ses deux aïeuls étaient l’un et l’autre originaires de l’Orne ; le premier, le capitaine Pierre Martin, épousa une Lyonnaise, et le second, Isidore Guérin, une Mayennaise. Son père, Louis Martin, né à Bordeaux en 1823, avait demandé dans sa vingtième année, en 1843, à entrer chez les Chanoines réguliers de Saint-Augustin, au Mont Saint-Bernard. Le prieur ne put le recevoir, car le postulant n’avait pas fait d’études latines. Revenu à Alençon, le jeune homme continua son apprentissage d’horloger. La mère, Zélie Guérin, « fabricante de point d’Alençon », avait essayé, de son côté, de devenir Fille de la Charité, mais la supérieure de l’Hôtel-Dieu d’Alençon lui déclara que sa vocation était de rester dans le monde. Le mariage fut célébré, le 13 juillet 1858, dans l’église Notre-Dame, à Alençon.
Les jeunes époux pratiquaient tous leurs devoirs de chrétiens sans ostentation, mais avec force et piété. Le repos dominical était strictement observé par la fermeture de leur magasin.
Mme Martin n’avait pas été appelée, comme sa sœur aînée qui était entrée chez les Visitandines du Mans, à devenir dans l’état religieux l’épouse de Jésus. Puisque sa vocation était différente, elle avait un jour demandé à Dieu beaucoup d’enfants et souhaité que tous lui fussent consacrés. Elle fut exaucée. Les enfants arrivèrent nombreux, neuf en peu d’années ; quatre d’entre eux ne tardèrent pas longtemps à rejoindre les chœurs angéliques, les cinq survivants se donnèrent à Dieu dans la vie religieuse.
Dès sa naissance, chaque enfant était consacré à Marie et recevait au baptême le nom de la Reine du ciel. Après la venue de leur quatrième fille, Marie-Hélène, qui mourut en bas âge, les parents demandèrent à Dieu un petit missionnaire. Deux petits garçons vinrent réjouir le foyer, mais, comme la fillette qui les suivit, ils ne firent guère qu’apparaître. C’était le neuvième et dernier enfant de la famille Martin qui allait être « le missionnaire » tant désiré.
La première enfance de sainte Thérèse. – Mort de sa mère.
Ce neuvième enfant était une fille, qui naquit le 2 janvier 1873 à Alençon et fut baptisée deux jours après, sous les noms de Marie-Françoise-Thérèse, dans l’église Notre-Dame, avec sa sœur aînée, Marie-Louise ou Marie, pour marraine.
Thérèse était d’une santé très frêle : pour la sauver, sa mère, épuisée, dut la confier pendant plus d’un an à une nourrice campagnarde, robuste et expérimentée, à Semallé. De retour au foyer familial, l’enfant, que le père nommait sa « petite reine », que la mère qualifiait de « petit lutin » ou de petit « furet », rayonnait la joie par son sourire très doux, son cœur affectueux, sa piété précoce. A vingt-deux mois, elle sait prier « le bon Jésus ».
Son caractère est vif, expansif, franc, joyeux. Quand elle a battu ou poussé sa sœur Marie-Céline, son aînée de trois ans et sa compagne inséparable, ou déchiré un coin de la tapisserie, fût-ce par mégarde, elle a le sentiment qu’elle doit s’accuser afin d’être pardonnée. Elle n’est pas sans défauts ; on la mettrait une journée dans la cave sans obtenir un « oui » de sa part. Parfois, elle se conduit en enfant gâtée, mais elle a bien vite regretté sa bouderie ou des paroles irrespectueuses, et elle court s’en excuser.
L’enfant avait tout juste quatre ans et demi lorsque, le 23 août 1877, Mme Martin mourut, laissant cinq orphelines. Tout ce que Thérèse vit depuis le jour de la cérémonie du Viatique, pendant ces jours de douleurs et de larmes, l’impressionna vivement : elle regardait et écoutait en silence, sans trop comprendre l’immense malheur qui venait atteindre la famille. Au retour du cimetière, tandis que sa sœur Céline choisissait Marie, la sœur aînée, pour seconde mère, Thérèse craignit que, plus encore que l’autre sœur, Marie-Léonie, Pauline n’éprouvât de la peine parce qu’elle n’aurait pas de « petite fille » ; s’approchant de celle-ci, elle l’embrassa, et cachant sa tête sur le cœur de sa sœur, elle lui dit : « Pour moi, c’est Pauline qui sera maman. » Cette première et douloureuse apparition de la mort changea complètement l’heureux caractère de Thérèse. Elle si vive, si expansive, devint timide et douce, sensible à l’excès. Les années qui vont de 1877 à Noël 1886 furent pour l’enfant une époque d’épreuves interrompues par les effusions de la famille et les joies de la première Communion.
Aux Buissonnets. – Pensionnaire chez les Bénédictines.
Pour donner aux orphelines une seconde mère dans la personne de leur tante et les rapprocher de leurs cousines, M. Martin liquida son commerce, vendit sa maison, fît le sacrifice de ne plus vivre dans le voisinage de ses chers défunts. Il installa sa famille à Lisieux, aux Buissonnets. Ainsi il se trouvait près de son beau-frère, M. Guérin, qui tenait une pharmacie. Dans la riante habitation, au milieu des fleurs qu’elle aimait tant, Thérèse, entourée d’affection, se reprit à la joie et à la vie. Pauline suppléait réellement la mère auprès d’elle. Elle lui apprit à lire, lui expliqua le catéchisme et les mystères des fêtes religieuses, continua à la former à la piété et à l’accomplissement du devoir et du sacrifice. L’enfant s’efforçait de plaire à Jésus en toutes ses actions, voulant savoir, le soir, afin de dormir tranquille, si le bon Dieu était content d’elle. Elle fit sa première confession à six ans.
Dans l’après-midi, presque chaque jour, le père emmenait sa « petite reine » visiter le Saint Sacrement dans l’une ou l’autre église de la ville, parfois dans la chapelle des Carmélites. Aux processions de la Fête-Dieu, Thérèse se réjouissait de semer les fleurs sous les pas de Jésus : elle les lançait bien haut, et n’était jamais aussi heureuse qu’en voyant ses roses effeuillées toucher l’ostensoir.
En octobre 1881, M. Martin envoya sa dernière enfant comme demi-pensionnaire à l’abbaye des Bénédictines de Lisieux. Thérèse, qui y remplaçait Léonie, se retrouva là avec Céline et leur cousine Marie Guérin : c’est avec cette dernière, future Carmélite comme elle, qu’elle s’essayait à imiter la vie pénitente, silencieuse, des anachorètes. La vie du pensionnat fut une grosse épreuve pour cette âme timide, sensible, douce et toujours fidèle à son devoir.
Un an après, en octobre 1882, Pauline, la chère « petite mère », entrait au Carmel de Lisieux, sous le nom d’Agnès de Jésus. Ce départ fut pour sa sœur cadette la cause d’un nouveau chagrin. La vie apparut alors à Thérèse dans toute sa réalité, remplie de souffrances et de séparations continuelles. Pour consoler son âme, la grande sœur lui avait expliqué en quoi consistait le travail d’une Carmélite : prier, s’immoler, vivre dans l’intimité avec Jésus. Ravie de ce qu’elle entendait, la fillette de neuf ans garda l’impression que le Carmel était le désert où elle devait se réfugier avec Dieu ; elle confia son désir à Pauline, puis à la Mère prieure du Carmel, qui la déclara trop jeune.
Le sourire de l’Immaculée. – La première Communion.
L’entrée dans le cloître de la deuxième fille de M. Martin fut pour sa « petite reine » l’occasion d’une maladie grave, mystérieuse, à laquelle le démon, par une permission de Dieu, n’était peut-être pas étranger. Eprouvée d’abord par des maux de tête continuels et une sensibilité extrême, Thérèse put cependant continuer ses études. Mais l’année suivante, vers Pâques, des crises violentes agitèrent l’enfant et firent craindre pour sa vie. Elle disait des choses qu’elle ne pensait pas, en faisait d’autres comme forcée malgré elle, restait évanouie pendant des heures, paraissait être toujours en délire. Des visions terrifiantes lui arrachaient des cris de détresse et parfois elle ne reconnaissait même plus sa sœur Marie qui la soignait ou ses autres parents. Le père, vaillant dans sa foi, fit célébrer une neuvaine de messes à Notre-Dame des Victoires à Paris. Au cours de la neuvaine, au moment d’une crise particulièrement violente et pénible, les trois sœurs de la malade se jetèrent au pied d’une statue de la Vierge – reproduction de la « Vierge d’argent » de Saint-Sulpice, par Bouchardon – qui était dans la chambre. Pendant leur prière, Thérèse aperçut la statue ou mieux la Sainte Vierge qui lui souriait, s’avançait vers elle radieuse, la regardant avec un indicible amour. Bientôt des larmes jaillirent de ses paupières, elle reconnut ses sœurs. La Reine du ciel venait de guérir son enfant et de faire disparaître toutes ses peines.
Après un contact superficiel et rapide avec les joies et les distractions jugées utiles à son parfait rétablissement, Thérèse, plus décidée que jamais à continuer sa vie d’intimité avec Jésus, reprit ses études et mit tous ses soins, sous la direction attentive et délicate de sa sœur Marie, à préparer son âme à la communion. Elle s’ingénie à fleurir son cœur par des actes d’amour et de sacrifices ; souvent abritée derrière les rideaux de son lit, elle pense à Dieu, à la rapidité de la vie, à l’éternité. On devine avec quelle ferveur et quel soin elle fit chez les Bénédictines la retraite préparatoire à la première Communion. Le 8 mai 1884, elle participait enfin au banquet sacré. Elle a raconté ce que fut ce grand jour, le premier baiser de Jésus donné à son âme : cette rencontre fut une fusion, où Thérèse disparut comme la goutte d’eau dans l’océan ; Jésus restait seul, il était le Maître, le Roi : il ne réclama aucun sacrifice ; Thérèse se redonna à lui pour toujours. Au soir de la première Communion, le père conduisit sa fille au Carmel : Pauline était devenue l’épouse du Christ le matin même. Thérèse la vit avec son voile blanc comme le sien et sa couronne de roses ; elle espérait bientôt la rejoindre et attendre à ses côtés le ciel.
Au mois de juin suivant, elle reçut la confirmation et la force de souffrir, grâce nécessaire, car pour elle l’épreuve devait se continuer par suite de scrupules qui pendant plusieurs années la tourmentèrent ; par suite aussi de la rentrée au Carmel, en octobre 1886, de Marie, la sœur aînée (Marie du Sacré-Cœur). Après ce départ, Dieu la fortifia en lui montrant qu’il faut s’attacher à lui seul. Après sa confirmation, elle avait sollicité son admission parmi les Enfants de Marie. La fête de Noël 1886 amène un grand changement chez Thérèse : sa force d’âme, perdue depuis la mort de sa mère, lui est rendue ; elle triomphe d’une manière décisive de sa sensibilité trop vive ; la charité entre dans son cœur avec le besoin de s’oublier toujours ; elle commence une course de géant dans la voie de la perfection.
Entrée de sainte Thérèse au Carmel de Lisieux.
Dans les premiers mois de sa quatorzième année, Thérèse annonça à sa sœur Céline sa volonté d’entrer au Carmel pour la fête de Noël 1887, jour du premier anniversaire de sa « conversion ». Avec une abnégation admirable, Céline, qui désirait elle aussi se consacrer à Dieu, accepta de rester la dernière auprès du père bien-aimé. Le jour de la Pentecôte, la « petite reine » s’ouvrit de sa vocation à son père. Celui-ci pleura de joie et de douleur ; mais convaincu par les explications de sa fille, il donna son consentement. L’oncle maternel et tuteur, M. Guérin, d’abord opposé, consentit à son tour, sous l’influence de la grâce, à laisser au Seigneur la petite fleur privilégiée. La prieure du Carmel, Mère Marie de Gonzague, acceptait la postulante, mais le supérieur ecclésiastique de la communauté n’autorisait pas l’entrée avant l’âge de vingt et un ans. Le 31 octobre 1887, M. Martin, accompagné de Thérèse, fut reçu par Mgr Hugonin, évêque de Bayeux et Lisieux. Appuyée par son père, Thérèse demanda d’entrer au Carmel à quinze ans. Le prélat ne voulut pas se prononcer tout de suite et promit une réponse pour plus tard. Accompagné de ses deux dernières filles, Céline et Thérèse, M. Martin – à ce moment Léonie tentait un essai de vie religieuse dans l’Ordre des Clarisses, trop rigoureux pour son état de santé – partit au début de novembre, avec le pèlerinage diocésain de Bayeux, pour la Suisse, l’Italie et Rome. A l’audience pontificale du 20 novembre, Thérèse, agenouillée devant le Pape Léon XIII, lui dit : « Très Saint Père, en l’honneur de votre jubilé, permettez-moi d’entrer au Carmel à quinze ans. – Mon enfant, faites ce que les supérieurs décideront… Vous entrerez si le bon Dieu le veut. »
Devant ces réponses évasives, Thérèse était attristée, mais elle restait dans la paix, soumise et confiante. Au retour du pèlerinage, elle écrivit à Mgr Hugonin. L’évêque, à la date du 28 décembre 1887, autorisa l’entrée immédiate par une lettre écrite à la prieure. Mais celle-ci jugea à propos de la différer jusqu’après le Carême. Thérèse en fut assez contrariée. Enfin, le 9 avril 1888, jour où se célébrait la fête transférée de l’Annonciation, le père conduisit sa « petite reine », la nouvelle servante de Dieu, à la chapelle du Carmel. Toute la famille y communia, y compris Léonie, revenue momentanément ; puis la postulante alla frapper à la porte de clôture, quittant définitivement le monde pour vivre dans l’intimité de Jésus.
Dans le parterre du Carmel. – « Tout mon exercice est d’aimer. »
Elle se sentait maintenant dans sa demeure définitive. Trouvant la vie religieuse telle qu’elle se l’était figurée, elle devait y rencontrer plus d’épines que de roses. Dans son âme, ce fut pendant longtemps le pain quotidien des sécheresses intérieures ; l’assurance qu’on lui donna que jamais elle n’avait commis un péché mortel la mit dans une grande paix. La Mère prieure formait la postulante à l’humilité, au détachement, en se montrant parfois indifférente, sévère, prodigue de reproches. Thérèse était venue au Carmel pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres ; elle comprit que Jésus ne lui donnerait des âmes que par la croix. Elle cherche à puiser dans l’Ecriture et dans l’Evangile ce qui est nécessaire à son âme : c’est là qu’elle trouve sa « petite voie » d’abandon.
Sa prise d’habit, à laquelle son père assista, fut différée jusqu’au 10 janvier 1889. L’évêque de Bayeux la présida. Jésus donna à sa fiancée le beau tapis de neige qu’elle avait désiré pour ce jour. Elle reçut aussi le nom que dans le secret de son cœur elle avait choisi : Thérèse de l’Enfant-Jésus, obtenant d’y ajouter aussi ces mots : « et de la Sainte-Face ».
Le noviciat commençait ; sans parler des mortifications volontaires des sens, macérations et disciplines, des mortifications du cœur qu’elle pratiquait en évitant, jusqu’à ses derniers jours, autant qu’elle le pouvait, le contact prolongé avec ses propres sœurs, elle devait connaître les aridités intérieures ; les tribulations continuaient nombreuses, sans aucune consolation. Jésus semblait dormir. Thérèse était heureuse malgré tout, préparant son âme, avec le plus grand soin, pour le jour de ses noces avec l’Epoux divin.
Une fois de plus, son âge retarda ses légitimes désirs. Elle ne put faire sa profession religieuse que le 8 septembre 1890, fête de la Nativité de Marie. La veille, le démon suscita une tentation de découragement. Il fut vaincu par un acte d’humilité. Jésus inonda l’âme de son épouse d’un fleuve de paix : elle lui demanda beaucoup et résolut de gravir le sommet de la montagne d’amour. A la cérémonie symbolique de la prise de voile, le 24 septembre suivant, l’absence du père bien-aimé causa des larmes de tristesse chez sa fille. M. Martin devait mourir le 29 juillet 1894 : sa maladie lui servit, selon le souhait de Thérèse, de purgatoire. Céline put entrer le 14 septembre suivant au Carmel de Lisieux, sous le nom de Sœur Geneviève de la Sainte-Face ; de son côté, Léonie devait entrer à la Visitation, où elle prit les noms de Françoise-Thérèse.
Après avoir rempli d’autres charges, Thérèse avait été choisie, à son grand étonnement, en février 1893, pour aider la maîtresse des novices ; en fait, toute la responsabilité était pour elle. A ses novices, elle enseignait l’oubli de soi, mais surtout la charité.
Dernière maladie et mort de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.
Dans la nuit du Jeudi au Vendredi-Saint (2–3 avril 1896), Thérèse eut deux crachements de sang. Par là Jésus lui signifiait l’entrée prochaine dans l’éternelle vie. De fait, les forces physiques déclinent peu à peu, surtout que l’héroïque religieuse veut suivre jusqu’à épuisement les exercices de la communauté, où l’on ne soupçonne pas encore la gravite de son état. Aux souffrances du corps s’ajoutent celles que causent les assauts du démon et particulièrement les tentations de crainte. La malade s’abandonne ; elle est heureuse de souffrir, de s’immoler pour les âmes, particulièrement pour les prêtres, et surtout pour les missionnaires, elle qui a demandé un jour à partir pour le lointain Carmel d’Hanoï.
Au printemps de 1897, les symptômes du mal sont de plus en plus sensibles ; le 8 juillet, Thérèse quitte sa cellule pour l’infirmerie. Dans les derniers mois de son sacrifice, elle parle de sa « petite voie », de la « voie d’enfance ». Elle annonce qu’après la mort qui va la réunir à Dieu et lui faire commencer sa vraie vie, elle fera tomber « une pluie de roses », et que son ciel se passera à « faire du bien sur la terre » (17 juillet).
Le 30 juillet 1897, elle reçut l’extrême-onction. A partir du 17 août, des vomissements répétés la privent du bonheur de communier. Thérèse avait souhaité la mort d’amour de Jésus sur la croix. Elle fut exaucée ; le 30 septembre, elle souffrit l’agonie toute pure, sans aucun mélange de consolation : c’était l’effet de son désir extrême de sauver les âmes. Après l’Angelus du soir, ce même jour, elle jeta un long regard sur la statue de Marie, puis sur le Crucifix, en disant : « Oh ! je l’aime ! Mon Dieu, je… vous aime ! » Ce furent ses dernières paroles. Quelques instants après, vers 7 heures, elle se relevait, ouvrait les yeux, les fixait, brillants d’une paix céleste et d’un bonheur indicible un peu au-dessus de l’image de Marie. Son âme virginale entrait doucement dans l’éternité.
Le rayonnement dans la gloire. – La « pluie de roses ».
Les funérailles de la « petite fleur » du Carmel eurent lieu le 4 octobre : beaucoup de prêtres y assistèrent. Le corps fut enseveli dans le cimetière de Lisieux. On lisait sur la croix de bois : « Je veux passer mon ciel à faire du bien sur la terre. » La promesse fut aussitôt remplie : la pluie de roses commença. L’humble tertre fleuri de lis et de roses devint un rendez-vous de supplication et d’action de grâces.
La marche de la cause fut extrêmement rapide. Qu’on en juge : en 1909, sous le pontificat de Pie X, premières formalités et, en 1910, recherche des écrits ; le 14 août 1921, vers la fin du pontificat de Benoît XV, décret d’héroïcité des vertus ; enfin Pie XI, pour qui Thérèse est, dit-il, une étoile et un guide, la béatifie le 29 avril 1923, la canonise le 17 mai 1925, étend à l’Eglise universelle, le 13 juillet 1927, sa fête, fixée au 3 octobre ; le 14 décembre suivant, le même Pape proclama sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus patronne principale des missions, à l’égal de saint François Xavier.
Les restes de la « Petite Fleur », exhumés le 6 septembre 1910, puis le 9 août 1917, avaient été transférés le 26 mars 1923 au Carmel. Une basilique, bâtie en son honneur, exaltera pendant des siècles cette grande Sainte qui, selon sa promesse, passe « son ciel à faire du bien sur la terre ».
F. C.
Sources consultées. – Histoire d’une âme (Paris et Bar-le-Duc). – Mgr Laveille, Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (Lisieux, 1926). – Baron J. Angot des Rotours, La Bienheureuse Thérèse de l’Enfant-Jésus (Collection Les Saints, Paris, 1924).