Une journée de camp scout ne se conçoit pas sans la messe.
La place de la liturgie dans le scoutisme est d’emblée voulue comme centrale par les fondateurs que furent les Père Sevin et le Chanoine Cornette. Il faut garder à l’esprit la hiérarchie des fins de la liturgie : tout d’abord la gloire de Dieu ; et ensuite la sanctification des âmes. Voici ce qu’en écrivait l’abbé P. Chouet, aumônier scout, dans le Bulletin de liaison (BDL) des aumôniers scouts, en mars 1932 (p.80–81) : « L’acte en lui-même le plus grand, le plus important de la journée. Une journée de camp scout ne se conçoit pas sans la messe. C’est pour cela qu’en leur faveur a été donné le privilège de l’autel portatif. C’est une garantie de grâces pour la journée toute entière. « Si Jésus revenait au camp ! » dit le chant scout. Mais justement, Il vient… et Il demeure dans ces âmes de communiants. »
Les fondateurs ne conçoivent donc pas un camp sans aumônier ni messe spécialement pour les scouts (garçons de 11 à 18 ans) (Dans le même numéro du BDL de mars 1932, il est précisé au §1 de l’avis officiel (p.65) : « Aucune troupe SDF (Scout de France) n’est autorisée à camper sans la participation effective et permanente de son aumônier pendant toute la durée du camp. ») Le Chanoine Cornette, Aumônier général, introduit d’ailleurs dans son éditorial du même numéro (p. 63) :
L’Aumônier scout sera donc le Christ vivant au milieu des Scouts, les accompagnant sur la Route, comme le Sauveur accompagna les Disciples d’Emmaüs, prenant place à leur table et sous leur tente.
Chaque matin, en vertu d’un Indult apostolique spécial, ils offriront, au milieu de leurs Scouts, le Saint Sacrifice de la Messe, autant que possible, au moins le dimanche pour l’édification des paroissiens – et c’est là la première Bonne Action – dans l’église du village.
En dehors de cette possibilité et tenant compte des règles prescrites par l’Indult apostolique, où qu’ils soient, à l’orée des bois, dans les clairières, dans les plaines, sur le bord des rivières, aux rivages de la mer, sur le sommet des monts, ils ouvriront leur petite valise, dresseront, avec l’aide de leurs scouts, l’Autel rustique, paré de feuillage à défaut de tentures, et là, sous la voûte azurée du ciel, entouré des campeurs, debout ou agenouillés sur le sol, ils offriront pour eux la Divine Victime.
Le développement des autres branches verra apporter des précisions bien nécessaires pour les modalités d’application de ce principe premier. Mais rappelons que le scoutisme naît et se développe dans l’Eglise catholique en un contexte bien particulier, celui de l’après Saint Pie X. A cette époque, le modernisme commence ses offensives sur la liturgie. Il faut donc bien distinguer entre les initiatives privées de certains aumôniers, heureuses ou malheureuses, et la direction donnée par l’aumônerie générale des Scouts de France, qui dans l’ensemble garde une ligne traditionnelle jusqu’en 1945. L’après-guerre, dans le scoutisme comme dans d’autres mouvements, verra les attaques du modernisme gagner du terrain, notamment en France avec le Centre National de Pastoral Liturgique, fer de lance du modernisme liturgique. Œuvre d’Eglise, le scoutisme sera alors contaminé lui aussi par cette maladie insidieuse. Mais il résista certainement plus que d’autres mouvements, puisque des branches traditionnelles virent le jour, contrairement à tant d’autres œuvres d’action catholique.
Et aujourd’hui encore, le scoutisme catholique traditionnel produit encore de beaux fruits, en témoignent, outre les associations et groupes bien dynamiques fidèles à l’œuvre de Mgr Lefebvre, les nombreuses vocations sacerdotales et religieuses qui sont passées par ses rangs, répondant par un plus haut service ainsi à la promesse faite un jour de Servir de son mieux Dieu, l’Eglise et la Patrie et d’aider le prochain en toutes circonstances.
Abbé Amaury Graff
Aumônier général des Scouts de Doran