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Écrit
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,
Chers confrères, très chers séminaristes, très chers fidèles,
Le Royaume des Cieux ressemble, dit Notre-Seigneur dans l’Evangile, à un marchand qui cherche des bonnes perles et qui, ayant trouvé une perle précieuse, de grande valeur, de très grand prix, va, vend tout ce qu’il a et l’achète.
Cette petite parabole de Notre-Seigneur exprime bien le sens de cette cérémonie de prise de soutane, exprime bien ce que vous allez faire. En faisant ces premiers pas vers le sacerdoce et Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est tout quitter mais à la poursuite d’une perle précieuse. Pour acheter cette perle qui est le sacerdoce de Notre-Seigneur, qui est le saint sacrifice de la messe qui est célébré par le prêtre, cette perle qui est la doctrine, la révélation de Notre-Seigneur Jésus-Christ, aussi bien les vérités sur Dieu, les choses de Dieu, que toutes les vérités d’ordre moral, spirituel, si, à vrai dire cette perle, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, et c’est donc la foi et l’amour à Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est le motif du pas que vous faites. Et en même temps, c’est le but car vous quittez tout afin de trouver Notre-Seigneur Jésus-Christ, lui-même, sa vie, et vous conformer à Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais pour cela il faut tout vendre, tout abandonner, tout quitter.
Voyons déjà aux premiers temps de l’Eglise, dans ces temps de ferveur, c’est tous les chrétiens qui vendaient tout, qui mettaient tous les biens en commun. Et c’est pour cela qu’il régnait entre eux une parfaite charité. Ils suivaient les conseils évangéliques, ils mettaient tout en commun, ils étaient donc une seule âme et un seul cœur. Et lorsque Notre-Seigneur promet le Ciel et le centuple dans cette vie à ceux qui quitteront l’épouse, l’enfant, frères, soeurs, gens, donc les biens de ce monde, les vrais biens de ce monde, l’apôtre saint Pierre lui dit « mais voici que nous avons tout quitté, alors quelle sera notre récompense ? ». Et saint Bernard fait un commentaire de ces paroles de saint Pierre, disant tout d’abord « mais enfin saint Pierre, tu te vantes d’avoir tout quitté alors que tu n’étais qu’un pauvre pêcheur avec une petite barque, et quelques filets que tu as quittés, alors tu exagères un peu de dire, « nous avons tout quitté » », et le même saint Bernard répond « c’est beaucoup quitter, c’est assez quitter que d’abandonner non seulement ce qu’on possède, mais le désir et la prétention de posséder et de s’abandonner, se renoncer soi-même ». Voilà pourquoi vraiment saint Pierre et les apôtres avaient tout quitté. C’est donc bien le prix qu’il faut payer pour vraiment acquérir cette union vraie avec Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Evidemment cela n’est pas la chose d’un jour. Bien sûr, le jour de la prise de soutane, cela signifie d’une façon claire, nette, belle, externe, mais rappelez-vous bien, nous avons la tendance à reprendre le lendemain ce que nous avons promis la veille, peu à peu. Or, pour posséder cette perle qui est aussi un autre aspect, une sorte d’union à Notre-Seigneur Jésus-Christ, il faut vraiment tout quitter, il faut vraiment se déposséder, renoncer, et plus que cela, il faut suivre Notre-Seigneur, particulièrement dans le chemin de la croix, les mépris, les tribulations, les souffrances, cela semble absolument dépasser nos forces ; en fait, la soutane, l’habit, est tout un symbole de ce sacrifice que l’on fait et premièrement par rapport au monde. C’est un habit qui vous sépare du monde, et des choses de ce monde. Et évidemment des choses mauvaises de ce monde. Et il y en a. Du monde condamné par Notre-Seigneur. Le monde mondain, on peut dire. A vrai dire, en cette cérémonie, ce qui est manifeste, c’est que vous quittez aussi les biens de ce monde.Que pour arriver à cette possession de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il faut vraiment renoncer non pas seulement aux richesses, mais à posséder quoi que ce soit en propre, qu’il faut renoncer non pas seulement à la fausse gloire, mais aux vrais honneurs, à avoir un nom, à faire quelque chose, à la société, à l’ordre civil, laïque plutôt. On renonce à tout cela.
Saint Paul le résume très bien en disant qu” « il est crucifié pour le monde et le monde est crucifié pour lui. Pour moi, le monde est crucifié et je suis crucifié ». Crucifié, qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire « attaché à la croix », eh bien, il y a une mortification ; le sacrifice, l’union à Notre-Seigneur Jésus-Christ crucifié, c’est une mort à soi-même. Mais ensuite, comme le dit saint François de Sales, il faut renoncer, il faut quitter soi-même. Or, dit-il, il y a deux nous-même. Premièrement, c’est le vieil homme, l’homme charnel, l’homme terrestre, il faut donc bien mortifier nos sens et nos corps, bien sûr plus profondément nos passions, nos concupiscences, nos vices. Là aussi, saint Paul est très clair. « Je châtie mon corps et je le réduis en servitude ». Voilà la seule façon de s’unir vraiment à Notre-Seigneur Jésus-Christ, parfaitement. Ceux qui sont du Christ, ils ont crucifié leur chair avec leurs vices et leurs concupiscences. Encore la mort, encore le sacrifice, encore l’identification à Notre-Seigneur Jésus-Christ crucifié, au Christ, crucifié.
Ensuite, dit saint François de Sales, il y a l’autre nous-même, et c’est notre volonté propre, notre amour-propre, l’amour de notre volonté ; notre volonté propre et l’amour-propre sont l’amour et l’attachement à notre propre jugement. C’est évidemment d’une façon générale qu’il en parle. Si l’on veut s’unir à Notre-Seigneur Jésus-Christ, il faut bien, si l’on veut acquérir cette perle, il faut bien renoncer à sa volonté, à sa propre volonté, à son propre jugement et se conformer à la volonté de Dieu, à la volonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et c’est là, moyennant les vertus que nous connaissons très bien et que nous pratiquons si mal, l’humilité, l’obéissance, l’oblation, l’immolation à soi-même de sa propre volonté.
Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même répète souvent qu’il est venu faire la volonté du Père. Il dit même « je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé ». Notre-Seigneur Jésus-Christ dit qu’il n’est pas venu faire sa volonté ! Evidemment, il parle en tant qu’homme… la volonté humaine, un homme qui ne fait pas sa volonté ? Il fait la volonté du Père, Celui qui l’a envoyé. Vous voyez sa soumission, l’exemple qu’il nous donne. Et Notre-Seigneur ne pouvait pas avoir une volonté quelconque, mauvaise. Sincèrement, tout en faisant sa volonté, il aurait fait une chose bonne. Et donc si Notre-Seigneur est mort sur la croix, c’était plus pour faire la volonté de son Père que pour faire sa volonté propre. C’est cela qu’il nous dit, « ecce venio », voici que je viens pour faire ta volonté. Et il parle bien de la croix. Du sacrifice de la croix. C’est vraiment là, comme dit saint François de Sales, qu’il y a le noeud de l’affaire.
Toute la question repose là et tant que nous ne renonçons pas, que nous n’arrivons pas à nous en défaire, de cet attachement à notre propre volonté, il y a un obstacle majeur pour posséder et acquérir cette perle qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ce renoncement, cet abandon, tout quitter, tout abandonner, aimer tout ce qui est un peu contraire aux penchants de la nature, nous avons tous une tendance naturelle aux bonnes choses, aux biens, aux plaisirs, à éviter la maladie, la souffrance, la mort, c’est là notre nature. Mais à raison précisément du péché originel, il n’y a pas d’autres voies pour rétablir cet ordre, cette vie de Dieu et cette union à Dieu, avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, si ce n’est pas mortifiant, crucifiant, tout cela. Mais particulièrement notre volonté propre. Et alors, je terminerai en vous encourageant par trois petites considérations.
La première c’est que si cette tâche semble, disons le mot, impossible pour nous, impossible à notre force, il faut que vous pensiez, que vous le demandiez à celui qui a la puissance pour vous la donner, c’est-à-dire à Notre-Seigneur lui-même, c’est celui qui vous appelle à son sacerdoce, c’est celui qui vous appelle à cette pleine union avec lui, qui peut nous donner ce qu’il nous faut, qui peut nous aider. Et on comprend là la prière de saint Augustin, que nous devrions faire toujours. « Seigneur, donnez-nous ce que vous demandez, et demandez ce que vous voudrez, demandez ce qui vous fait plaisir, mais donnez-nous ce que vous demandez. » Ce n’est pas un jeu de mots, encore moins un jeu d’idées, c’est qu’il ne faut pas seulement demander à Notre-Seigneur de nous donner le faire, mais de nous donner le vouloir et de nous donner le désir. Car si nous n’avons pas les dispositions, nous n’y arriverons jamais. Evidemment il faut avoir le désir de vouloir et de faire, mais tout cela est grâce de Dieu. Et Notre-Seigneur est tout puissant pour nous le donner. Et s’il nous appelle, c’est pour achever l’œuvre. Ce n’est pas pour nous laisser voir, pour nous laisser à mi-chemin. Dans l’appel même, il y a implicite la promesse ou l’engagement de Notre-Seigneur à parachever son œuvre.
La deuxième considération, faite aussi par saint François de Sales, je la trouve très belle, et en même temps très intéressante et très simple. Il dit, vous voyez que pour cela, il faut beaucoup de courage, il faut beaucoup de force pour y arriver et alors, comment trouverons-nous, dit-il, cette magnanimité de courage, et alors, répond-il, dans la petitesse de courage. Où trouverons-nous cette magnanimité de courage, cette force de courage magnanime, eh bien, dans la petitesse de courage. Car vous aurez d’autant plus de force et de courage et de magnanimité que vous serez plus petit en vous-même, dans votre intérieur. Et c’est bien ce que Notre-Seigneur a enseigné, inculqué aux apôtres. « Si vous ne faites pas comme des petits enfants, vous ne rentrerez pas dans le Royaume des Cieux, si vous ne devenez pas comme de petits enfants, vous ne rentrerez pas dans le Royaume des Cieux ». Et Notre-Seigneur lui-même ajoute « Celui qui se fera humble comme ce petit enfant, il sera le plus grand – le plus grand ! au Royaume des Cieux ». C’est donc à cette humilité, à cet esprit de dépendance, d’obéissance, c’est là la qualité qui est louée chez l’enfant, c’est l’humilité, c’est la simplicité, c’est qu’il est souple, obéissant, malléable, il se laisse faire. Il n’impose pas sa volonté justement. Il se laisse faire, il se laisse conduire, il fait ce qu’on lui dit sans poser des questions. Et c’est bien l’exemple que nous a donné Notre-Seigneur lui-même dans l’acte par excellence de courage dans sa vie qui a été celui de la croix.
Nous le voyons partout dans sa vie et tout le temps, là où il y a un acte magnanime de force et de courage, il y a l’humilité, il y a la petitesse, nous le voyons dans l’Incarnation, à la Nativité, à la Présentation au Temple. Et Notre-Seigneur et Notre-Dame s’obligent à suivre le rite qui signifiait le péché, qu’on était des pécheurs. C’était un rite qui était fait pour les pécheurs. Or, eux n’étaient pas pécheurs. Et pourtant, ils ont voulu être réputés pour tels. Voilà l’humilité. Et puis l’obéissance. Evidemment, ils étaient dispensés, tous les deux, de ce rite-là. Notre-Seigneur à plus forte raison étant Dieu. Il est l’auteur de la loi, il n’est pas tenu à la loi, à une petite prescription de la loi. Et pourtant, il l’a fait. Et pourtant Notre-Dame l’a fait. Car ils ont voulu nous montrer quel est l’exemple.
Et ensuite, sur la croix, l’acte par excellence de courage de Notre-Seigneur, qu’est-ce qu’il fait Notre-Seigneur, eh bien, il ne fait rien. Il laisse faire, il laisse faire. Il devient tout petit, doux. Il se laisse conduire comme un agneau. C’est bien, cette petitesse, cette humilité, cette enfance spirituelle vis-à-vis du Père qui fait notre force et qui nous donnera courage.
Et finalement, troisième considération, c’est le secours et l’exemple de la Très sainte Vierge Marie. Elle peut nous protéger, nous aider, nous enseigner car elle est modèle achevé justement d’humilité, simplicité, obéissance. Et aussi de sacrifice. En plus, elle nous est donnée, et particulièrement son Cœur immaculé et douloureux, comme précisément la forme de Notre-Seigneur Jésus-Christ, la forma dei, où nous pouvons acquérir en nous, imprimer en nous l’image de Notre-Seigneur Jésus-Christ, où notre cœur peut devenir semblable au cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est dans ce cœur immaculé que nous pouvons vraiment nous sanctifier dans la vérité, dans la grâce, dans la charité, et aussi ce cœur de Marie, c’est lui peut nous donner le vrai esprit sacerdotal qui est non seulement bien sûr de célébrer le sacrifice, mais de s’offrir soi-même en hostie, en oblation, en holocauste, pour l’honneur de Dieu et le bien des âmes.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Mgr Alfonso de Galarreta, évêque auxiliaire de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Séminaire de Flavigny/LPL/Transcription Y. B.