Dimanche 2 février 2014

Sermon de Mgr de Galarreta à l’occasion des prises de soutane à Flavigny

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Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,

Chers confrères, très chers sémi­na­ristes, très chers fidèles,

Le Royaume des Cieux res­semble, dit Notre-​Seigneur dans l’Evangile, à un mar­chand qui cherche des bonnes perles et qui, ayant trou­vé une perle pré­cieuse, de grande valeur, de très grand prix, va, vend tout ce qu’il a et l’achète.

Cette petite para­bole de Notre-​Seigneur exprime bien le sens de cette céré­mo­nie de prise de sou­tane, exprime bien ce que vous allez faire. En fai­sant ces pre­miers pas vers le sacer­doce et Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, c’est tout quit­ter mais à la pour­suite d’une perle pré­cieuse. Pour ache­ter cette perle qui est le sacer­doce de Notre-​Seigneur, qui est le saint sacri­fice de la messe qui est célé­bré par le prêtre, cette perle qui est la doc­trine, la révé­la­tion de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, aus­si bien les véri­tés sur Dieu, les choses de Dieu, que toutes les véri­tés d’ordre moral, spi­ri­tuel, si, à vrai dire cette perle, c’est Notre-​Seigneur Jésus-​Christ lui-​même, et c’est donc la foi et l’a­mour à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ qui est le motif du pas que vous faites. Et en même temps, c’est le but car vous quit­tez tout afin de trou­ver Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, lui-​même, sa vie, et vous confor­mer à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, mais pour cela il faut tout vendre, tout aban­don­ner, tout quitter.

Voyons déjà aux pre­miers temps de l’Eglise, dans ces temps de fer­veur, c’est tous les chré­tiens qui ven­daient tout, qui met­taient tous les biens en com­mun. Et c’est pour cela qu’il régnait entre eux une par­faite cha­ri­té. Ils sui­vaient les conseils évan­gé­liques, ils met­taient tout en com­mun, ils étaient donc une seule âme et un seul cœur. Et lorsque Notre-​Seigneur pro­met le Ciel et le cen­tuple dans cette vie à ceux qui quit­te­ront l’é­pouse, l’en­fant, frères, soeurs, gens, donc les biens de ce monde, les vrais biens de ce monde, l’a­pôtre saint Pierre lui dit « mais voi­ci que nous avons tout quit­té, alors quelle sera notre récom­pense ? ». Et saint Bernard fait un com­men­taire de ces paroles de saint Pierre, disant tout d’a­bord « mais enfin saint Pierre, tu te vantes d’a­voir tout quit­té alors que tu n’é­tais qu’un pauvre pêcheur avec une petite barque, et quelques filets que tu as quit­tés, alors tu exa­gères un peu de dire, « nous avons tout quit­té » », et le même saint Bernard répond « c’est beau­coup quit­ter, c’est assez quit­ter que d’a­ban­don­ner non seule­ment ce qu’on pos­sède, mais le désir et la pré­ten­tion de pos­sé­der et de s’a­ban­don­ner, se renon­cer soi-​même ». Voilà pour­quoi vrai­ment saint Pierre et les apôtres avaient tout quit­té. C’est donc bien le prix qu’il faut payer pour vrai­ment acqué­rir cette union vraie avec Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

Evidemment cela n’est pas la chose d’un jour. Bien sûr, le jour de la prise de sou­tane, cela signi­fie d’une façon claire, nette, belle, externe, mais rappelez-​vous bien, nous avons la ten­dance à reprendre le len­de­main ce que nous avons pro­mis la veille, peu à peu. Or, pour pos­sé­der cette perle qui est aus­si un autre aspect, une sorte d’u­nion à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, il faut vrai­ment tout quit­ter, il faut vrai­ment se dépos­sé­der, renon­cer, et plus que cela, il faut suivre Notre-​Seigneur, par­ti­cu­liè­re­ment dans le che­min de la croix, les mépris, les tri­bu­la­tions, les souf­frances, cela semble abso­lu­ment dépas­ser nos forces ; en fait, la sou­tane, l’ha­bit, est tout un sym­bole de ce sacri­fice que l’on fait et pre­miè­re­ment par rap­port au monde. C’est un habit qui vous sépare du monde, et des choses de ce monde. Et évi­dem­ment des choses mau­vaises de ce monde. Et il y en a. Du monde condam­né par Notre-​Seigneur. Le monde mon­dain, on peut dire. A vrai dire, en cette céré­mo­nie, ce qui est mani­feste, c’est que vous quit­tez aus­si les biens de ce monde.Que pour arri­ver à cette pos­ses­sion de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, il faut vrai­ment renon­cer non pas seule­ment aux richesses, mais à pos­sé­der quoi que ce soit en propre, qu’il faut renon­cer non pas seule­ment à la fausse gloire, mais aux vrais hon­neurs, à avoir un nom, à faire quelque chose, à la socié­té, à l’ordre civil, laïque plu­tôt. On renonce à tout cela.

Saint Paul le résume très bien en disant qu” « il est cru­ci­fié pour le monde et le monde est cru­ci­fié pour lui. Pour moi, le monde est cru­ci­fié et je suis cru­ci­fié ». Crucifié, qu’est-​ce que ça veut dire ? Ça veut dire « atta­ché à la croix », eh bien, il y a une mor­ti­fi­ca­tion ; le sacri­fice, l’u­nion à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ cru­ci­fié, c’est une mort à soi-​même. Mais ensuite, comme le dit saint François de Sales, il faut renon­cer, il faut quit­ter soi-​même. Or, dit-​il, il y a deux nous-​même. Premièrement, c’est le vieil homme, l’homme char­nel, l’homme ter­restre, il faut donc bien mor­ti­fier nos sens et nos corps, bien sûr plus pro­fon­dé­ment nos pas­sions, nos concu­pis­cences, nos vices. Là aus­si, saint Paul est très clair. « Je châ­tie mon corps et je le réduis en ser­vi­tude ». Voilà la seule façon de s’u­nir vrai­ment à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, par­fai­te­ment. Ceux qui sont du Christ, ils ont cru­ci­fié leur chair avec leurs vices et leurs concu­pis­cences. Encore la mort, encore le sacri­fice, encore l’i­den­ti­fi­ca­tion à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ cru­ci­fié, au Christ, crucifié.

Ensuite, dit saint François de Sales, il y a l’autre nous-​même, et c’est notre volon­té propre, notre amour-​propre, l’a­mour de notre volon­té ; notre volon­té propre et l’amour-​propre sont l’a­mour et l’at­ta­che­ment à notre propre juge­ment. C’est évi­dem­ment d’une façon géné­rale qu’il en parle. Si l’on veut s’u­nir à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, il faut bien, si l’on veut acqué­rir cette perle, il faut bien renon­cer à sa volon­té, à sa propre volon­té, à son propre juge­ment et se confor­mer à la volon­té de Dieu, à la volon­té de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Et c’est là, moyen­nant les ver­tus que nous connais­sons très bien et que nous pra­ti­quons si mal, l’hu­mi­li­té, l’o­béis­sance, l’o­bla­tion, l’im­mo­la­tion à soi-​même de sa propre volonté.

Notre-​Seigneur Jésus-​Christ lui-​même répète sou­vent qu’il est venu faire la volon­té du Père. Il dit même « je ne suis pas venu faire ma volon­té, mais la volon­té de Celui qui m’a envoyé ». Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dit qu’il n’est pas venu faire sa volon­té ! Evidemment, il parle en tant qu’­homme… la volon­té humaine, un homme qui ne fait pas sa volon­té ? Il fait la volon­té du Père, Celui qui l’a envoyé. Vous voyez sa sou­mis­sion, l’exemple qu’il nous donne. Et Notre-​Seigneur ne pou­vait pas avoir une volon­té quel­conque, mau­vaise. Sincèrement, tout en fai­sant sa volon­té, il aurait fait une chose bonne. Et donc si Notre-​Seigneur est mort sur la croix, c’é­tait plus pour faire la volon­té de son Père que pour faire sa volon­té propre. C’est cela qu’il nous dit, « ecce venio », voi­ci que je viens pour faire ta volon­té. Et il parle bien de la croix. Du sacri­fice de la croix. C’est vrai­ment là, comme dit saint François de Sales, qu’il y a le noeud de l’affaire.

Toute la ques­tion repose là et tant que nous ne renon­çons pas, que nous n’ar­ri­vons pas à nous en défaire, de cet atta­che­ment à notre propre volon­té, il y a un obs­tacle majeur pour pos­sé­der et acqué­rir cette perle qui est Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Ce renon­ce­ment, cet aban­don, tout quit­ter, tout aban­don­ner, aimer tout ce qui est un peu contraire aux pen­chants de la nature, nous avons tous une ten­dance natu­relle aux bonnes choses, aux biens, aux plai­sirs, à évi­ter la mala­die, la souf­france, la mort, c’est là notre nature. Mais à rai­son pré­ci­sé­ment du péché ori­gi­nel, il n’y a pas d’autres voies pour réta­blir cet ordre, cette vie de Dieu et cette union à Dieu, avec Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, si ce n’est pas mor­ti­fiant, cru­ci­fiant, tout cela. Mais par­ti­cu­liè­re­ment notre volon­té propre. Et alors, je ter­mi­ne­rai en vous encou­ra­geant par trois petites considérations.

La pre­mière c’est que si cette tâche semble, disons le mot, impos­sible pour nous, impos­sible à notre force, il faut que vous pen­siez, que vous le deman­diez à celui qui a la puis­sance pour vous la don­ner, c’est-​à-​dire à Notre-​Seigneur lui-​même, c’est celui qui vous appelle à son sacer­doce, c’est celui qui vous appelle à cette pleine union avec lui, qui peut nous don­ner ce qu’il nous faut, qui peut nous aider. Et on com­prend là la prière de saint Augustin, que nous devrions faire tou­jours. « Seigneur, donnez-​nous ce que vous deman­dez, et deman­dez ce que vous vou­drez, deman­dez ce qui vous fait plai­sir, mais donnez-​nous ce que vous deman­dez. » Ce n’est pas un jeu de mots, encore moins un jeu d’i­dées, c’est qu’il ne faut pas seule­ment deman­der à Notre-​Seigneur de nous don­ner le faire, mais de nous don­ner le vou­loir et de nous don­ner le désir. Car si nous n’a­vons pas les dis­po­si­tions, nous n’y arri­ve­rons jamais. Evidemment il faut avoir le désir de vou­loir et de faire, mais tout cela est grâce de Dieu. Et Notre-​Seigneur est tout puis­sant pour nous le don­ner. Et s’il nous appelle, c’est pour ache­ver l’œuvre. Ce n’est pas pour nous lais­ser voir, pour nous lais­ser à mi-​chemin. Dans l’ap­pel même, il y a impli­cite la pro­messe ou l’en­ga­ge­ment de Notre-​Seigneur à par­ache­ver son œuvre.

La deuxième consi­dé­ra­tion, faite aus­si par saint François de Sales, je la trouve très belle, et en même temps très inté­res­sante et très simple. Il dit, vous voyez que pour cela, il faut beau­coup de cou­rage, il faut beau­coup de force pour y arri­ver et alors, com­ment trouverons-​nous, dit-​il, cette magna­ni­mi­té de cou­rage, et alors, répond-​il, dans la peti­tesse de cou­rage. Où trouverons-​nous cette magna­ni­mi­té de cou­rage, cette force de cou­rage magna­nime, eh bien, dans la peti­tesse de cou­rage. Car vous aurez d’au­tant plus de force et de cou­rage et de magna­ni­mi­té que vous serez plus petit en vous-​même, dans votre inté­rieur. Et c’est bien ce que Notre-​Seigneur a ensei­gné, incul­qué aux apôtres. « Si vous ne faites pas comme des petits enfants, vous ne ren­tre­rez pas dans le Royaume des Cieux, si vous ne deve­nez pas comme de petits enfants, vous ne ren­tre­rez pas dans le Royaume des Cieux ». Et Notre-​Seigneur lui-​même ajoute « Celui qui se fera humble comme ce petit enfant, il sera le plus grand – le plus grand ! au Royaume des Cieux ». C’est donc à cette humi­li­té, à cet esprit de dépen­dance, d’o­béis­sance, c’est là la qua­li­té qui est louée chez l’en­fant, c’est l’hu­mi­li­té, c’est la sim­pli­ci­té, c’est qu’il est souple, obéis­sant, mal­léable, il se laisse faire. Il n’im­pose pas sa volon­té jus­te­ment. Il se laisse faire, il se laisse conduire, il fait ce qu’on lui dit sans poser des ques­tions. Et c’est bien l’exemple que nous a don­né Notre-​Seigneur lui-​même dans l’acte par excel­lence de cou­rage dans sa vie qui a été celui de la croix.

Nous le voyons par­tout dans sa vie et tout le temps, là où il y a un acte magna­nime de force et de cou­rage, il y a l’hu­mi­li­té, il y a la peti­tesse, nous le voyons dans l’Incarnation, à la Nativité, à la Présentation au Temple. Et Notre-​Seigneur et Notre-​Dame s’o­bligent à suivre le rite qui signi­fiait le péché, qu’on était des pécheurs. C’était un rite qui était fait pour les pécheurs. Or, eux n’é­taient pas pécheurs. Et pour­tant, ils ont vou­lu être répu­tés pour tels. Voilà l’hu­mi­li­té. Et puis l’o­béis­sance. Evidemment, ils étaient dis­pen­sés, tous les deux, de ce rite-​là. Notre-​Seigneur à plus forte rai­son étant Dieu. Il est l’au­teur de la loi, il n’est pas tenu à la loi, à une petite pres­crip­tion de la loi. Et pour­tant, il l’a fait. Et pour­tant Notre-​Dame l’a fait. Car ils ont vou­lu nous mon­trer quel est l’exemple.

Et ensuite, sur la croix, l’acte par excel­lence de cou­rage de Notre-​Seigneur, qu’est-​ce qu’il fait Notre-​Seigneur, eh bien, il ne fait rien. Il laisse faire, il laisse faire. Il devient tout petit, doux. Il se laisse conduire comme un agneau. C’est bien, cette peti­tesse, cette humi­li­té, cette enfance spi­ri­tuelle vis-​à-​vis du Père qui fait notre force et qui nous don­ne­ra courage.

Et fina­le­ment, troi­sième consi­dé­ra­tion, c’est le secours et l’exemple de la Très sainte Vierge Marie. Elle peut nous pro­té­ger, nous aider, nous ensei­gner car elle est modèle ache­vé jus­te­ment d’hu­mi­li­té, sim­pli­ci­té, obéis­sance. Et aus­si de sacri­fice. En plus, elle nous est don­née, et par­ti­cu­liè­re­ment son Cœur imma­cu­lé et dou­lou­reux, comme pré­ci­sé­ment la forme de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, la for­ma dei, où nous pou­vons acqué­rir en nous, impri­mer en nous l’i­mage de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, où notre cœur peut deve­nir sem­blable au cœur de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. C’est dans ce cœur imma­cu­lé que nous pou­vons vrai­ment nous sanc­ti­fier dans la véri­té, dans la grâce, dans la cha­ri­té, et aus­si ce cœur de Marie, c’est lui peut nous don­ner le vrai esprit sacer­do­tal qui est non seule­ment bien sûr de célé­brer le sacri­fice, mais de s’of­frir soi-​même en hos­tie, en obla­tion, en holo­causte, pour l’hon­neur de Dieu et le bien des âmes.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Mgr Alfonso de Galarreta, évêque auxi­liaire de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : Séminaire de Flavigny/​LPL/​Transcription Y. B.

FSSPX Premier assistant général

Mgr Alfonso de Galarreta, né en Espagne en 1957, a été sacré évêque auxi­liaire de la Fraternité Saint-​Pie X le 30 juin 1988 par Mgr Marcel Lefebvre. Ayant exer­cé de nom­breuses res­pon­sa­bi­li­tés notam­ment comme Supérieur du dis­trict d’Amérique du Sud et direc­teur du sémi­naire de La Reja, il est actuel­le­ment Premier Assistant du Supérieur géné­ral de la Fraternité.