Frère Mineur, cardinal et évêque, Docteur de l’Église (1221–1274)
Fête le 14 juillet.
Jean de Fidanza, si célèbre dans l’Eglise sous le nom de saint Bonaventure, naquit à Bagnorea, en Toscane, en 1221.
L’enfant entrait à peine dans sa quatrième année, lorsqu’il fut attaqué d’un mal si dangereux que les médecins perdirent bientôt tout espoir. Sa mère résolut de le sauver en obtenant un miracle. Saint François parcourait alors les campagnes de l’Ombrie, semant les prodiges sous ses pas ; elle courut se jeter à ses pieds. Implorant avec larmes la guérison de son fils, elle promit en retour de le consacrer à Dieu dans l’Ordre que le Poverello achevait de fonder. Celui-ci prit l’enfant dans ses bras, le guérit, et, entrevoyant les mystérieuses destinées qui lui étaient réservées dans l’Eglise, il s’écria : « O buona ventura ! Oh ! la bonne rencontre ! » D’où le nom de Bonaventure, qui resta.
Quand l’enfant fut en âge de le comprendre, sa mère lui révéla le vœu qu’elle avait fait. A cette nouvelle, il tressaillit de joie. Mais avant de lui permettre l’entrée du couvent, on l’envoya dans les plus célèbres Universités d’Italie. Son humilité et son innocence n’y souffrirent aucune atteinte, malgré de réels dangers.
Dans l’Ordre des Frères Mineurs.
Cependant Bonaventure avait atteint sa dix-septième année. Le moment était venu de quitter la vie facile du siècle pour l’austérité du cloître. Il le fit sans peine. Il entra dans l’Ordre des Frères Mineurs. Son noviciat se passa dans une ferveur croissante, et la profession combla tous ses vœux.
Ses supérieurs remarquèrent bientôt les heureuses dispositions et les qualités éminentes du jeune profès. Aussi ils se déterminèrent, probablement vers 1242, à l’envoyer à l’Université de Paris, où il fut confié aux soins du célèbre Alexandre de Halès, le « Docteur irréfragable ». Celui-ci reconnut sur-le-champ l’innocence qui resplendissait dans son disciple. « C’est un candide Israélite, disait-il, qui semble n’avoir pas même été souillé de la tache originelle. »
C’est à cette même époque qu’il faut faire remonter l’arrivée aussi de saint Thomas d’Aquin aux écoles de Paris, car il se lia bientôt avec Bonaventure d’une étroite amitié, qui sembla faire revivre celle de saint Basile et de saint Grégoire de Nazianze à Athènes.
Tous deux couraient plus qu’ils ne marchaient dans la carrière des sciences et de la vertu. Bonaventure passa sans interruption et avec le plus prodigieux succès des épines de la philosophie à tout ce que la théologie a de plus grand et de plus profond. Il fut bientôt à même de résoudre avec une exacte précision les plus embarrassantes difficultés, et l’Ecole retentit de ses louanges. Mais il ne cherchait à acquérir des connaissances que pour mieux comprendre ses devoirs. La lumière de l’étude servait à le faire marcher plus sûrement dans la voie des Saints et à le rapprocher davantage de Dieu. L’invocation de l’Esprit-Saint commençait toujours son étude, qui n’était du reste que la prolongation de sa fervente oraison.
Vertus de l’étudiant.
Déjà la charité consumait son cœur. Le service des malades était le plus doux objet de ses soins. Sans écouter ni délicatesse ni répugnance naturelle, il leur rendait tous les services. C’était au pied du Crucifix qu’il puisait cet héroïque dévouement.
A la vue d’un religieux de si grande vertu, les supérieurs voulurent l’élever au sacerdoce. Bonaventure crut que Dieu parlait par leur bouche, et malgré les saintes frayeurs de son humilité il vint aux pieds de l’évêque recevoir l’onction sacrée. L’auguste ministère des autels fut dès lors la préoccupation exclusive de son cœur. Les ardeurs de sa charité devinrent encore plus brûlantes pendant le Saint Sacrifice. Son cœur enflammé du tendre amour de Jésus-Christ semblait passer jusque dans ceux qui le voyaient à l’autel. Il ne parlait de l’Eucharistie qu’avec de vifs transports. Nous avons un gage de ces tendres effusions dans son oraison : Transfige me, que l’Eglise met sur les lèvres des prêtres après la sainte messe.
Mais Bonaventure savait qu’il avait reçu l’onction sacerdotale surtout pour les autres. C’est pourquoi il voulut tout de suite commencer à travailler à la vigne du père de famille. Il fut d’abord chargé d’annoncer la parole de Dieu. Les vérités de la religion clairement exposées, les dangers du siècle manifestés, le vice dépouillé de ses artifices et présenté sous toutes les couleurs qui peuvent le rendre odieux, la vertu mise dans un jour aimable, tels étaient les sujets de sa première éloquence, avec l’énergie et l’onction qui le caractérisèrent toujours.
Saint Bonaventure Docteur.
Le peuple chrétien avait donc trouvé dans ce jeune prêtre un apôtre : ses Frères avaient le droit de chercher en lui un Docteur. C’est pourquoi ses supérieurs lui donnèrent une chaire dans les écoles de l’Ordre. Mais son nom en eut bientôt franchi les limites, et lorsque Jean de La Rochelle quitta sa chaire publique, à la Sorbonne, Bonaventure, âgé de trente-trois ans, fut appelé à lui succéder. C’était en 1254. Il y expliqua Pierre Lombard, le « Maître des sentences », avec tant d’abondance et de netteté qu’on l’aurait plutôt pris pour l’auteur que pour l’un de ses interprètes. Il commençait la preuve de ses questions par l’Ecriture Sainte, il passait ensuite aux autorités des Pères et il y joignait des raisons dont l’attrait inconnu produisait toujours une conviction entière. D’où les tirait-il ? Il va nous l’apprendre lui-même.
Thomas d’Aquin vint un jour le visiter, et comme il appartient aux Saints de pénétrer les Saints, il ne pouvait se méprendre sur les connaissances surnaturelles de Bonaventure. Il lui demanda dans quels livres il puisait cette profonde doctrine que l’on admirait si justement en lui. Bonaventure lui montra quelques volumes qu’il lisait assez souvent. Mais son ami lui ayant répondu qu’il avait aussi ces mêmes livres, qu’il en faisait également usage et qu’il n’y trouvait pas les mêmes richesses, alors Bonaventure montra un Crucifix qui était sur sa table et dit : « Voici l’unique source de ma doctrine ; c’est dans ces plaies sacrées que je puise mes lumières. »
Aussi sa doctrine, avec celle de saint Thomas, était reçue comme la plus saine et la plus salutaire ; et c’est à juste titre qu’on l’appela le « Docteur séraphique », parce que ses leçons avaient autant d’onction que de force, et qu’en portant dans les esprits la lumière de la science, il portait dans les cœurs les feux de l’amour divin.
De si précieuses qualités lui valurent toute la confiance du roi saint Louis IX. Ce pieux monarque l’appelait souvent à sa table et l’admettait dans ses conseils. Bonaventure savait toujours, avec une aimable candeur, aider son royal ami. C’est à la prière de celui-ci qu’il mitigea la règle de sainte Claire pour les filles de la Cour qui voulaient se donner à Dieu dans le cloître, à l’abbaye de Longchamp, près Paris.
Des travaux si nombreux ne l’empêchaient pas cependant de prendre une part active à la lutte tristement célèbre, que certains esprits malfaisants avaient engagée contre les Ordres mendiants. Là encore il se retrouva aux côtés de Thomas. Il écrivit deux opuscules : l’Apologie des pauvres et la Pauvreté de Jésus-Christ, pour réfuter les funestes et perfides attaques de Guillaume de Saint-Amour et de maître Girard. La plus grande charité unie à une force et à une éloquence entraînante préside à ces écrits.
Ministre général de son Ordre.
Pendant que l’illustre Docteur brillait ainsi au sein de l’Université, l’Ordre des Frères Mineurs souffrait de dissensions intestines, produites en grande partie par les soupçons d’hérésie que plusieurs nourrissaient à l’endroit du Ministre général, Jean de Parme.
Le Pape Alexandre IV gémissait le premier de cette triste situation, et pour y mettre un terme, il ordonna la tenue d’un Chapitre général qui eut lieu le 2 février 1257, dans le couvent de l’Ara Cæli, à Rome.
Le Général s’y démit de ses fonctions. Par déférence, ses Frères le prièrent de se choisir lui-même un successeur. Sans hésiter il nomma le Fr. Bonaventure comme celui qui était le mieux en état de diriger l’Ordre séraphique. Cette désignation fut accueillie par d’unanimes applaudissements. Le Pape la confirma, et Bonaventure, malgré ses larmes et ses supplications, dut accepter le fardeau.
Le nouveau Général quitta aussitôt Paris pour se rendre à Rome où sa présence était très nécessaire et s’appliqua immédiatement à calmer les esprits. Une douceur sans faiblesse, une fermeté sans aigreur, des discours pleins d’onction et de force : telles furent ses armes pour exciter les lâches, ranimer les tièdes et soutenir les fervents. Grâce à cette sage conduite, la sérénité revint bientôt dans tous les esprits, et il lui fut possible de reprendre le chemin de Paris.
Il visita sur sa route tous les couvents soumis à son autorité, et montra partout qu’il n’était devenu le maître de tous, qu’afin de donner plus parfaitement l’exemple de l’humilité et de la charité.
A Paris, il mena de front les devoirs de sa charge et les études particulières. Saint Thomas et lui avaient réfuté les ennemis des religieux. La paix et le calme avaient succédé aux agitations, au sein de l’Université. En gage de réconciliation, on invita les deux Saints à venir recevoir le bonnet de Docteur. Bonaventure avait fait dans les écoles mêmes de l’Université tous les exercices requis pour le grade qu’on allait lui conférer ; Thomas y était plus étranger, ayant fait une partie de ses études à Cologne. Qui des deux sera couronné le premier ? L’humilité de Bonaventure lèvera le doute, et malgré ses protestations, Thomas devra se rendre. Bonaventure triomphait ainsi de son ami et de lui-même.
Après cet événement, qui se produisit le 23 octobre 1257, il se retira à Nantes pour y goûter la paix de la solitude. On y voit encore la pierre qui lui servait d’oreiller. C’est en cette ville que furent composés plusieurs de ses ouvrages.
En 1260, il tint son premier Chapitre général, à Narbonne, où il donna aux Constitutions de l’Ordre leur forme définitive et où il se chargea d’écrire la Vie du séraphique saint François. De là il passa au mont Alverne, afin de vivre pendant quelque temps dans un petit oratoire où son bienheureux Père avait reçu l’impression des Stigmates. Sa vie y fut une extase continuelle, et il nous en laisse entrevoir la sublimité dans le livre qu’il écrivit aussitôt après Itinéraire pour aller à Dieu.
Avant de quitter l’Italie, il se rendit à Assise et aux divers endroits où saint François avait vécu. Il y recueillit tous les renseignements, de la bouche même de ceux qui avaient été témoins des merveilles opérées par le saint fondateur. Et de retour à Paris, en 1261, il se consacra à sa noble tâche avec une ardeur incroyable. Il suffit, du reste, de lire cet admirable travail pour sentir que l’auteur était rempli des vertus qu’il exalte.
Thomas d’Aquin était venu un jour lui rendre visite, et la porte de la chambre étant entrouverte, il l’aperçut tout ravi, hors de lui-même, et élevé de terre. Pénétré d’admiration et de respect, il ne voulut pas le troubler, et se retira en disant : « Laissons un Saint travailler à la vie d’un Saint. »
Dévot serviteur de Marie.
Saint Bonaventure avait une tendre dévotion envers la Mère de Dieu, et il en donna des preuves non équivoques au commencement de son généralat. Immédiatement après son élection, il s’était placé, lui et son Ordre, sous la spéciale protection de Marie. Toute sa vie, il travailla à étendre son culte. Ses écrits respirent l’amour le plus pur et la confiance la plus absolue en cette bonne Mère. Ainsi dans son Miroir de la Vierge, il décrit merveilleusement les grâces, les vertus et les privilèges dont Marie fut favorisée. Il composa aussi en son honneur un petit Office, tout rempli des effusions d’un cœur tendre et respectueux.
Le Souverain Pontife désirait le revêtir de quelque dignité ecclésiastique pour lui donner plus d’autorité. Aussi, l’archevêché d’York, en Angleterre, étant venu à vaquer, Clément IV, qui avait succédé à Urbain IV, ne trouva personne qui fût plus capable de gouverner cette Eglise que Bonaventure ; sans le consulter, il l’en nomma archevêque le 24 novembre 1265. A cette nouvelle, l’humble religieux accourt, tout effrayé, se jeter aux genoux du Pape : il le supplie avec larmes de ne pas charger ses débiles épaules d’un aussi pesant fardeau. Il y met tant d’instances que Clément IV finit par céder, bien qu’à regret ; et Bonaventure, rendu à l’amour de ses enfants, s’appliqua plus que jamais à les guider dans la voie des Saints, plus peut-être encore par ses exemples que par ses paroles.
L’humilité la plus grande présidait à toute sa vie. Frappé de sa profonde indignité, il s’était abstenu pendant quelque temps de célébrer. Mais un matin qu’il entendait la messe et qu’il méditait sur la Passion de Jésus-Christ, une partie de l’hostie consacrée se détacha miraculeusement de la main du prêtre, et vint se déposer sur ses lèvres. Cette faveur remplit son âme de délices toutes célestes.
Cardinal évêque d’Albano.
A la mort de Clément IV, en 1268, le Collège des cardinaux, indécis et irrésolu, ne pouvait lui donner un successeur. L’Eglise tout entière souffrait de cette absence de pasteur. Cette situation se prolongeait depuis déjà deux ans et dix mois quand Bonaventure entreprit d’y mettre un terme. Il réussit à faire tomber le choix des cardinaux sur le pieux Théobald, originaire de Plaisance, dont l’élection eut lieu le 1er septembre 1271. Le nouvel élu prit le nom de Grégoire X, et pendant les jours qui suivirent son élection et sa consécration, il honora Bonaventure des marques d’une amitié tout à fait spéciale.
Mais celui-ci, craignant qu’il ne la poussât jusqu’à vouloir l’élever aux dignités ecclésiastiques, s’empressa de quitter l’Italie. Arrivé à Paris, il reprit ses travaux, et c’est alors qu’il composa son Hexaméron (Sermons sur les six jours de la Création), où l’on trouve, avec la richesse d’une exposition sentencieuse, toute la pénétration d’une subtile scolastique. A peine avait-il achevé cet ouvrage qu’il reçut un bref de Rome, daté du 3 juin 1273, dans lequel Grégoire X le nommait évêque d’Albano et cardinal ; et pour que son humilité ne pût opposer de nouveaux obstacles, le Souverain Pontife lui donnait l’ordre d’accepter et de partir immédiatement pour Rome.
En même temps, il députait deux légats qui devaient le rencontrer en route et lui remettre, au nom du Pape, les insignes du cardinalat. Ceux-ci le trouvèrent dans le couvent des Franciscains de Mugelio, près de Florence. Le Général, qui recherchait toujours les plus bas offices, était occupé, avec plusieurs de ses frères, à laver la vaisselle.
L’arrivée des deux délégués pontificaux ne le troubla nullement. Il leur demanda la permission de continuer ce qu’il avait commencé, et les pria de suspendre à une branche d’un arbre, tout proche, le chapeau de cardinal qu’il ne pouvait décemment recevoir de leurs mains. Les deux légats accédèrent à son désir et s’éloignèrent. Bonaventure acheva son humble travail, puis alla les rejoindre, et leur rendre les honneurs dus à leur rang.
La joie était si grande dans tout le couvent que les religieux laissèrent passer l’heure à laquelle ils récitaient ordinairement les Complies, sans oser abandonner leurs respectables hôtes. Ceux-ci ne les quittèrent que vers le soir, et aussitôt après leur départ, on se rendit au réfectoire, ajournant l’office après le repas. A peine était on à table que le Général, dont rien ne pouvait distraire la vigilance, s’occupa de savoir si l’on avait récité Complies : sur la réponse négative qu’on lui fit, il leur demanda lequel des deux exercices devait être plus sagement renvoyé ; et, arrêtant le repas, il conduisit lui-même les religieux au chœur.
Au Concile de Lyon.
Pendant ce temps, le Pape était arrivé à Florence, et c’est là que Bonaventure lui fut présenté. Grégoire X l’exhorta à porter vaillamment sa nouvelle charge comme un prince de l’Eglise, et lui promit de le sacrer lui-même. Dans le cours de cet entretien, le nouveau cardinal reçut aussi l’ordre de se préparer à parler au Concile général, réuni à Lyon, pour l’union des Grecs et des Latins.
Saint Thomas y avait été appelé de son côté, mais le moment était venu, pour celui qu’on a appelé l’Ange de l’école, de monter aux cieux.
Préoccupé des devoirs que lui imposait le cardinalat, et partageant toutes les vues du Pape, Bonaventure se livra à un labeur opiniâtre ; et, au bout de peu de temps, il fut en état de se montrer l’organe de la foi, et comme l’âme même du Concile. Il en dirigea les assemblées préliminaires, et prépara toutes les matières qu’on devait traiter. A l’arrivée des ambassadeurs grecs, il dut d’abord conférer avec eux, détruire leurs objections, et se prémunir contre leurs subtilités. Du reste, sa douceur et sa force d’argumentation les subjugua, et ils se soumirent à tout ce qui leur fut proposé.
Mais tant de travaux avaient fini par attaquer une santé jusque-là très robuste. Cependant Bonaventure ne voulut point y prendre garde. Il assista à l’ouverture du Concile, le 7 mai 1274, et, après le Pape, il adressa la parole aux Pères, réunis au nombre de cinq cents, sur ce texte : « Lève-toi, Jérusalem : monte sur un lieu élevé, regarde du côté de l’Orient, et vois tous tes enfants rassemblés, depuis l’Orient jusqu’à l’Occident. »
La justesse de l’application et les charmes de son éloquence gagnèrent tous les cœurs. Mais le mal grandissait, et il fallut bientôt constater que l’espoir n’était plus permis. Par une sorte de miracle, Bonaventure put encore se soutenir jusqu’après la quatrième session du Concile, au début de juillet. Il convenait, en effet, que l’ouvrier du Seigneur pût contempler un moment les admirables fruits de sa parole. A la messe, après le chant du Credo, les Grecs, au nom de l’empereur, abjurèrent le schisme, acceptèrent la profession de foi de l’Eglise romaine, et reconnurent, librement et sans restriction, la primauté du Pape. Tous les vœux de Bonaventure étaient comblés ; et, après avoir joui un instant de la récompense sur la terre, il ne lui restait plus qu’à aller recevoir celle du ciel.
Mort de saint Bonaventure. — Son culte.
L’abattement du corps était complet, mais son âme restait en paix. La singulière dévotion qu’il avait toujours eue pour l’adorable Sacrement de nos autels lui faisait vivement souhaiter de le recevoir ; mais à cause du vomissement continuel dont il souffrait, il se priva, par respect, de cette consolation divine : afin de se dédommager, en quelque sorte, il voulut revoir encore son Bien-Aimé.
Pour satisfaire ce pieux désir, on apporta dans sa chambre le saint ciboire. Dès qu’il l’eut aperçu, il recueillit toutes ses forces, attacha fixement ses yeux sur ce Pain des anges, et dans les transports d’une foi et d’une tendresse sans bornes, conjura le prêtre d’approcher de lui cet Agneau de Dieu, et de le poser sur sa poitrine. A peine l’Hostie sainte avait-elle touché le cœur brûlant de ce séraphin terrestre, qu’elle pénétra la poitrine, laissant une marque sensible de son passage. Après cette divine faveur, dans une paix inaltérable, il émigra vers Dieu, le 15 juillet 1274, à l’âge de cinquante-trois ans. L’Eglise entière le pleura, car elle perdait en lui un de ses plus beaux ornements ; un Docteur incomparable, qui apprit beaucoup plus des révélations divines que de son propre travail, et qui sut traduire sa science dans un langage enflammé d’amour.
Du reste, le témoignage de Grégoire X suffit à lui seul pour montrer ce qu’était Bonaventure : « Cecidit columna christianitatis : une colonne de la chrétienté est tombée », s’écria le Pape au cours de la dernière session du Concile. Ce mot était bien le résumé d’une vie tout entière employée à défendre et à faire aimer l’Eglise.
Bonaventure fut canonisé, le 14 avril 1482, par Sixte IV, et, le 14 mars 1587, Sixte-Quint le mit au rang des Docteurs.
Les reliques du Saint furent conservées longtemps à Lyon, dans l’église des Frères Mineurs, où il avait été enterré. En 1434, le 14 mars, elles furent transférées dans une autre église de la ville nouvellement bâtie et dédiée à saint François. En 1562, les huguenots brûlèrent une partie de ces précieuses reliques. A la grande Révolution elles disparurent tout à fait. On n’a plus du Saint qu’un bras que l’on conserve, depuis 1434, à Bagnorea, sa ville natale.
A. R.
Sources consultées. — G. Palhoriès, Saint Bonaventure (Collection La Pensée chrétienne). — P. Eusèbe Clop, Saint Bonaventure (Collection Les Saints). — P. Léopold de Chérancé, Saint Bonaventure. — (V. S. B. P., n° 233.)