Saint Paul

Statue de saint Paul à Rome devant la Basilique Saint-Paul-hors-les-murs

Apôtre et doc­teur des nations († 67)
Fête les 29 et 30 juin.
Fête de la conver­sion de saint Paul le 25 janvier.

Je suis le moindre des apôtres, et je ne suis pas digne d’être appe­lé apôtre, parce que j’ai per­sé­cu­té l’Eglise de Dieu.

C’est ain­si que saint Paul parle de lui-​même dans sa pre­mière épître aux Corinthiens (xv, 9). Néanmoins, l’humble opi­nion qu’il avait de sa per­sonne ne l’empêchait pas de recon­naître et de publier hau­te­ment ce que la grâce avait fait de lui :

« Mais par la grâce de Dieu, ajoute-​t-​il, je suis ce que je suis, et sa grâce n’a pas été sté­rile en moi. J’ai tra­vaillé plus que tous les autres, non pas moi tou­te­fois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. »

Paul était un puis­sant génie et une âme de feu. Il avait reçu de Dieu un cœur capable de : tout entre­prendre pour le triomphe d’une idée, et un carac­tère for­te­ment trem­pé. Quand il se sera don­né à Jésus-​Christ, après sa conver­sion, l’ardeur et la fécon­di­té de son minis­tère, ses courses inces­santes, ses luttes, ses épreuves, ses tra­vaux par­mi les Gentils, lui vau­dront le titre d’« apôtre des nations », et même d’ « Apôtre » tout court. Quand on parle de l’« Apôtre », sans autre spé­ci­fi­ca­tion, c’est de lui qu’il s’agit.

Origine. – Éducation.

Saint Paul nous four­nit lui-​même, en divers endroits de ses épîtres et comme en pas­sant, quelques ren­sei­gne­ments sur sa famille. Il était né à Tarse, en Cilicie, de parents qui appar­te­naient à la tri­bu de Benjamin et jouis­saient du droit de cité. La qua­li­té de citoyen romain était héré­di­taire, et saint Paul sau­ra s’en ser­vir. Fidèle à l’éducation reçue des siens, il s’attachera stric­te­ment aux doc­trines et aux obser­vances pha­ri­saïques. Il s’appelait Saül.

Jeune encore, il alla faire à Jérusalem ses études rab­bi­niques, à l’école de l’illustre Gamaliel, où il eut comme condis­ciple Barnabé, que nous retrou­ve­rons plus tard. Son esprit vigou­reux se per­fec­tion­na dans la science des Écritures, mais les idées cou­rantes, sur­tout par­mi les Pharisiens, l’empêchèrent d’y décou­vrir le mys­tère de l’Homme-Dieu, dont pour­tant elles sont pleines. Il s’attacha de plus en plus aux prin­cipes pha­ri­saïques et devint un vrai sectaire.

Combien de temps dura son séjour à Jérusalem ? On ne le sait, mais il ne semble pas qu’il ait eu l’occasion de voir et de connaître per­son­nel­le­ment Jésus-​Christ. Nous le retrou­vons cepen­dant à Jérusalem lors de la lapi­da­tion de saint Étienne, et il est alors au pre­mier rang par­mi les per­sé­cu­teurs de l’Eglise nais­sante. C’est lui qui gar­dait les vête­ments de ceux qui lapi­daient le pre­mier martyr.

Conversion.

Comment se conver­tit ce redou­table per­sé­cu­teur ? Il le raconte lui-​même dans un dis­cours qu’il pro­non­ça devant le roi Agrippa. Rien de plus mer­veilleux. Laissons-​lui la parole.

… J’avais cru d’abord qu’il n’y avait rien que je ne dusse faire contre le nom de Jésus de Nazareth. Et c’est ce que j’ai exé­cu­té à Jérusalem où j’ai mis en pri­son un grand nombre de saints, en ayant reçu le pou­voir des princes des prêtres, et lorsqu’on les fai­sait mou­rir j’y ai don­né mon suf­frage. J’ai été sou­vent dans les syna­gogues, où, à force de tour­ments, je les contrai­gnais de blas­phé­mer. De plus en plus trans­por­té de fureur contre eux, je les per­sé­cu­tais jusque dans les villes étran­gères. Un jour donc que j’allais à Damas dans ce des­sein, avec un pou­voir et une com­mis­sion des princes des prêtres, étant en che­min, en plein midi, ô roi, je vis une lumière venant du ciel, plus écla­tante que celle du soleil, briller autour de moi et de ceux qui m’accompagnaient. Tous nous tom­bâmes par terre, et j’entendis une voix qui me disait en langue hébraïque : « Saül, Saul, pour­quoi me persécutes-​tu ? Il t’est dur de regim­ber contre l’aiguillon. » Je dis alors : « Qui êtes-​vous, Seigneur ? » Et le Seigneur me dit : « Je suis Jésus que tu per­sé­cutes. Mais lève-​toi et tiens-​toi debout, car je t’ai appa­ru afin de t’établir ministre et témoin des choses que tu as vues et de celles pour les­quelles je t’apparaîtrai encore. »

Actes, xxvi, 9–17.
Saint Paul, aveugle, est conduit par la main à Damas

Après s’être fait conduire à la ville de Damas où Jésus-​Christ lui avait dit qu’il lui ferait connaître ce qu’il vou­lait de lui, Saul reçut d’Ananie le bap­tême auquel il s’était pré­pa­ré par un jeûne de trois jours.

La trans­for­ma­tion fut subite et totale. Autant Saul avait été violent dans l’opposition à Jésus, autant va-​t-​il être ardent à le prê­cher. Les dons sur­na­tu­rels qu’il reçut d’en haut décu­plèrent ceux que la nature lui avait dépar­tis, et le zèle qu’il déploya pour les mettre en valeur a fait l’admiration de tous les temps.

D’après les bribes auto­bio­gra­phiques que saint Paul a jetées çà et là dans ses épîtres, nous savons qu’après son bap­tême, il se reti­ra pen­dant trois ans dans les soli­tudes de l’Arabie et qu’il revint ensuite à Damas, où il prê­cha la foi chré­tienne avec tant de suc­cès que les Juifs furieux ten­tèrent de le tuer. Il leur échap­pa en se fai­sant des­cendre dans une cor­beille du haut des murs de la ville dont ses enne­mis gar­daient toutes les portes. Alors seule­ment, il vint à Jérusalem pour voir Pierre. Les chré­tiens s’y sou­ve­naient de son pas­sé et avaient peur de lui, mais Barnabé, son ancien condis­ciple, l’accrédita auprès de tous. Saul se mêla fra­ter­nel­le­ment aux fidèles, et sa parole mul­ti­pliait les conver­sions. Mais alors ses anciens core­li­gion­naires, les pha­ri­siens, lui ten­dirent des embûches. Il se réfu­gia à Tarse, sa ville natale. C’est là que Barnabé alla le cher­cher, – pro­ba­ble­ment après l’an 40, lorsque Pierre avait déjà ouvert les portes de l’Eglise aux Gentils, dans la per­sonne du cen­tu­rion Corneille, – pour faire de lui son auxi­liaire dans l’Eglise d’Antioche nou­vel­le­ment fondée.

Les missions de saint Paul.

Elles sont racon­tées avec détails dans les der­niers cha­pitres des Actes des apôtres (xiii-​xxviii), et aucune lec­ture n’est plus atta­chante que celle-là.

Première mis­sion. – Ce fut par une dési­gna­tion directe du Saint – Esprit que Saul fut choi­si pour l’apostolat par­mi les Gentils : « Séparez-​moi Saul et Barnabé pour l’œuvre à laquelle je les ai des­ti­nés. » (Act. xiii, 2.) Et ils par­tirent, emme­nant avec eux un autre dis­ciple, Jean, sur­nom­mé Marc.

Ils s’embarquèrent ensemble à Séleucie pour l’île de Chypre. Arrivés à Salamine, capi­tale de l’île, ils prê­chèrent dans les syna­gogues des Juifs. Ils firent de même à Paphos, où ils conver­tirent le pro­con­sul romain Sergius Paulus. Ce fut à par­tir d’alors que Saul, lati­ni­sant son nom, se fît appe­ler Paul, peut-​être en sou­ve­nir de son illustre conver­ti. Celui-​ci devint apôtre à son tour, et la ville de Narbonne se vante de l’avoir eu comme pre­mier évêque.

De Chypre, Paul, Barnabé et Jean-​Marc repas­sèrent sur le conti­nent avec l’intention de par­cou­rir l’Asie Mineure. Mais Jean-​Marc, par manque de cou­rage ou pour tout autre motif, les abandonna.

Paul et Barnabé évan­gé­li­sèrent les pro­vinces de Pamphylie, de Licaonie et de Pisidie, s’arrêtant prin­ci­pa­le­ment à Perga, à Antioche de Pisidie, à Iconium, à Lystres, à Derbée, à Adalia, accom­plis­sant des pro­diges, opé­rant de nom­breuses conversions.

Un inci­dent curieux se pro­dui­sit à Lystres. Comme Paul avait gué­ri un boi­teux de nais­sance, le peuple émer­veillé s’imagina que les deux apôtres étaient deux divi­ni­tés et prit Barnabé, qui avait un aspect impo­sant, pour Jupiter, et Paul, qui pre­nait ordi­nai­re­ment la parole dans les assem­blées, pour Mercure, le dieu de l’éloquence. Ils ame­nèrent des tau­reaux pour les leur offrir en sacri­fice, comme ils fai­saient pour leurs dieux de l’Olympe. Les deux apôtres eurent toutes les peines du monde à les en empê­cher : « Mes amis, que voulez-​vous faire, leur disaient-​ils, nous ne sommes que des mor­tels comme vous, qui vous annon­çons jus­te­ment de quit­ter ces vaines idoles… » Leur éner­gique oppo­si­tion finit par triompher.

Mais bien­tôt à cet enthou­siasme insen­sé suc­cé­da une haine furieuse qu’excitèrent des Juifs venus d’Antioche et d’Iconium. Paul, traî­né hors de la ville, fut lais­sé pour mort. Il recou­vra péni­ble­ment ses sens et le len­de­main il par­tit pour Derbé avec Barnabé. Ils repas­sèrent ensuite par les villes qu’ils avaient évan­gé­li­sées, éta­blirent des prêtres et des évêques en divers lieux et s’embarquèrent enfin à Adalia pour ren­trer par mer à Antioche d’où ils étaient venus. Il semble que cette pre­mière mis­sion s’est accom­plie entre l’an 46 et l’an 49.

Seconde mis­sion. – La seconde mis­sion de saint Paul eut lieu entre les années 51 et 54. Mais aupa­ra­vant, se place, vers l’an 51, un voyage à Jérusalem à l’occasion du pre­mier Concile.

La dis­corde régnait à Antioche à cause de cer­tains Juifs qui pré­ten­daient sou­mettre les Gentils récem­ment conver­tis à la cir­con­ci­sion et aux pra­tiques de la loi mosaïque. Paul et Barnabé s’y oppo­sèrent, et, comme la ques­tion deve­nait très irri­tante, ils la défé­rèrent à saint Pierre. Le chef de l’Eglise convo­qua les apôtres et les prêtres et leur expli­qua la situa­tion. On déli­bé­ra sous sa pré­si­dence, et la solu­tion fut celle que saint Paul avait ensei­gnée : s’abstenir de man­ger des viandes offertes aux idoles, de la for­ni­ca­tion, des chairs étouf­fées et du sang.

Paul et Barnabé rap­por­tèrent cette déci­sion, à la grande joie des néo­phytes d’Antioche.

Ensuite Paul pro­po­sa à Barnabé d’entreprendre ensemble un second voyage apos­to­lique. Barnabé vou­lut s’adjoindre de nou­veau Jean-​Marc, mais Paul, qui avait gar­dé mau­vais sou­ve­nir de la défec­tion de ce jeune dis­ciple lors du pre­mier voyage, refu­sa. Il en résul­ta une sépa­ra­tion entre eux, et cha­cun par­tit de son côté pour une nou­velle tour­née d’évangélisation.

Paul prit avec lui Silas. Ils tra­ver­sèrent la Syrie et la Cilicie, allèrent affer­mir les églises déjà fon­dées à Derbé et à Lystres, et, après avoir par­cou­ru toute l’Asie Mineure, ils abou­tirent à Troas. A Lystres, Paul s’attacha Timothée, et, à Troas, Luc l’évangéliste.

De Troas ils pas­sèrent tous les quatre en Macédoine et débar­quèrent à Neapolis (aujourd’hui Cavalla). Ils se ren­dirent à Philippes, où leur minis­tère sus­ci­ta de vives oppo­si­tions. Paul et Silas furent bat­tus de verges et empri­son­nés. Néanmoins, ils fon­dèrent là une église qui sera pour saint Paul une grande source de conso­la­tions. Puis, ils évan­gé­li­sèrent Thessalonique, où les Juifs se dres­sèrent contre eux plus vive­ment encore qu’ailleurs. Passant ensuite à Bérée, ils reçurent un excellent accueil et conver­tirent une grande mul­ti­tude, par­mi laquelle de nom­breuses femmes grecques de qualité.

Mais les Juifs de Thessalonique, jaloux de ces suc­cès, virent sou­le­ver la foule, et Paul, lais­sant momen­ta­né­ment Silas et Timothée à Bérée, comme il avait lais­sé Luc à Philippes, se ren­dit seul à Athènes. Il par­la devant l’aréopage, conver­tit Denys l’aréopagite, qu’il don­na, pense-​t-​on, comme chef à la nou­velle chré­tien­té. Puis, il pous­sa jusqu’à la volup­tueuse Corinthe, où il demeu­ra un an et demi et bap­ti­sa un grand nombre de Gentils, il retourne enfin à

Antioche en pas­sant par Ephèse, Césarée et Jérusalem, et ter­mine ain­si sa seconde mis­sion (51–54). Ce fut une des périodes les plus rem­plies de son apos­to­lat. Elle nous est racon­tée avec beau­coup de détails dans les Actes par saint Luc (ch. xv-xviii).

Troisième mis­sion. – Dans la troi­sième mis­sion que saint Paul entre­prit presque aus­si­tôt, l’itinéraire et le champ d’action furent à peu près les mêmes qu’au voyage pré­cé­dent. Il par­cou­rut la Galatie, la Phrygie et s’arrêta à Ephèse où il demeu­ra deux ans (55–57) et fît beau­coup de fruit. Une sédi­tion ayant écla­té contre lui à l’instigation des mar­chands d’idoles qui n’en ven­daient plus à cause des nom­breuses conver­sions qu’il avait opé­rées, il par­tit pour la Macédoine, puis pour la Grèce. Il séjour­na trois mois à Corinthe, après quoi il déci­da de retour­ner à Jérusalem, pour y por­ter les col­lectes faites un peu par­tout en faveur de la com­mu­nau­té pauvre de la Ville Sainte. Il visi­ta, en pas­sant, Troas où, pen­dant qu’il prê­chait lon­gue­ment, la nuit, dans une salle haute, un jeune gar­çon s’endormit sur le bord de la fenêtre, tom­ba du troi­sième étage et se tua. Saint Paul le res­sus­ci­ta et conti­nua son ser­mon jusqu’au lever du jour.

Il s’arrêta ensuite dans les villes d’Assos, de Mitylène, de Samos, de Milet, d’où il fit voile pour Ptolémaïs (Saint-Jean‑d’Acre) et gagna Jérusalem par Césarée.

Quatre ans de captivité.

A peine saint Paul fut-​il arri­vé à Jérusalem qu’il fut arrê­té dans la cour même du Temple par des Juifs furieux, qui crièrent : à mort ! contre lui, le traî­nèrent dehors, le frap­pèrent et l’auraient tué sans l’intervention du tri­bun romain, atti­ré par ce tumulte. Celui-​ci rési­dait à la for­te­resse Antonia, toute voi­sine, et fut promp­te­ment, avec ses sol­dats, au milieu de la bagarre. Il arra­cha dif­fi­ci­le­ment Paul à la foule et l’introduisit dans la for­te­resse. Paul deman­da au tri­bun la per­mis­sion d’adresser la parole à cette meute hur­lante et il la haran­gua en hébreu du haut de l’escalier. Tous l’écoutèrent d’abord en silence, puis ils écla­tèrent en cris de rage : « Otez de la terre un pareil homme, il n’est pas digne de vivre. » Le tri­bun, n’ayant rien com­pris au dis­cours, crut la fureur des Juifs jus­ti­fiée, et pour tirer la chose au clair, en sol­dat bru­tal, vou­lut mettre Paul à la ques­tion et ordon­na de le fla­gel­ler. Il était déjà lié au poteau quand il dit au cen­tu­rion char­gé de l’exécution : « Vous est-​il per­mis de fla­gel­ler un citoyen romain sans l’avoir même condam­né ? » Ce titre de citoyen romain stu­pé­fia le cen­tu­rion qui cou­rut aver­tir le tri­bun, lequel s’empressa de venir faire des excuses. Il ris­quait gros, en effet, car il y avait peine de mort pour le magis­trat qui aurait infli­gé la fla­gel­la­tion à un citoyen romain. En outre, ayant appris que les Juifs ten­daient des embûches pour s’emparer de Paul et le faire mou­rir, le tri­bun envoya son pri­son­nier, sous bonne escorte, au gou­ver­neur Félix, qui rési­dait à Césarée.

Devant le gou­ver­neur s’élevèrent de nou­veaux et vio­lents débats entre Paul et ses accu­sa­teurs. Félix eut de fré­quents entre­tiens avec lui. Il fit traî­ner l’affaire dans l’espoir de lui sou­ti­rer quelque argent, mais sa rapa­ci­té fut déçue. Tombé en dis­grâce et des­ti­tué, il eut comme rem­pla­çant Porcius Festus, que les Juifs essayèrent aus­si­tôt de cir­con­ve­nir. Dans le désir de leur plaire, Festus incli­nait à rame­ner Paul à Jérusalem pour l’y juger. Mais Paul, qui savait que le désir secret de ses adver­saires était de se débar­ras­ser de lui en route, dit : « J’en appelle à César », for­mule solen­nelle qui rom­pait toutes les juri­dic­tions et don­nait à l’accusé le droit d’être conduit à Rome et jugé par l’empereur en per­sonne. « Tu en as appe­lé à César, devant César tu iras », lui dit Festus, et il l’envoya à Rome. Sa cap­ti­vi­té à Césarée avait duré deux ans.

La tra­ver­sée fut ter­rible. Tous les inci­dents en sont mer­veilleu­se­ment racon­tés par saint Luc au livre des Actes (Ch. xxvii et xxviii). Le bateau fît nau­frage devant l’île de Malte. Cependant, l’équipage et les pas­sa­gers purent atteindre la côte, où se conserve avec dévo­tion cet émou­vant sou­ve­nir. Enfin, Paul arri­va à Rome, au prin­temps de l’an 61.

Ici s’arrête mal­heu­reu­se­ment le récit des Actes. Nous savons cepen­dant que la cap­ti­vi­té de Paul dura encore deux ans, mais une cap­ti­vi­té assez adou­cie, puisqu’il « lui fut per­mis de demeu­rer chez lui avec le sol­dat qui le gar­dait ». Au lieu d’être jeté dans la pro­mis­cui­té de la pri­son com­mune, il put se choi­sir une demeure ; mais il por­tait au bras droit une chaîne qui était atta­chée au bras gauche de son gar­dien, dont il ne pou­vait se sépa­rer. Toutefois, cette demi – liber­té lui per­met­tait de rece­voir chez lui, de sor­tir, de vaquer au minis­tère de la pré­di­ca­tion avec son zèle accou­tu­mé. Juifs et Gentils enten­dirent sa parole, et nombre d’entre eux se conver­tirent jusque dans le camp pré­to­rien et dans la mai­son de César. De cette époque datent les lettres que saint Paul écri­vit aux Philippiens, aux Ephésiens, aux Colossiens, à Philémon, aux Hébreux.

Enfin, au bout de deux ans, l’apôtre fut jugé et acquit­té par le tri­bu­nal de Néron.

C’est après sa libé­ra­tion qu’il fit un voyage en Espagne, soit avant, soit après être retour­né en Orient, et il pas­sa pro­ba­ble­ment par la Gaule méri­dio­nale. Il ne revien­dra à Rome que pour y cueillir la palme du martyre.

Les épîtres de saint Paul.

Il nous faut en dire un mot. Elles sont au nombre de qua­torze. Œuvres de cir­cons­tance en géné­ral, elles ont été écrites soit pour trai­ter des ques­tions par­ti­cu­lières, redres­ser des erreurs, résoudre cer­taines dif­fi­cul­tés, soit pour affer­mir les fidèles dans les bonnes dis­po­si­tions qu’il leur connais­sait. Quelques-​unes sont plus spé­cia­le­ment doc­tri­nales, d’autres plus spé­cia­le­ment morales. Parmi ces der­nières, l’épître à Tite et les deux épîtres à Timothée sont appe­lées pas­to­rales parce qu’elles s’appliquent à tra­cer les devoirs des pas­teurs des âmes.

Elles brillent toutes par une éner­gie extra­or­di­naire, une vie, une ardeur, un entrain puis­sants, des envo­lées sublimes, une richesse d’idées et une varié­té de sen­ti­ments tout à fait éton­nantes. Saint Paul n’a aucun sou­ci de son style. Il dic­tait ordi­nai­re­ment ses lettres, et on voit que sa pen­sée cou­rait bien plus vite que la plume du scribe. De là, les allures heur­tées de sa phrase, qui rebu­taient le rhé­teur Augustin non encore conver­ti. Saint Jérôme disait de ces lettres : « Quand je lis l’apôtre Paul, je crois entendre non des paroles, mais des coups de ton­nerre. » Saint Jean Chrysostome entre dans des trans­ports d’enthousiasme chaque fois qu’il parle du grand Apôtre.

Le martyre.

Après sa pre­mière cap­ti­vi­té, Paul envoya son com­pa­gnon Timothée aux Philippiens, comme il le leur avait pro­mis (Phil. ii, 19), et lui-​même, aus­si­tôt qu’il le put, se diri­gea vers l’Asie Mineure en pas­sant par la Crète. D’après diverses allu­sions de ses épîtres, il s’arrêta à Colosses, à Troas, à Milet et pas­sa un hiver à Nicopolis. Puis, il se ren­dit à Ephèse où il ordon­na Timothée évêque de cette ville, et alla en Macédoine. C’est pen­dant ces voyages qu’il écri­vit son épître à Tite ain­si que la pre­mière lettre à Timothée.

Il fut aus­si à Corinthe où il ren­con­tra saint Pierre, et, ensemble, ils se diri­gèrent vers Rome. C’est, du moins, ce qu’affirme saint Denys, évêque de Corinthe, dont Eusèbe nous a conser­vé le témoignage.

A cette époque sévis­sait la per­sé­cu­tion de Néron. Le jour arri­va bien­tôt où les deux apôtres furent arrê­tés et jetés dans la pri­son Mamertine. Le 29 juin 67, ils en furent tirés pour être conduits à la mort. Pendant que saint Pierre était mené au Vatican pour y être cru­ci­fié, saint Paul sui­vit la voie d’Ostie jusqu’à un val­lon frais et riant appe­lé les Eaux Salviennes. Là, en qua­li­té de citoyen romain, il eut la tête tran­chée par le glaive.

Son corps fut recueilli par Lucine, femme cla­ris­sime, de rang séna­to­rial, qui l’ensevelit dans un tom­beau situé dans son propre domaine, sur la voie d’Ostie. Sur cette tombe, Constantin construi­sit la superbe basi­lique de Saint-​Paul-​hors-​les-​murs, qu’agrandirent et embel­lirent ensuite les empe­reurs Valentinien, Théodose et Arcadius.

C’est vrai­sem­bla­ble­ment pen­dant son second empri­son­ne­ment que saint Paul écri­vit sa deuxième épître à Timothée. Il lui annonce pour ain­si dire sa fin pro­chaine et le presse de venir le rejoindre : « Le temps de ma dis­so­lu­tion approche, lui mande-​t-​il. J’ai com­bat­tu le bon com­bat, j’ai ache­vé ma course, j’ai gar­dé la foi. Pour le reste, la cou­ronne de jus­tice m’est réser­vée… Hâte-​toi promp­te­ment de venir à moi. »

Cette course du grand Apôtre, dit saint Jean Chrysostome, a été plus glo­rieuse que celle du soleil, et elle conti­nue à éclai­rer le monde de sa puis­sante lumière.

E. Lacoste.

Sources consul­tées. – Actes des Apôtres. – Epîtres de saint Paul. – Saint Jérôme, Commentaires. – Eusèbe, Histoire ecclé­sias­tique. – F. Prat, Saint Paul (col­lec­tion Les Saints). – (V. S. B. P., nos 361, 386 et 387.)

Source de l’ar­ticle : Un saint pour chaque jour du mois, Juin, La Bonne Presse, 1932