Saint Pie X, un modèle de vertus

Nous fête­rons saint Pie X le 3 sep­tembre. Celui qui fut pape de 1903 à 1914 est le pa­tron pro­tec­teur de notre Frater­nité depuis cin­quante ans. Il est excep­tion­nel : c’est un saint, donc un être humain qui a exer­cé les ver­tus à un degré hé­roïque. Nous vou­drions en évo­quer quelques-​unes, pour essayer de l’imiter.

Saint Pie X a d’abord brillé par l’espérance. C’est la ver­tu sur­na­tu­relle par laquelle nous atten­dons de Dieu sa grâce en ce monde et le bon­heur éter­nel dans l’autre. Voici ce qu’il écri­vait en 1885, dans une lettre pas­to­rale, en tant qu’évêque de Mantoue : « Pour l’avantage des âmes, je n’épargnerai ni les soins, ni les veilles, ni la fatigue, et rien ne me tien­dra plus à cœur que votre salut. L’un ou l’autre de vous me deman­de­ra peut-​être qui me don­ne­ra le pou­voir de tenir mes pro­messes. Je ré­ponds : l’espérance. L’espé­rance, unique com­pagne de ma vie, l’aide la plus puis­sante dans les incer­ti­tudes, la force la plus solide dans la débi­li­té ; l’espérance, mais non pas l’es­pérance dans les hommes… l’espérance du Christ qui, ap­puyée sur les célestes pro­messes, for­ti­fie l’homme le plus faible, par la gran­deur et le secours de Dieu. Dieu ne re­fuse rien à qui se fie à Lui ; notre pou­voir est à la mesure même de notre espé­rance, et nous pou­vons tout : ‘‘Je puis tout en Celui qui me for­ti­fie”, dit l’Apôtre. Dieu a un pou­voir infi­ni ; et moi, appuyé sur Lui, en aurai-​je moins ? » Saint Pie X n’était pas sûr de lui, il était sûr de Dieu. On ne sera pas sur­pris de décou­vrir dans ses armes une ancre de bateau : c’est le sym­bole de la ver­tu d’espérance. En ce temps de crise dans l’Église et d’aposta­sie, prions saint Pie X pour gar­der l’espérance.

Évoquons ensuite, chez ce saint pape, la ver­tu de force : elle donne à la volon­té l’éner­gie néces­saire pour vaincre les obs­tacles dans la pour­suite du bien. Il parle en 1891, dans une nou­velle lettre pas­to­rale, tou­jours en tant qu’évêque de Mantoue : « Oui, il faut être fort pour triom­pher de soi et des pas­sions, pour res­ter fi­dèles à la ver­tu et à la véri­té, pour vaincre le démon du mal et du men­songe. Il faut de la force et du cou­rage pour con­server la loi que tant d’autres perdent, pour res­ter atta­chés à l’Église que tant d’autres aban­donnent, pour conser­ver la grâce que tant d’autres ont ban­nie de leur âme. Dieu vous garde de cette apos­ta­sie qui vous ferait dis­si­mu­ler votre foi. Soyez forts, mépri­sez les juge­ments insen­sés d’une opi­nion publique qui pré­tend domi­ner le monde, ne recu­lez pas devant ce fan­tôme abject du res­pect humain qui essaie d’entraver les plus saintes con­victions. » L’évêque d’alors par­lait d’une ver­tu qu’il prati­qua toute sa vie. Elle explique son inlas­sable acti­vi­té pour dé­noncer le moder­nisme, per­mettre aux enfants de commu­nier dès l’âge de rai­son, lais­ser à l’Église un code de droit ca­non, don­ner à la France au gou­ver­ne­ment anti­clé­ri­cal des évêques, favo­ri­ser les études bibliques, sans oublier la mu­sique sacrée pour que l’on prie sur du beau…

Sa cha­ri­té était éga­le­ment légen­daire. Pour sou­la­ger la misère, quand il était pa­triarche de Venise, il don­nait tout ce qu’il pou­vait, sans se pré­oc­cu­per de lui-​même, con­vaincu que la Providence ne lui refu­se­rait pas le néces­saire. « Je suis navré, disait-​il à un qué­man­deur, aujourd’hui je n’ai pas un cen­time. Prenez ce petit cru­ci­fix d’ivoire qui a ap­partenu à l’angélique Pie IX. Il a une grande valeur, vous pour­rez en reti­rer une bonne somme. » On com­prend la confi­dence qu’il fit un jour à son neveu Jean-​Baptiste Parolin, curé de Possagno : « Quand je mour­rai, vous ne trou­ve­rez rien. » Sa cha­ri­té le pous­sait à la pauvreté.

Comme tous les saints, Pie X a évi­dem­ment fait preuve d’humi­li­té. Cette ver­tu pousse à nous abais­ser, à nous mettre à la place que nous voyons nous être due, par révé­rence envers Dieu. Nous avons, rela­ti­ve­ment à cette ver­tu, le témoi­gnage du car­di­nal Merry del Val, son secré­taire : « Le ser­vi­teur de Dieu n’aimait pas être adu­lé et ne rece­vait pas volon­tiers les louanges, aux­quelles il répon­dait d’habitude soit par une facé­tie, soit par des expres­sions sèches. Moi- même je n’aurais pas osé lui adres­ser des paroles de louange, même quand je sen­tais le besoin de lui en faire : j’étais comme arrê­té par son humi­li­té… Dans le ser­vi­teur de Dieu, la ver­tu d’humilité m’a sem­blé vrai­ment héroïque, admi­rable et jamais démen­tie ; il ne m’a jamais été don­né de voir son égale. […] Il cachait tou­jours ses qua­li­tés, qui étaient nom­breuses. A tra­vers ses obser­va­tions, ses écrits, ses dis­cours, mal­gré lui apparais­sait sa culture théo­lo­gique, patris­tique, cano­nique et litté­raire, fruit évident de ses études, et j’étais sur­pris de voir l’étendue de ses connais­sances, même sur des pays étran­gers, hommes et choses. Mais à peine apercevait-​il qu’il avait révé­lé quelqu’une de ses qua­li­tés, immé­dia­te­ment il cher­chait à la faire pas­ser ina­perçue, disant que c’était rémi­niscence ou choses apprises des autres. […] Il était prompt à s’en remettre au juge­ment d’autrui, il accep­tait de tous cor­rec­tion et sug­ges­tion. » Rap­pelons que la sain­te­té est impos­sible sans l’humilité. Cette ver­tu joue le rôle des fonda­tions. Si l’on veut bâtir quelque chose d’élevé, il faut de pro­fondes fon­da­tions. Si on veut gran­dir en sain­te­té, il faut pro­gres­ser en humilité.

Il nous faut encore men­tion­ner la bon­té de ce saint pape. Voici une anec­dote par­mi tant d’autres. Au début de son règne, comme il atten­dait un groupe de pèle­rins, un pré­lat lui dit que, dans ce groupe, se trou­vait un com­man­deur qui lui avait tou­jours été hos­tile, à Venise, du temps qu’il était patriarche. Ce com­man­deur, anti­clé­ri­cal fer­vent, chaque fois qu’il avait en mains une requête pré­sen­tée par le car­di­nal Sarto, l’en­voyait inexo­ra­ble­ment au « rayon des oubliettes ». En appre­nant qu’il fai­sait par­tie du pèle­ri­nage, le pape sem­bla tout rajeu­ni et dit au pré­lat : « Apportez-​moi vite un des cha­pe­lets d’or qui sont dans mon coffre secret. » A l’heure de l’audience, Pie X entra dans la grande salle avec son habi­tuel sou­rire. Il adres­sa un mot à tous les pèle­rins et les bénit et, arri­vé en face de son ancien adver­saire : « Oh ! Bravo ! Quelle agréable visite ! Com­ment se porte la maman ? Tout va-​t-​il bien à Venise ? Voici ce cha­pe­let d’or ; vous le remet­trez à votre mère et vous lui di­rez que je la bénis de tout mon cœur, parce que le pape a tou­jours vou­lu du bien à votre fa­mille. » Le com­man­deur écla­ta en san­glots et dit en sor­tant : « Le pape Sarto est un saint. Je ne croyais pas qu’il aurait si promp­te­ment oublié tous les affronts que je lui avais infli­gés quand il était patriarche de Venise. » Le pape saint Pie X met­tait là en pra­tique les pa­roles de Notre Seigneur : « Mais à vous qui m’écoutez, je dis : Aimez vos enne­mis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Bénissez ceux qui vous mau­dissent, et priez pour ceux qui vous calom­nient. […] Mais vous, aimez vos enne­mis, faites du bien, et don­nez beau­coup sans en rien espé­rer, et votre récom­pense sera grande et vous serez les fils du Très- Haut, car il est bon pour les in­grats et les méchants (Le 6,27- 28,35). »

La bon­té de saint Pie X, son espé­rance, sa force, sa cha­rité, sa pau­vre­té, son humi­li­té : prions ce saint et imi­tons ses ver­tus. Nous serons sûrs d’être dans le droit che­min, celui qui mène au Ciel où ce pape se trouve très cer­tai­ne­ment en bonne place.

Source : Lou Pescadou n° 213.