Sainte Brigitte de Suède

Sainte Brigitte de Suède

Veuve et fon­da­trice d’Ordre (1302–1373)

Fête le 8 octobre.

Brigitte ou Birgitte naquit vers 1302, au châ­teau de Finsta, près d’Upsal, alors capi­tale de la Suède. Sa famille, issue des anciens rois du pays, unis­sait à la noblesse du sang la noblesse de la ver­tu. La pié­té y était héré­di­taire ; car l’aïeul, le bis­aïeul et le tri­saïeul du père de notre Sainte firent le pèle­ri­nage de Jérusalem et des autres lieux sanc­ti­fiés par la pré­sence de Notre-​Seigneur. Les parents de Brigitte, le prince Birger et la prin­cesse Ingerburge, étaient dignes de leurs ancêtres ; chaque ven­dredi ils se confes­saient et com­mu­niaient ; leur bon­heur était de s’occuper à faire construire des églises et des monas­tères où Dieu devait être ser­vi et honoré.

Le ciel les com­bla de béné­dic­tions en leur don­nant cinq enfants qui furent des modèles de ver­tu. Brigitte fut la dernière.

Avant sa nais­sance, sa mère, ayant fait nau­frage sur les côtes de Suède, fut sau­vée par elle ; car la nuit même qui sui­vit ce dan­ger, un ange lui dit : « C’est en consi­dé­ra­tion de votre enfant que vous avez été arra­chée à la mort ; ayez soin de la nour­rir dans l’amour de Dieu et chérissez-​la comme un pré­sent que le ciel vous a fait. »

La nais­sance de cette enfant pri­vi­lé­giée fut révé­lée aus­si­tôt à un saint prêtre, Benoît, curé de Rasbo, église voi­sine de Finsta. Il était en orai­son. Tout à coup, au milieu de sa prière, la Sainte Vierge lui appa­rut dans une nuée lumi­neuse et lui dit : « Il est né à Birger une fille dont la voix sera enten­due dans le monde entier. »

Cependant, la pré­dic­tion ne devait pas s’appliquer aux pre­mières années de Brigitte, car elle demeu­ra muette trois ans ; mais ce temps écou­lé, elle com­men­ça à par­ler avec la faci­li­té d’une grande personne.

Premières apparitions.

A l’âge de sept ans, au-​dessus d’un autel dres­sé devant son lit, la petite Brigitte aper­çut un matin la Vierge Marie. Elle avait dans la main une cou­ronne et lui disait : « Viens ! »

L’enfant obéit aussitôt.

— Veux-​tu cette cou­ronne ? lui dit la Vierge.

En signe d’assentiment, la petite incli­na sa jeune tête, et Marie la cou­ron­na. Dans ce mys­tique dia­dème, on voit le sym­bole des ver­tus qui devaient rayon­ner dès ce monde sur le front de la Sainte et briller de tout leur éclat dans la douce lumière du paradis.

Au cours du Carême de 1314, un reli­gieux vint à Finsta prê­cher la Passion de Jésus. Ce fut pour Brigitte la révé­la­tion du sens de la dou­leur qu’elle devait embras­ser par amour. La nuit sui­vante, elle vit le divin Maître endu­rer le sup­plice du crucifiement…

— Regarde, lui disait-​il, comme on m’a traité !

— Oh ! mon doux Seigneur, qui vous a fait tant de mal ?

— Ceux qui méprisent et oublient mon amour !

L’image des souf­frances du Christ se gra­va dans le cœur de Bri­gitte. Sa tante, la châ­te­laine d’Aspenaes, qui l’avait prise chez elle à la mort de sa mère (1314), entra une nuit dans sa chambre et la trou­va age­nouillée devant le Crucifix, au lieu de dor­mir. Craignant que sa nièce ne devînt le sujet de quelque manie dan­ge­reuse, elle vou­lut lui infli­ger une cor­rec­tion, comme c’était l’usage, avec une baguette d’osier. Mais la baguette se bri­sa dans ses mains.

— Que fais-​tu là ? dit la tante.

— Je loue Celui qui m’assiste, répon­dit l’enfant.

— Qui est-il ?

— Le Crucifié !…

Un autre jour, Brigitte bro­dait des orne­ments pour l’église parois­siale, et comme son aiguille se refu­sait à rendre sa pen­sée, elle implo­rait l’aide du ciel. Or voi­ci que, sous les yeux émer­veillés de la tante, une belle incon­nue s’approcha de la jeune fille et dis­pa­rut après avoir semé sur son ouvrage des fleurs et des fruits d’une rare per­fection… La dame d’Aspenaes s’empara de la bro­de­rie et la gar­da comme une pré­cieuse relique.

Aux prises avec le diable.

La vie des Saints nous montre en maints endroits que le diable s’acharne à tour­men­ter les âmes qu’il déses­père d’entraîner au mal.

Un matin Brigitte eut une vision épou­van­table. Un monstre hideux lui appa­rut, sem­blable à ceux que les naïfs ima­giers avaient pris un dévot plai­sir à empri­son­ner dans les murs de la cathé­drale d’Upsal et à pendre aux cha­pi­teaux des colonnes. Il se mit à la pour­suivre en cher­chant à l’enlacer de ses pattes innom­brables. Mais la jeune fille se réfu­gia à l’ombre de la croix et le démon s’enfuit.

Sa tante à qui elle fit le récit de cette vision mons­trueuse l’engagea vive­ment à gar­der secrètes ses rela­tions avec les êtres sur­na­tu­rels pour ne pas pro­vo­quer l’étonnement du monde où elle allait entrer !

Son mariage. — Sa vie familiale. — Ses enfants.

Birger avait pro­mis Brigitte et sa sœur Catherine aux deux frères Ulf et Magnus, princes de Néricie, dont il avait reçu l’hos­pi­ta­li­té au manoir d’Ulfasa, et qui lui avaient paru aus­si braves che­va­liers que fer­vents chrétiens.

Invitées par leur père à « bras­ser la bière des fian­çailles », Cathe­rine obéit volon­tiers, Brigitte « eût cent fois pré­fé­ré la mort ». Mais elle ne se croyait pas appe­lée à la vie du cloître, et, conseillée par son confes­seur, elle se sou­mit au désir de son père et lui ten­dit sa main qu’il mit dans celle d’Ulf (1316). Elle avait treize ans !

Selon la cou­tume, le mariage devait avoir lieu l’année même des fian­çailles. Brigitte atten­dit donc à Finsta qu’Ulf revînt la cher­cher. Alors, fiè­re­ment cam­pée sur une haque­née blanche de la belle race éle­vée en Gothie, elle che­vau­cha aux côtés de son futur époux jus­qu’au manoir d’Ulfasa. Dans la cha­pelle du châ­teau, les deux enfants, vierges tous deux, s’inclinèrent sous la béné­dic­tion du prêtre. Un même amour, l’amour de Jésus, unis­sait leurs cœurs.

Brigitte fut une tendre épouse. Elle prit sur le cœur et l’esprit d’Ulf une sérieuse influence. Tous deux secou­rurent les pauvres, joi­gnirent leurs richesses pour bâtir des écoles, fon­der des hôpi­taux, construire des églises. Le ven­dre­di ils se confes­saient au même prêtre, et s’approchaient ensemble de la Table sainte le dimanche. Chacun cher­chait à prier, à méri­ter pour que l’autre devînt meilleur…

Brigitte se mon­tra une maî­tresse de mai­son ache­vée. Sous son toit, per­sonne ne man­quait de rien. Charitable envers les pauvres, elle en ser­vait douze de ses mains avant de se mettre à table, et le jeu­di, à l’exemple de Notre-​Seigneur, elle leur lavait les pieds.

Elle obser­vait gra­cieu­se­ment les lois de l’hospitalité, rece­vait volon­tiers les parents d’Ulf, ses amis, la noblesse, le cler­gé du pays, les voya­geurs et les moines men­diants, et mon­trait à tous un visage agréable et joyeux. Elle se réser­vait à elle-​même les macé­ra­tions et les péni­tences qui assou­plissent l’âme à la poli­tesse exquise et à la par­faite charité.

Brigitte eut huit enfants, quatre fils et quatre filles. Les gar­çons s’appelèrent Charles, Birger, Benoît et Gudmar ; les filles, Marthe, Catherine, Ingeborge et Cécile. Ils furent de tem­pé­ra­ments très dif­fé­rents, et mal­gré les soins de leur sainte mère, quelques-​uns furent loin de repro­duire ses vertus.

D’humeur impul­sive et pas­sion­née, Charles mena une vie ora­geuse. Les prières de la mère déso­lée, pour le fils « qu’elle aimait entre tous », lui valurent de mou­rir dans la grâce de Dieu.

Birger qui était doux, rai­son­nable et sérieux, vécut en aus­tère chré­tien au milieu de la cour cor­rom­pue de Stockholm. Veuf de bonne heure, il aida sa sœur Catherine à trans­por­ter les reliques de sa mère, de Rome au monas­tère de Vadstena en Suède ; et Catherine, deve­nue abbesse de ce monas­tère, le choi­sit comme cura­teur du domaine et des biens abbatiaux.

Gudmar et Benoît mou­rurent éco­liers l’un à Stockholm, l’autre au monas­tère de l’Alvastra où il avait revê­tu le froc des Cisterciens.

Marthe fut une mon­daine dont Brigitte reçut plus de peines que de joies.

Ingeborge mou­rut pieu­se­ment dans le cloître.

Cécile, que Brigitte espé­rait aus­si consa­crer à Dieu, sor­tit du cloître, et son frère Charles la maria à un fami­lier de la cour. Comme Brigitte se déso­lait de cet évé­ne­ment, le Seigneur lui dit :

— Tu me l’avais don­née ; je la place où je la veux !

Sa fille ché­rie entre toutes fut Catherine. Mariée à Edgard d’Eggaertsnaes, Catherine per­sua­da à son époux de gar­der la vir­ginité dans le mariage. En 1350, elle vint rejoindre sa mère à Rome ; puis elle l’accompagna dans ses pèle­ri­nages ; elle devint la pre­mière abbesse du monas­tère de Vadstena fon­dé par sa mère. Elle mou­rut en 1381 et fut cano­ni­sée vers 1476 ; sa fête est au 24 mars.

A la cour de Suède.

Le roi Magnus de Suède, ayant épou­sé Blanche, fille du comte de Namur, don­na Brigitte comme gou­ver­nante à la jeune reine. Bri­gitte, le cœur meur­tri, quit­ta donc son domaine d’Ulfasa et sa famille, emme­nant avec elle le petit Gudmar qui mou­rut peu après à Stockholm, et elle se pré­sen­ta à la cour du roi, son cousin.

D’un carac­tère incons­tant et fri­vole, les sou­ve­rains dédai­gnèrent bien­tôt les conseils aus­tères de la gou­ver­nante pour en suivre de moins rigou­reux. Brigitte, sen­tant que sa pré­sence était inutile à la cour, entre­prit alors avec Ulf un long pèle­ri­nage de péni­tence (1341). Vêtus du froc brun et du man­teau orné de coquilles, man­geant et buvant peu, les deux pèle­rins s’agenouillèrent à Cologne devant la châsse des Mages, pas­sèrent au sépulcre de sainte Marthe à Tarascon et à la grotte de Marie-​Madeleine en Provence ; puis ils allèrent prier à Saint-​Jacques de Compostelle.

Sur le che­min du retour, à Arras, Ulf tom­ba gra­ve­ment malade. Il allait mou­rir lorsqu’il obtint mira­cu­leu­se­ment de Dieu sa gué­ri­son en fai­sant vœu de s’enfermer au monas­tère d’Alvastra pour y vivre dans la péni­tence. Il y expi­rait trois ans plus tard, le 12 février 1344, après avoir pas­sé au doigt de son épouse un anneau d’or, sym­bole de leur éter­nelle union.

Brigitte res­ta un an au monas­tère d’Alvastra, et elle y fut favo­risée de révé­la­tions sur les mys­tères. Mais, contre toute attente, le Maître lui ordon­na sou­dain de quit­ter la soli­tude qu’elle aimait et de rega­gner la cour de Suède.

— Que dirai-​je au roi ? s’écria-t-elle.

— Parais devant Magnus, lui répon­dit le Verbe. Je par­le­rai par ta bouche.

Brigitte repa­raît donc à la cour avec ses longs voiles de veuve (1345). Aussitôt elle parle avec éner­gie au faible sou­ve­rain. Les pay­sans lais­saient les champs en friche parce que le fisc dévo­rait leurs salaires. Brigitte démontre au roi l’injustice de trans­for­mer en impôts ordi­naires les taxes levées dans un moment de pénu­rie. Elle lui reproche de fal­si­fier les mon­naies, de dépouiller les voya­geurs, de per­mettre qu’on enlève aux nau­fra­gés les épaves de leurs biens. Elle presse Magnus d’exempter d’impôts fon­ciers pen­dant dix ans qui­conque repren­dra la char­rue et ense­men­ce­ra les champs !

De la part de Dieu lui-​même, elle contraint le roi au res­pect de l’étiquette qui peut ser­vir de frein à ses fan­tai­sies. Il ne devra plus man­ger seul, mais avec ses conseillers pour les entre­te­nir des affaires de l’Etat. Ces conseillers, il doit les choi­sir par­mi les hommes les plus sages et les plus désintéressés.

Rappelée de la cour de Suède au couvent d’Alvastra par la mort de son fils Benoît, en 1346, Brigitte y revint dès l’année sui­vante, man­dée cette fois par le sou­ve­rain. Il s’agissait pour lui d’engager contre les Russes une expé­di­tion poli­tique à laquelle il tenait à don­ner une appa­rence de croi­sade ; et l’appui de Brigitte lui sem­blait pré­cieux pour cela… Brigitte lui conseilla d’interroger sa con­science et de voir si vrai­ment il atta­quait les Russes pour le seul amour du Christ ; puis de se pré­pa­rer à la guerre sainte par le jeûne et la péni­tence… Le roi n’écouta ni les conseils ni les menaces de la Sainte. Il se pré­ci­pi­ta sur les Russes, mit le siège devant Nœteborg, fit une foule de pri­son­niers, relâ­cha au prix d’une ran­çon ceux qui se lais­saient bap­ti­ser et emme­na les autres en escla­vage. Il riait des pro­phé­ties de Brigitte, quand une troupe de Novgorodiens tom­ba sur lui et lui tua 500 sol­dats. Alors, il aban­don­na sa conquête à la garde d’une gar­ni­son insuf­fi­sante que l’ennemi tailla en pièces au mois de février 1349.

De Rome, où elle rési­da le plus sou­vent à par­tir de 1350, Brigitte se mêla encore à la poli­tique de la Suède et de l’Europe. Le Seigneur le vou­lait ain­si. Elle se conten­ta de trans­mettre aux sou­ve­rains et aux princes les ensei­gne­ments, les pro­phé­ties et les menaces que Dieu lui dictait.

Influence sur la papauté, l’épiscopat et le clergé.

Brigitte fut sou­vent char­gée par Dieu de trans­mettre aux Papes ses aver­tis­se­ments et ses volon­tés souveraines.

Clément VI, Pape régnant à Avignon, qui frap­pait des foudres de l’Eglise les moindres erreurs dog­ma­tiques, accep­ta en matière de dis­ci­pline les conseils de cette femme ins­pi­rée de Dieu.

Le bien­heu­reux Urbain V fut, à Rome et à Avignon, le prin­ci­pal confi­dent des révé­la­tions de la Sainte et, docile aux ordres qu’elle lui dic­tait au nom du ciel, il répri­ma impi­toya­ble­ment les désordres inouïs qui désho­no­raient la cour pontificale.

Son suc­ces­seur, Grégoire XI, fut conju­ré maintes fois par elle au nom de Dieu de quit­ter Avignon et de reve­nir à Rome. D’une nature indé­cise, le Pape ne put s’y rési­gner du vivant de la Sainte et il fal­lut les pres­santes ins­tances d’une autre Sainte, Catherine de Sienne, pour que, quatre ans envi­ron après la mort de Brigitte, il lui obéît enfin. Le 17 janv. 1377, il entra solen­nel­le­ment dans la ville des Apôtres et Robert Orsini, qui menait son cour­sier, put lui dire :

— Très Saint Père, je com­prends aujourd’hui la pro­phé­tie que la bien­heu­reuse Brigitte me fai­sait, il y a cinq ans, en m’annonçant que non seule­ment je vous ver­rais à Rome, mais que je vous y reconduirais.

Lorsqu’elle était à la cour de Stockholm, on enten­dit l’humble ser­vante de Dieu s’adresser avec une sainte audace aux anges des sept Eglises de Suède comme saint Jean avait par­lé aux anges des sept Eglises d’Asie ; et les évêques écou­tèrent avec res­pect les sévères ensei­gne­ments de la veuve.

Elle rap­pe­lait aux prêtres et reli­gieux relâ­chés que payer ses dettes est un devoir abso­lu et que les droits des créan­ciers priment ceux des pauvres, que la pure­té est indis­pen­sable aux ministres des autels. Ainsi rien de ce qui concer­nait le bien de l’Eglise n’échappait à la sol­li­ci­tude de cette âme illu­mi­née de l’Esprit de Dieu.

Fondation d’un monastère.

Sainte Brigitte est la fon­da­trice du monas­tère de Vadstena et de l’Ordre du Saint-​Sauveur. La règle lui en fut dic­tée par Jésus-​Christ lui-​même. Il semble que l’Ordre, qui n’était encore qu’ébauché à la mort de la Sainte, ait atten­du pour prendre corps et gran­dir que les restes de la Fondatrice fussent dépo­sés comme un ferment dans la terre de Vadstena. Les Brigittines essai­mèrent rapi­de­ment et qua­rante monas­tères s’établirent suc­ces­si­ve­ment dans plu­sieurs contrées.

Elles comptent aujourd’hui encore onze monas­tères, principale­ment en Espagne et au Mexique.

Sainte Brigitte, pauvre volon­taire, men­die son pain quotidien

Le chapelet de sainte Brigitte.

L’habitude de comp­ter les prières du cha­pe­let sur des boules ou des disques enfi­lés remonte à la pri­mi­tive Eglise. Longtemps cha­cun dis­po­sa le cha­pe­let selon son goût par­ti­cu­lier. Celui qui porte le nom de Brigitte com­pre­nait 63 Ave en l’honneur des soixante-​trois années de vie ter­restre assi­gnées à la Vierge dans une vision de la Sainte ; 7 Pater pour célé­brer les 7 Douleurs et les 7 Allégresses de Marie, enfin 6 Credo. Il for­mait ain­si une suite de 6 dizaines, pré­cédées cha­cune d’un Pater, ter­mi­nées par un Credo et qu’achevait la réci­ta­tion d’un der­nier Pater et de 3 Ave. Il est enri­chi d’indul­gences spéciales.

Pèlerinages en Italie et en Terre Sainte.

Brigitte et sa fille Catherine vécurent qua­torze ans à Rome, de 1350 à 1364, et se dépen­sèrent en prières et en œuvres, où cha­cune, en sui­vant son attrait par­ti­cu­lier, com­plé­tait mer­veilleu­se­ment l’autre.

De 1364 à 1367, elles firent un long pèle­ri­nage à tra­vers l’Italie, s’arrêtant à Assise, près du tom­beau de saint François ; à Ortone, devant les reliques de l’apôtre saint Thomas ; au Mont Gargan, illus­tré par l’apparition de saint Michel ; à Bari, près des reliques de saint Nicolas ; à Bénévent, près de celles de saint Barthélemy, et ren­trèrent à Rome par Naples. Partout sur leur pas­sage, elles avaient semé la bonne parole, les révé­la­tions et les miracles.

Après un nou­veau séjour à Rome de quatre années, Brigitte par­tait en 1371 pour la Terre Sainte en com­pa­gnie de sa fille Catherine et de ses deux fils Charles et Birger. A Naples, Charles, avec son tem­pérament impé­tueux, se pré­pa­rait à conclure une alliance cou­pable avec la reine Jeanne Ire, lorsque Dieu le rap­pe­la à lui ; les larmes de sa mère lui méri­tèrent de mou­rir en état de grâce, et Brigitte sut par une vision qu’elle avait obte­nu le par­don de son fils. Les trois voya­geurs conti­nuèrent leur route et le 13 mai 1372, ils entraient à Jérusalem par la porte de David. Pendant tout son séjour sur la terre que Jésus avait fou­lée de ses pas, Brigitte vécut en visions les prin­ci­pales scènes de la vie du Sauveur, et elle les décri­vit en termes sai­sis­sants dans le recueil de ses Révélations.

L’œuvre de sainte Brigitte.

Les Révélations, rédi­gées en sué­dois, ont été tra­duites dans toutes les langues de l’Europe sur un texte latin. La meilleure ver­sion fran­çaise que nous en ayons est loin d’être excel­lente. Elle est l’œuvre de maître Jacques Ferraige, doc­teur en théo­lo­gie. Imprimée dès 1624, elle fut réim­pri­mée à Avignon en 1850.

Dans quel esprit convient-​il de les lire ? Voici, sur cette ques­tion, les ensei­gne­ments du Pape Benoît XIV :

Les révé­la­tions de sainte Brigitte ne méritent pas sans doute la même foi que les véri­tés de la reli­gion. Cependant, on serait impru­dent si on les reje­tait, car elles reposent sur des motifs suf­fi­sants pour qu’on les croie pieusement.

Derniers jours. — La mort.

Brigitte mou­rut à Rome peu après son retour de Terre Sainte.

Au nonce Girard, que Grégoire XI avait envoyé d’Avignon pour sol­li­ci­ter les suprêmes conseils de la Voyante, elle annon­ça, en termes nets : « Un regard dés­in­té­res­sé sur le monde chré­tien suf­fi­rait à prou­ver que le seul retour du Pape en Italie ren­dra la paix à cette terre. »

Ses der­niers jours furent trou­blés de ten­ta­tions d’orgueil et de mol­lesse que sa jeu­nesse avait igno­rées. Comme le Christ au Cal­vaire, elle se crut un moment aban­don­née de Dieu ; elle com­mu­niait cepen­dant et trou­vait dans la grâce du sacre­ment la volon­té de souffrir.

Pour finir, elle jouit d’une extase inin­ter­rom­pue. L’Extrême-Onction la rani­ma assez pour qu’elle pût don­ner à ses enfants, ses fami­liers et ses amis, les recom­man­da­tions suprêmes. Et le matin du same­di 23 juillet 1373, vers 10 heures, elle expi­ra. Elle avait soixante et onze ans.

Son corps fut inhu­mé à Rome, dans l’église des Clarisses, du monas­tère de Saint-​Laurent in Panisperna ; sur le Viminal ; un an après, il fut trans­por­té en Suède, au couvent du Saint-​Sauveur de Vadstena. En 1892, tan­dis qu’on répa­rait l’église de Saint-​Laurent in Panisperna en l’honneur du jubi­lé épis­co­pal de Léon XIII, on a mis à décou­vert l’ancien tom­beau de la Sainte.

On vénère à Rome la mai­son qu’elle habi­ta, la table de bois sur laquelle elle vou­lut mou­rir. Son sou­ve­nir est encore vivant aux Cata­combes de Saint-​Sébastien, où elle allait sou­vent prier, et à Saint-​Paul hors les murs, où se trouve un Crucifix qui lui par­la et devant lequel les pèle­rins aiment à se prosterner.

Sainte Brigitte fut cano­ni­sée en 1391 par Boniface IX et sa fête éle­vée au rite double le 2 sep­tembre 1724 par Benoît XIII.

A. B. Sources consul­tées. — Csse de Flavigny, Sainte Brigitte de Suède, sa vie, ses révé­lations et son œuvre (Paris, 1910). — (V. S. B. P., nos 43 et 660.)