Saint Rémi, apôtre des Francs

Saint Rémi baptisant le roi Clovis, par le Maître de saint Gilles

Evêque de Reims et apôtre des Francs (vers 439–533)

Fête le 1er octobre.

Saint Remi ou Remy (en latin Remigius) devait illus­trer le siège de Reims par l’éclat de sa sain­te­té et de ses miracles, se rendre à jamais célèbre par l’insigne bien­fait du bap­tême de Clovis et la conver­sion offi­cielle de la nation française.

Il y avait long­temps que la reli­gion était pra­ti­quée dans les Gaules. Plusieurs de ses Eglises se glo­ri­fient même d’avoir été évan­gé­li­sées dès les temps apos­to­liques par les dis­ciples du Christ, bien que cette tra­di­tion, remon­tant à une haute anti­qui­té, soit contes­tée par la cri­tique moderne. En tous cas, au Ve siècle, les Eglises des Gaules étaient consti­tuées et la reli­gion chré­tienne, avec toutes ses manifes­tations de vie sur­na­tu­relle, était en pos­ses­sion du ter­ri­toire qui allait deve­nir la France. Le sang des pre­miers mar­tyrs répan­du sur cette terre avait été pour elle une semence féconde pré­pa­rant les abon­dantes mois­sons de l’avenir. Toutefois, les Francs, qui avaient con­quis le pays, étaient demeu­rés païens dans l’ensemble et leurs chefs étaient res­tés atta­chés aux super­sti­tions ances­trales. Ajoutons à cela que l’arianisme avait trou­vé de nom­breux adeptes dans cette socié­té gallo-​romaine mêlée au peuple conquérant.

Naissance de saint Remi.

C’est dans ce milieu mi-​chrétien et mi-​païen que naquit, entre 437 et 439, le grand évêque des­ti­né à deve­nir l’instrument de la con­version du peuple franc dans la per­sonne de son chef Clovis.

La nais­sance de Remi fut annon­cée à un soli­taire du nom de Montan, véné­ré comme saint le 17 mai dans la région de Montmédy et en Luxembourg, qui reçut du ciel com­mu­ni­ca­tion de cet événe­ment, en réponse à ses ardentes prières pour la paix de l’Eglise dans les Gaules. Il lui fut révé­lé que du comte de Laon, Aemilius ou Emile, et de son épouse Cilinia, en fran­çais Célinie ou Céline, devait naître un fils qui aurait la gloire de sau­ver ce peuple pour lequel il priait avec tant d’instance.

Le nom de la pieuse Célinie ou Céline est ins­crit au cata­logue des Saints, et sa fête se célèbre le 21 octobre. Elle avait déjà don­né le jour, de longues années aupa­ra­vant, à deux fils, dont l’un, saint Prince ou Principe (en latin Principius), devint évêque de Soissons et mou­rut vers 505, et dont l’autre fut le père de saint Loup. Mais comme la mère de saint Jean-​Baptiste, elle était main­te­nant assez avan­cée en âge, et elle eut peine à croire à l’heureuse nou­velle que lui annon­çait l’homme de Dieu. La pré­dic­tion cepen­dant se réa­li­sa à la lettre. Cerny, vil­lage du can­ton de Craonne (Aisne), reven­dique l’honneur d’avoir été, vers 439, le ber­ceau de Remi, ce qui n’enlève rien à la gloire de la ville de Laon, où l’enfant pas­sa les pre­mières années de sa vie, dans le châ­teau ou demeure sei­gneu­riale de ses parents.

Il eut, dit-​on, pour nour­rice une pieuse femme, Balsamie, véné­rée sous le nom de « sainte Norrice », et qui fut la mère de saint Soussin (Selsinus), plus tard dis­ciple du grand évêque de Reims, son « frère de lait ».

Première éducation de saint Remi.

Doué d’une rare intel­li­gence, Remi fut envoyé de bonne heure aux écoles, où il sur­pas­sa en savoir et en ver­tu tous ceux qui lui étaient supé­rieurs en âge. Ses pro­grès dans la voie de la per­fec­tion ne furent pas moins rapides. Il exer­çait une grande vigi­lance sur lui-​même, atten­tif à tem­pé­rer les mou­ve­ments trop vifs de son cœur.

Son édu­ca­tion ter­mi­née, on le voit, peu sou­cieux de l’avenir bril­lant que la noblesse de sa nais­sance et son mérite per­son­nel pou­vaient lui faire espé­rer, revê­tir la bure de l’ermite et se reti­rer dans une soli­tude, aux envi­rons de Laon. Là, avec toute l’énergie de son carac­tère et la vigueur propre à son âge, il se livra à la pra­tique des grandes mor­ti­fi­ca­tions, aux veilles et à l’oraison, et sur­tout à la médi­ta­tion des livres saints.

Quatre ans après, Dieu l’arrachait à cette vie soli­taire et cachée. Destiné à ser­vir l’Eglise sur le siège le plus illustre de la France d’alors, Remi allait deve­nir évêque de Reims en de telles circon­stances qu’il était impos­sible de ne pas recon­naître dans son élec­tion la conduite de Dieu.

Bennage ou Bennade, qui gou­ver­nait alors l’Eglise de Reims et qua­tor­zième titu­laire de ce siège, venait de mou­rir (459). Le peuple, auquel était dévo­lu à cette époque le choix des évêques, dési­gna d’une voix una­nime Remi pour lui suc­cé­der. Mais il eut à lut­ter contre la résis­tance de l’élu qui, dans son humi­li­té et vu sa jeu­nesse — il avait tout au plus vingt-​deux ans, — se jugeait indigne d’une digni­té si grande et trop faible pour sup­por­ter un pareil far­deau. Il fal­lut une inter­ven­tion visible du ciel pour triom­pher de cette ver­tueuse oppo­si­tion. Un rayon de lumière illu­mi­na tout à coup le front de Remi, et une huile sainte, répan­due par une main invi­sible, consa­cra sa tête en exha­lant le plus suave parfum.

A ce pro­dige, l’enthousiasme du peuple redou­bla, et l’élu, crai­gnant de résis­ter à l’appel si mani­feste de la Divinité, accep­ta le joug du Seigneur ; quelques jours après il rece­vait l’onction sainte.

Caractère éminent de la vertu de saint Remi.

Les bio­graphes du saint évêque s’étendent lon­gue­ment sur ses ver­tus. Ils ne se contentent pas de les énu­mé­rer, mais ils en donnent des exemples incon­tes­tables en les illus­trant de faits avérés.

Hincmar de Reims, saint Venance Fortunat de Poitiers, saint Eric ou Héric d’Auxerre et d’autres louent ses qua­li­tés natu­relles rele­vées par le carac­tère sur­na­tu­rel qu’il impri­mait à toute sa vie. Tout cet ensemble de ver­tus fai­sait de lui le modèle des évêques et un héros de sain­te­té, à une époque où le jar­din de l’Eglise s’ornait de la plus belle flo­rai­son et répan­dait au loin le par­fum des ver­tus des plus saints per­son­nages. Autour de lui, pour ne citer que les plus célèbres on voyait saint Vaast, évêque d’Arras ; saint Héracle (Heraclius), évêque de Sens ; saint Principe, évêque de Soissons, le propre frère de Remi ; leurs père et mère Emile et sainte Céline ; les évêques Loup et Celsus, révé­rés comme saints dans les Eglises de Laon, de Reims et de Soissons ; et par­mi les Saintes, Clotilde, l’épouse de Clovis ; Geneviève, la célèbre patronne de Paris, et bien d’autres. Et pour­tant, au milieu de cette pha­lange magni­fique, les his­to­riens n’hésitent pas à rehaus­ser par­ti­cu­liè­re­ment les ver­tus de l’évêque de Reims : son humi­li­té, dont il don­na une preuve écla­tante lors de son élec­tion à l’épiscopat, son esprit d’oraison, sa mor­ti­fi­ca­tion héroïque, son zèle pour la dis­ci­pline, sa cha­ri­té inépuisable.

Au nombre des qua­li­tés natu­relles qu’il exploi­ta mer­veilleu­se­ment pour la plus grande gloire de Dieu et le salut du peuple qui lui était confié, nous devons une men­tion spé­ciale à son élo­quence aposto­lique prou­vée par les conver­sions de nom­breux ariens et des païens répan­dus autour de lui.

Enfin, des devoirs de sa charge pas­to­rale, celui qu’il rem­plis­sait avec le plus de fidé­li­té était la visite des églises de son dio­cèse ; il tenait à s’assurer par lui-​même de l’état de son trou­peau et des pro­grès de la foi dans les âmes.

Miracles de saint Remi.

Au don pres­ti­gieux de sa parole et à l’exemple de ses ver­tus venait s’ajouter, pour pro­duire ces faits mer­veilleux, l’éclat de ses nom­breux miracles. Nous en cite­rons quelques-​uns des plus remarquables.

Un jour, dans une de ses visites pas­to­rales, on lui ame­na, près du vil­lage de Chaumuzy, un homme aveugle et pos­sé­dé d’un de ces démons dont Notre-​Seigneur dit dans l’Evangile qu’on ne les chasse que par le jeûne et l’oraison.

Dès que ce mal­heu­reux fut en pré­sence du saint évêque, le démon lui infli­gea de si hor­ribles tor­tures qu’il se rou­lait à terre en vomis­sant d’affreux blas­phèmes. Remi se pros­ter­na sur le sol pour deman­der à Dieu un miracle, et sa prière n’était pas ter­mi­née que les yeux de cet homme s’ouvrirent et que sa langue, libre de toute entrave, expri­mait sa reconnaissance.

Dieu se plut encore à glo­ri­fier son fidèle ser­vi­teur dans plu­sieurs autres circonstances.

Mais il serait trop long de racon­ter ici toutes les mer­veilles que Remi accom­plit en sa vie ; il sem­blait n’avoir plus qu’à par­ler pour que le ciel exau­çât sa prière.

La bataille de Tolbiac et la conversion de Clovis.

L’apostolat que Remi exer­çait dans son Eglise avait rame­né à la vraie foi, comme nous l’avons dit, de nom­breux ariens, et conduit dans le ber­cail du divin Pasteur cer­tains païens d’une classe sociale plus éle­vée. La conver­sion de Clovis, que Dieu pré­pa­rait par les prières et les ins­tances de sainte Clotilde, ain­si que par l’influence tou­jours gran­dis­sante de l’évêque de Reims sur l’esprit du chef des Francs, allait jeter la nation tout entière aux pieds du Christ et fon­der la France chré­tienne. Chacun sait à quelle occa­sion eut lieu ce mémo­rable évé­ne­ment que l’histoire a enre­gis­tré sous le nom de vic­toire de Tolbiac. Clovis, en guerre contre les Alamans et mena­cé d’une écra­sante défaite, se sou­vient des conseils de Clotilde et se tourne vers le Dieu des chré­tiens, pro­met­tant d’embrasser la reli­gion s’il obtient la vic­toire. Sa prière est aus­si­tôt exau­cée. Les Alamans sont vain­cus, leur chef tué, et tous, jetant leurs armes, se rendent à Clovis (496).

Celui-​ci se mon­tra géné­reux et clé­ment en les épar­gnant et en leur par­don­nant. La guerre était ter­mi­née ; la conver­sion de Clovis était un fait vir­tuel­le­ment accom­pli ; la France allait deve­nir la nation très chré­tienne et la fille aînée de l’Eglise.

Saint Remi et le baptême de Clovis.

Laissant de côté toutes les contro­verses sou­le­vées sur le lieu du bap­tême de Clovis, comme, du reste, sur d’autres ques­tions que la cri­tique moderne a agi­tées au sujet de la vie de Remi, nous nous atta­chons à l’opinion tra­di­tion­nelle et aux don­nées his­to­riques qui situent le bap­tême à l’église de Notre-​Dame de Reims, métro­pole de la Seconde Belgique et ville épis­co­pale de Remi. Nous sui­vrons donc le chef des Francs sur le théâtre de son ini­tia­tion chré­tienne, com­mencée par saint Vaast, son pre­mier caté­chiste, et conti­nuée par Rémi, aidé peut-​être par saint Solenne (Solennis), évêque de Chartres, et qui allait lui confé­rer le sacre­ment de la régé­né­ra­tion, après avoir ache­vé son ins­truc­tion religieuse.

La reine Clotilde, qui voyait enfin ses pieux dési­rs réa­li­sés et ses prières exau­cées, ne négli­gea rien pour don­ner au bap­tême de son royal époux tout l’éclat pos­sible. Les his­to­riens de cette scène incom­pa­rable l’ont décrite avec un luxe de détails qui démontre bien l’importance qu’ils atta­chaient à cette cérémonie.

C’était, en effet, une ère nou­velle qui s’ouvrait pour la France, et Remi fut l’agent prin­ci­pal de cet acte mémorable.

Le nou­veau conver­ti brû­lait du désir de tenir sa pro­messe, et les der­nières leçons de l’évêque de Reims trou­vaient écho dans cette âme admi­ra­ble­ment pré­pa­rée par la droi­ture de son carac­tère et la grâce divine qui vou­lait se l’attacher.

Le prin­ci­pal triomphe du chef des Francs, sa plus grande joie, fut de se voir sui­vi par un grand nombre de com­pa­gnons d’armes.

En effet, lorsque Clovis leur fit part de sa réso­lu­tion, ceux-​ci lui répon­dirent : « Nous aus­si, nous renon­çons à nos dieux mor­tels, et nous pre­nons pour Maître le Dieu immor­tel que prêche Remi. »

La réponse fut rap­por­tée à l’évêque qui en ren­dit grâce à Dieu et pré­pa­ra tout pour le bap­tême solen­nel. Pendant ce temps, plu­sieurs autres évêques, des prêtres, dont saint Vaast, ins­trui­saient la foule des caté­chu­mènes. L’élan de leur cœur était admi­rable, mais l’enthousiasme du roi le dépas­sait de beau­coup. Un jour qu’il écou­tait le récit de la Passion du Sauveur, il inter­rom­pit tout à coup la lec­ture et s’écria avec indi­gna­tion ; « Que n’étais-je là avec mes Francs ! j’aurais ven­gé les injures faites à mon Dieu. »

Dans la nuit qui pré­cé­da la céré­mo­nie du bap­tême, selon toute vrai­sem­blance, la nuit de Noël de l’an 496, Remi pas­sa plu­sieurs heures en prières devant l’autel de l’église Sainte-​Marie, puis il se ren­dit auprès du roi, vou­lant pro­fi­ter du silence de la nuit pour lui don­ner ses der­nières ins­truc­tions. Il le condui­sit dans l’oratoire du palais, où la reine Clotilde les atten­dait dans la prière. Quelques sei­gneurs du palais et plu­sieurs clercs les y accom­pa­gnèrent. Ils s’assirent. L’évêque leur fit un admi­rable dis­cours sur l’unité de Dieu, la tri­ni­té des Personnes, l’incarnation du Verbe, et l’œuvre de la Rédemption.

La prière de Remi à l’autel de Sainte-​Marie est res­tée dans la mémoire natio­nale et s’est tra­duite par l’adage chré­tien : Regnum Galliae, regnum Mariæ, le royaume de France est le royaume de Marie.

Le len­de­main, Clovis se ren­dit à l’église Notre-​Dame. Tout le par­vis avait été ten­du de tapis­se­ries et de guir­landes, les rues étaient cou­vertes de riches étoffes, le por­tail de la basi­lique étin­ce­lait de mille feux et un par­fum pré­cieux embau­mait l’atmosphère. Une pieuse tra­di­tion rap­porte que Remi condui­sait le roi par la main ; celui-​ci, frap­pé de tant de richesse, lui aurait dit : « Père très saint, est-​ce là le royaume de Dieu que vous m’avez pro­mis ? — Non, répon­dit l’évêque, c’est l’entrée du che­min qui y conduit. »

Clovis s’approcha de la pis­cine bap­tis­male et deman­da humble­ment le sacre­ment de la régé­né­ra­tion. Remi lui fit confes­ser sa foi aux mys­tères de la reli­gion, et avec toute la majes­té du pon­tife il lui dit : « Sicambre, courbe hum­ble­ment la tête, adore ce que tu as brû­lé et brûle ce que tu as adoré. »

En cet ins­tant, d’après le récit d’Hincmar et des écri­vains qui l’ont sui­vi, il arri­va que le clerc char­gé de por­ter le saint chrême avait été sépa­ré du cor­tège royal sans pou­voir le rejoindre, tant la foule était com­pacte, et quand le pon­tife vou­lut mêler le saint chrême à l’eau bap­tis­male, il ne le trou­va pas. Remi, les mains et les yeux levés au ciel, se mit en prières ; les larmes inon­daient son visage. Soudain, une blanche colombe s’approche de lui, elle tient dans son bec une petite ampoule pleine de saint chrême ; le pon­tife l’ouvre, il s’en exhale une odeur suave et la colombe dis­pa­raît. Clovis étant incli­né devant le pon­tife fut bap­ti­sé au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit, avec deux de ses sœurs, un grand nombre de sol­dats de son armée et d’autres personnes.

La fiole d’huile mira­cu­leuse, appor­tée à Remi par la colombe, ser­vit pen­dant de longs siècles au sacre des rois de France, jusqu’à la grande Révolution. On l’appelait « la sainte Ampoule ».

A cette époque elle fut bri­sée ; tou­te­fois, quelques par­celles de l’huile sainte regar­dée comme mira­cu­leuse ayant pu être recueillies ser­virent pour sacrer Charles X (29 mai 1825).

Clovis mon­tra tou­jours pour Remi un pro­fond res­pect et un grand atta­che­ment. Il lui lit don de plu­sieurs domaines dont il enri­chit la cathé­drale et d’autres églises. L’évêque de Reims était assu­ré­ment un de ses conseillers les plus écou­tés. D’ailleurs, l’union entre l’Eglise et l’Etat était alors si étroite que Clovis s’occupait des affaires de l’Eglise avec un zèle digne de tout éloge et que les évêques, mêlés à la direc­tion de l’Etat, aidaient le roi dans son admi­nis­tra­tion pour le plus grand bien des deux socié­tés. Cette condes­cen­dance mutuelle alla même si loin que Remi encou­rut un jour le reproche de fai­blesse, et ce reproche lui aurait été adres­sé par quelques évêques, ses émules en zèle et en sain­te­té, Héracle de Paris, saint Léon de Sens et saint Théodose d’Auxerre.

Saint Rémi bap­tise Clovis

Dernières années de saint Remi. — Sa mort.

Accablé d’infirmités sur la fin de sa vie, le saint évêque se mon­tra tou­jours rési­gné à la volon­té de Dieu. Il per­dit la vue, mais loin de s’en affli­ger il s’en réjouis­sait, jugeant l’occasion excel­lente pour embras­ser avec plus d’amour la croix de Jésus-​Christ. Il était tou­jours en orai­son, et des larmes de com­ponc­tion cou­laient sans cesse de ses yeux. Par révé­la­tion il connut le temps de sa mort et, plu­sieurs jours aupa­ra­vant, la vue lui fut ren­due. Il en pro­fi­ta pour dis­tri­buer ses biens aux pauvres et célé­brer une der­nière fois les saints mys­tères ; il bénit son peuple et embras­sa ses dis­ciples. Il sem­blait n’avoir aucune mala­die mor­telle, et en effet il était seule­ment épui­sé de vieillesse. Alors sa belle âme quit­ta la terre pour aller occu­per dans le ciel le trône de gloire que Dieu lui réser­vait. C’était, croit-​on, le 13 jan­vier 532, ou mieux 533. Il était âgé de 96 ans et avait pas­sé 74 années sur le siège de Reims. C’est le plus long épis­copat dont l’histoire ait gar­dé le souvenir.

Le tombeau de saint Remi. — Honneurs rendus à ses reliques : culte liturgique.

Les opi­nions varient sur le lieu pri­mi­tif de sa sépul­ture. L’écri­vain auxer­rois, saint Eric († vers 880), déclare que Remi avait la plus grande dévo­tion pour saint Germain, évêque d’Auxerre. Il avait bâti une église sur la mon­tagne où il avait choi­si sa sépul­ture, au milieu de sa ville épis­co­pale ; cette église fut détruite dans la suite et le lieu qu’elle occu­pait est main­te­nant ren­fer­mé dans la basi­lique de Saint-​Remi. D’autres auteurs indiquent la cha­pelle de Saint-​Christophe comme l’emplacement pri­mi­tif de son tom­beau. Du moins tous s’accordent pour dire que c’est dans l’église actuelle de Saint-​Remi que furent véné­rées dans le cours des siècles ses pré­cieuses reliques. Trouvé intact après soixante ans, le corps fut trans­fé­ré pour la pre­mière fois dans une crypte construite pour le rece­voir, le 1er octobre 593.

La voix popu­laire l’avait depuis long­temps cano­ni­sé. Rois et nations le véné­raient à l’envi. De nom­breuses églises s’élevèrent sous son vocable, au cours des âges, dans toutes les contrées de l’Europe, mais sur­tout en France.

D’autres trans­la­tions des reliques de saint Remi eurent lieu, rivali­sant de magni­fi­cence, et, chaque fois, le corps fut trou­vé en par­fait état de conser­va­tion. Nous n’entrerons pas dans le détail de toutes les trans­la­tions que néces­si­tèrent diverses cir­cons­tances, telles que les guerres ou les inva­sions, ni des pro­diges dont le récit se trouve chez les his­to­riens de toutes les époques.

Le mau­so­lée de saint Remi a été plu­sieurs fois recons­truit ; une magni­fique répa­ra­tion l’a ven­gé des ravages de la Révolution, en 1847, sous l’épiscopat de Mgr Gousset.

Saint Remi jouit d’un culte spé­cial dans tous les dio­cèses de France, où sa fête est célé­brée sous le rit double. Plusieurs ont un office propre où sa vie est racon­tée en trois leçons his­to­riques. Son nom est ins­crit au calen­drier de l’Eglise uni­ver­selle au 1er octobre, qui est la date d’au moins deux trans­la­tions de ses reliques, et le Martyrologe romain fait son éloge en ces termes le 13 janvier :

A Reims, ville de France, la nais­sance au ciel de saint Remi, évêque et confes­seur. C’est lui qui conver­tit au Christ la nation fran­çaise après avoir bap­ti­sé et ini­tié aux autres sacre­ments Clovis, son pre­mier roi chré­tien. Il pas­sa de longues années dans sa charge épis­co­pale et s’illustra par sa sain­teté et l’éclat de ses miracles. Il mou­rut le jour des ides de jan­vier (533). Mais sa fête prin­ci­pale se célèbre aux calendes d’octobre (1er octobre) au jour de la trans­la­tion de ses reliques.

La cathédrale de Reims et l’église Saint-Remi.

Le sou­ve­nir de saint Remi est insé­pa­rable de la cathé­drale de Reims, la ville des sacres, où de 496 à 1825 les rois de France sont venus suc­ces­si­ve­ment rece­voir l’onction sainte des mains de l’Eglise. C’est là que Jeanne d’Arc condui­sit, par ordre de Dieu, Charles VII, pour confir­mer son mes­sage pro­vi­den­tiel et consa­crer la libé­ra­tion du ter­ri­toire natio­nal et la res­tau­ra­tion de la monar­chie fran­çaise. Chacun sait ce que devint Reims pen­dant la ter­rible guerre de 1914–1918. La cathé­drale Notre-​Dame et l’église dédiée au saint évêque furent hor­ri­ble­ment muti­lées par l’ennemi, et il fal­lut attendre plu­sieurs années pour voir dis­pa­raître les ruines accu­mu­lées dans ces deux monu­ments de l’art français.

La basi­lique de Saint-​Remi, où est véné­ré le tom­beau du saint évêque, n’avait pas été plus épar­gnée que la cathé­drale. Les reliques du Saint avaient pu être trans­por­tées en lieu sûr par les soins du car­di­nal Luçon. Elles revinrent prendre leur place du vivant de ce même pré­lat († 1930).

Chanoine L.-F. Laboise.

Sources consul­tées. — Acta Sanctorum, t. I d’oc­tobre (Paris et Rome, 1867). — Godescard, Vie des Pères et des Martyrs et autres prin­ci­paux Saints. — P. Jean Dorigny, S. J., Histoire de la vie de saint Remy, arche­vêque de Reims, etc. (Reims, 1721). — Godefroid Kurth, Clovis (2 vol. Bruxelles, 1923). — (V. S. B. P., nos 87 et 865.)