Apôtre et Évangéliste (1er siècle)
Fête le 21 septembre.
Saint Matthieu fut un des douze Apôtres que Notre-Seigneur choisit pour être avec lui durant sa vie mortelle, et pour continuer son œuvre après son Ascension.
Parmi ces Douze, deux seulement, Matthieu et Jean, nous ont raconté par écrit la vie du Sauveur. Leur témoignage est direct, tandis que celui des deux autres Evangélistes, Marc et Luc, n’est généralement que l’écho de ce qu’ils avaient appris des Apôtres ou des témoins immédiats.
Saint Matthieu fut le premier des auteurs inspirés qui rédigea ce que les Apôtres avaient coutume de dire sur le Seigneur Jésus dans leurs prédications ordinaires. La primauté de son Evangile, affirmée par la tradition unanime des Pères, contestée dans les temps modernes par la critique protestante et libre-penseuse, a été proclamée véritable par une décision de la Commission biblique le 19 juin 1911. Il en résulte que saint Matthieu est vraiment le premier des Evangélistes, et que son œuvre, écrite en araméen, dont le texte original est perdu, est fidèlement conservée dans la traduction grecque que nous possédons encore.
Ces raisons expliquent pourquoi l’Evangile de saint Matthieu est mis à la tête des autres Evangiles dans tous les exemplaires du Nouveau Testament.
Le percepteur de l’impôt.
Matthieu, fils d’Alphée, selon saint Marc, était un Juif de Galilée. Il portait aussi le nom de Lévi, mais après sa vocation on ne l’appelle plus que Matthieu.
Avant sa vocation, Matthieu était receveur des impôts publics. Les Juifs détestaient ces fonctionnaires, les appelaient publicains et les enveloppaient d’un souverain mépris.
Matthieu avait son bureau à Capharnaüm, centre important de trafic, à cause de sa position sur le lac, à cause aussi de la route des caravanes qui passait par cette ville. Capharnaüm se trouvait, en effet, sur la « voie de la mer », que suivaient les marchands de Damas et de la Mésopotamie pour se rendre en Palestine, en Egypte et aux ports de la Méditerranée.
A titre d’employé de la douane-octroi-péage de Capharnaüm, Matthieu était donc très mal vu de ses concitoyens — non qu’il fût un Juif infidèle, — tout porte à croire, au contraire, qu’il était un homme pieux, irréprochable et même de haut caractère ; mais la haine dont sa profession était l’objet le plaçait, aux yeux de ses compatriotes, dans la classe exécrée des publicains.
Le publicain.
En aucun pays les « gabelous » n’ont la faveur de la foule. Mais il fut un temps où cette profession était particulièrement honnie, c’était l’époque où l’impôt, au lieu d’être perçu d’après des règles fixes et uniformes par des agents officiels, était affermé à des sociétés ou à des particuliers qui, en faisant rentrer les redevances dans les caisses de l’Etat, avaient la réputation, pas toujours imméritée, d’opérer aussi pour leur compte et de s’enrichir par des malversations. L’histoire nous apprend qu’en France, par exemple, sous l’ancien régime, le titre de « fermier général » était regardé comme une tare indélébile, quelle que fût, d’ailleurs, l’honnêteté personnelle de celui qui remplissait cette charge tant décriée.
Or, dans l’antiquité, la perception de l’impôt avait lieu par le système de la « ferme générale », et tous les agents du fisc étaient des publicains. Le publicain chef versait à l’Etat une certaine somme à forfait, et il taxait à son tour les individus, les propriétés, les marchandises, pour rentrer dans ses propres fonds au moyen de ses agents à lui, et, naturellement, avec bénéfice. C’était, dans l’empire romain, une source de gains formidables pour les « fermiers », et aussi de cruelles vexations pour le peuple.
Chez les Juifs, cette impopularité générale à l’égard des agents du fisc était encore aggravée par une susceptibilité d’orgueil national. L’impôt perçu pour les Romains rappelait trop aux Juifs qu’ils étaient un peuple conquis, et cette marque de servitude leur était particulièrement odieuse.
Vocation de saint Matthieu.
Or, c’est dans ce milieu détesté que Notre-Seigneur voulut se choisir un Apôtre. Après la guérison sensationnelle du paralytique qu’on avait introduit devant Jésus par le toit de la maison, le Sauveur se dirigea vers le lac. Il aperçut Matthieu assis au bureau de la douane et lui dit : « Suis-moi. » Aussitôt Matthieu se leva et le suivit.
Ce fut, à n’en pas douter, un grand scandale parmi les scribes et les pharisiens. Ils étaient déjà vexés que Notre-Seigneur eût recruté ses disciples parmi les humbles mariniers du lac : Pierre, André, Jacques et Jean, et voilà que maintenant il prenait un publicain !
Ce fut bien pire quand ils virent Jésus entrer dans la maison de ce péager et se mettre à table avec lui, au milieu de beaucoup d’invités, tous des publicains et des pécheurs, comme l’amphitryon lui-même. Ils ne purent contenir leur indignation, et s’adressant aux disciples, comme pour leur faire honte :
— Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ?
Ceux-ci ne savaient peut-être quoi répondre, mais Jésus, ayant entendu le reproche, répondit pour eux :
— Ce ne sont pas ceux qui se portent bien, qui ont besoin du médecin, mais ceux qui se portent mal.
Engageant ensuite ces venimeux critiqueurs à considérer la supériorité de la charité envers le prochain sur les rites sacrificiels et les observances légales, il ajouta :
— Allez et apprenez ce que signifie cette parole (du prophète Osée vi, 6) : « Je veux la miséricorde et non le sacrifice. »
Enfin il leur déclara que sa mission en ce monde était justement de sauver les coupables :
— Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs. (Matth., ix, 9–13.)
A partir de ce jour, Matthieu fait partie du collège apostolique.
De sa vie avant sa vocation nous ne savons rien, sauf qu’il était publicain. Il est vraisemblable qu’il connaissait déjà le divin Maître et n’ignorait pas les prodiges accomplis par lui à Capharnaüm et dans la Galilée ; qu’il l’avait entendu prêcher dans la synagogue de Capharnaüm, et qu’il avait été ému par la parole de cet homme qui parlait comme nul homme n’avait jamais parlé. Aussi, sur l’appel inattendu que Jésus lui adressa, il n’hésita pas un instant, il quitta tout pour le suivre. Il n’était pas un illettré. Les citations fréquentes de l’Ancien Testament qu’il fera dans son Evangile prouvent sa science des Ecritures. Il devait jouir aussi d’une certaine aisance, il possédait une maison, et on peut supposer qu’elle devint désormais celle du Sauveur pendant ses longs séjours à Capharnaüm.
Il est cependant fort peu question de saint Matthieu dans l’Evangile. Il n’y est mentionné que trois fois, à l’occasion de sa vocation, du festin qu’il donna à Notre-Seigneur et de l’énumération des Douze dans la liste du collège apostolique. Il ne figure personnellement dans aucune autre scène évangélique.
La liste des Apôtres.
Elle nous est donnée complète par les trois Evangélistes, Matthieu, Marc, Luc et par les Actes des Apôtres. Nous y voyons les Douze toujours répartis en trois groupes de quatre, dont les chefs de file sont toujours les mêmes : Pierre, Philippe et Jacques le Mineur. L’ordre des autres membres est variable dans l’intérieur de chaque groupe ; aucun cependant ne passe jamais d’un groupe à l’autre.
Pourquoi cette classification et cet ordre ? Il est difficile d’en dire le motif. Est-ce à cause de certains liens de parenté ou d’amitié entre les Apôtres, ou de leurs relations personnelles avec le divin Maître, ou de la date de leur appel à l’apostolat ? Il semble que ce soit pour cette dernière raison, au moins dans le premier groupe : Pierre, André, Jacques et Jean, qui furent, en effet, les premiers appelés. Toutefois, sur cette classification, on en est réduit aux hypothèses.
Saint Matthieu fait partie du second groupe. Il est à noter que, tandis que l’Evangile de saint Marc et celui de saint Luc mettent Matthieu avant Thomas, Matthieu lui-même, dans la liste qu’il dresse, se place après Thomas, sans doute par humilité ; il est ainsi le dernier du second groupe dans le premier Evangile.
Notons aussi que la liste des Actes, faite après la défection de Judas et avant l’élection de Mathias, ne renferme que onze noms.
Voici, d’ailleurs, ces quatre listes, mises en regard les unes des autres.
S. Matthieu (x, 2–4). | S. Marc (iii, 16–19). | S. Luc (vi, 14–16). | Actes (i, 13). |
---|---|---|---|
1er Simon (Pierre), | Simon (Pierre), | Simon (Pierre) | Pierre |
puis André, | puis Jacques | et André, | et Jean, |
Jacques | et Jean, | Jacques | Jacques |
et Jean, | André, | et Jean, | et André, |
Philippe | Philippe, | Philippe | Philippe |
et Barthélemy, | Barthélemy, | et Barthélemy, | et Thomas, |
Thomas | Matthieu, | Matthieu | Barthélemy |
et Matthieu, | Thomas, | et Thomas. | et Matthieu, |
Jacques | Jacques, | Jacques | Jacques |
et Thaddée, | Thaddée, | et Simon, | et Simon |
Simon | Simon | Jude | et Jude. |
et Judas, | et Judas. | et Judas. |
Cette liste reparaît au canon de la sainte messe, avec l’addition de saint Paul, toujours inséparable de saint Pierre. Quant à Mathias, le douzième Apôtre élu au Cénacle, il figure seulement dans la seconde liste du canon, après la consécration.
L’Evangile de saint Matthieu.
Cet Evangile est le premier en date, comme nous l’avons dit. Bien qu’il soit impossible de préciser par des documents contemporains l’année et le lieu de sa composition, on peut affirmer qu’il fut écrit à Jérusalem avant la dispersion des Apôtres, laquelle eut lieu vraisemblablement en l’an 42, après la décapitation de saint Jacques le Majeur, c’est-à-dire neuf ou dix ans après l’Ascension du divin Maître.
Il fut rédigé primitivement en araméen, dialecte hébraïque qui était la langue de la Palestine, et il s’adressait spécialement aux Judéo-chrétiens, ainsi que l’affirme la tradition, et que le prouvent d’ailleurs les caractères intrinsèques de cet écrit. L’auteur, en effet, y rapporte les usages civils et religieux sans les expliquer ; il y parle des villes et des lieux sans en fixer la position comme ayant en vue des lecteurs parfaitement informés de toutes ces circonstances.
Toutefois, comme bientôt les chrétiens de langue grecque furent de beaucoup les plus nombreux, une traduction ne tarda pas à en être faite en grec, afin que l’Evangile écrit pût être lu dans toutes les assemblées chrétiennes. On ne connaît ni l’auteur ni la date de cette traduction, mais elle est fort ancienne : la première génération qui suivit celle des Apôtres l’avait déjà entre les mains.
Un exemplaire du texte primitif fut emporté, semble-t-il, par les Apôtres lors de leur dispersion, car on en retrouva des traces dans divers pays. Ainsi saint Pantène, le fameux docteur alexandrin, allant, au iie siècle, évangéliser l’Arabie Heureuse, y trouva l’Evangile araméen de saint Matthieu. « L’Apôtre Barthélemy, au dire d’Eusèbe, avait apporté jadis en ces contrées la bonne nouvelle et laissé aux habitants ce livre écrit en lettres hébraïques, et ils l’avaient conservé jusqu’alors. » (Eusèbe, Hist. Eccl., v, 10.)
Quant au texte grec, la seul qui a subsisté et d’après lequel a été faite la traduction latine de la Vulgate, on en conserva longtemps un exemplaire à Constantinople, au palais des empereurs. Voici dans quelles circonstances merveilleuses ; elles nous sont racontées par le lecteur Théodose dans la Vie de l’empereur Zénon et par le moine Alexandre dans les Actes de saint Barnabé.
Saint Barnabé avait été enseveli dans l’île de Chypre. Comme on avait perdu la trace de son tombeau, il apparut à Anthémius, évêque de Salamine, et lui indiqua le lieu de sa sépulture, ajoutant qu’on trouverait sur sa poitrine l’évangile de saint Matthieu qu’il avait transcrit de sa propre main.
Les choses se passèrent ainsi que saint Matthieu les avait annoncées.
Anthémius en informa l’empereur Zénon et lui envoya le précieux manuscrit, qui fut reçu par l’empereur avec les marques du plus religieux respect, richement revêtu d’or et déposé dans le trésor impérial. Tous les ans, à la « grande cinquième férie de Pâques », c’est dans ce volume qu’on lisait l’Evangile en la chapelle du palais, pendant les saints mystères.
Il était donc en grec, langue liturgique dans le rite oriental, et c’est une preuve que cette version grecque datait de l’époque apostolique. Plusieurs l’attribuent à saint Barnabé, ou à saint Jacques le Mineur, ou à Matthieu lui-même.
Caractéristiques du premier Evangile.
En lisant l’Evangile de saint Matthieu on est frappé de l’idée dominante qui y règne d’un bout à l’autre ; c’est de prouver aux Juifs que Jésus est vraiment le Messie promis, tant attendu par eux. L’Evangéliste en appelle sans cesse à l’Ancien Testament, surtout aux prophéties, dont il montre l’accomplissement dans la personne du divin Rédempteur. Souvent les faits qu’il rapporte sont accompagnés de cette formule : « Afin que fût accompli tel oracle de l’Ecriture. »
Il donne d’abord la généalogie temporelle de Jésus, par où on voit que le Messie descendait bien de David et d’Abraham comme les prophètes l’avaient annoncé.
En nous dévoilant le mystère de la conception de l’Homme-Dieu dans le sein de Marie par l’opération du Saint-Esprit, il a soin de nous rappeler l’oracle d’Isaïe annonçant que le Messie naîtrait d’une Vierge (I, 22, 23). Il nous rappelle aussi que la fuite en Egypte accomplissait la parole d’Osée : « J’ai fait revenir mon Fils de l’Egypte » (II, 15); — que le retour de la Sainte-Famille à Nazareth et non à Bethléem répondait à un autre oracle qui avait appelé Jésus le Nazaréen (II, 23) ; — que le massacre des Innocents avait été vu longtemps d’avance par Jérémie quand il dépeignait l’affreuse lamentation de leurs mères (II, 17).
Il nous dit aussi qu’Isaïe avait annoncé le Précurseur en parlant de la « Voix qui crie dans le désert » (III, 3) ; — que ce même prophète avait fourni la réponse de Jésus aux disciples de Jean lui demandant qui il était (xi, 5) ; — que si Jésus parlait en paraboles, c’était pour accomplir un autre oracle d’Isaïe (xiii, 14) ; — que si le Sauveur se révélait doux et humble de cœur, c’est qu’il était ce « serviteur » mystérieux dont Isaïe avait dit « qu’il ne disputerait ni ne crierait sur les places publiques, qu’il ne briserait pas le roseau cassé et n’éteindrait pas la mèche qui fume encore » (xii, 18).
Dans l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, Matthieu voit la réalisation d’une prophétie de Zacharie (xxi, 4, 5). Et de même dans diverses particularités de la Passion : l’arrestation de Jésus, la fuite des Apôtres, la trahison de Judas, les trente pièces d’argent, les dernières paroles de Jésus, toutes ces circonstances sont placées par l’Evangéliste en regard des prophéties qui les annoncent.
Cette recherche du rapport des faits avec les prophéties est très caractéristique du premier Evangile. Ce qui ne l’est pas moins c’est la simplicité du récit, mêlée à tant de majesté et de sublimité. Tout en étant très populaires, ces pages sont d’une dignité vraiment royale. En outre, les grands discours de Jésus, qui sont aussi une spécialité de Matthieu, donnent à son Evangile un cachet à part.
Il importe encore de se rappeler que Matthieu ne s’astreint pas à suivre un ordre chronologique ; il groupe plutôt les faits, les miracles, les paraboles, les discours, selon un ordre logique. Ce sont comme des tableaux systématiquement arrangés pour nous peindre le Fils de Dieu vivant parmi les hommes. Les choses, sans doute, se passent en gros selon l’ordre des temps, depuis la naissance du Sauveur jusqu’à sa mort, mais on aurait tort d’y chercher un enchaînement chronologique que l’auteur n’y a pas voulu mettre. Ses formules de transition sont ordinairement vagues. C’est ainsi que les expressions : alors, voici, en ce temps-là, en ces jours-là, or il arriva que, reviennent sans cesse sous sa plume.
L’apostolat de saint Matthieu.
Une grande obscurité enveloppe l’apostolat de Matthieu. Quels pays évangélisa-t-il ? En réalité, on n’en sait rien. Les souvenirs traditionnels abondent cependant, mais ils sont tardifs, incohérents, embrumés de légendes et parfois contradictoires.
D’après l’historien Socrate, Matthieu aurait évangélisé l’Ethiopie, mais une Ethiopie qui serait au Sud de la mer Caspienne. Saint Ambroise fait de lui l’apôtre des Perses, saint Isidore celui des Macédoniens, Simon Métaphraste celui des Parthes et des Mèdes.
Clément d’Alexandrie assure qu’il mourut de mort naturelle. Nicéphore, au contraire, raconte tout au long le récit merveilleux de son martyre par le feu chez les Ethiopiens, tandis que la légende [1] du Bréviaire le fait massacrer à l’autel pendant qu’il célébrait les saints mystères.
Il est certain que les Apôtres ont parcouru de vastes pays, nous le voyons par l’exemple de saint Paul dont les itinéraires nous sont connus. Aussi l’Eglise applique justement à eux tous cette parole du psaume xviii : « In omnem terram exivit sonus eorum, et in fines orbis terrae verba eorum, leur bruit s’est répandu par toute la terre et leurs accents jusqu’aux extrémités du monde. » Il est vraisemblable que Matthieu, comme les autres Apôtres, a porté la lumière de la foi en diverses contrées, mais quant à préciser avec certitude les lieux qu’il a évangélisés, c’est impossible. Mieux vaut se résigner humblement à ignorer des faits que Dieu a jugé à propos de laisser tomber dans l’oubli.
Culte. — Reliques.
Les Latins et les Grecs honorent saint Matthieu comme martyr, les premiers le 21 septembre, les seconds le 15 novembre.
Ses reliques, transportées en 954 d’Ethiopie à Salerne, y furent si soigneusement cachées qu’on en perdit la trace pendant cent vingt ans. On les découvrit dans le caveau secret qui les recelait, seulement en 1080, sous le pontificat de saint Grégoire VII, comme l’atteste une lettre de ce Pape à Alfane, évêque de Salerne.
C’est en allant faire la dédicace de l’église de Salerne, consacrée à saint Matthieu, que l’illustre Pontife, persécuté et chassé de Rome par l’empereur d’Allemagne Henri IV, mourut en disant : « J’ai aimé la justice et haï l’iniquité, c’est pourquoi je meurs en exil. »
Le corps de saint Matthieu est toujours entouré à Salerne d’une grande et pieuse vénération. Son chef sacré fut donné à la cathédrale de Beauvais, d’où il a disparu en 1793 pendant la grande Révolution. Toutefois, et heureusement, une partie avait été cédée à Chartres, où on la conserve encore à la Visitation. D’autres localités se vantaient aussi de posséder cette insigne relique : Bruxelles, le monastère de Saint-Tanguy en Bretagne, enfin l’abbaye de Prémontrés de Rengéval en Lorraine d’où elle passa à l’église de Jouy-sous-les-Cotes, où elle est aujourd’hui. Cette étrange multiplication de têtes ne peut s’expliquer que par la possession, en ces divers lieux, de fragments du chef de l’Apôtre.
A Rome, une église était dédiée à saint Matthieu, via Merulana. Elle datait du ive siècle. Pascal II la restaura et la consacra en 1120. C’était un titre cardinalice. A la disparition de ce sanctuaire, sous Napoléon Ier, le titre fut transféré à Saint-Etienne-le-Rond, puis à Notre-Dame de la Victoire.
E. Lacoste.
Sources consultées. — Les saints Evangiles. — M.-J. Lagrange, Etudes bibliques : Evangile selon saint Matthieu. — Acta Sanctorum, t. VI de septembre (Paris et Rome, 1867). — L. Vénard, Saint Matthieu, dans Dictionnaire de théologie catholique de Vacant, Mangenot et Amann (Paris, 1928). — (V. S. B. P., n° 242.)
- Note de LPL : Le terme de légende n’a pas ici le sens péjoratif actuel d’invention mythique, mais plutôt le sens de récit officiel, du latin legenda, « ce qu’il faut lire »[↩]