Née en 1282 à Pui-Michel,
et morte le 26 novembre 1360 à Apt.
Delphine[1], fille unique[2] de Guillaume de Signe[3], seigneur de Pui-Michel[4], de la Maison de Glandevès[5], qui possédait une grande fortune, et de Delphine Barras, est née en 1282[6]/3/4[7].
Orpheline à sept ans en 1291, ses oncles la placent chez sa tante Cécile du Puget (près Glandevès ?), abbesse de Ste-Catherine de Sorbs (Dioc. Riez) ; dès l’âge de 10 ans, elle projette de vivre dans la virginité.
Charles II de Salerne, surnommé le Boiteux, comte de Provence et roi de Seconde Sicile (Naples), neveu de saint Louis, remarqua sa beauté, et décida, en 1295, de la fiancer à Elzéar[8], de la Maison de Sabran[9]. Elle ne s’y résout que sur le conseil de son confesseur franciscain.
Le mariage se célébra en 1299 au château de Pui-Michel, Elzéar ayant quatorze ans. Le soir, Delphine expose à Elzéar son souhait de vivre dans la continence. Elzéar accorde un délai pour réfléchir/promet de ne pas s’y opposer. Tombée malade, Delphine lui dit qu’elle préfère mourir à consommer le mariage, et que seul le double vœu de chasteté la guérirait.
Vivant à Ansouis[10], Elzéar, devenu comte d’Arian en 1309, est promu en 1310 à la cour de Naples, Elzéar la rejoint en 1313, ils repartent en 1314. En 1316, ils prononcèrent le vœu de chasteté en présence de Gersende Alphent, leur confidente, et de leur confesseur commun, et devinrent tertiaires franciscains. Ils portèrent haire sous leur vêtement luxueux, et la nuit, ils priaient en se donnant mutuellement la discipline.
L’Ordre franciscain était depuis plusieurs décennies divisé entre conventuels, plus souples quant à la pauvreté voulue par saint François, et les spirituels, prônant la stricte observance. Un zèle amer avait gagné beaucoup de spirituels au point de les faire sombrer dans diverses hérésies que les papes Clément V et Jean XXII durent condamner. Certains spirituels furent livrés par l’Inquisition au bûcher séculier. Un Tiers-Parti, auquel abondait Delphine et son amie, la reine Sanche, se distingua de la dialectique franciscaine, s’opposant tant à l’enrichissement franciscain, à la rigueur de l’Inquisition[11], qu’à l’hétérodoxie ou à la désobéissance au pape.
Veuve le 27 septembre 1323/25[12], elle eut, un an après, une vision de son mari. Dès 1327, elle commence à liquider ses biens et à distribuer des aumônes. En 1332, une femme impotente guérit en touchant le bas du manteau de Delphine qui sortait d’une église franciscaine de Marseille. En 1333, elle fit vœu de pauvreté devant son confesseur franciscain, et fonde une communauté[13]. On la vit mendier à Naples ou à Apt.
En 1341, elle rencontre à Naples Philippe Cabossole[14], évêque de Cavaillon, et le convertit à une vie meilleure.
L’été 1343, elle ne demeure plus qu’en Provence. Elle enjoint plusieurs vierges et veuves à prononcer le vœu de chasteté devant l’évêque d’Apt. Dans cette cité, elle obtient la réforme de deux couvents relâchés de moniales.
La peste atteint la Provence de 1348 à 1360.
En 1350, malade, elle est portée sur une litière d’Apt à Cavaillon pour régler le litige entre Hugues de Baux et Raimond d’Agout.
En 1351, au sortir d’un entretien avec elle, le pape Clément VI avoua n’avoir jamais entendu personne traiter avec autant de profondeur sur l’essence de Dieu et les Personnes divines.
Ayant lu la vie des saints Josaphat et Barlaam, elle finit ses jours dans un réclusoir[15] à Cabrières d’Aigues[16].
En 1352, Clément VI initie le procès de canonisation d’Elzéar, vérifiant les miracles obtenus par son intercession. Son filleul, le futur Bx Urbain V, après le décès de Delphine, signera en 1370 le décret de canonisation, qui sera publié par Grégoire XI, son successeur.
En 1353, son confesseur lui annonce qu’une troupe d’aveugles, d’épileptiques, et autres malades est là pour voir la sainte comtesse dans l’espoir d’obtenir la santé par sa sainteté et ses mérites. Elle lui réplique : Veuillez ne pas me saluer ainsi et dire : Dieu te sauve ! Mais dites plutôt malheur à toi !, c’est-à-dire, malédiction, car je suis une fille d’Eve, et non pas de Marie. – Pourquoi dites-vous de telles paroles ? – Que dirai-je d’une créature si abominable qui, sous l’apparence et le signe de la sainteté, dégringole vers l’enfer ? Ces gens viennent là en troupe serrée. Ils me demandent en disant la sainte comtesse ! La sainte comtesse ! Mais je ne suis ni le Christ, ni Jean, ni Elie. Je suis seulement une viande destinée aux vers, un réceptacle d’iniquité et de péché. Elle les fit attendre quatre jours !
Elle imposait les mains, mais donnait plus volontiers des conseils. Elle établit à Apt une caisse rurale où l’on prêtait sans intérêt.
Vers 1357, le village d’Ansouis lui attribua de n’avoir pas été pillé par les Gascons d’Arnaud de Cervole, dit l’Archiprêtre.
Une femme, souffrant du mal des ardents (ergotisme), fut guérie en saisissant la main de Delphine, portée sur une litière, laquelle ramenant le bras vers elle, le vit couvert de pus et fut saisie de nausées, tandis que la miraculée criait de joie. Delphine eut peur : Si Dieu ne me vient en aide, je serai bientôt précipitée en Enfer à cause de cela.
Elle pleure et prie pour les chrétiens persécutés par les mahométans en Orient.
Le soir, après complies, elle commente la Ste Ecriture : son médecin et directeur de conscience, le chanoine Durand André, n’avait jamais entendu une exégèse aussi perspicace des passages difficiles.
Le 22 novembre 1360, elle se confesse au chanoine André ; le récent évêque d’Apt, Elzéar de Pontevès, lui fit dire une profession de foi, ce qu’elle fit.
Ses dernières paroles le 26 novembre à Apt : Désormais je ne veux plus que Dieu.
A ses obsèques, une prostituée qui n’avait jamais osé l’approcher de son vivant, se convertit devant sa dépouille mortelle.
Urbain V ordonna un procès de canonisation de Delphine. Les commissaires enquêtèrent à Apt du 13 mai 1363 au 5 juillet, le procès se poursuivit jusqu’en octobre, mais sans conclusion. On recensa 62 miracles, dont la moitié de son vivant, et les deux-tiers sur des maladies organiques et contagieuses.
En 1562, François de Beaumont, baron des Adrets, protestant, incendia l’église franciscaine d’Apt. Les reliques furent néanmoins préservées. On placera son crâne dans un buste d’argent doré l’autel d’une chapelle de la cathédrale. On y conserve aussi son livre d’heures.
Le pape Urbain VIII en 1642, pour le diocèse d’Apt, puis en 1694, Innocent VII, pour l’Ordre franciscain, approuvent le culte concernant la bienheureuse Delphine. Ses reliques, ainsi que celles de saint Elzéar, furent transférées en 1791 à la cathédrale d’Apt.
A la Ste-Delphine, mets ton manteau à pèlerine.
Abbé L. Serres-Ponthieu
P.S. Marie de Miserey a écrit Delphine et Roseline aux éd. Pauline.
- Doufino en provençal.[↩]
- Elle a deux demi-sœurs.[↩]
- Sinha en provençal, Signes (aujourd’hui avec un s) est un village sur un plateau entre Méounes et La Ciotat. Il se trouve dans l’église paroissiale un grand bénitier sur pied qui était le baptistère sur lequel Delphine reçut le baptême.[↩]
- Village entre Manosque et Digne.[↩]
- Aujourd’hui Entrevaux, village entre Nice et Digne.[↩]
- Cerbelaud-Salagnac.[↩]
- Histoire des saints, André Vauchez, Hachette, 1986.[↩]
- Ou Auzias.[↩]
- Village au sud de Pont-Saint-Esprit, dont il reste les vestiges du château.[↩]
- Village entre Aix et Apt, les Sabran ont vendu le château en 2010. Godescard écrit qu’il vivait à Puimichel, puis resta cinq ans en Italie avant de s’installer à Ansouis et repartir en Italie.[↩]
- Philippe de Majorque, frère de Sanche, prêche contre la rigueur de Jean XXII.[↩]
- Guérin : Barjavel, Dictionnaire biographique du Vaucluse.[↩]
- Suivie par sa demi-sœur Alayette/Alasie.[↩]
- Cardinal, il fait cette déposition en 1363.[↩]
- Ermitage. Une petite lucarne de sa chambre donnait sur la chapelle attenante.[↩]
- Village près d’Ansouis, entre Pertuis et Apt.[↩]