Le 3 septembre 1969, deux cardinaux de premier plan, Alfredo Ottaviani et Antonio Bacci, adressaient au pape Paul VI ce bref examen critique comme une pressante et grave alerte au sujet des déviations du nouveau rite de la messe promulgué par la Consitution Missale Romanum le 3 avril 1969, aussi appelée « Messe de Paul VI ». Ce nouveau rite, alertent-t-ils en termes forts, « s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la Sainte Messe ».
Avant-propos
L’essai-critique, objet de ce fascicule, est une analyse minutieuse du « Novus Ordo Missa » par un groupe de théologiens et liturgistes hautement qualifiés de diverses nationalités qui ont estimé, en conscience, ne pouvoir rester indifférents devant une réforme liturgique non seulement précipitée mais qui, de plus, s’inspire de critères dangereusement opposés à la Tradition.
Ce travail a été suivi et encouragé par d’éminentes autorités.
Les auteurs espèrent que les lecteurs, convaincus de l’objectivité de leur examen, se joindront à eux pour exprimer l’angoisse des catholiques romains devant les graves dangers que court, par cette réforme, le dépôt sacré de la foi.
Ils les invitent, en outre, à exprimer explicitement le souhait que le Missel de saint Pie V ne tombe pas en désuétude et soit conservé avec la même vénération dont il a été entouré pendant quatre siècles.
Que les saints Martyrs sur le sang desquels se sont édifiés les fondements de l’Eglise de Rome et dont le souvenir risque de disparaître du Canon de la Messe, veuillent intercéder auprès de la Très Sainte Trinité afin que l’Eglise reste fidèle à sa mission de conserver et transmettre toutes les richesses de rayonnement et de vertu de la Tradition.
Préface. Lettre à Paul VI des cardinaux Ottaviani et Bacci
Le 3 septembre 1969, en la fête de saint Pie X, le Cardinal Alfredo Ottaviani, Préfet Émérite du Saint-Office, en son nom et au nom du Cardinal Antonio Bacci, adressait au Souverain Pontife une lettre relative à la nouvelle forme de la Messe préfaçant, en quelque sorte, l’étude critique du Nouvel Ordo faite par un groupe de théologiens et liturgistes.
Très Saint Père,
Après avoir examiné le Novus Ordo Missæ préparé par les experts du Comité pour l’application de la Constitution sur la liturgie, après avoir longuement réfléchi et prié, nous sentons de notre devoir, devant Dieu et Votre Sainteté, d’exprimer les considérations suivantes :
1. Comme le prouve suffisamment l’examen critique ci-joint, si bref soit-il, œuvre d’un groupe choisi de théologiens, de liturgistes et de pasteurs d’âmes, le Novus Ordo Missæ, si l’on considère les éléments nouveaux, susceptibles d’appréciations fort diverses, qui paraissent sous-entendus ou impliqués, s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte Messe, telle qu’elle a été formulée à la XXe session du Concile de Trente, lequel, en fixant définitivement les « canons » du rite, éleva une barrière infranchissable contre toute hérésie qui pourrait porter atteinte à l’intégrité du Mystère.
2. Les raisons pastorales avancées pour justifier une si grave rupture, même si elles avaient le droit de subsister en face des raisons doctrinales, ne semblent pas suffisantes. Tant de nouveautés apparaissent dans le Novus Ordo Missa, et, en revanche, tant de choses de toujours s’y trouvent reléguées à une place mineure ou à une autre place – si même elles y trouvent encore une place –, que pourrait se trouver renforcé et changé en certitude le doute – qui malheureusement s’insinue dans de nombreux milieux – selon lequel des vérités toujours crues par le monde chrétien pourraient changer ou être passées sous silence sans qu’il y ait infidélité au dépôt sacré de la doctrine auquel la foi catholique est liée pour l’éternité. Les récentes réformes ont suffisamment démontré que de nouveaux changements dans la liturgie ne pourront pas se faire sans conduire au désaccord le plus total des fidèles qui déjà manifestent qu’ils leur sont insupportables et diminuent incontestablement leur foi. Dans la meilleure part du clergé cela se marque par une crise de conscience torturante dont nous avons des témoignages innombrables et quotidiens.
3. Nous sommes certains que ces considérations, directement inspirées par ce que nous entendons par la voix vibrante des pasteurs et du troupeau, ne pourront pas ne pas trouver un écho dans le cœur paternel de Votre Sainteté, toujours si profondément soucieux des besoins spirituels des fils de l’Église. Toujours les sujets, pour le bien desquels est portée une loi, ont eu le droit et plus que le droit, le devoir, si la loi se révèle tout au contraire nocive, de demander au législateur, avec une confiance filiale, son abrogation.
C’est pourquoi nous supplions instamment Votre Sainteté de ne pas vouloir que nous soit enlevée – dans un moment où la pureté de la foi et l’unité de l’Eglise souffrent de si cruelles lacérations et des périls toujours plus grands – la possibilité de continuer à recourir à l’intègre et fécond Missale romanum de saint Pie V, si hautement loué par Votre Sainteté et si profondément vénéré et aimé du monde catholique tout entier.
Daigne, Votre Sainteté, etc.
A. Ottaviani †
A. Bacci †
Les lettres (a), (b), ©,… (aa), (ab), (ac),… placées entre parenthèses renvoient à la fin du fascicule où le lecteur trouvera la version des textes en latin. Nous respectons la présentation des textes latins et notamment les passages qui y figurent en italiques. Lorsque, dans le texte cité, nous entendons mettre en évidence un mot ou un passage particulièrement importants pour notre objet, nous écrivons ce mot ou ce passage en caractères gras.
Bref examen critique
I
Le Synode épiscopal convoqué à Rome en octobre 1967 fut pressé d’émettre un jugement dont l’objet était la célébration, exécutée ad experimentum de la Messe dite « Messe normative » ; Messe élaborée par le Comité pour l’application de la Constitution sur la liturgie. Une telle « Messe » suscita parmi les membres du Synode une profonde perplexité et une vive opposition : sur 187 suffrages, il y eut 43 « non placet » *, 62 « placet juxta modum » (a) et 4 abstentions. La presse internationale d’information diffusa la nouvelle de ce résultat en affirmant que la « Messe normative » avait été refusée par le Synode. Par contre, la presse généralement favorable à l’innovation passa l’événement sous silence. Un périodique bien connu, destiné aux évêques et exprimant d’ailleurs leur enseignement, caractérisa le nouveau rite comme « visant à faire table rase de toute la théologie de la Messe, et comme se subordonnant à la théologie protestante, laquelle a détruit le sacrifice de la Messe ».
Dans le Nouvel Ordo Missa, dont le texte a été promulgué par la Constitution apostolique Missale romanum, on retrouve hélas, identique quant à la substance, la « Messe normative » elle-même. Et il ne semble pas que, dans l’intervalle, les conférences épiscopales, au moins en tant que telles, aient été consultées à ce sujet.
La Constitution apostolique stipule expressément que l’ancien Missel, promulgué par saint Pie V (Bulle Quo primum, 19 juillet 1570, et non 14 juillet comme l’indique le « Livre rouge », page 7, note 1) remontant en grande partie à saint Grégoire le Grand, et même à une plus haute antiquité [1], fut la norme de la célébration du sacrifice pour les prêtres de rite latin, et que, diffusé universellement, « d’innombrables saints ont abondamment nourri leur piété envers Dieu, en puisant dans le Missale romanum de saint Pie V et les textes de l’Ecriture et les formules de prières dont la majeure partie a été disposée par saint Grégoire le Grand selon l’ordre [demeuré permanent] » (b).
En dépit de quoi la réforme qui met ce Missel définitivement hors d’usage serait rendue nécessaire « mais le moment vint – [Pie XII semble l’avoir souligné] – où la liturgie sacrée fit l’objet, de la part du peuple de Dieu, d’une [curiosité] studieuse et d’un [intérêt] vital dont il convenait de soutenir la ferveur… » (Ordo Missa, Constitutio apostolica, p. 7) (b).
Cette dernière affirmation renferme, de toute évidence, une grave équivoque. Si en effet le peuple chrétien exprima son désir, ce fut en prenant un vif intérêt à découvrir, sous l’impulsion du grand saint Pie X, l’immortel trésor de l’authentique liturgie. Jamais, absolument jamais, le peuple n’a demandé qu’en vue de la faire mieux comprendre, on modifiât ou on mutilât la liturgie. Ce que le peuple demande à mieux comprendre, c’est cette liturgie dont il n’a jamais souhaité qu’elle changeât parce qu’il la reconnaît comme immuable.
Le Missel romain de saint Pie V était cher au cœur des catholiques qui, prêtres ou laïcs, le vénéraient religieusement. On ne voit pas en quoi l’usage de ce Missel, accompagné d’une catéchèse appropriée, pourrait faire obstacle à une participation mieux achevée et à une connaissance plus approfondie de la sacrée liturgie. Et on voit encore moins comment ce Missel peut n’être plus jugé digne de continuer à nourrir par la liturgie la piété du peuple chrétien, alors que de si hauts mérites lui sont explicitement reconnus par la Constitution elle-même.
Ainsi donc, cette même « Messe normative » qui se trouve aujourd’hui imposée sous la forme du Nouvel Ordo Missa, cette même Messe a été quant à sa substance refusée par le Synode épiscopal ; et ce Nouvel Ordo Missæ n’a jamais été soumis au jugement collégial des Conférences ; et jamais une quelconque réforme de la sainte Messe n’a été voulue ni désirée par le peuple chrétien, dans les missions moins que partout ailleurs ; comment dès lors réussirait-on à discerner les raisons de la nouvelle législation, laquelle rompt avec une tradition que la Constitution elle-même reconnaît être inchangée depuis le IVe ou le Ve siècle ? Les motifs sur lesquels pouvait paraître s’appuyer la réforme imposée s’avèrent donc sans consistance. Il s’ensuit que cette réforme se trouve privée du fondement qu’on a invoqué en vue de la faire passer pour rationnellement justifiable. Qu’en pourront penser les fidèles catholiques de toute la chrétienté, si, comme on l’a tant proclamé, ils sont maintenant adultes en vérité ?
Le Concile avait exprimé, dans le § 50 de sa Constitution Sacrosanctum concilium, le désir que les différentes parties de la Messe fussent réordonnées : « en sorte que l’économie propre de chacune des parties d’une part, la mutuelle connexion entre ces parties d’autre part, apparaissent avec plus de clarté » ©. Nous verrons incontinent comment l’Ordo récemment promulgué réalise ces souhaits dont, nous pouvons le dire, la nouvelle législation ne retient pas même le souvenir.
L’examen précis, partie par partie, du Nouvel Ordo, y fait découvrir des changements d’une telle portée que force est d’englober dans le même jugement et la « Messe normative » et l’Ordo lui-même. Celui-ci, comme celle-là, est susceptible de donner toute satisfaction sur nombre de points aux plus modernistes des protestants.
II
Commençons par la définition de la Messe, définition donnée au n. 7 par lequel débute le second chapitre de l’Institutio generalis intitulé : « La structure de la Messe ».
Voici cette définition : « La Cène du Seigneur ou Messe est la synaxe sacrée ou réunion du peuple de Dieu en un [même] troupeau – congregatio < grex – sous la présidence du prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur [2] (d). Aussi la promesse du Christ : “Là où vous êtes deux ou trois réunis en mon nom, Je suis au milieu de vous” (Mt. XVIII, 20), cette promesse vaut d’une manière éminente pour [toute] assemblée locale de la sainte Eglise » (e).
La définition de la Messe est donc réduite à celle de la Cène, et ce point est sans cesse repris (nn. 8, 48, 55 d, 56 de l’Institutio generalis). En outre, cette « cène » est caractérisée comme étant celle de l’assemblée, présidée par le prêtre, et réunie afin de réaliser « le mémorial du Seigneur » en se référant à ce qu’il fit le Jeudi Saint. Or tout cela n’implique ni la Présence réelle, ni la réalité du sacrifice, ni la référence à l’ordre sacramentel du prêtre qui consacre, ni la valeur intrinsèque du sacrifice eucharistique, l’assemblée étant présente ou non [3]. En un mot, cette définition nouvelle ne contient aucune des données dogmatiques qui sont essentielles à la Messe et qui en constituent par le fait même la définition véritable. Ces données sont d’ailleurs trop connues pour que l’omission puisse en être involontaire. La nouvelle définition étant présentée comme adéquate, elle consignifie que ces données sont « dépassées », ce qui équivaut pratiquement à les rejeter [4].
Dans la seconde partie du même paragraphe, l’équivoque déjà si grave est encore aggravée. Il est en effet affirmé que l’assemblée en laquelle consiste substantiellement la Messe réalise « eminenter » en sa propre faveur la promesse du Christ : « Là où vous êtes deux ou trois réunis en mon nom, Je suis au milieu de vous » (Mt. XVIII, 20) (f). Or cette promesse concerne formellement la présence spirituelle du Christ en vertu de la grâce. En sorte que l’enchaînement même de ce n. 7 induit le lecteur à penser que cette présence spirituelle du Christ est, à l’intensité près, qualitativement homogène à la présence substantielle propre au sacrement de l’eucharistie.
Suit immédiatement la division de la Messe en liturgie de la parole et liturgie eucharistique (n. 8). Et il est affirmé que la Messe comporte la préparation de la « table de la parole de Dieu » tout comme la préparation de la « table du Corps du Christ », en sorte que les fidèles « sont formés et se restaurent » (g). Or cette assimilation des deux parties de la liturgie, par isotopie, comme s’il s’agissait de deux signes d’égale valeur symbolique, est de tout point illégitime. Nous y reviendrons ultérieurement.
Les auteurs de l’Institutio generalis qui constitue l’introduction à l’Ordo emploient, pour désigner la Messe, de nombreuses expressions. Toutes seraient acceptables, relativement. En fait, aucune ne l’est, chacune acquérant une portée absolue du fait qu’elle intervient séparément. Voici quelques-unes de ces expressions : « action du Christ et du peuple de Dieu » ; « cène du Seigneur ou Messe » ; « banquet pascal » ; « participation commune à la table du Seigneur » ; « mémorial du Seigneur » ; « prière eucharistique » ; « liturgie de la parole et liturgie eucharistique », etc… ℗.
Il est donc manifeste que les auteurs de l’Ordo ont quasi cédé à une obsession en mettant l’accent sur la cène et sur la mémoire qui en est faite, et non pas sur le renouvellement non sanglant du sacrifice de la Croix. On doit même observer que la formule « Memoriale Passionis et Resurrectionis Domini » est inexacte étant donné que la Messe se réfère formellement au sacrifice, et que, celui-ci accomplissant par lui-même la rédemption, la résurrection en est le fruit et en un sens la conséquence [5]. Nous découvrirons ci-après la cohérence avec laquelle l’équivoque due à ces imprécisions s’étend jusqu’à la formule de la consécration et contamine en général tout le Novus Ordo.
III
Venons-en à la finalité de la Messe.
1. Finalité ultime
La fin ultime de la Messe consiste en ce qu’elle est un sacrifice de louange pour la Très Sainte Trinité, conformément à ce que le Christ déclare lui-même de sa propre Incarnation : « Voilà pourquoi, en entrant dans le monde, [le Christ] dit : Tu n’as voulu ni victime ni sacrifice, mais tu m’as formé un corps » (Heb. X, 5) (q).
Or cette finalité ultime et essentielle, le Novus Ordo la fait disparaître : premièrement de l’Offertoire où ne figure plus la prière Suscipe Sancta Trinitas (ou Suscipe Sancte Pater) ; deuxièmement de la conclusion de la Messe, laquelle ne comporte plus le Placeat tibi, Sancta Trinitas ; troisièmement de la Préface puisque la Préface de la Très Sainte Trinité ne sera plus prononcée qu’une fois l’année et ne viendra plus rappeler, chaque dimanche, que le sacrifice auquel le peuple chrétien est spécialement convié le « jour du Seigneur » est primordialement ordonné à la gloire du Seigneur.
2. Finalité prochaine
La fin prochaine de la Messe consiste en ce qu’elle est un sacrifice propitiatoire.
Or, cette finalité est également compromise, parce qu’elle est altérée par une déviation. Alors qu’en effet la Messe opère la rémission des péchés, tant pour les vivants que pour les morts, le Nouvel Ordo met l’accent sur le nourrissement et sur la sanctification des présents (n. 54). Cependant, le Christ, lors de la dernière Cène, institua le Sacrement, et déjà s’offrit et se constitua en état de victime, en vue de nous unir à son propre état. Cela précède la manducation, et cela contient plénièrement la valeur rédemptrice qui dérive du sacrifice sanglant : la preuve en est que quiconque assiste à la Messe n’est pas tenu de communier sacramentellement [6].
3. Finalité immanente
La fin immanente de la Messe consiste en ce que, primordialement elle est un sacrifice. Or, il est essentiel au sacrifice quelle qu’en soit d’ailleurs la nature, d’être agréé de Dieu c’est-à-dire d’être effectivement accepté comme sacrifice. Le péché originel a eu pour conséquence de priver l’homme de tout droit, quant à l’agrément par Dieu du sacrifice offert. Le seul sacrifice qui puisse et doive en droit être accepté est celui du Christ. Aussi était-ce éminente convenance que l’Offertoire référât d’emblée le sacrifice de la Messe au sacrifice du Christ. Le Nouvel Ordo dénature l’offrande en la dégradant. Il la fait en effet consister en une sorte d’échange entre Dieu et l’homme : l’homme apporte le pain et Dieu le change en pain de vie ; l’homme apporte le vin, et Dieu en fait une boisson spirituelle. « Bénis sois-tu, Seigneur Dieu de l’univers, car de ta bonté nous recevons le pain (ou : le vin) que nous t’offrons, fruit de la terre (ou : de la vigne) et du travail de l’homme à partir duquel est produit pour nous le pain de vie (ou : la boisson spirituelle) » [7] ®. Est-il besoin de noter que les expressions « pain de vie » et « boisson spirituelle » sont étrangement imprécises ; elles peuvent, au gré de chacun, signifier des choses fort différentes. Se retrouve ici inchangée l’équivoque dont la définition de la Messe est affectée pour ainsi dire dans son principe ; tout de même que la présence du Christ parmi les siens est mentionnée seulement dans l’ordre spirituel, ainsi le pain et le vin sont changés non pas substantiellement mais spirituellement [8].
La même équivoque se trouve introduite dans la préparation des oblats, par la suppression de deux admirables prières. Le « Deus, qui humanæ substantia dignitatem mirabiliter condidisti et mirabilius reformasti » rappelait à la fois la condition originelle de l’homme en l’état d’innocence et la condition actuelle intégrant la Rédemption. Il y avait là un rappel discret mais profond en sa brièveté de toute l’économie du sacrifice, depuis Adam jusqu’au temps présent. Et d’autre part la finale de l’Offertoire, s’exprimant selon le mode propitiatoire, et demandant que le calice s’élevât « cum odore suavitatis » en présence de la Majesté divine dont la clémence était implorée, rappelait merveilleusement cette même économie du sacrifice. Supprimer la permanente référence à Dieu qu’explicitait la prière eucharistique, c’est par le fait même supprimer toute distinction entre le sacrifice qui procède de Dieu et celui qui vient de l’homme.
La clé de voûte étant détruite, force est de construire des échafaudages : écarter la finalité véritable entraîne inéluctablement qu’on doit en inventer de fictives. Et voici les gestes qui ont censément pour but de souligner l’unité entre le prêtre et les fidèles ou bien de fidèle à fidèle ; et voici, dans un but semblable, la superposition des offrandes faites pour les pauvres et pour l’église à l’offrande de l’Hostie destinée au sacrifice.
Cette collusion s’écroulera dans le ridicule, mais non sans avoir entraîné une grave altération : la primordiale singularité de l’Hostie destinée au sacrifice se trouvera voilée, en sorte que la participation à l’immolation de la Victime dégénérera en une réunion de philanthropes, voire en un banquet de bienfaisance.
IV
Considérons maintenant l’Ordo au point de vue de l’essence du sacrifice.
Le mystère de la Croix n’est plus exprimé explicitement dans le Nouvel Ordo. Il n’apparaît qu’obscurément, d’une manière indirecte et non perceptible pour l’ensemble des fidèles [9]. Cela résulte de multiples dispositifs contenus dans le Nouvel Ordo ; voici les principaux.
1. La signification générale dévolue a la « Prex eucharistia »
« Le sens de la prière eucharistique consiste en ce que toute l’assemblée des fidèles doit se joindre au Christ pour confesser la grandeur de Dieu et pour offrir le sacrifice » (Inst. gen., n. 54 fin) (v). De quel sacrifice s’agit-il ? Quel est celui qui offre ce sacrifice ? Aucune réponse n’est donnée à ces questions.
La « Prex eucharistica » est définie, in limine, de la manière suivante : « Voici que commence maintenant ce qui constitue le centre et le sommet de toute la célébration, savoir la Prière eucharistique elle-même, laquelle est une prière d’action de grâces et de sanctification » (Ibid., n. 54) (w). Les effets sont donc substitués à la cause, cause de laquelle il n’est absolument rien dit. Rien donc ne remplace la mention de la finalité ultime que contenait le Suscipe. La modification de la formulation manifeste le changement de la doctrine.
2. L’oblitération du rôle joué par la Présence réelle dans l’économie du sacrifice
La raison pour laquelle le sacrifice n’est plus mentionné dans la nouvelle « Prex » est que la Présence réelle n’y joue plus le rôle central que mettait en éclatante lumière toute la liturgie eucharistique. La Présence réelle n’est mentionnée qu’une seule fois, dans une note (note 63, p. 241) qui constitue l’unique citation du Concile de Trente. Et il s’agit de la présence en tant qu’elle est ordonnée au nourrissement. Mais le commentaire officiel de l’Ordo ne fait, où que ce soit, pas même la moindre allusion à la Présence réelle et permanente du Christ, Corps, Sang, Ame et Divinité dans les espèces transsubstantiées. Et d’ailleurs le mot transsubstantiation ne figure même pas dans l’Ordo.
On doit également observer que toute référence, même indirecte, à la Présence réelle est éliminée. L’invocation à la personne du Saint-Esprit, afin qu’il descendît sur les oblats (Veni Sanctificator) évoquait la venue du même Esprit dans le sein de la Vierge Marie et par conséquent cette même divine présence réalisée par la « consécration ». Cette présence est, dans l’Ordo, l’objet d’un processus de dégradation constitué par la convergence funeste de toutes ces omissions.
Enfin il est impossible de ne pas dénoncer l’abolition ou l’altération des gestes et des signes par lesquels s’exprimait spontanément la foi en la Présence réelle.
Sont éliminés par le Nouvel Ordo :
- les génuflexions, dont le nombre est réduit à trois pour le prêtre célébrant, à une seule (non sans exception) pour le peuple assistant, au moment de la consécration ;
- la purification des doigts du prêtre au-dessus du calice et dans le calice ;
- la préservation de tout contact profane pour les doigts du prêtre après la consécration ;
- la purification des vases sacrés, laquelle peut n’être pas immédiate et n’être pas faite sur le corporal ;
- la pale protégeant le calice ;
- la dorure de la paroi interne des vases sacrés ;
- la consécration de l’autel si celui-ci est mobile ;
- la pierre sacrée et les reliques disposées sur et dans l’autel, lorsque celui-ci est mobile, ou lorsqu’il se réduit à une simple table ainsi qu’il est prévu pour une célébration ayant lieu hors d’un lieu sacré. (Cette dernière clause instaure en droit la possibilité, déjà réalisée, d’« eucharisties » dans les domiciles privés) ;
- les nappes d’autel dont le nombre est réduit de trois à un ;
- l’action de grâces à genoux remplacée par un remerciement que, pour si peu d’instants, le prêtre et les fidèles sont cependant conviés à faire assis : aboutissement quelque peu grotesque de la communion faite debout ;
- la prescription concernant le cas dans lequel une Hostie consacrée tombe à terre, prescriptions réduites à un quasi sarcastique : « reverenter accipiatur » (n. 239).
Toutes ces suppressions manifestent le rejet, outrageux pour implicite qu’il soit, du dogme de la Présence réelle ; et elles induiront les fidèles à ne plus exercer la foi à l’égard du mystère qui est cependant le Mysterium fidei.
3. Le rôle assigné à l’autel principal
L’autel est habituellement désigné par le mot table [10]. « L’autel, ou table du Seigneur, qui est le centre de toute la liturgie eucharistique » (n. 49 ; cf. n. 262). Il est précisé que l’autel doit être séparé des parois en sorte qu’on en puisse faire le tour et que la célébration puisse se faire face au peuple (n. 262) ; il est également précisé que l’autel doit être au centre de l’assemblée, de telle façon que l’attention des fidèles se porte spontanément vers lui (ibid.). Et il résulte de la comparaison des nn. 262 et 276 que, normalement, le Très Saint Sacrement ne doit pas être conservé sur l’autel majeur. D’ores et déjà d’ailleurs, dans nombre d’églises, même fort modestes, le Très Saint Sacrement a été déplacé – sur ordre de l’Ordinaire du lieu – et mis dans un coin, ridiculement, à deux mètres de l’autel. Cela entraîne une irréparable dichotomie entre la présence du Souverain Prêtre dans le prêtre célébrant et cette même présence réalisée sacramentellement. Tandis que, selon l’Ordo de saint Pie V et conformément à la doctrine rappelée par Pie XII [11], ces deux réalisations de la même présence étaient, comme il se doit, signifiées comme étant un, comme étant la présence du Christ se rendant lui-même présent.
Maintenant, il est recommandé de conserver le Saint Sacrement à part, dans un endroit favorable à la dévotion privée des fidèles, tout comme s’il s’agissait d’une relique. En sorte que ce qui attirera immédiatement quiconque entre dans l’église, ce ne sera plus le tabernacle mais une table nue et dépouillée. Ce dispositif consacre l’opposition entre piété privée et piété liturgique, et dresse autel contre autel.
Il est recommandé avec insistance de distribuer, pour la communion, les Hosties qui ont été consacrées au cours de la Messe, et même de consacrer un pain [12] de dimensions assez grandes pour que le prêtre puisse le partager avec au moins une partie des fidèles. Ces pratiques auraient pu être chargées d’un symbolisme enrichissant si le tabernacle fût demeuré présent. Mais le tabernacle étant absent, puisqu’il ne doit plus être sur l’autel où se consomme le sacrifice, ces mêmes pratiques ne feront que confirmer au regard des fidèles la dichotomie entre la Présence liée à la « Cœna dominica sive Missa » et la Présence réelle ; elles ruineront la dévotion à l’égard du tabernacle, non moins d’ailleurs que toute la piété eucharistique en dehors de la Messe ; elles accéléreront indirectement mais inéluctablement la dégradation de la foi en la Présence réelle en tant précisément que celle-ci est concomitante à la perduration des espèces consacrées [13].
4. Les formules de la consécration
Les formules de la consécration, celles dont en droit l’usage est encore actuel, ressortissent en propre à l’ordre sacramentel. Leur modus significandi est du type intimatif et non du type narratif : cela est manifesté comme étant évident, principalement à partir de trois considérants.
a) Le texte de l’Écriture n’est pas repris à la lettre.
L’omission du « quod pro vobis tradetur » après « Hoc est enim Corpus meum » consignifie que, en cet instant, bien que la présence soit déjà réalisée, le sacrifice auquel cette présence est d’ailleurs immédiatement ordonnée, ce sacrifice donc n’est pas encore réalisé. Et d’autre part l’insertion des paroles « mysterium fidei » tirées de saint Paul constitue, de la part du prêtre, une profession de foi immédiatement rendue au mystère réalisé par le Christ dans l’Eglise et dont son propre sacerdoce est hiérarchiquement l’instrument. Enfin la portée actuelle de la partie récitative elle-même, portée actuelle dans un acte d’ordre sacramentel, est consignifiée par la substitution du « démonstratif » à l’ « indéfini ». Les Synoptiques et saint Paul disent : « Il prit le (ou : un) calice… » La formule qui introduit les paroles consécratoires est « Accipiens et hunc (ce) præclarum calicem in sanctas ac venerabiles manus suas… »
b) Le texte liturgique des paroles de la consécration est ponctué d’une manière propre, et il est mis en évidence d’une manière propre au point de vue typographique.
Le « Hoc est enim… » est en effet séparé par un point à la ligne de la formule qui l’introduit : « manducate ex hoc omnes ». Ce point à la ligne marque le passage du mode narratif pour ce qui précède, au mode qui est propre à l’action sacramentelle, savoir le mode intimatif pour ce qui suit. Et les paroles de la consécration imprimées en caractères plus grands que le contexte, se détachent nettement ; tout comme la réalité propre de l’action sacramentelle se détache qualitativement sur le fond de l’histoire. Cet ensemble savamment agencé suggère l’éminente vérité, à savoir que les formules consécratoires ont une valeur propre et par conséquent autonome.
c) L’anamnèse réfère l’action sacramentelle au Christ, c’est-à-dire comme il se doit à son principe radical.
« Hæc quotiescumque feceritis in mei memoriam facietis ». Les quatre derniers mots traduisent la formule grecque « είς την έμήν άνάμνησιν, tournés vers ma mémoire ».
Cette expression se réfère au Christ en tant qu’il est opérant, et non pas seulement au souvenir du Christ, ou à celui de la Cène comme événement. Cette expression, donc, n’invite pas seulement à se ressouvenir de la présence du Christ ou du rite de la Cène ; elle induit à se reporter à ce que (hœc) le Christ a fait, et à le faire comme lui-même le fit, de la même manière qu’il le fit : « in mei memoriam facietis ». La formule paulinienne (Hoc facite in meam commemorationem) substituée à la formule traditionnelle, sera proclamée quotidiennement en langue vernaculaire. Elle aura pour effet irrémédiable, surtout dans ces conditions, d’opérer une sorte de translation au sein de la signification. La « mémoire » du Christ se trouvera désignée et pour autant signifiée comme étant le terme de l’action eucharistique, et non plus comme étant ce qu’elle est en réalité à savoir le principe de cette même action. « Faire mémoire du Christ » ne sera plus qu’un but humainement poursuivi, et ne fondera plus divinement le sacrifice auquel doit participer la « réunion du peuple ». action réelle dont le type est propre à l’ordre sacramentel sera rapidement remplacée par l’idée de commémoraison que chacun mettra en œuvre conformément à sa propre interprétation [14].
Les paroles de la consécration ont, dans le Nouvel Ordo, un « modus significandi » qui est du type narratif et non plus du type « intimatif ».
Cela résulte, on vient de le voir, de la modification des paroles de la consécration et de celles de l’anamnèse. Cela, d’ailleurs, est explicitement signifié dans la description organique de la « prière eucharistique » proposée par le Nouvel Ordo : « Narratio institutionis » (n. 55 d), « L’Église fait mémoire du Christ lui-même » (Inst. gen., n. 55 c) (z). Les paroles de la consécration seront désormais énoncées par le prêtre comme constituant une narration, elles ne seront plus prononcées comme affirmant un jugement catégorique et intimatif proféré par Celui en la personne de qui le prêtre agit : « Hoc est Corpus meum » et non « Hoc est Corpus Christi [15] ».
Enfin, l’acclamation dévolue au peuple immédiatement après la consécration (« Mortem tuam annuntiamus, Domine… donec venias ») introduit, déguisée dans l’eschatologisme, une ambiguïté de plus concernant la Présence réelle. On proclame en effet, sans solution de continuité, l’attente de la seconde venue du Christ à la fin des temps, en l’instant même où déjà il est venu sur l’autel puisqu’il y est substantiellement présent : comme si la venue véritable était non point celle-ci mais celle-là. Cette ambiguïté est encore plus accentuée dans la formule facultative proposée pour l’acclamation en appendice (n. 2) : « Chaque fois que nous mangeons ce pain et buvons ce calice, nous annonçons ta mort, Seigneur, jusqu’à ce que tu viennes » (aa). L’ambiguïté atteint ici au paroxysme, d’une part entre l’immolation et la manducation, d’autre part entre la Présence réelle et le second avènement du Christ [16].
V
Considérons enfin l’Ordo au point de vue de l’accomplissement du sacrifice.
Les quatre éléments qui interviennent dans cet accomplissement sont par ordre : le Christ, le prêtre, l’Église, les fidèles.
Les modifications apportées par le Novus Ordo concernent principalement les rapports que soutiennent respectivement avec le Christ les fidèles, le prêtre et l’Eglise, rapports manifestés en ceux que ces mêmes éléments soutiennent entre eux.
1. La situation des fidèles d’après le Nouvel Ordo
Le Nouvel Ordo présente le rôle des fidèles comme étant auto-consistant, ce qui est manifestement faux. Et cela : depuis la définition initiale : « La Messe est la synaxe sacrée ou réunion du peuple » (n. 7) (d), jusqu’au salut que le prêtre adresse au peuple et qui exprimerait à la communauté réunie la « présence » du Seigneur : « Par cette salutation et par la réponse du peuple se trouve manifesté le mystère de l’Eglise assemblée » (n. 28) (ab). Donc véritable présence du Christ mais spirituelle ; mystère de l’Église, certes, mais seulement en tant qu’assemblée manifestant ou sollicitant cette présence.
Cette doctrine est constamment reprise dans l’Ordo, soit explicitement soit indirectement. Voici les principaux arguments (nn. 74–152) : la distinction, inouïe jusqu’à présent, entre « Missa cum populo » et « Missa sine populo » (nn. 203–231) ; la définition de « l’oratio universalis seu fidelium » (n. 45), où se trouve une fois de plus souligné le « rôle sacerdotal du peuple » (populus sui sacerdotii munus exercens) ; le fait que ce sacerdoce est en l’occurrence présenté comme s’exerçant d’une manière autonome, alors qu’il n’a de portée que subordonné à celui du prêtre ; d’autant plus que celui-ci, étant consacré comme médiateur, se fait l’interprète de toutes les intentions du peuple, dans le Te igitur et dans les deux Memento.
Dans la Prex eucharistica III (Vere sanctus, n. 123) il est demandé à Dieu inconditionnellement : « Ne cesse pas de rassembler ton peuple, en sorte que du lever du soleil à son coucher une oblation pure soit offerte en ton Nom » (ac). Le en sorte que donne à penser que le peuple, plutôt que le prêtre, constitue l’élément indispensable à la célébration ; et comme il n’est pas précisé, pas même en cet endroit, qui est l’offrant [17], le peuple lui-même se trouve présenté comme étant investi d’un pouvoir sacerdotal autonome. De là à donner au peuple dans quelque temps l’autorisation de se joindre au prêtre pour prononcer les paroles de la consécration, il n’y a qu’un pas ; le faire ne serait pas incohérent, eu égard à ceux qui déjà ont été posés. Il est d’ailleurs ici ou là un fait accompli, quoi qu’il en soit du consentement de l’autorité.
2. La situation du prêtre d’après le Nouvel Ordo
Le rôle du prêtre est altéré, minimisé, faussé. D’une part en fonction du peuple dont le prêtre est désigné comme étant un « président » ou un « frère » en sorte que le prêtre n’est plus au regard du peuple le ministre consacré qui célèbre in persona Christi. D’autre part en fonction de l’Église, dont le prêtre est seulement un membre parmi d’autres, un « quidam de populo » ; ainsi, dans la définition de l’épiclèse (n. 55 c) les invocations sont attribuées anonymement à l’Église ; le rôle du prêtre se trouve par là même dissous.
Dans le Confiteor, devenu collectif, le prêtre n’est plus juge, témoin et intercesseur auprès de Dieu ; il est donc logique que le prêtre n’ait plus à donner l’absolution, laquelle a été effectivement supprimée. Le prêtre est « intégré » aux fratres, tant et si bien que le « servant » l’appelle de cette manière dans le Confiteor de la « Missa sine populo ».
La distinction entre la communion du prêtre et celle des fidèles a été supprimée avant cette dernière réforme. Cette distinction est cependant chargée de signification. Le prêtre, tout au cours de la Messe agit in persona Christi. En s’unissant intimement à la Victime offerte, d’une manière qui est propre à l’ordre sacramentel, il exprime précisément l’identité du Prêtre et de la Victime ; identité qui, comme y a insisté le Concile de Trente, est propre au sacrifice du Christ et qui, manifestée sacramentellement, montre que l’unité entre le sacrifice de la Croix et le sacrifice de la Messe est substantiellement le même en son principe et son achèvement.
Plus un seul mot sur le pouvoir du prêtre comme ministre du sacrifice, ni sur l’acte de la consécration qui lui revient en propre, ni sur la réalisation de la Présence eucharistique dont il est l’instrument. Le prêtre apparaît comme n’étant rien de plus qu’un ministre protestant.
L’usage de nombre d’ornements est aboli, ou rendu facultatif : dans certains cas l’aube et l’étole suffisent (n. 298). Ce sont donc les signes de la conformation au Christ qui, pour le prêtre, s’évanouissent. Le prêtre ne se présente plus comme revêtu de toutes les vertus du Christ, il ne sera plus qu’une sorte de contremaître ecclésiastique à peine distingué de la masse par quelques signes extérieurs [18]. Il sera « un homme un peu plus homme que les autres » pour citer la formule involontairement humoristique d’un prédicateur moderne [19]. Derechef on observe, tout comme dans l’opposition d’autel contre autel, la même scission introduite au sein de l’unité scellée par Dieu lui-même, unité du sacerdoce exercé par le Verbe de Dieu en personne.
3. La situation de l’Église d’après le Nouvel Ordo.
Le seul cas dans lequel il est concédé que la Messe est « Actio Christi et Ecclesiæ » (n. 4 ; cf. Presb. ord., n. 13) est celui de la « Missa sine populo ». Tandis que la « Missa cum populo » n’accède pas à un autre but que celui de « faire mémoire du Christ » et de sanctifier les fidèles qui sont présents : « Le prêtre célébrant s’associe le peuple, en offrant le sacrifice à Dieu le Père par le Christ dans le Saint-Esprit » (Inst. gen., n. 60) ; il conviendrait de dire : « associer le peuple au Christ, qui s’offre lui-même à Dieu le Père par l’Esprit-Saint » (ae).
S’insèrent dans ce contexte :
- la très grave omission de la clausule « Per Christum Dominum nostrum », laquelle signifie et fonde, pour l’Eglise de tous les temps, l’assurance d’être exaucée (Jn. XIV, 13–14 ; XV, 16 ; XVI, 23–24) ;
- le pascalisme quasi obsessionnel, comme si la communication de la grâce qui procède de Dieu lui-même ne comportait pas de modalité plus immédiate et aussi importante ;
- l’eschatologisme, aussi nuageux en lui-même que maniaque en son inspiration, et qui concerne aussi bien chacun des membres du Christ que leur ensemble ; la communication de la grâce, réalité permanente et éternelle, est ramenée aux dimensions du temps ; le peuple de Dieu est en marche, l’Église n’est plus l’Église militante qui combat contre la Potestas tenebrarum, elle est l’Église pérégrinante qui évolue irréversiblement vers un état, lequel, de par sa situation, ne peut consister qu’en un avenir perpétuel au sein de la temporalité, état aussi anormé qu’étranger à l’Éternité.
A noter également l’humiliation que subit comme telle l’Église une, sainte, catholique, apostolique eu égard à la « Prex eucharistica IV ». Le Canon romain comportait une prière « pro omnibus orthodoxis atque catholicæ et apostolicæ fidei cultoribus ». Ces « cultores fidei » sont devenus, ni plus ni moins, « tous ceux qui Te cherchent d’un cœur sincère » (af).
Pareillement, dans le Memento des morts, ceux-ci ne sont plus ceux qui ont trépassé « cum signo fidei et dormiunt in somno pacis », mais simplement ceux qui « obierunt in pace Christi tui » ; leur est adjoint l’ensemble des défunts « [ceux] dont Toi seul connais la foi » (ag) ; ce qui constitue manifestement une nouvelle atteinte à l’unité de l’Église considérée en sa manifestation visible.
Aucune des trois nouvelles « Preces » ne comporte la moindre allusion à l’état de souffrance des trépassés. Aucune ne laisse ouverte la possibilité d’un Memento particulier, ce qui de nouveau émousse la foi en la valeur propitiatoire du sacrifice qui est par sa nature ordonné à la Rédemption [20].
Nombre d’omissions observables un peu partout dans le Nouvel Ordo avilissent le mystère de l’Eglise en le désacralisant. Ce mystère est méconnu, avant tout comme hiérarchie sacrée. Les Anges et les Saints sont réduits à l’anonymat dans la seconde partie du Confiteor collectif ; et, dans la première [21], ils disparaissent comme témoins et comme juges en la personne de saint Michel. Fait sans précédent, disparaissent également de la nouvelle Préface dans la « Prex II » les différentes hiérarchies angéliques. Disparaît pareillement, dans le Communicantes, la mémoire des saints, pontifes et martyrs, sur qui l’Eglise romaine demeure fondée et qui sans aucun doute transmirent les traditions apostoliques en les enrichissant jusqu’à en faire ce qui devint avec saint Grégoire la Messe romaine.
L’unité de l’Eglise se trouve compromise, pour le moins en son expression, au point que le Nouvel Ordo y compris les trois nouvelles « Preces » présente une intolérable omission : celle des apôtres Pierre et Paul, fondateurs de l’Eglise de Rome, celle également des autres apôtres, fondement et paradigme de l’Eglise universelle ; leurs noms figurent exclusivement dans le Communicantes du seul Canon romain.
Le Nouvel Ordo porte encore atteinte au dogme de la communion des saints en supprimant les salutations [22] et la bénédiction finale de la Messe célébrée sans servant, et même en supprimant l’Ite Missa est dans la Messe célébrée avec servant.
Le double Confiteor montre comment le prêtre, revêtu des ornements qui le désignent comme ministre du Christ, et en inclination profonde, se reconnaît indigne d’une si haute mission, du « tremendum mysterium » qu’il se dispose à célébrer. Et puis, prononçant « Aufer a nobis », il demande à Dieu d’ôter de lui-même ses propres péchés afin de pouvoir pénétrer dans le Saint des Saints ; aussi se recommande-t-il à l’intercession et aux mérites des Martyrs dont l’autel renferme les reliques : « Oramus te, Domine ». Ces deux prières sont supprimées, comme le double Confiteor. Il conviendrait de reprendre ici des observations semblables à celles qui ont été présentées à propos de la valeur propre de la communion du prêtre distinguée de celle des fidèles.
Sont également profanées les conditions qui conviennent au Sacrificium en tant qu’il est l’accomplissement d’une réalité sacrée : sacrum facere. Ainsi, lorsque la célébration a lieu hors de l’église, l’autel peut être remplacé par une simple table sans pierre consacrée ni reliques, avec une seule nappe (nn. 260, 265). Il conviendrait de répéter à ce propos ce qui déjà a été dit plus haut : le « convivium » est dissocié de la Présence réelle et aliène son aspect sacrificiel.
La désacralisation est encore accrue par les nouvelles modalités, quelque peu grotesques, de l’offrande, non moins d’ailleurs que par d’autres éléments dont voici les plus saillants. L’insistance est mise sur le pain ordinaire, au lieu et place du pain azyme. La faculté est accordée aux servants, et même aux laïcs lors de la communion « sous les deux espèces » (ah), de toucher les vases sacrés (n. 244d). Une invraisemblable atmosphère se trouvera créée dans l’église ; y alterneront en effet sans trêve : le prêtre, le diacre, le sous-diacre, le psalmiste, le commentateur (le prêtre est d’ailleurs devenu commentateur, encouragé comme il l’est à expliquer continuellement ce qu’il est sur le point d’accomplir), les lecteurs hommes et femmes, les clercs ou les laïcs qui accueillent les fidèles à la porte de l’église et les accompagnent à leur place, qui font la quête, qui portent les offrandes, qui trient les offrandes… ; et, à l’encontre de tout l’Ancien Testament et des catégoriques prescriptions de saint Paul, en un temps où cependant on prône l’Ecriture jusqu’au délire, la présence de la « mulier idonea » qui, pour la première fois dans la tradition de l’Eglise, sera autorisée à faire les lectures et également à accomplir d’autres « ministères qui s’accomplissent en dehors du presbyterium (c’est-à-dire, en fait, en dehors du chœur) » (n. 70) (ai). Et enfin la manie de la concélébration [23] qui aura raison de la piété eucharistique du prêtre et qui achèvera de voiler la figure centrale du Christ, unique Prêtre parce qu’uniment Prêtre et Victime, et de la dissoudre dans la présence collective des concélébrants.
VI
Nous nous sommes limités à un examen sommaire du Nouvel Ordo et de ses déviations les plus graves en ce qui concerne la théologie de la Messe catholique. Les observations qui ont été faites ont surtout un caractère typique. Il faudrait entreprendre un travail d’un tout autre ordre si l’on désirait détecter les pièges, les dangers, les ferments de destruction tant au point de vue spirituel qu’au point de vue psychologique, contenus dans ce document, aussi bien dans le texte de l’Ordo Missæ que dans les rubriques et les instructions qui l’accompagnent.
Les nouveaux Canons ont déjà été critiqués d’une manière autorisée et à plusieurs reprises. Nous nous abstenons donc d’y insister. Nous nous bornons à observer que le second Canon [24] a immédiatement scandalisé les fidèles par sa brièveté. On a fait observer, entre autres choses, que ce Canon peut être employé en toute liberté de conscience par un prêtre qui ne croit plus ni à la Présence réelle ni à la transsubstantiation ni au caractère sacrificiel de la Messe ; en sorte que ce Canon pourrait très bien servir pour la célébration à un ministre protestant.
Le nouveau Missel fut présenté à Rome comme constituant un « abondant matériel pastoral », comme un « texte plus pastoral que juridique » auquel les conférences épiscopales auraient la latitude d’apporter, selon les circonstances, des modifications conformes au génie respectif des différents peuples. Au reste, la première section de la nouvelle « Congrégation pour le culte divin » sera responsable de « l’édition et de la constante révision des livres liturgiques ».
A quoi fait écho le dernier bulletin officiel des Instituts liturgiques d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche [25] : « les textes latins devront être traduits dans les langues des différents peuples ; le style romain devra être adapté au génie de chaque église locale ; ce qui fut conçu selon un mode intemporel devra être transposé dans le contexte mouvant des situations concrètes, dans le flux constant de l’Église universelle et de ses multiples cellules ».
La Constitution apostolique, s’opposant sur ce point à la volonté expresse de Vatican II, donne elle-même le coup de grâce à la langue universelle, en affirmant sans ambiguïté qu’ « en une telle variété de langues s’élèvera la même (?) et unique prière de tous… exhalant d’autant mieux le parfum d’un encens multiplié » (aj).
La mort du latin est donc chose escomptée. Celle du grégorien en découlera inéluctablement, en raison de la latitude accordée pour le choix des textes, en particulier ceux de l’introït et du Graduel. Le Concile a cependant reconnu le caractère propre et la suprématie de la liturgie romaine, laquelle « doit occuper la première place » (Sacros. conc., n. 116).
Le nouveau rite se présente donc originellement comme étant pluraliste et à base d’expérience, lié au temps et au lieu. L’unité du culte étant ainsi brisée pour toujours, on ne voit pas en quoi pourra désormais consister l’unité de la foi qui lui est intimement liée, et de laquelle cependant on ne laisse pas de parler sans cesse comme de la substance qu’il faut sans compromission conserver.
Il est évident que le Nouvel Ordo renonce expressément de facto à constituer l’expression de la doctrine que le Concile de Trente a sanctionnée comme étant de foi divine et catholique. Et cependant la conscience catholique demeure liée à jamais à cette doctrine. Il en résulte que la promulgation du Novus Ordo met le catholique véritable dans la tragique nécessité de choisir.
VII
La Constitution apostolique fait explicitement allusion à une richesse de piété et de doctrine qu’emprunterait le Nouvel Ordo aux églises d’Orient. Mais ce prétendu emprunt n’aura pour effet que de rebuter et d’écarter les fidèles de rite oriental, rite dont l’inspiration est non pas seulement étrangère mais opposée à celle de l’Ordo. A quoi se réduisent en fait ces modifications qui se veulent inspirées par l’œcuménisme ?
En substance à la multiplicité des anaphores (non certes à leur beauté ou à leur ordonnance), à la présence du diacre et à la communion « sous les deux espèces ». Par contre, il semble bien qu’on a voulu délibérément éliminer tout ce qui, de la liturgie romaine, est le plus proche de la liturgie orientale [26] ; qu’on a voulu renier l’incomparable et vénérable caractère romain renonçant à ce qu’il présente spirituellement de plus propre et de plus précieux. On a substitué à la romanité des éléments par lesquels elle s’avoisine seulement à certains rites réformés qui ne sont d’ailleurs pas les plus proches du catholicisme, éléments qui dégradent la liturgie romaine et en éloigneront de plus en plus l’Orient, ainsi que déjà l’ont fait les dernières réformes.
En retour, sinon en compensation, le Nouvel Ordo aura la faveur surtout de tous ces groupes proches de l’apostasie qui, s’attaquant dans l’Église à l’unité de la doctrine, de la liturgie, de la morale et de la discipline, en détruisent l’ordre, en souillent l’intégrité et y provoquent une crise spirituelle sans précédent.
VIII
Saint Pie V assuma la charge de faire éditer le Missale romanum, afin que celui-ci fût – comme le rappelle la Constitution elle-même – instrument d’unité entre les catholiques. Ce Missale devait éviter, conformément au Concile de Trente, que pût s’immiscer dans le culte une quelconque des subtiles erreurs dont la foi était affectée par la Réforme protestante.
Les motifs qui animèrent le saint pontife étaient si graves que jamais en aucun autre cas ne paraît avoir été plus justifiée la formule rituelle et en l’occurrence quasi prophétique qui clôt la Bulle en vertu de laquelle le Missale fut promulgué : « Qu’il sache encourir la colère du Dieu tout-puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul celui qui oserait contrevenir à cette ordonnance » (Quo primum, 19 juillet 1570) (ak).
On a eu l’outrecuidance d’affirmer, en présentant officiellement le Nouvel Ordo à la conférence de presse du Vatican, que les raisons alléguées par le Concile de Trente ne subsistent plus. Or, non seulement ces raisons existent encore, mais – nous n’hésitons pas à l’affirmer – il existe aujourd’hui des raisons infiniment plus graves. C’est précisément en vue de faire face aux insidieuses déviations qui de siècle en siècle menacèrent la pureté du dépôt reçu – « Garde le dépôt, ô Timothée. Évite les vaines disputes profanes, et les oppositions de la fausse science » (I Tim. VI, 20) (am) – que l’Eglise, jouissant de l’inspiration, a élaboré les dispositifs de protection que constituaient les définitions dogmatiques et en général les décisions d’ordre doctrinal [27]. Ces définitions et ces décisions eurent leur répercussion immédiate dans le culte, lequel est devenu, progressivement le monument le plus complet de la foi de l’Eglise. Vouloir à tout prix remettre en vigueur le culte antique, mais en reproduisant seulement et comme in vitro ce qui à l’origine eut la grâce de la spontanéité jaillissante, c’est tomber dans l’archéologisme si lucidement et si opportunément condamné par Pie XII [28] comme étant insensé ; cela équivaut, on l’a malheureusement d’ores et déjà observé, à dépouiller la liturgie de la beauté qui a été pieusement thésaurisée pendant des siècles [29] et de la consistance théologique qui constitue la seule véritable défense en un moment critique, voire le plus critique, de l’histoire de l’Église.
Aujourd’hui, ce n’est plus à l’extérieur mais à l’intérieur même de la catholicité que l’existence de divisions et de schismes est officiellement reconnue [30]. L’unité de l’Église n’en est plus à être menacée, elle est tragiquement compromise [31] ; les erreurs contre la foi ne sont plus seulement insinuées, elles se trouvent imposées par des aberrations et par des abus qui s’introduisent dans la liturgie et dont le caractère néfaste est également reconnu [32]. L’abandon d’une tradition liturgique qui fut pendant quatre siècles le signe et le gage de l’unité du culte, en faveur d’une autre liturgie qui, menaçant la pureté de la foi par les innombrables licences qu’elle autorise, par les insinuations qu’elle favorise et par les erreurs manifestes qu’elle contient, ne pourra pas ne pas être l’occasion de la division ; un tel abandon constitue pour le moins une incalculable erreur au regard des observateurs quelque peu lucides, si animés soient-ils de la plus compréhensive bienveillance pour les auteurs du « Novus Ordo ».
En la fête du Corps du Christ 5 juin 1969
Traductions et notes explicatives
(a) « Placet juxta modum » signifie : acceptation, mais acceptation conditionnée par l’amendement qui est demandé. Le « juxta modum » équivaut souvent à un vote négatif, car la modification qui est en fait la condition du « placet » peut changer la substance même du texte proposé.
(b) « Innumeri praeterea sanctissimi viri animarum suarum erga Deum pietatem haustis ex eo… copiosus aluerunt ». « Ex quo tempore latius in christiana plebe increbescere et invalescere coepit sacræ fovendae liturgiae studium » (Ordo Missa, Constitutio apostolica, p. 7).
© « Ut singularum partium propria ratio necnon mutua connexio clarius pateant ». « Ratio » a un sens polyvalent. La « ratio » d’une chose en est à la fois la raison d’être et la structure interne. « Économie » suggère cette amplitude.
(d) « Cena dominica sive Missa est sacra synaxis seu congregatio populi Dei in unum convenientis, sacerdote præside, ad memoriale Domini celebrandum » (Inst. gen., n. 7).
(e) + (f)« Quare de sanctae ecclesiae locali congregatione eminenter valet promissio Christi : Ubi sunt duo vel tres congregati in nomine meo ibi sum in medio eorum » (Inst. gen., n. 7).
(g) « La Messe, d’une certaine manière, comprend deux parties, savoir la liturgie de la parole et l’eucharistie, lesquelles sont si intimement liées entre elles qu’elles constituent un seul et même acte de culte. Et en effet, dans la Messe, se trouve préparée la table qui est celle de la parole de Dieu aussi bien que du Corps du Christ, table où les fidèles sont formés et se restaurent (instituantur et reficiantur ) » (Inst. gen., n. 8).
(h) « Est ergo eucharistica synaxis centrum congregationis fidelium cui presbyter præest » (Presb. ord., n. 5).
(i) « Principio docet Sancta Synodus et aperte et simpliciter profitetur in almo Sanctæ Eucharistiæ sacramento post panis et vini consecrationem Dominum nostrum Jesum Christum verum Deum atque hominem vere, realiter ac substantialiter (Can. 1) sub specie illarum rerum sensibilium contineri » (Dz. 1636).
(j) « … quo cruentum illud semel in cruce peragendum repraesentaretur… atque illius salutaris virtus in remissionem eorum, quæ a nobis quotidie commituntur peccatorum applicaretur… » (Dz. 1740).
(k) [Suite du texte cité en (j)] « Sacerdotem secundum ordinem Melchisedech se aeternum (Ps. CIX, 4) constitutum declarans, corpus et sanguinem suum sub speciebus panis et vini Deo Patri obtulit ac sub earumdem rerum symbolis Apostolis (quos tunc Novi Testamenti sacerdotes constituebat), ut sumerent, tradidit, et eisdem eorumque in sacerdotio successoribus, ut offerent, præcepit per hæc verba : Hoc facite in meam commemorationem (Lc. XXII, 19 ; I Cor. XI, 24) uti semper catholica Ecclesia intellexit et docuit » (ibid.).
(1) « Si quis dixerit, illis verbis : Hoc facite in meam commemorationem, Christum non instituisse Apostolos sacerdotes, aut non ordinasse, ut ipsi aliique sacerdotes offerent corpus et sanguinem suum : anathema sit » (Can. 2, Dz. 1752).
(m) « Si quis dixerit, Missæ sacrificium tantum esse laudis et gratiarum actionis aut nudam commemorationem sacrificii in cruce peracti, non autem propitiatorium ; vel soli prodesse sumenti, neque pro
vivis et defunctis, pro peccatis, poenis, satisfactionibus et aliis necessitatibus offeri debere : anathema sit » (Can. 3 ; Dz. 1753).
(n) « Si quis dixerit, Canon Missæ errores continere ideoque abrogandum esse, anathema sit » (Can. 6 ; Dz. 1756).
(o) « Si quis dixerit Missas, in quibus solus sacerdos sacramentaliter communicat, illicitas esse, ideoque abrogandas, anathema sit » (Can. 8 ; Dz. 1758).
℗ « Actio Christi et populi Dei – Cena dominica sive Missa – Convivium paschale – Communis participatio mensæ Domini – Memoriale Domini – Precatio eucharistica – Liturgia verbi et liturgia eucharistica – » etc.
(q) « Ingrediens mundum dicit : Hostiam et oblationem noluisti : corpus autem aptasti mihi » (Ps. XL, 7–9 ; Heb. X, 5).
® « benedictus es, Domine, Deus universi, quia de tua largitate accepimus panem (vel : vinum) quem tibi offerimus, fructum terræ (vel : vitis) et manuum hominum, ex quo nobis fiet panis vitæ (vel : potus spiritualis) ».
(s) « Non enim fas est… ; aut rationi signi sacramentalis considerandæ ita instare quasi symbolismus, qui nullo diffitente sanctissimæ Eucharistiæ certissime inest, totam exprimat et exhauriat rationem præsentiæ Christi in hoc Sacramento ; aut de transsubstantiationis mysterio disserere quin de mirabilii conversione totius substantia ? panis in corpus et totius substantia ? vini in sanguinem Christi, de qua loquitur Concilium Tridentinum, mentio fiat, ita ut in sola transsignificatione et transfinalizatione, ut aiunt, consistant » (A.A.S. LVII, 1965, p. 755).
(t) « Servata enim fidei integritate, aptus quoque modus loquendi servetur oportet, ne indisciplinatis verbis utentibus nobis falsa?, quod absit, de Fide altissimarum rerum suboriantur opiniones » (ibid. p.757).
(u) « Nobis autem ad certam regulam loqui fas est, ne verborum licentia etiam de rebus qua ? significantur impiam gignant opinionem »
(De civ. Dei, X, 23 ; PL. 41, 300). « Regula ergo loquendi, quam Ecclesia longo sæculorum labore non sine Spiritus Sancti munimine induxit et Conciliorum auctoritate firmavit, quæque non semel tessera et vexillum Fidei orthodoxæ facta est, sancte servetur, neque eam quisquam pro libitu vel prætextu novæ scientiæ immutare præsumat… Eodem modo ferendus non est quisquis formulis, quibus Concilium Tridentinum Mysterium Eucharisticum ad credendum proposuit, suo marte derogare velit » (A.A.S. LVII, 1965, p. 758).
(v) « Sensus [precis eucharisticæ] est ut tota congregatio fidelium se cum Christo conjungat in confessione magnalium Dei in oblatione sacrificii » (n. 54).
(w) « Nunc centrum et culmen totius celebrationis initium habet, ipsa nempe Prex eucharistica, prex scilicet gratiarum actionis et sanctificationis » (n. 54).
(x) « Altare, in quo sacrificium crucis sub signis sacramentalibus præsens efficitur » (Inst. gen., n. 259).
(y) « Christus per verbum suum in medio fidelium præsens adest » (n. 33, cfr. Sacros. conc., nn. 33 et 77).
(z) « Narratio institutionis » (n. 55d), « Ecclesia memoriam ipsius Christi agit » (n. 55c).
(aa) « Quotiescumque manducamus panem hunc, et calicem bibimus, mortem tuam annuntiamus, Domine, donec venias ».
(ab) « Qua salutatione et populi responsione manifestatur ecclesiæ congregatæ mysterium » (n. 28).
(ac) « Populum tibi congregare non desinis, ut a solis ortu usque ad occasum oblatio munda offeratur nomini tuo ».
(ad) « Omnes et soli sacerdotes sunt, proprie loquendo, ministri secundarii sacrificii missæ. Christus est quidem principalis minister. Fideles mediate, non autem sensu stricto, per sacerdotes offerunt » (A. TANQUEREY, Synopsis theologia dogmatica, t. III, Desclée 1930).
(ae) « Presbyter celebrans… populum… sibi sociat in offerendo sacrificio per Christum in Spiritu Sancto Dei Patri » (n. 60).
(af) « omnibus qui te quaerunt corde sincero ».
(ag) « quorum fidem te solus cognovisti ».
(ah) « sub utraque specie ».
(ai) « ministeria quæ extra presbyterium peraguntur ».
(aj) « in tot varietate linguarum una (?) eademque cunctorum precatio… quovis ture fragrantior ascendat ».
(ak) « Si quis autem hoc attentare praesumpserit, indignationem Omnipotentis Dei ac beatorum Petri et Pauli Apostolorum eius se noverit incursurum » (Quo primum, 19 juillet 1570).
(al) « ut stirpitus convelleret zizania exsecrabilium errorum et schismatum, quæ inimicus homo… in doctrina fidei, usu et cultu Sacrosanctae Eucharistiae, superseminavit (Mt. XIII, 25 sq.), quam alioqui Salvator noster in Ecclesia sua tamquam symbolum reliquit eius unitatis et caritatis, qua Christianos omnes inter se coniunctos et copulatos, esse voluit » (Dz. 1635).
(am) « depositum custodi, devitans profanas vocum novitates » (I Tim. VI, 20).
(an) « Ad sacrae liturgiæ fontes mente animoque redire sapiens profecto ac laudabilissima res est, cum disciplinæ huius studium, ad eius origines remigrans, haud parum conferat ad festorum dierum significationem et ad formularum, quas usurpantur, sacrarumque caeremoniarum sententiam altius diligentiusque pervestigandam : non sapiens tamen, non laudabile est omnia ad antiquitatem quovis modo reducere. Itaque, ut exemplis utamur, is ex recto aberret itinere, qui priscam alari velit mensae formam restituere ; qui liturgicas vestes velit nigro semper carere colore ; qui sacras imagines ac statuas e templis prohibeat ; qui divini Redemptoris in Crucem acti effigies ita conformari iubeat, ut corpus eius acerrimos non referat, quos passus est, cruciatus… Haec enim cogitandi agendique ratio nimiam illam reviscere iubet atque insanam antiquitatum
cupidinem, quam illegitimum excitavit Pistoriense concilium, itemque multiplices illos restituere enititur errores, qui in causa fuere, cur conciliabulum idem cogeretur, quique inde non sine magno animorum detrimento consecuti sunt, quosque Ecclesia, cum evigilans semper existat fidei depositi custos sibi a Divino Conditore concrediti, iure meritoque reprobavit » (Mediator Dei, 1, 5) (A.A.S., XXXIX, 1947, pp. 545–546).
Pie XII renvoie à la Constitution apostolique Auctorem fidei (28 août 1794), dans laquelle Pie VI dénonça et condamna les erreurs du synode de Pistoie. Notamment : nn. 31–34 ; 39 ; 62–66 ; 69–74.
n. 33. « Le synode [de Pistoie] manifeste le désir que soient écartées les causes d’où résulte en partie l’oubli des principes qui concernent la liturgie, principes selon lesquels la liturgie doit être ramenée à une forme plus simple pour les rites, exprimée en langue vulgaire et proférée à haute voix ; comme si l’ordre de la liturgie, éprouvé et en vigueur dans l’Église, reposait en partie sur l’oubli des principes qui doivent normer la liturgie. Cette proposition est téméraire, scandaleuse pour la piété, injurieuse pour l’Eglise et génératrice d’hérésie » (Dz. 2633).
n. 66. « Le Synode [de Pistoie] allègue qu’il serait contraire à la pratique [des temps] apostoliques, et à la sagesse de Dieu, que des moyens plus faciles ne soient pas donnés au peuple afin qu’il puisse joindre sa voix à celle de toute l’Eglise. Si on entend cette proposition de l’introduction, dans les prières liturgiques, de l’usage de la langue vulgaire, cette proposition est fausse, téméraire, contraire à l’ordre prescrit pour la célébration des mystères, et susceptible d’entraîner nombre de maux » (Dz. 2666).
La Constitution apostolique Auctorem fidei n’écarte pas tout usage de la langue vernaculaire au cours d’une célébration liturgique. Elle réprouve que le peuple, qui est peuple de Dieu mais non ministre de Dieu, puisse au cours d’une célébration sacrée et surtout au cours de la Messe, s’exprimer spontanément et à parité avec le prêtre, qui est en propre le seul ministre de Dieu agissant in persona Christi.
Addenda
Communiqué par la « Fondation Lumen Gentium »
Au cours de son allocution hebdomadaire, le mercredi 19 novembre, présentant le Nouvel Ordo, dont l’application était prochaine, Paul VI a précisé :
« … La Messe est et reste le mémorial de la dernière Cène du Christ, au cours de laquelle le Seigneur, changeant le pain et le vin en son Corps et en son Sang, institua le sacrifice du Nouveau Testament et voulut que, par la vertu de son sacerdoce conféré aux apôtres, il fut renouvelé dans son identité, mais offert sous un mode différent, à savoir d’une manière non sanglante et sacramentelle, en perpétuelle mémoire de lui jusqu’à son dernier avènement. »
Cette définition qui corrige singulièrement l’art. 7 du Nouvel Ordo (voir p. 12, ch. II, § 2 du présent fascicule) est incontestablement le plus autorisé des commentaires de 1’Institutio generalis.
Néanmoins il est à remarquer que cette définition n’est pas celle du Concile de Trente (XXIIe session) n’est pas celle de Mysterium fidei (Paul VI) n’est pas celle de la Profession de Foi (Paul VI).
Nulle part, dans ces trois documents ne se trouve que la Messe n’est que le « Mémorial de la dernière Cène », mais ils la définissent comme étant le « Sacrifice du Calvaire » rendu sacramentellement présent sur nos autels (Credo de Paul VI).
Quoiqu’il en soit, en vertu de la nature des choses, cette nouvelle définition est inapte à rectifier ce que propose ou prescrit une Constitution apostolique. (Sans sous-estimer le caractère éminent d’une allocution pontificale elle ne détient aucune valeur juridique opposable à un texte constitutionnel.) Dès lors, la nouvelle définition ne pourra être prise en considération que si une autre Constitution apostolique abroge la définition descriptive qui figure dans l’Institutio generalis et la remplace en conséquence ou abroge toute cette Institutio generalis, laquelle découle organiquement de la dite définition descriptive.
En reprenant les éléments fondamentaux de cette nouvelle définition : « La Messe est le mémorial de la dernière Cène au cours de laquelle le Seigneur institua le sacrifice du Nouveau Testament pour être offert, d’une manière non sanglante en mémoire de lui », nous observons que la Messe serait le renouvellement non sanglant de la dernière Cène !
Source : Le Bref examen critique, Editions Iris – © Copyright 2009 – Éditions IRIS – La brochure a été réalisée d’après la traduction du Breve esame critico dei Novus Ordo Missæ établie par la « Fondation Lumen Gentium » Vaduz – Liechtenstein
- « On trouve les prières de notre Canon dans le traité de Sacramentis (fin du IVe ou début du Ve siècle) … Ainsi notre Messe remonte, sans changement essentiel, à l’époque où elle se dégageait pour la première fois de la plus ancienne liturgie commune. Elle garde encore le parfum de cette liturgie primitive, aux jours où César gouvernait le monde et pensait pouvoir éteindre la foi chrétienne, aux jours où nos pères se réunissaient avant l’aurore pour chanter une hymne au Christ comme à leur Dieu (cf. Pline le Jeune, Ep. 96) … Il n’y a pas dans la chrétienté de rite aussi vénérable que celui de la Messe romaine (A. FORTESCUE, La Messe, étude sur la liturgie romaine, 1921, p. 278). – « Le Canon romain, tel qu’il est aujourd’hui, remonte à saint Grégoire le Grand. Il n’existe ni en Orient ni en Occident aucune prière eucharistique qui, demeurée en usage jusqu’à nos jours, puisse se prévaloir d’une telle antiquité. Non seulement au jugement des orthodoxes, mais également au regard des anglicans et même à ceux des protestants qui ont conservé un certain sens de la tradition, rejeter ce Canon équivaudrait, de la part de l’Église romaine, à renoncer pour toujours à la prétention de représenter la véritable Église catholique » (P. Louis BOUYER).[↩]
- On renvoie, pour justifier une telle définition, à deux textes de Vatican II. Mais si on se reporte effectivement à ces deux textes, on n’y trouve rien qui justifie cette définition. Voici ces deux textes, le lecteur jugera : « Les prêtres sont consacrés par Dieu, le ministère de l’évêque étant l’instrument de cette consécration ; en sorte que… les prêtres qui accomplissent les fonctions sacrées agissent en tant que ministres de Celui qui exerce en notre faveur dans la liturgie (son) sacerdoce permanent… Et cela est vrai principalement lorsque les prêtres offrent sacramentellement, en célébrant la Messe, le sacrifice (même) du Christ » (Décret Presbyterorum ordinis, n. 5). « Dans la liturgie, Dieu parle à son peuple, et le Christ continue d’annoncer l’Evangile. Le peuple, à son tour, répond à Dieu par la prière et par le chant. Et les prières, qui sont adressées à Dieu par le prêtre qui préside l’assemblée en la personne du Christ sont dites au nom de tout le peuple saint et de tous les assistants » (Constitution Sacrorum concilium, n. 33). – On ne voit pas comment, de ces textes, il est possible de tirer la définition de la Messe énoncée dans le Nouvel Ordo. Force est même d’observer que cette définition altère radicalement celle qui est donnée par Vatican II (Presbyterorum ordinis, n. 5) : « La synaxe eucharistique est le centre de l’assemblée des fidèles, assemblée que le prêtre préside » (h). Les auteurs du Nouvel Ordo n’ont pas hésité à frauder en supprimant le mot centrum. En sorte que la congregatio populi est présentée comme usurpant le rôle du véritable centrum et comme étant par conséquent ce qu’en réalité elle ne peut pas être.[↩]
- Rappelons quelques passages importants des décrets du Concile de Trente qui concernent le dogme de la Présence réelle : « Le saint Concile enseigne premièrement ce qu’il confesse ouvertement et absolument. Dans l’auguste sacrement de la sainte Eucharistie, Notre-Seigneur Jésus-Christ vrai Dieu et véritablement homme est contenu réellement et substantiellement dans les apparences sensibles du pain et du vin, après que ceux-ci ont été consacrés » (Concile de Trente, session XIII, De la sainte Eucharistie, ch. 1, Denzinger, édition de 1965, n. 1636) (i). – La doctrine concernant le sacrifice de la Messe fut précisée au cours de la session XXII. Cette doctrine est sanctionnée par 9 canons. En voici quelques aspects essentiels :
- La Messe est un véritable sacrifice, elle est en substance le sacrifice de la Croix : « En vue de laisser à son Epouse bien-aimée, un sacrifice représentant visiblement, conformément à la nature de l’homme, le sacrifice sanglant qui devait être accompli sur la Croix une fois pour toutes, afin que la mémoire de ce sacrifice demeurât jusqu’à la fin des temps, et que la vertu salutaire en soit appliquée à la rémission des péchés que nous commettons quotidiennement » (Concile de Trente, session XXII, Du très saint sacrifice de la Messe, ch. 1, Dz. 1740) (j). Ce passage est sanctionné par le canon 1 : « Si quelqu’un dit que dans la Messe, n’est pas offert un sacrifice véritable, au sens propre de ce mot, ou bien que le fait d’être offert n’est rien autre pour le Christ que de nous être donné en nourriture, qu’il soit anathème » (Dz. 1751).
- Jésus-Christ Notre-Seigneur est le Souverain Prêtre, et il opère instrumentalement par le prêtre qui célèbre la Messe : [Suite du texte cité en (j)] « … le Christ Dieu Notre-Seigneur, déclarant être lui-même prêtre éternellement selon l’ordre de Melchisédech, offrit à Dieu son Père son Corps et son Sang sous les espèces du pain et du vin, les donna, [contenus] dans ces mêmes signes sensibles, à ses apôtres (qu’il constituait ainsi prêtres de la nouvelle Alliance) afin qu’ils s’en nourrissent ; et, en prononçant les paroles : Faites ceci en mémoire de moi, il ordonna aux apôtres et à leurs successeurs dans le sacerdoce – ainsi que l’a toujours entendu et enseigné l’Église catholique – d’offrir [ce même Corps et ce même Sang] » (ibid.) (k). Le célébrant, celui qui offre le sacrifice, c’est le prêtre, consacré par Dieu pour accomplir cette fonction ; et ce n’est pas l’assemblée, « peuple de Dieu » sans doute, mais non pas ministre de Dieu. « Si quelqu’un dit que, par les paroles : Faites ceci en mémoire de moi, le Christ n’a pas institué prêtres les apôtres, ou bien n’a pas ordonné que [les apôtres] et les autres prêtres offrent son Corps et son Sang, qu’il soit anathème » (Can. 2, Dz. 1752) (l).
- Le sacrifice de la Messe est un vrai sacrifice propitiatoire et NON pas une simple commémoration du sacrifice de la Croix : « Si quelqu’un dit que le sacrifice de la Messe est seulement un sacrifice de louange et d’action de grâces, ou bien qu’il est simplement une commémoration du sacrifice accompli sur la Croix et qu’il n’est pas propitiatoire, ou bien qu’il n’a de fruit que pour quiconque y participe immédiatement, et qu’il ne doit pas être offert pour les vivants, pour les morts, pour les péchés, pour [remettre] les peines, pour satisfaire [à la justice de Dieu] et pour d’autres nécessités, qu’il soit anathème » (Can. 3, Dz. 1753) (m).
- La liturgie de la Messe ne contient pas d’erreur : « Si quelqu’un dit que le Canon de la Messe contient des erreurs et doit être abrogé, qu’il soit anathème » (Can. 6, Dz. 1756) (n) ; « Si quelqu’un dit que les Messes au cours desquelles le prêtre et lui seul communie sacramentellement sont illicites et doivent par conséquent être abrogées, qu’il soit anathème » (Can. 8, Dz. 1758) (o).
[↩]
- Faut-il rappeler que si un seul des dogmes déjà définis était abandonné, ipso facto, tout l’édifice dogmatique s’écroulerait lui-même, en même temps que son principe le Magistère suprême. Celui-ci, pape et concile, se trouve en effet engagé inconditionnellement et pour toujours dans la définition d’un seul dogme.[↩]
- On eût d’ailleurs dû adjoindre l’Ascension si l’intention était de reprendre l’Unde et memores. Observons cependant que cette prière, loin d’amalgamer les réalités qui sont de natures différentes, distingue avec beaucoup de finesse : « … tam beatæ Passionis, nec non et ab inferis Resurrectionis, sed et in cælos gloriosæ Ascensionis ».[↩]
- Ce déplacement d’accent est également rendu manifeste, dans les trois nouveaux canons, par la suppression du Memento des morts et de toute mention de la souffrance pour les âmes du purgatoire, elles pour qui cependant est offert le sacrifice satisfactoire.[↩]
- Cf. l’Encyclique Mysterium fidei, dans laquelle Paul VI condamne aussi bien les erreurs du symbolisme signifié comme auto-suffisant que les nouvelles théories de la « transsignification » et de la « transfinalisation ». « Dès là qu’on considère l’essence du signe sacramentel [comme tel], il n’est pas juste de tenir qu’un quasi symbolisme – qui certainement existe dans la sainte Eucharistie – rende compte et exprime adéquatement la nature de la présence du Christ dans ce sacrement. [Il n’est pas juste non plus] de traiter du mystère de la transsubstantiation, sans même faire mention de la merveilleuse conversion dont parle le Concile de Trente, conversion de toute la substance du pain dans le Corps du Christ et conversion de toute la substance du vin dans le Sang du Christ, en sorte que l’on fait consister [ces deux conversions] seulement en une transsignification et une transfinalisation » (Actes du Siège Apostolique, LVII, 1965, p. 755) (s).[↩]
- Paul VI a également condamné, dans la même Encyclique Mysterium fidei, l’introduction de formules nouvelles ou d’expressions équivoques qui, bien que référées matériellement aux textes des Pères et aux documents des Conciles et du Magistère, ne sont pas sémantiquement subordonnées à la Vérité qu’elles sont cependant censées exprimer ; ainsi par exemple : « spiritualis alimonia », « cibus spiritualis », « potus spiritualis » etc.
Voici le texte de Paul VI : « L’intégrité de la foi étant sauve (comme il se doit, Paul VI vient de le rappeler en citant d’ailleurs saint Augustin), il convient en outre d’employer un langage adéquat, de peur que l’indiscipline dans l’usage des mots ne nous induise — Dieu nous en garde — en de fausses opinions concernant la foi dans les plus hautes réalités » (Ibid., p. 757) (t). Puis Paul VI cite encore saint Augustin : « Il importe d’observer certaines normes pour le langage, en sorte que la licence dans l’usage des mots ne favorise pas en nous l’impiété à l’égard des réalités (Saint AUGUSTIN, de Civ. Dei, X, 23). L’Église, par un labeur multiséculaire, et non sans le secours du Saint-Esprit, a élaboré des normes d’expression qu’elle a confirmées par l’autorité des conciles. Ces normes ont été plus d’une fois le mot d’ordre et l’étendard de l’orthodoxie. Elles doivent être respectées saintement. Que nul n’ose y attenter, que ce soit par caprice ou sous prétexte de découverte nouvelle. Qui donc admettrait que les formules dogmatiques élaborées par [plusieurs] conciles œcuméniques concernant le mystère de la Très Sainte Trinité et celui de l’incarnation soient remplacées par d’autres, sous ce prétexte qu’elles ne seraient plus accommodées aux hommes de notre temps ? De la même manière, il est inadmissible que quiconque prétende de son propre chef déroger aux formules dans lesquelles le Concile de Trente a proposé le mystère eucharistique comme objet de foi » (Ibid., p. 758) (u).[↩] - Ce qui est en contradiction avec ce que prescrit Vatican II (Sacros. conc., n. 48). Voici ce texte : « Aussi l’Église se soucie-t-elle d’obtenir que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent consciemment, pieusement et activement à l’action sacrée, soient formés par la parole de Dieu, se restaurent à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu ; en sorte qu’offrant la Victime sans tache, non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en étant unis à lui, ils apprennent à s’offrir eux-mêmes et de jour en jour soient consommés par la médiation du Christ dans l’unité, unité avec Dieu et unité entre eux : afin que, finalement, Dieu soit tout en tous ».[↩]
- La fonction primordiale de l’autel n’est reconnue et déclarée qu’une seule fois : « L’Autel, dans lequel le sacrifice de la Croix est rendu présent sous les signes sacramentels » (Inst. gen., n. 259) (x). Cette affirmation isolée, rendue d’ailleurs fort obscure par le contexte, ne suffit pas à dissiper l’équivoque provoquée par le fait que le mot table est employé habituellement pour désigner l’autel : « L’autel, ou table du Seigneur, qui est le centre de toute la liturgie eucharistique » (n. 49).[↩]
- « C’est d’abord par le sacrifice de l’autel que le Seigneur se rend présent dans l’Eucharistie, et il n’est au tabernacle que comme “memoria sacrificii et passionis suæ”. Séparer le tabernacle de l’autel, c’est séparer deux choses qui doivent rester unies par leur origine et leur nature » (PIE XII, Allocution au Congrès international de liturgie, Assise-Rome 18–23 septembre 1956, A.A.S., t. XLVIII, 1956, p. 782 – cf. Mediator Dei, I, 5 : voir note 28).[↩]
- Le mot « hostie » est d’usage traditionnel dans les livres liturgiques. Il signifie l’idée de victime, en sorte que « l’Hostie » du sacrifice de la Messe réfère celui-ci au sacrifice de la Croix. Le Nouvel Ordo emploie rarement le mot « Hostie » ; cela rentre dans le dessein général de mettre en évidence exclusivement les aspects de « repas » et de « nourriture ».[↩]
- On observe une fois encore en l’occurrence un processus mis en œuvre habituellement, savoir le « processus de substitution » ; une chose en remplace une autre comme si la seconde équivalait à la première : la Présence réelle est équiparée à la présence dans la parole (nn. 7, 54). Or, en vérité, ce sont deux choses de natures différentes. La présence dans la parole n’a en effet de réalité que in usu, tandis que la Présence réelle est objective et permanente, indépendamment de la réception qui en est faite dans le Sacrement. D’ailleurs, la formule : « Le Christ, par sa parole, est présent au milieu des fidèles » (n. 33, cf. Sacros. conc., nn. 33 et 77) (y), strictement parlant, n’a pas de sens. La présence de Dieu dans la parole est en effet médiatisée, liée à un acte de l’esprit en sa condition charnelle ; cet acte peut être renouvelé, mais il ne fonde objectivement aucune permanence. Cette erreur ne va pas sans une funeste conséquence : elle insinue en effet que la Présence réelle est, comme la présence dans la parole, liée à l’usus et qu’elle cesse en même temps que lui.[↩]
- L’action sacramentelle, telle qu’elle est décrite dans l’Institutio generalis, est caractérisée par le fait que Jésus a donné aux apôtres son Corps et son Sang en nourriture sous les espèces du pain et du vin, et non par l’acte de la consécration, et par la séparation entre le Corps et le Sang résultant de cet acte dans l’ordre sacramentel. C’est cependant cette séparation mystique qui constitue l’essence du sacrifice eucharistique, ainsi que l’a rappelé Pie XII (Mediator Dei pars II, caput 1, Le culte Eucharistique, A.A.S. XXXIX, 1947, pp. 548–549 – cf. le texte et le canon du Concile de Trente, Dz. 1752, cités à la note (3) § 2).[↩]
- La portée des paroles de la consécration, telles qu’elles figurent dans le Nouvel Ordo, y est conditionnée par tout le contexte. Ces paroles peuvent assurer la validité, en raison de l’intention du ministre. Mais elles ne le font pas ex vi verborum, ou plus exactement en vertu du modus significandi qui leur est associé dans le Canon de saint Pie V. Il se peut donc que ces paroles n’assurent pas la validité de la consécration. Les prêtres qui, dans un proche avenir, n’auront pas reçu la formation traditionnelle, et qui se fieront au Nouvel Ordo pour « faire ce que fait l’Église » consacreront-ils validement ? Il est légitime d’en douter.
L’Eglise en effet n’est pas libre d’enseigner, de croire, de pratiquer ou de faire pratiquer n’importe quoi : elle est liée par l’ordre de Jésus-Christ d’enseigner, de croire, de pratiquer et de faire pratiquer ce qui vient d’en-haut, c’est-à-dire les règles de foi, de morale et de piété (cf. II Cor. XIII, 8 ; Mt. XXVIII, 18, 20 ; Jn. XIV, 25–26).
D’où l’Église a‑t-elle toujours tiré ces règles ? C’est défini : « La vérité et la discipline se trouvent dans les livres écrits et dans les traditions non écrites qui ont été recueillies par les apôtres de la bouche du Christ lui-même ou qui ont été transmises par ces mêmes apôtres sous la conduite du Saint-Esprit, et nous sont parvenues de main en main… Ces traditions, enseignées verbalement par le Christ ou bien dictées par le Saint-Esprit, et conservées dans l’Église catholique par une succession continue, le Concile les reçoit et les vénère avec un égal sentiment de piété et de respect » (Concile de Trente, Session IV, le 8 avril 1546, De libris sacris et de traditionibus recipiendis : Dz. 1501). Ce texte a été rappelé par Vatican II, dans « Dei Verbum », nn. 7, 11 et surtout n. 9) : « C’est pourquoi l’Église ne tire pas la certitude qu’elle a des [réalités] révélées exclusivement de la Sainte Écriture. En sorte que l’une comme l’autre [la Tradition comme l’Écriture] doit être reçue et vénérée avec le même respect et la même piété ».
On comprend par là la portée de la réponse adressée le 29 novembre 1202 par le Pape Innocent III à Jean, Archevêque de Lyon : « Vous vous demandez donc quelle est la forme des paroles que le Christ lui-même a employées quand il transsubstantia le pain et le vin en son Corps et son Sang, alors que dans le Canon de la Messe, qu’utilise l’Église entière, il serait mis ce qu’aucun des Evangélistes n’a écrit. Dans le Canon de la Messe on trouve cette parole, apparemment intercalée : mysterium fidei. C’est que nous trouvons beaucoup de choses, tant des paroles que des actes du Seigneur, qui sont omises par les Evangélistes, et dont nous lisons que les apôtres les ont soit complétées par la parole soit exprimées par le fait. Nous croyons donc que la forme des paroles, telle qu’on la trouve dans le Canon, les apôtres l’ont reçue du Christ, et leurs successeurs de ces mêmes apôtres » (Dz. 782). Et on comprend également la valeur permanente du principe qui norme la « lex credendi » et la « lex orandi », en rendant compte de leur sublime unité : « nihil innovetur nisi quod traditum est » – « in eodem semper sensu eademque sententia ».[↩]
- II est vrai que ces expressions appartiennent au même contexte scripturaire ( I Cor. XI, 24.-28 ). Mais l’Église en a toujours écarté la juxtaposition et la superposition, précisément en vue d’éviter la confusion entre les réalités différentes désignées respectivement par ces expressions différentes. Assimiler quant à leur nature des choses qui simplement sont présentées ensemble par l’Écriture constitue l’un des procédés bien connus de la critique protestante.[↩]
- Les luthériens et les calvinistes affirment que tous les chrétiens sont prêtres et que par suite tous offrent la cène. Au contraire, conformément au Concile de Trente (Session XXII, Canon 2, cf. note 3, § 2), il faut tenir que : « Les prêtres, et eux seuls, sont à proprement parler les ministres secondaires du sacrifice de la Messe, le Christ étant le ministre principal. Les fidèles offrent le sacrifice par le prêtre, mais médiatement et non en un sens strict » (A. TANQUEREY, Synopsis theologia dogmatica, t. III, Desclée, 1930) (ad).[↩]
- Notons une innovation, réelle bien qu’impossible, et qui sera désastreuse pour la psychologie du peuple chrétien. Le Vendredi Saint, on utilisera des ornements rouges et non plus des ornements noirs (n. 308 b) ; comme s’il s’agissait de commémorer un martyr entre beaucoup d’autres, et non plus de rendre sensible le deuil que porte l’Eglise de son Époux.[↩]
- R.P. Roguet exerçant actuellement les fonctions de chapelain – Dominicaines de Béthanie à Plessis-Chenet (91, France).[↩]
- Dans certaines traductions du Canon romain, les mots : « locus refrigerii, lucis et pacis » étaient remplacés par une simple qualification d’état : « béatitude, lumière, paix ». Que dire maintenant de la suppression de toute référence explicite à l’Eglise souffrante ?[↩]
- Contrastant avec cette émondation fiévreuse et généralisée, un seul enrichissement : la mention de Comission, dans l’accusation des péchés incluse dans le Confiteor. Observons que cette mention figurait dans la Messe du diocèse de Paris au XIIIe siècle.[↩]
- Lors de la conférence de presse au cours de laquelle l’Ordo fut présenté, le P. Lécuyer parla d’exprimer au singulier les salutations de la « Missa sine populo » : « Dominus tecum », « Ora, frater ». La raison alléguée est que « rien ne correspond en vérité à la formule du pluriel s’il n’y a qu’un seul répondant ». Une pareille déclaration est inspirée par le rationalisme et elle est contraire à ce qu’a rappelé Paul VI dans l’encyclique Mysterium fidei.[↩]
- Notons à ce propos qu’il paraît être licite pour les prêtres qui doivent célébrer seuls avant ou après la concélébration, de communier également sub utraque specie lors de la concélébration.[↩]
- On a prétendu le présenter comme le Canon d’Hippolyte ! Au vrai, il n’en contient que quelques réminiscences verbales.[↩]
- Gottesdienst, n. 9, 14 mai 1969.[↩]
- Ainsi, pour ne rappeler que la seule liturgie byzantine, on peut penser :
- aux prières pénitentielles, longues, instantes, répétées ;
- aux rites solennels de la vestition du prêtre et du diacre ;
- à la préparation des offrandes ou proscomidia, préparation qui est déjà un rite complet ;
- à la mention permanente, dans les oraisons et jusque dans l’offertoire, de la Sainte Vierge, des saints, et des hiérarchies angéliques, lesquelles, lors de l’Entrée avec l’Évangile, sont de nouveau évoquées comme concélébrant invisiblement, et avec lesquelles le choeur s’identifie dans le Cherubicon ;
- à l’iconostase qui sépare nettement le sanctuaire de l’autre partie du temple, le clergé du peuple ;
- au caractère secret de la consécration, symbole évident de l’inconnaissable à qui se réfère toute la liturgie ;
- à la situation du célébrant qui est toujours versus ad Deum et jamais versus ad populum ;
- au fait que la communion est toujours administrée par le célébrant et par lui seul ;
- aux marques de profonde adoration, continuellement répétées, dont sont l’objet les Espèces consacrées ;
- au comportement essentiellement contemplatif du peuple.
Le fait que les liturgies orientales, même dans leurs formes les moins solennelles, durent plus d’une heure, et les expressions qui s’y retrouvent constamment (« tremenda et inenarrabilis liturgia », « tremendi, celesti, vivificandi mysterii » etc.) suffisent à tout dire. Notons enfin que le concept de « cène » ou de « banquet » est clairement subordonné à celui de sacrifice, aussi bien dans la Divine Liturgie de saint Jean Chrysostome que dans celle de saint Basile ; or il en est également ainsi dans la Messe romaine de saint Pie V.[↩]
- Dans la session XIII (Décret sur la Sainte Eucharistie, Introduction), le Concile de Trente déclare son intention : « [Le vœu premier et principal du Concile] fut d’arracher jusqu’à la racine la zizanie des exécrables erreurs et des schismes que l’homme ennemi a semé dans la doctrine de la foi, par l’usage et par le culte de la très Sainte Eucharistie, alors que cependant notre Sauveur a laissé [au sein de] son Église ce sacrement comme étant le symbole de l’unité et de la charité en lesquelles il a voulu que tous les chrétiens fussent unis et conjoints entre eux » (Concile de Trente, session XIII, Décret sur l’Eucharistie, Prooemium, Dz. 1635) (al).[↩]
- « Faire retour avec ferveur aux sources de la sacrée liturgie est chose sage et fort digne de louanges, attendu qu’en se rapportant à ses propres origines l’étude de cette discipline ne contribue pas peu à faire mieux pénétrer la signification des fêtes, le sens des cérémonies sacrées et celui des formules [qui y sont employées]. Cependant, il n’est ni sage ni louable de prétendre ramener tout et de toutes manières à l’antiquité. Ainsi, par exemple, celui-là erre hors du droit chemin qui prétend restituer à l’autel la forme de table qu’il avait primitivement. Il est également aberrant de vouloir exclure le noir comme couleur de vêtements liturgiques, de proscrire images et statues dans les églises [ou chapelles], d’exiger que les représentations du divin Rédempteur en Croix soient disposées de telle manière que n’apparaissent pas dans son corps les marques des douloureux supplices dont il est mort… Ces manières de penser et de faire ne font que trop revivre la convoitise déréglée de l’antique, qu’avait excitée un synode illégitime, celui de Pistoie. Elles tendent à réhabiliter les erreurs qui furent la cause pour laquelle ce conciliabule se rassembla, qui furent suivies non sans un grand détriment pour les âmes et que l’Eglise, gardienne fidèle du dépôt de la foi qui lui a été confié par son divin fondateur, a réprouvées à bon droit et conformément au droit » (Mediator Dei, 1, 5) (A.A.S., XXXIX, 1947, pp. 545–546) (an).[↩]
- « … Que ne fasse pas illusion le critère de devoir réduire l’édifice de l’Eglise, devenu un temple magnifique ample et majestueux pour la gloire de Dieu, à ses proportions initiales et minimes, comme si celles-ci étaient conformes à la vérité et à la sagesse » (PAUL VI, Ecclesiam suam).[↩]
- « Un ferment qui est pratiquement celui du schisme divise, subdivise et morcelle l’Eglise » (PAUL VI, Homélie in Cena Domini 1969).[↩]
- « Il y a également parmi nous, entre nous, ces « schismata », ces « scissuræ » que saint Paul dénonce avec douleur dans le passage de la première lettre aux Corinthiens dont nous venons de faire lecture » (PAUL VI, ibid.).[↩]
- Il est de notoriété commune que Vatican II est aujourd’hui renié par ceux-là même qui se vantèrent d’en être les pères ; ils quittèrent le Concile décidés à en « faire exploser » le contenu sur le point d’être appliqué, alors que le Souverain Pontife déclarait n’en avoir rien modifié au moment où il le sanctionnait. Malheureusement le Saint-Siège, avec une précipitation inexplicable, a autorisé voire même encouragé, par le truchement du Comité pour l’application de la Constitution sur la liturgie, une infidélité toujours croissante au Concile, infidélité qui s’étend des aspects seulement formels – au moins apparemment – (latin-grégorien, rites anciens et vénérables), à la substance même de la liturgie dont le Nouvel Ordo consomme la destruction. Les terribles conséquences que nous avons tenté de mettre en évidence se sont répercutées, d’une manière encore plus catastrophique au point de vue psychologique, dans le domaine de la discipline et dans celui du magistère ecclésiastique. Il en résulte que le prestige du Siège apostolique et la docilité qui lui est due se trouvent ébranlés au point de légitimer toutes les craintes.[↩]