« Je m’en tiens à la messe traditionnelle »

En réa­li­té, le nou­vel Ordo Missæ n’existe pas. Ce qui existe c’est une Révolution litur­gique uni­ver­selle et per­ma­nente, prise à son compte ou vou­lue par le Pape actuel.

La déclaration du Père Calmel de 1970

Je m’en tiens à la Messe tra­di­tion­nelle, celle qui fut codi­fiée, mais non fabri­quée, par saint Pie V, au XVIe siècle, confor­mé­ment à une cou­tume plu­sieurs fois sécu­laire. Je refuse donc l’Ordo Missæ de Paul VI.

Pourquoi ? Parce que, en réa­li­té, cet Ordo Missæ n’existe pas. Ce qui existe c’est une Révolution litur­gique uni­ver­selle et per­ma­nente, prise à son compte ou vou­lue par le Pape actuel, et qui revêt, pour le quart d’heure, le masque de l’Ordo Missae du 3 avril 1969. C’est le droit de tout prêtre de refu­ser de por­ter le masque de cette Révolution litur­gique. Et j’estime de mon devoir de prêtre de refu­ser de célé­brer la Messe dans un rite équivoque.

Si nous accep­tons ce rite nou­veau, qui favo­rise la confu­sion entre la Messe catho­lique et la Cène pro­tes­tante – comme le disent équi­va­le­ment deux Cardinaux et comme le démontrent de solides ana­lyses théo­lo­giques – alors nous tom­be­rons sans tar­der d’une Messe inter­chan­geable (comme le recon­naît du reste un pas­teur pro­tes­tant) dans une Messe car­ré­ment héré­tique et donc nulle. Commencée par le Pape, puis aban­don­née par lui aux églises natio­nales, la réforme révo­lu­tion­naire de la messe ira son train d’Enfer. Comment accep­ter de nous rendre complices ?

Vous me deman­de­rez : en main­te­nant, envers et contre tout, la Messe de tou­jours, avez-​vous réflé­chi à quoi vous vous expo­sez ? Certes. Je m’expose, si je peux dire, à per­sé­vé­rer dans la voie de la fidé­li­té à mon sacer­doce, et donc à rendre au Souverain Prêtre, qui est notre Juge Suprême, l’humble témoi­gnage de mon office de prêtre. Je m’expose encore à ras­su­rer des fidèles désem­pa­rés, ten­tés de scep­ti­cisme ou de déses­poir. Tout prêtre en effet qui s’en tient au rite de la Messe codi­fié par saint Pie V, le grand Pape domi­ni­cain de la Contre-​Réforme, per­met aux fidèles de par­ti­ci­per au Saint Sacrifice sans équi­voque pos­sible ; de com­mu­nier, sans risque d’être dupe, au Verbe de Dieu incar­né et immo­lé, ren­du réel­le­ment pré­sent sous les saintes espèces.

J’estime de mon devoir de prêtre de refu­ser de célé­brer la Messe dans un rite équivoque.

En revanche, le prêtre qui se plie au nou­veau rite, for­gé de toutes pièces par Paul VI, col­la­bore pour sa part à ins­tau­rer pro­gres­si­ve­ment une Messe men­son­gère où la pré­sence du Christ ne sera plus véri­table, mais sera trans­for­mée en un mémo­rial vide ; par le fait même le Sacrifice de la Croix ne sera plus réel­le­ment et sacra­men­tel­le­ment offert à Dieu ; enfin la com­mu­nion ne sera plus qu’un repas reli­gieux où l’on man­ge­ra un peu de pain et boi­ra un peu de vin ; rien d’autre comme chez les pro­tes­tants. – Ne pas consen­tir à col­la­bo­rer à l’instauration révo­lu­tion­naire d’une Messe équi­voque, orien­tée vers la des­truc­tion de la Messe, ce sera se vouer à quelles mésa­ven­tures tem­po­relles, à quels mal­heurs en ce monde ? Le Seigneur le sait dont la grâce suf­fit. En véri­té la grâce du Cœur de Jésus, déri­vée jusqu’à nous par le Saint Sacrifice et par les sacre­ments, suf­fit tou­jours. C’est pour­quoi le Seigneur nous dit si tran­quille­ment : celui qui perd sa vie en ce monde à cause de moi la sauve pour la vie éternelle.

Je recon­nais sans hési­ter l’autorité du Saint-​Père. J’affirme cepen­dant que tout Pape, dans l’exercice de son auto­ri­té, peut com­mettre des abus d’autorité. Je sou­tiens que le Pape Paul VI com­met un abus d’autorité d’une gra­vi­té excep­tion­nelle lorsqu’il bâtit un rite nou­veau de la Messe sur une défi­ni­tion de la Messe qui a ces­sé d’être catho­lique. « La Messe, écrit-​il dans son Ordo Missae, est le ras­sem­ble­ment du peuple de Dieu, pré­si­dé par un prêtre, pour célé­brer le mémo­rial du Seigneur. » Cette défi­ni­tion insi­dieuse omet de parti-​pris ce qui fait catho­lique la Messe catho­lique, à jamais irré­duc­tible à la Cène pro­tes­tante. Car dans la Messe catho­lique il ne s’agit pas de n’importe quel mémo­rial ; le mémo­rial est de telle nature qu’il contient réel­le­ment le Sacrifice de la Croix, parce que le corps et le sang du Christ sont ren­dus réel­le­ment pré­sents par la ver­tu de la double consé­cra­tion. Cela appa­raît à ne pou­voir s’y méprendre dans le rite codi­fié par saint Pie V, mais cela reste flot­tant et équi­voque dans le rite fabri­qué par Paul VI . De même, dans la Messe catho­lique, le prêtre n’exerce pas une pré­si­dence quel­conque ; mar­qué d’un carac­tère divin qui le met à part pour l’éternité, il est le ministre du Christ qui fait la Messe par lui ; il s’en faut de tout que le prêtre soit assi­mi­lable à quelque pas­teur, délé­gué des fidèles pour la bonne tenue de leur assem­blée. Cela, qui est tout à fait évident dans le rite de la Messe ordon­né par saint Pie V, est dis­si­mu­lé sinon esca­mo­té dans le rite nouveau.

Tout Pape, dans l’exercice de son auto­ri­té, peut com­mettre des abus d’autorité.

La simple hon­nê­te­té donc, mais infi­ni­ment plus l’honneur sacer­do­tal, me demandent de ne pas avoir l’impudence de tra­fi­quer la Messe catho­lique, reçue au jour de l’Ordination. Puisqu’il s’agit d’être loyal, et sur­tout en une matière d’une gra­vi­té divine, il n’y a pas d’autorité au monde, serait-​ce une auto­ri­té pon­ti­fi­cale, qui puisse m’arrêter. Par ailleurs la pre­mière preuve de fidé­li­té et d’amour que le prêtre ait à don­ner à Dieu et aux hommes c’est de gar­der intact le dépôt infi­ni­ment pré­cieux qui lui fut confié lorsque l’évêque lui impo­sa les mains. C’est d’abord sur cette preuve de fidé­li­té et d’amour que je serai jugé par le Juge Suprême. J’attends en toute confiance de la Vierge Marie, la Mère du Souverain Prêtre, qu’elle m’obtienne de res­ter fidèle jusqu’à la mort à la Messe catho­lique, véri­table et sans équivoque.

TUUS SUM EGO, SALVUM ME FAC.

Sources : Revue Itinéraires n° 139 de jan­vier 1970

O.P.

Le père Roger-​Thomas Calmel (1914–1975) est un domi­ni­cain fran­çais, phi­lo­sophe tho­miste, qui a appor­té une immense contri­bu­tion à la lutte pour la Tradition catho­lique à tra­vers ses écrits et ses confé­rences. Son influence la plus impor­tante fût auprès des sœurs domi­ni­caines ensei­gnantes de Brignoles et de Fanjeaux.