A notre frère dans l’épiscopat, Marcel LEFEBVRE, ancien archevêque de TULLE.
Cher Frère, c’est avec peine que nous vous écrivons aujourd’hui. Avec peine, car nous devinons le déchirement intérieur d’un homme qui voit l’anéantissement de ses espoirs, la ruine de l’œuvre qu’il croit avoir entreprise pour la bonne cause. Avec peine, car nous pensons au désarroi des jeunes qui vous ont suivi, pleins d’ardeur, et qui découvrent maintenant l’impasse. Mais notre peine est plus vive de constater que la décision de l’autorité compétente – pourtant formulée très clairement et tout à fait justifiée, il faut le dire, par votre refus de modifier votre opposition publique et persistante au Concile oecuménique Vatican II, aux réformes postconciliaires et aux orientations qui engagent le Pape lui-même – que cette décision prête encore à discussion jusqu’à vous conduire à rechercher une quelconque possibilité juridique de l’infirmer.
Bien qu’une mise au point ne soit, à strictement parler, pas nécessaire, nous jugeons cependant opportun de vous confirmer que nous avons tenu à être personnellement informé de tout le déroulement de l’enquête concernant la Fraternité sacerdotale Saint-Pie‑X, et cela depuis le commencement. La Commission cardinalice que nous avons instituée nous a régulièrement et scrupuleusement rendu compte de son travail. Enfin, les conclusions qu’elle nous a proposées, nous les avons faites nôtres toutes et chacune, et nous avons personnellement ordonné leur entrée en vigueur immédiate.
Aussi, cher Frère, c’est au nom de la vénération pour le Successeur de Pierre que vous professez dans votre lettre du 31 mai, plus que cela, c’est au nom de l’obéissance au Vicaire du Christ, que nous vous demandons un acte public de soumission, afin de réparer ce que vos écrits, vos propos, votre attitude ont d’offensant à l’égard de l’Eglise et de son Magistère. Un tel acte implique nécessairement, entre autres, l’acceptation des mesures prises à l’égard de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie‑X, avec toutes leurs conséquences pratiques. Nous supplions Dieu afin qu’il vous éclaire et vous conduise à agir ainsi, malgré vos réticences du moment. Et nous faisons appel à votre sens des responsabilités épiscopales pour reconnaître le bien qui en résulterait pour I’Eglise.
Certes, des problèmes d’un tout autre ordre nous préoccupent également. La superficialité de certaines lectures des documents conciliaires, des initiatives individuelles ou collectives relevant parfois davantage du libre arbitre que de l’adhésion confiante à l’enseignement de l’Ecriture et de la Tradition, des démarches pour lesquelles la foi sert arbitrairement de caution, nous les connaissons, nous en souffrons et nous nous efforçons d’y remédier pour notre part, à temps comme à contretemps. Mais comment s’en prévaloir pour s’autoriser à des excès gravement préjudiciables ? Telle n’est pas la bonne voie, puisqu’elle emprunte en définitive un itinétaire comparable à celui qui est dénoncé. Que signifie un membre qui veut agir seul, indépendamment du Corps auquel il appartient ?
Vous laissez invoquer en votre faveur le cas de saint Athanase. Il est vrai que ce grand évêque demeura pratiquement seul à défendre la vraie foi, dans les contradictions qui lui venaient de toute part. Mais, précisément, il s’agissait de la défense de la foi du récent Concile de Nicée. Le Concile fut la norme qui inspira sa fidélité, comme du reste chez saint Ambroise. Comment aujourd’hui quelqu’un pourrait-il se comparer à saint Athanase, en osant combattre un Concile comme le deuxième Concile du Vatican, qui ne fait pas moins autorité, qui est même sous certains aspects plus important encore que celui de Nicée ?
Nous vous exhortons donc à méditer la monition que nous vous faisons avec fermeté et en vertu de notre autorité apostolique. Votre aîné dans la foi, celui qui a reçu mission de confirmer ses frères, vous l’adresse le cœur empli d’espérance. Il voudrait déjà pouvoir se réjouir d’être compris, entendu et obéi. Il attend avec impatience le jour où il aura le bonheur de vous ouvrir ses bras, pour manifester une communion retrouvée, lorsque vous aurez répondu aux exigences qu’il vient de formuler. Il confie à présent cette intention au Seigneur, qui ne rejette nulle prière.
In veritate et caritate.
Du Vatican, le 29 juin 1975.
PAULUS PP. VI.