Sur son blog Yves Daoudal exprime sa réprobation de constater que Mgr Blaquart a inauguré, dans son église cathédrale de Chartres, une plaque commémorant le « 500ème anniversaire de la Réforme protestante ».
Il titre même son effroi par un « Hallucinant » qui pourrait nous laisser croire qu’il va enfin condamner cette Eglise conciliaire tout droit sortie du Concile Vatican II et plus spécialement de Nostra Aetate…
Eh, bien pas du tout ! M. Daoudal nous invite simplement à nous référer à une lettre du cardinal Müller à Mgr Nunzio Galantino : la Réforme ne fut pas un « événement du Saint-Esprit », « mais une révolution »[1]. Lettre dans laquelle, Mgr Müller se garde bien de dénoncer l’origine du mal, à savoir le Concile Vatican II lui-même.
Et comment ce Prince de l’Eglise pourrait-il le faire lui qui dans les « conditions nécessaires en vue du plein rétablissement de la communion » avec l’œuvre fondée par feu Mgr Lefebvre exige que « les membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X doivent reconnaître, non seulement la validité, mais aussi la légitimité du Rite de la Sainte Messe et des Sacrements, selon les livres liturgiques promulgués après le Concile Vatican Il. »
Quos vult perdere Jupiter dementat, dit l’adage… Nous n’en sommes plus très loin.
Quant à nous, nous voyons dans cet incroyable rapprochement avec un des pires ennemis de l’Eglise, Luther, ce que l’abbé Louis-Marie Buchet qualifie « d’opération survie du protestantisme ».
La Porte Latine
Luther a eu pour but de « renouveler l’Église, non de la diviser », a dit le Pape François (cf. La Croix du 19/01/2017) ; et d’en faire tout son programme en la « renouvelant » de fond en comble.
Pour mieux comprendre ce ravalement de façade qu’on fait subir à l’Église depuis plusieurs décennies, il était bon, dans l’article précédent, de structurer un peu la machine de destruction massive que fut et que reste le Protestantisme ; et ce afin de voir que ce sont ses principes qui ont pénétré dans l’Église.
« Église nouvelle » et « sacerdoce nouveau »
Comment donc sortir le Protestantisme de cette impasse de l’individualisme et de la division, où on a vu qu’il s’enfermait ? Faire la même chose, mais « en Église ». Le protestant restera pape, la Bible à la main, mais il se doublera du moderniste : il fera partager ses expériences à la communauté, et il en sortira « des dogmes ». Tout restera centré sur l’homme et la conscience.
Plutôt que de détruire l’Église, comme Luther l’avait imaginé, on va la transformer, et de même pour le sacerdoce. Le prêtre ne sera plus l’homme du sacrifice, l’homme de la Messe, l’homme de Dieu, même. Mais il deviendra comme un chef d’orchestre, l’autorité nécessaire pour « faire Église » (exactement comme chez les protestants) et faire ainsi surgir la présence de Christ. Il deviendra surtout cette autorité nécessaire pour colliger les expériences de tous, et les formuler en une expression qu’on appellera « dogme »… C’est exactement ce que décrit saint Pie X dans Pascendi : la vérité n’existe pas, mais seulement la vie, c’est-à-dire le changement ; elle est en effet appelée à mourir dès qu’elle arrête de… « pédaler », dirait Che Guevara. C’est cela qu’on appelle être « en marche vers la pleine communion » : le but n’est pas la vérité, mais une « vie », un changement perpétuel.
Tout ce qui cesse d’évoluer cesse de « vivre ».
Les principes protestants sont ainsi intégrés à l’Église et réadaptés : le Protestantisme est « sauvé » de l’impasse où il aboutissait, en prenant une nouvelle dimension communautaire. On ne veut plus que l’Église ne soit ni mère, ni fille, mais tout simplement comme la communauté des individus, l’endroit où se réalise « l’événement ».
Une messe nouvelle…
On l’a vu, pour le protestant il fallait faire tomber la Messe, pour détruire le sacerdoce catholique. C’est donc ce qui va être fait à Vatican II, quoiqu’imperceptiblement et involontairement pour beaucoup. D’où le grand désarroi qui règne. On vise, comme chez les protestants, à ce que l’autorité ne soit plus qu’un « service », un « ministère », au service de la communauté des consciences. D’où ce vocabulaire protestant qu’on répète aujourd’hui dans l’Église, sans en saisir souvent le sens profond. La messe elle-même doit ressembler au maximum à la cène protestante. Pour cela il faut estomper son caractère sacrificiel, pour en faire essentiellement un repas (cf. le Bref examen critique de la nouvelle messe).
La Messe transformée, c’est bien le sacerdoce qui s’en trouvera « renouvelé » : le prêtre ne sera plus l’homme du sacrifice, mais il apparaîtra comme un président d’assemblée.
« En marche vers la pleine communion »
On peut difficilement s’attarder à évoquer tous les changements par lesquels le Protestantisme est venu investir la sainte Église. Le mieux serait de reprendre l’article précédent et de constater que le plan d’attaque appliqué à l’extérieur est le même qui aujourd’hui ronge l’Église de l’intérieur. On peut constater le changement perpétuel, qui préside à tout : cette marche vers la pleine communion, comme disent les modernes, sans savoir toujours que l’idée est bien protestante. En morale aussi, la théorie très compliquée de la justification et l’incertitude du salut qui l’entoure ont « avantageusement » (?) été remplacées par une présomption très pratique, venue tout droit de la soif de liberté, protestante : l’homme désormais n’est plus en peine pour son salut, tout homme est sauvé, il n’y a plus d’enfer… On est non seulement libéré de l’Église et de son Magistère, mais aussi de l’idée même de péché, de salut donc aussi, puisque tout le monde est sauvé par principe.
Voilà bien l’opération « survie » du Protestantisme : la pénétration de tous les principes protestants pour transformer l’Église de l’intérieur.
Contre cela, comme autrefois les prêtres sonnant de la trompette devant Jéricho, c’est le sacerdoce catholique qu’il faut faire parler et remettre en avant, avec le saint Sacrifice de la Messe. C’est alors que Dieu, dans sa Providence, a fait « l’opération survie de la Tradition » par l’œuvre de restauration du sacerdoce qu’il a inspirée à Mgr Lefebvre.
Abbé Louis-Marie BUCHET †, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Hermine n° 55 de Nantes
- Alors que le secrétaire général de la conférence des évêques d’Italie, Mgr Nunzio Galantino – nommé à ce poste en 2014 par le pape François lui-même – vient de qualifier la Réforme de Luther d”« événement du Saint-Esprit », le cardinal Gerhard Müller, récemment débarqué de son poste de préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, vient de tenir sur la rupture protestante il y a 500 ans un langage beaucoup plus… catholique. Dans une tribune publiée ce mardi par La Nuova Bussola Quotidian a, répondant directement et ouvertement à cette assertion, le cardinal Müller a souligné qu’il ne s’agissait pas d’une réforme, mais d’une révolution. [reinformation.tv du 25 octobre 2017].[↩]