Accès à la Constitution Gaudium et spes
Analyse du texte
Il est difficile de faire le tour de Gaudium et Spes en si peu de pages. C’est en effet l’un des documents les plus longs et les plus denses. Si l’on devait donc retenir l’essentiel, il nous faudra nous arrêter d’abord sur un principe philosophique sous-tendu par l’ensemble du document et qui en constitue peut-être la principale erreur, savoir le personnalisme. A la racine de ce principe, on note une confusion théologique grave et certainement délicate entre les deux ordres de la nature et de la grâce. Enfin, conséquence de l’éminente dignité de la personne humaine, une autre erreur apparaît tout aussi nettement dans le texte et facilement observable aujourd’hui dans l’Eglise. Nous voulons parler du mondialisme
Le personnalisme
Le personnalisme est une doctrine philosophique assez diffuse qui remonte aux débuts du XXe siècle. Pour en résumer tous les courants, il suffit de dire que la personne humaine est un principe ontologique fondamental. Repris et appliqué à l’ordre politique par Emmanuel Mounier et la revue Esprit, le personnalisme veut se poser en juste milieu entre l’individualisme (existentialisme de Kierkegaard) et le collectivisme (socialisme de Marx). Il aboutit alors à affirmer que la personne humaine est supérieure au bien commun, autrement dit que le bien commun est finalisé par la personne humaine. Cette erreur n’échappe donc pas à placer son fondement ultime dans la déclaration des droits de l’homme.
C’est ainsi que la dignité de l’homme, ou de la conscience, ou de la personne est omniprésente dans la constitution. « Croyants et incroyants sont généralement d’accord sur ce point : tout sur terre doit être ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet. » [1] « La communauté des personnes exige le respect réciproque de leur pleine dignité spirituelle. » [2] « La personne humaine est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions. » [3]
Il serait trop long et fastidieux de tout citer… Mais les conséquences sont lourdes. La société et le le bien commun doivent s’effacer au profit de la personne. « La socialisation… permet d’affermir et d’accroître les qualités de la personne, et de garantir ses droits. » [4] « Tout ce qui est offense à la dignité de l’homme… corrompu la civilisation. » [5] Autrement dit, le châtiment lui-même, la réprimande et la punition, deviennent impossible ! C’est d’ailleurs bien le sens qu’il faut donner au jubilé de la miséricorde que le pape François veut faire célébrer. Cette miséricorde est le fruit de l’erreur personnaliste et n’est plus au service du bien commun. Au contraire, elle l’anéantit.
Tout doit alors être redéfini en fonction de ce nouveau paradigme qu’est la personne humaine. Ainsi, le péché « amoindrit l’homme en l’empêchant d’atteindre sa plénitude ». [6] L’Eglise elle-même se veut « fidèle à la fois à Dieu et à l’homme » [7] et « en vertu de l’Evangile, proclame les droits des hommes, reconnaît et tient en grande estime le dynamise de notre temps, qui partout, donne un nouvel élan à ces droits ». [8]
Pas étonnant alors que la liturgie devienne centrée sur l’homme (cf. constitution Sacrosanctum concilium) et encourage l’inculturation. [9] Dans la ligne de ce même principe, il deviendra facile d’inverser les fins du mariage en prônant d’abord le respect de l’autre et l’amour de la personne. Finalement, Dieu lui-même, bien commun suprême de l’homme et de toute la création, est mis au service de la personne au point que « la Révélation chrétienne fait briller aux yeux des croyants la qualité et la grandeur du mystère de l’homme » ! [10]
Une confusion dramatique
Le personnalisme ainsi considéré aboutit à une divinisation de l’homme, divinisation qui engendre par conséquent une confusion des ordres naturels et surnaturels.
Ce thème est certainement l’un des points clés de ce concile. On le comprend aisément car il y a théologiquement une véritable difficulté à définir le point de suture entre nature et grâce. Mais la théologie moderne, et moderniste, a prévalu dans le sens d’une exigence, comme si la surnature faisait partie de la nature. Cette confusion est dramatique et aboutit à des ambiguïtés insurmontables : la grâce est présente là où se trouve la nature et finalement Dieu sauvera tous les hommes. Certes, la constitution conciliaire ne va pas aussi loin, mais de nombreux passages équivoque y conduisent.
Le texte parle en effet de « la très noble vocation de l’homme et en affirmant qu’un germe divin est déposé en lui » [11] sans autre explication. C’est un peu court ! Cependant, le passage le plus connu se trouve un peu plus loin. « Parce qu’en lui [NS] la nature humaine a été assumée, non absorbée, par le fait même, cette nature a été élevée en os aussi à une dignité sans égale. Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. » [12] « Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce. En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. » [13]
Une porte ouverte…
Dans cette confusion, il est facile alors d’affirmer que l’on peut instaurer un paradis sur terre. Même si l’expression ne s’y trouve pas, l’idée est avancée sous la couleur d’un gouvernement mondial, d’une sanctification de la planète, d’une fraternité universelle qui n’est plus fondée sur la grâce.
« Ce saint Synode offre au genre humain la collaboration sincère de l’Eglise pour l’instauration d’une fraternité universelle qui réponde à cette vocation. » [14] Difficile d’être plus clair ! « Toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle soit sociale ou culturelle, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu. » [15] « Mais de tous Il fait des hommes libres pour que, renonçant à l’amour-propre et rassemblant toutes les énergies terrestres pour la vie humaine, ils s’élancent vers l’avenir, vers ce temps où l’humanité elle-même deviendra une offrande agréable à Dieu. » [16]
Il ne nous est pas possible, de nous étendre davantage, mais dans la continuation logique de ces idées, le concile encourage le progrès (le mot revient 38 fois dans le texte) envisageant une paix terrestre pour tous les hommes devenus citoyens du monde (l’expression s’y trouve!). Comment voulez-vous, dans ces circonstances, que le communisme soit encore condamné…
Toutes ces idées à saveur new age sont amplement et logiquement déroulées aujourd’hui par le pape François. Son document sur l’écologie, le spectacle scandaleux de ces images projetées sur la basilique Saint-Pierre (qui n’est rien autre qu’un profanation) sont dans la droite ligne de Gaudium et spes. Mondialisation, gouvernement universel (Benoît XVI en parlait déjà), écologie, fraternité tout un programme déjà élaboré par les sectes franc-maçonnes à la remorque desquelles les homme d’Eglise se sont mis.
Conclusion
Ce texte est un échec, il faut bien le dire. Sensé analysé les problèmes contemporains pour y apporter remèdes et contre vérités, cette constitution n’a fait qu’attiser le souffle du matérialisme, de l’athéisme et de la nouvelle « théologie anthropomorphique ».
On comprend que Gaudium et spes ait été comparé au Syllabus de Pie IX. En effet, ce dernier, en stigmatisant, dénonçant et condamnant les erreurs du XIXe siècle a été un rempart pour protéger l’Eglise et les catholiques.
Au contraire, « de tous les textes du deuxième concile du Vatican, la constitution pastorale Sur l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et Spes) a été incontestablement le plus difficile, et aussi, à côté de la constitution sur la liturgie et du décret sur l’œcuménisme, le plus riche en conséquences. [ ] Si l’on cherche un diagnostic global du texte, on pourrait dire qu’il est une révision de Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-Syllabus. Contentons-nous ici de constater que le texte joue le rôle d’un contre-Syllabus, dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l’Eglise avec le monde tel qu’il était devenu depuis 1789 » [17].
Non, vraiment, le problème du concile Vatican II n’est pas un problème d’herméneutique ou d’interprétation.
Abbé Gabriel Billecocq, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X