La Fraternité Saint-Pie X a, depuis longtemps, pris position vis-à-vis du concile Vatican II et de ses réformes. Et cette position n’a jamais changé dans les principes. Essayons de la résumer et de la justifier en quelques mots.
La société fondée par Mgr Lefebvre reconnaît les papes « conciliaires » comme papes de la sainte Église catholique. C’est pourquoi ses prêtres prient publiquement pour eux en tant que souverains pontifes. Ce point dissocie très nettement l’œuvre fondée par Monseigneur Lefebvre des œuvres ou des prêtres dits « sédévacantistes ». L’évêque fondateur d’Écône n’a jamais voulu rentrer dans les raisonnements sédévacantistes (cf., Feuillet édité par Fideliter de février 1980).
Puisqu’une obéissance qui irait contre les principes de la Foi ne serait pas vertueuse, la Fraternité Saint-Pie X pose clairement les conditions d’une véritable obéissance au successeur de Pierre : elle refuse de le suivre quand il s’écarte de la Tradition catholique, particulièrement en matière de liberté religieuse et d’œcuménisme, ainsi que dans les réformes qui sont nocives à l’Église.
Pour apprécier le bien-fondé de cette conduite, on consultera sur ce sujet les livres Ils l’ont découronné, C’est moi l’accusé qui devrais vous juger, J’accuse le Concile et Mes doutes sur la liberté religieuse de Monseigneur Lefebvre.
Vis-à-vis de la réforme liturgique, la Fraternité affirme que le nouveau rite de la messe ne formule, il est vrai, aucune hérésie de manière expresse, mais elle tient qu’il « s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte Messe ».
Sa conclusion doctrinale sur la nouvelle messe, se fonde sur l’application du principe Bonum ex integra causa, malum ex quocumque defectu, c’est-à-dire : pour qu’une chose soit bonne, elle ne doit avoir aucun défaut ; il suffit d’un défaut pour qu’elle commence à être mauvaise. Cette conclusion est donc la suivante : le nouveau rite est en soi mauvais. Et si ce nouveau rite est mauvais, c’est donc qu’il n’est pas licite, c’est-à-dire qu’il n’est pas moral d’y participer ou de le célébrer. En effet, en matière sacramentaire, la validité ne suffit pas pour rendre la célébration de la messe bonne ; encore faut-il la célébrer dans les conditions de licéité requises. C’est ainsi que, durant la révolution, la messe tridentine des prêtres jureurs était valide, mais non licite, puisque célébrée dans le schisme.
En ce qui concerne la promulgation de la nouvelle messe, il faut, en outre, rappeler qu’un doute sérieux plane sur la procédure de promulgation. Louis Salleron, dans son livre intitulé La nouvelle Messe (NEL, 1970, pp. 97–109) relève trois anomalies :
- il y a trois versions de la promulgation sous la même date (plus exactement seule la première version est datée). Il y a donc un vice de la procédure ;
- la formule latine ne portait aucune formule d’obligation et n’abrogeait pas l’ancien rit ;
- la traduction française a été trafiquée, comme suit : on est passé, dans le latin de « de tout ce que nous venons jusqu’ici d’exposer touchant le nouveau missel romain, nous croyons bon de tirer maintenant, pour finir, une conclusion » à en français : « pour terminer nous voulons donner force de loi à tout ce que nous avons exposé plus haut ».
Pour toutes ces raisons énoncées ci-dessus, il semble difficile d’affirmer que la nouvelle messe a été « légitimement » promulguée. Par contre, ce qui est vrai, c’est qu’elle ait été tyranniquement imposée par Paul VI qui, à partir du milieu des années soixante-dix, ne voulait plus entendre parler de l’ancienne messe.
En ce qui concerne la validité concrète de la nouvelle messe, il faut admettre que les messes célébrées selon le nouveau rite ne sont pas toutes invalides. Cependant, si l’on prend en compte 1) le sens protestant qui se trouve déjà dans le texte latin original de la messe conciliaire tel qu’il se trouve dans le nouveau missel ; 2) les mauvaises traductions en langue vulgaire qui dégradent encore le sens du texte liturgique ; 3) la diversité fantaisiste des modes de célébration tels qu’on les trouve dans les paroisses, on doit admettre que le danger d’invalidité de cette messe est très grand. Or, en matière de sacrement, la saine théologie morale traditionnelle ne permet pas de prendre le risque de célébrer un sacrement douteux : on doit être tutioriste en matière de sacrement. On ne peut donc prendre le risque de célébrer cette messe, d’y participer ou d’y communier. La foi du participant n’y change rien.
La règle de conduite pratique qui découle de ces prémisses, vis-à-vis du Novus Ordo Missae (N.O.M.), est logiquement la suivante en bonne morale catholique :
- un prêtre ne doit jamais célébrer la sainte messe selon ce nouveau rite, même sous la menace de peines ecclésiastiques ;
- il ne doit jamais autoriser, permettre ou conseiller à quiconque, de manière positive, d’y participer activement ou d’y communier (l’assistance purement passive, avec raison proportionnée et écartement du risque de scandale, est permise, par exemple, pour un mariage ou des funérailles dans la famille) ;
- il ne doit jamais participer au N.O.M. soit en concélébrant, soit en prenant le risque de distribuer des hosties N.O.M. lors de mariages ou funérailles célébrés (par lui-même dans l’ancien rit) dans les paroisses, en utilisant les ciboires N.O.M., (la distribution de ces hosties fait partie de la célébration, de près ou de loin, de la nouvelle messe).
Cette position vis-à-vis de la nouvelle messe permet de dissocier très nettement les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X de la position Ecclesia Dei, pour laquelle la nouvelle messe n’est pas purement et simplement mauvaise, bien que valide, mais simplement moins bonne que la messe tridentine. Logiquement, dans cette perspective, les fidèles, avec une raison proportionnée, pourraient assister, participer et communier à la messe Paul VI et les prêtres pourraient même la célébrer ou la concélébrer en toute sûreté de conscience. La Fraternité Saint-Pie X n’admet pas ce raisonnement et cette conclusion.
Cette dernière conclusion, qui est fausse, repose sur une erreur de principe : la méconnaissance de la règle élémentaire formulée plus haut : Bonum ex integra causa, malum ex quocumque defectu. Preuve que la formation dispensée dans ce « secteur de l’Église », appelé Ecclesia Dei, est largement défectueuse. Il illustre d’une façon concrète l’adage : petite erreur dans les principes ; catastrophe dans les conclusions.
Ces quelques considérations indiscutables et indiscutées dans la Fraternité Saint-Pie X, rappellent clairement que la position de cette dernière n’est ni celle des sédévacantistes, ni celle d’Ecclesia Dei. Elles mettent une fois de plus en lumière la ligne de crête suivie par la Fraternité Saint-Pie X : ni sédévacantisme, ni ralliement mais fidélité à la Tradition multiséculaire de la Sainte Église Catholique, apostolique et Romaine.
Abbé Guy Castelain+, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Source : Le Combat de la Foi n° 171 de décembre 2014