Dans ce que l’on a appelé « son testament », intitulé Itinéraire spirituel à la suite de saint Thomas d’Aquin, Mgr Lefebvre donne une large place à la Vierge Marie. Il termine, par exemple, sa préface par une petite prière à la Mère de Dieu dans laquelle il affirme que, par le privilège extraordinaire de son Immaculée Conception, Elle enseigne toutes les vérités fondamentales de notre foi[1].
Ce privilège de l’Immaculée Conception a été défini comme dogme de foi par le pape Pie IX, le 8 décembre 1854, en ces termes :
La bienheureuse Vierge Marie a été, dans le premier instant de sa conception, par une grâce et une faveur singulières du Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée intacte de toute souillure du péché originel »[2].
Le concile Vatican I, dans son chapitre 3 de la Constitution dogmatique sur la Foi catholique enseigne que
« Lorsque la raison, éclairée par la foi, cherche avec soin, piété et modération, elle arrive, par le don de Dieu, à une certaine intelligence très fructueuse des mystères, soit grâce à l’analogie avec les choses qu’elle connaît naturellement, soit grâce aux liens qui relient les mystères entre eux et avec la fin dernière de l’homme »[3].
C’est donc à juste titre que Mgr Lefebvre affirme qu’il y a une connexion entre le mystère de l’Immaculée Conception et les autres mystères de la Foi catholique. Mais l’évêque ne dit pas qu’il y a une connexion de l’Immaculée Conception avec quelques mystères, mais avec toutes les vérités fondamentales de notre foi.
Il faut méditer ce principe pour l’approfondir. Ceci n’est pas une démonstration de la déduction des mystères entre eux, mais une mise en relief de la connexion des mystères entre eux, dès lors qu’ils nous sont connus par le Magistère de l’Église.
Affirmer l’Immaculée Conception, comme « faveur singulière » de la Vierge Marie, c’est affirmer que les autres hommes sont conçus avec le péché originel. Parler de ce péché, c’est parler de la création des anges, de la révolte de certains d’entre eux et de la tentation au jardin de l’Éden. C’est parler de la justice originelle, de la première faute et de ses conséquences : la perte de cette justice originelle, donc la perte de la grâce et sa nécessité pour le salut personnel. C’est aussi poser l’existence des sacrements qui sont les canaux de la grâce. C’est affirmer la nécessité du Baptême et du sacrement de Pénitence.
Ce privilège est « singulier » : il est propre et personnel à Marie. Il faut le justifier : c’est un privilège que le Créateur a accordé à Celle qui devait être la Mère du Verbe incarné. Il fallait qu’Elle soit une digne Mère de Dieu, exempte de péché originel, de péché actuel, mortel ou véniel, de toute imperfection.
Parler du péché originel, c’est affirmer la nécessité d’un Sauveur et de la Rédemption des pauvres pécheurs. C’est envisager l’Incarnation du Fils de Dieu, c’est poser la nécessité d’une Mère absolument sainte, digne de cette mission. C’est affirmer, qu’avec Jésus, Elle est au centre de l’Histoire du genre humain et que son Fiat a donné une modalité mariale dans tout l’ordre providentiel du salut.
L’Immaculée Conception, c’est la nouvelle Ève au côté du nouvel Adam. C’est affirmer qu’Elle sera la « Mère des vivants », non pas au sens physique, mais au spirituel. C’est affirmer que Marie est Corédemptrice et Médiatrice de toutes grâces. C’est affirmer que, comme Elle a été présente à l’offrande de son Fils au Calvaire, Elle est présente auprès du prêtre dans la célébration du saint Sacrifice de la Messe.
Ces quelques considérations ne sont pas exhaustives. Chacun peut prolonger sa méditation à partir du privilège de l’Immaculée Conception et continuer son « voyage spirituel » pour arriver à une « intelligence très fructueuse des mystères », en général, et du Mystère de Marie, en particulier. Oui, la Vierge Immaculée est vraiment gardienne de la foi, et de toute la foi catholique.
Source : Bulletin de la Confrérie Marie Reine des Cœurs n°183
- « O Vierge immaculée, qui, par le privilège extraordinaire de votre Immaculée Conception, nous enseignez toutes les vérités fondamentales de notre foi et avez mérité d’être la Mère du Prêtre éternel, formez en nous le prêtre de Jésus-Christ et rendez-nous moins indignes de participer à ce sacerdoce divin » (Itinéraire spirituel, Ecône, 1989, p. 4).[↩]
- G. Dumeige, La foi catholique [FC], n° 397.Il faut noter que le pape Pie IX a choisi le terme Sauveur (et non pas Rédempteur), par délicatesse envers les Franciscains qui sont de grands défenseurs de l’Immaculée Conception, mais qui tiennent que le Fils de Dieu se serait incarné même si le péché originel n’avait pas eu lieu. C’est la question de la « dette du péché ».[↩]
- FC98[↩]