En 1531, le Mexique a été le théâtre de deux phénomènes hors du commun. L’un d’eux a laissé aux hommes un souvenir impérissable et un vêtement merveilleux.
Au cours de l’année 1531, le Mexique a été le théâtre de deux phénomènes hors du commun. D’abord, un évènement d’ordre naturel encore inexpliqué à l’époque : le passage de la comète Halley, visible dans le ciel le 26 août. Ensuite, un fait d’ordre préternaturel : l’apparition de la Vierge de Guadalupe au Tepeyac les 9, 10 et 12 décembre. Si la comète de Halley ne réapparaît que tous les 76 ans, la Vierge de Guadalupe a laissé aux hommes un souvenir durable de son passage : la tilma — une sorte de vêtement qui tient du manteau et du tablier — de Juan Diego sur laquelle elle a imprimé son effigie.
Dans son radio-message au peuple mexicain du 12 octobre 1945, le pape Pie XII attire l’attention sur le caractère miraculeux d’une image qui n’est pas faite de main d’homme et qui ne subit pas les injures du temps : « Ces régions [de l’Anahuax] étaient à peine connues du monde que sur les bords du lac Texcoco se produisit un fait merveilleux. Sur une toile appartenant au pauvre Juan Diego, ainsi que le rapporte la tradition, des pinceaux qui n’étaient pas d’ici-bas, peignirent une très belle image que l’action corrosive des siècles devait miraculeusement respecter ».
Une image non faite de main d’homme
Dans les représentations picturales, une foule de détails trahit l’intervention de l’homme :
- L’application d’un apprêt : la sous-couche appliquée avant de peindre permet de réduire le pouvoir absorbant et la porosité du support et d’augmenter l’adhérence de la peinture.
- L’élaboration progressive du projet : la réalisation d’une œuvre complexe n’est pas instantanée mais passe par une série d’étapes (le croquis pris sur le vif, l’esquisse dans la phase de recherche, le dessin élaboré qui sert de base de travail, l’ébauche qui amorce l’application de la couleur sur le support définitif).
- L’utilisation de pigments : les pigments sont des substances colorantes non solubles — d’origine minérale, végétale ou animale — qui, mélangées avec un liant, entrent dans la composition des peintures.
- Les traces de coups de pinceau : la peinture est appliquée sur le support recouvert d’apprêt au moyen d’instruments — pinceaux ou brosses — qui laissent çà et là des marques perceptibles.
- La présence de craquelures : les tableaux anciens présentent des craquelures causées soit par le séchage et/ou l’oxydation de la couche picturale (craquelures prématurées), soit par les contraintes mécaniques du support qui se contracte ou se dilate selon le degré hygrométrique de l’air (craquelures d’âge).
- L’application d’un vernis : le vernis est un liquide plus ou moins visqueux à base de résine naturelle appliqué sur l’image peinte à des fins esthétiques et/ou protectrices.
Or, la tilma de Juan Diego ne présente ni apprêt, ni ébauche, ni pigments, ni coups de pinceau, ni craquelures, ni vernis. En fait, l’image de la Vierge de Guadalupe relève plus de la photographie que de la peinture. Sauf que le procédé photographique n’existe pas au XVIe siècle…
La tilma mérite donc amplement le qualificatif d’acheiropoïète qui désigne toutes les images non faites de main d’homme (comme le suaire de Turin ou le voile de Manoppello).
La permanence du support
Que l’image se soit conservée au fil des siècles résulte assurément du procédé mystérieux (et miraculeux) qui a présidé à son impression sur la tilma. Mais il est aussi et surtout la conséquence de la conservation du tissu sur lequel l’image est imprimée.
La tilma est une pièce de tissu de 1,70 m sur 1,05 m, tissée avec de l’istle — une fibre tirée de l’agave popotule — et formée de deux parties cousues ensemble. Or la fragilité naturelle de la fibre ne permet pas la conservation du tissu au-delà de deux décennies, ce que divers essais réalisés au XVIIIe siècle ont confirmé. Si l’impression de l’image est miraculeuse, la conservation du tissu qui fait office de support ne l’est pas moins.
Dans l’histoire de la tilma, deux évènements dramatiques sont venus renforcer cette certitude.
D’abord, l’accident survenu en 1791. En voulant nettoyer le cadre d’argent dans lequel était insérée l’image, l’orfèvre a fait couler du produit nettoyant — en l’occurrence, de l’acide muriatique — sur l’angle supérieur droit de la toile. Ni le tissu ni l’image n’en furent affectés. Seules quelques taches jaunâtres firent leur apparition et sont d’ailleurs toujours visibles.
Ensuite, l’attentat du 14 novembre 1921. Alors que la persécution religieuse sévit au Mexique, une bombe cachée dans un bouquet de fleurs explose au pied de l’image de la Vierge de Guadalupe. L’explosion détruit les marches de l’autel et les chandeliers. Le retable en marbre est brisé. La croix en laiton qui surplombe le tabernacle est déformée par l’effet de souffle (elle est conservée de nos jours encore dans le musée du sanctuaire). Les vitres de la plupart des maisons proches de la basilique se brisent, mais pas celle qui protège l’image. Quant à l’image, elle est intacte.
Un manteau parsemé d’étoiles
En considérant l’image de la Vierge de Guadalupe, on ne peut s’empêcher de songer à ce passage de l’Apocalypse : « Un grand signe est paru dans le ciel : une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête » (Ap 12, 1). A ceci près que les étoiles ne forment pas une couronne mais parsèment le manteau de la Vierge Marie.
La position des étoiles ne doit rien au hasard. Plusieurs constellations sont en effet identifiables : « La constellation de la Couronne boréale arrive sur la tête de la Mère de Dieu ; le signe de la Vierge sur sa poitrine, à la hauteur de ses mains ; le signe du Lion sur son ventre […] ; le signe des Gémeaux, à la hauteur des genoux, et le géant Orion, là où se trouve l’ange, sous les pieds de la Vierge » (cf. mariedenazareth.com).
La position des constellations sur le manteau de la Vierge Marie résulte d’une projection de la position des étoiles dans le ciel au matin du 12 décembre 1531. Or, il s’avère que, dans le calendrier julien en vigueur depuis Jules César et jusqu’au 4 octobre 1582, le solstice d’hiver coïncide cette année-là avec le 12 décembre.
Les peuples païens d’Europe comme ceux d’Amérique ont toujours été attentifs au solstice d’hiver qui voit la durée des jours croître progressivement jusqu’au solstice d’été où elle commence à décroître. La liturgie chrétienne a tiré profit de ce double mouvement en célébrant la Nativité du Christ, qui est la Lumière du monde, au solstice d’hiver, et celle de saint Jean-Baptiste, qui doit s’effacer pour céder la place au Messie annoncé, au solstice d’été.
C’est dire combien l’apparition du Tepeyac, comme les autres apparitions mariales, conduit les âmes de Marie à Jésus.
Des yeux pleins de vie
En 1929, le photographe Alfonso Marcué constate que les yeux de l’image de la Vierge paraissent vivants et reflètent un personnage barbu. Sans entrer dans les débats sur le nombre et l’identité des personnages observables dans les yeux de la Vierge, « il n’est pas sans intérêt de rappeler ici que l’existence de reflets dans l’œil n a été vraiment démontrée que dans les années 1880 par von Helmholtz » (ibid.).
Des observations menées au fil des années 1950 mettent en évidence un triple reflet sur les pupilles de l’image, conformément à l’effet Purkinje-Samson découvert au XIXe siècle.
Assurément, « Dieu n’a rien fait de semblable pour aucune autre nation » (Ps 147, 9).
Source : La lettre de saint Florent n° 289