Bonne et sainte année liturgique !

Missel romain en latin. Vigile de Saint André. Crédit : Pascal Deloche / Godong.

Le pre­mier dimanche de l’Avent, une nou­velle année litur­gique com­mence. Comment s’y retrou­ver dans son missel ?

L’examen atten­tif d’un mis­sel d’autel ou d’un mis­sel pour les fidèles révèle aux yeux du curieux plu­sieurs singularités :

  • le mis­sel est divi­sé en deux grandes par­ties sépa­rées par l’Ordinaire de la Messe : d’un côté, le Temporal qui embrasse la suc­ces­sion des dimanches, de l’autre, le Sanctoral qui voit se suc­cé­der les fêtes des saints.
  • l’année litur­gique ne coïn­cide pas avec l’année civile : le Temporal com­mence le 1er dimanche de l’Avent et le Sanctoral le 29 novembre (mémoire de saint Saturnin).
  • l’articulation du Temporal se fait autour de deux grandes fêtes, Noël et Pâques, qui sont pré­pa­rées, célé­brées et prolongées.

Que nous indiquent ces par­ti­cu­la­ri­tés ? Le pape Pie XII nous le découvre dans son ency­clique Mediator Dei du 20 novembre 1947.

Le temporal centré sur le Christ

On a cou­tume d’appeler le dimanche « le jour du Seigneur » et l’on a bien rai­son. En effet, le Temporal qui voit défi­ler les dimanches de l’année litur­gique est tout cen­tré sur la per­sonne ado­rable de notre Sauveur :

« Tout le long de l’année, la célé­bra­tion du sacri­fice eucha­ris­tique et les prières des Heures se déroulent prin­ci­pa­le­ment autour de la per­sonne de Jésus-​Christ ; elles sont si har­mo­nieu­se­ment et si conve­na­ble­ment dis­po­sées que notre Sauveur, avec les mys­tères de son abais­se­ment, de sa rédemp­tion et de son triomphe, y occupe la pre­mière place. »

Les Actes des Apôtres disent du Christ : « Jesus cœpit facere et docere — Jésus com­men­ça à agir et à ensei­gner » (Act 1, 1 ). On peut en dire autant de la litur­gie : elle nous pré­sente le Christ comme modèle à imi­ter et comme maître à écouter.

Lorsque saint Augustin affirme : « Le tout de la reli­gion est d’imiter Celui à qui l’on adresse son culte » (La cité de Dieu, VIII, 17), Pie XII commente :

« Grâce à ces arran­ge­ments et à ces dis­po­si­tions de la litur­gie qui lui per­mettent de pro­po­ser à notre médi­ta­tion, à époques déter­mi­nées, la vie de Jésus-​Christ, l’Église nous met sous les yeux les exemples que nous avons à imi­ter ; elle nous indique les tré­sors de sain­te­té que nous pou­vons nous appro­prier, car ce qu ’on chante des lèvres, il faut le croire en esprit, et ce que l’es­prit croit doit pas­ser dans les habi­tudes de la vie pri­vée et publique. »

Puis, il continue :

« De plus, elle ne nous Le pro­pose pas seule­ment à imi­ter ; elle nous montre aus­si en Lui le Maître auquel nous avons à prê­ter une oreille atten­tive, le Pasteur qu’il nous faut suivre, l’Auteur de notre salut, le Principe de notre sain­te­té, la Tête mys­tique dont nous sommes les membres, jouis­sant de sa vie. »

En un temps où la Liturgie de la Parole se fait enva­his­sante, Pie XII rap­pelle que la litur­gie n’est pas un caté­chisme : elle est d’abord le vrai culte ren­du au vrai Dieu, elle se fait ensuite péda­go­gie en dis­po­sant les âmes au culte grâce aux ensei­gne­ments du divin Maître.

A l’heure où le moder­nisme dis­tingue et sépare le « Christ de la foi » et le « Christ de l’histoire », le Temporal remet devant les yeux des chré­tiens l’histoire réelle, bien que pleine de mys­tères, du Sauveur :

« La sainte Liturgie nous met sous les yeux le Christ tout entier et dans toutes les condi­tions de sa vie, c’est-à-dire, Celui qui est le Verbe de Dieu, qui nous enseigne la véri­té, qui gué­rit les malades, qui console les affli­gés, qui endure les dou­leurs, qui meurt et qui, ensuite, triom­phant de la mort, res­sus­cite, qui régnant dans la gloire du ciel répand sur nous l’Esprit Saint qui vit per­pé­tuel­le­ment dans son Église. »

Le Christ ne s’est pas pré­sen­té à nous seule­ment comme véri­té et vie, mais aus­si comme voie (Jn 11, 6) : « Il s’est mon­tré à nos regards vrai­ment revê­tu de notre chair mor­telle » (Communicantes de l’Épiphanie), « en sorte que désor­mais, connais­sant Dieu visi­ble­ment, nous soyons ravis par Lui en l’amour des choses invi­sibles » (Préface de Noël).

L’ordre du temporal

Le Temporal s’articule autour de deux grands cycles liturgiques :

  • celui de Noël : du 1er dimanche de l’Avent au der­nier dimanche après l’Épiphanie,
  • celui de Pâques : de la Septuagésime au der­nier dimanche après la Pentecôte.

L’Église nous remet ain­si devant les yeux les trois prin­ci­paux mys­tères de notre reli­gion : la Trinité (objet de tout le culte litur­gique), l’Incarnation (cycle de Noël) et la Rédemption (cycle de Pâques).

Chaque cycle se déroule en trois temps :

  • la pré­pa­ra­tion (Avent /​Septuagésime et Carême),
  • la célé­bra­tion (Octave de Noël /​Octave de Pâques),
  • la mani­fes­ta­tion (l’Épiphanie et les dimanches sui­vants /​la Pentecôte et les dimanches suivants).

Consciente de notre fai­blesse et de notre len­teur à com­prendre (Lc 24, 25), l’Église com­mence par nous pré­pa­rer soi­gneu­se­ment à la fête, puis elle la célèbre avec magni­fi­cence pen­dant huit jours, avant d’en mani­fes­ter toutes les vir­tua­li­tés au fil des nom­breux dimanches qui suivent.

Le culte des saints

Le culte litur­gique, tout cen­tré sur Jésus-​Christ dans le Temporal, intègre aus­si les saints dans le Sanctoral. Ce fai­sant, il n’est nul­le­ment por­té ombrage au culte de l’unique Médiateur (1 Tim 2, 5), car « en cou­ron­nant les mérites des saints, Dieu cou­ronne ses propres grâces » (Préface des Saints).

Les saints insé­rés dans l’année litur­gique doivent être pour les chrétiens :

  • des exemples à imi­ter : « Par ces fêtes, l’Église pour­suit tou­jours, quoique dans un ordre infé­rieur et subor­don­né, le même but : pro­po­ser aux fidèles des modèles de sain­te­té, sous l’impulsion des­quels ils se revêtent des ver­tus du divin Rédempteur. Nous devons être, en effet, les imi­ta­teurs des saints du ciel, dans la ver­tu des­quels res­plen­dit à des degrés divers la ver­tu même de Jésus-​Christ, comme ils furent eux-​mêmes ses imitateurs. »
  • des inter­ces­seurs à invo­quer : « Il y a encore un autre but au culte que le peuple fidèle rend aux saints du ciel : c’est celui d’implorer leur secours, en sorte que “nous com­plai­sant à les louer, nous trou­vions aus­si un secours dans leur patro­nage”. On explique par là, aisé­ment, les nom­breuses for­mules de prière que nous pro­pose la sainte Liturgie pour implo­rer le secours des saints. »

En résu­mé, « tel est le che­min litur­gique qui s ’ouvre à nou­veau devant nous tous les ans, et que s’applique à nous faire par­cou­rir l’Église, ouvrière de sain­te­té. Aidés des secours et for­ti­fiés par les exemples des saints du ciel, et, en par­ti­cu­lier, de l’Immaculée Vierge Marie, sui­vons ce che­min et “dans la plé­ni­tude de la foi, le cœur puri­fié des souillures d’une mau­vaise conscience et le corps lavé dans une eau pure, avec un cœur sin­cère, approchons- nous” du “Grand Prêtre”, afin de vivre avec Lui et de nous trou­ver d’accord avec Lui, de manière à pou­voir péné­trer avec Lui “jusqu’à l’in­té­rieur du voile” et y hono­rer pen­dant toute l’éternité le Père céleste. »

Bonne et sainte année litur­gique à tous !

Source : La lettre de Saint Florent n° 168 – décembre 2011