Depuis des années, les discours officiels de la hiérarchie en place de l’Église proclamaient que tout allait très bien depuis le concile ou que s’il y avait eu quelques perturbations, les lendemains chanteraient certainement. Dans ce concert de louanges pour célébrer les bienfaits de l’aggiornamento, le pape Jean-Paul II vient de commettre une fausse note que l’on essaie d’étouffer. Après vingt-cinq années de pontificat, il a dressé un tableau très sombre de la situation du catholicisme en Europe où, selon ses propres mots, se produit une véritable « apostasie silencieuse ». Malheureusement, le pape ne remonte pas aux causes du déclin de notre religion. Saluons cependant cet éclair de lucidité concernant la tragédie dans laquelle nous nous trouvons plongés.
Nous n’avons pas attendu cet aveu du pape pour faire le même constat que lui. La régression religieuse de la France en l’espace de deux ou trois décennies est vertigineuse. Comme l’avait très bien exprimé le pape saint Pie X, le modernisme n’est lui-même qu’une étape qui précède l’athéisme. C’est bien ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Le modernisme – en tant qu’hérésie – a la vie courte. Les hommes croient se nourrir quelques années du sentiment religieux qu’il exalte, puis – après qu’ils ont vraiment perdu la foi – s’abandonnent sans esprit de retour à l’athéisme pratique de leurs contemporains. Et il est vrai que ce chemin de l’apostasie est si naturellement emprunté par le grand nombre que ce spectacle ne suscite plus aucune réaction.
Faut-il que nous nous résignions aussi ? Le Catholicisme n’est-il finalement qu’une page de l’histoire de notre pays que nous devons accepter de tourner ? La France, après tant d’autres pays, a déjà renié les promesses de son baptême et le nombre de ses enfants qui demeurent encore catholiques ne cesse de décroître. Passera-t-elle intégralement à l’athéisme ou à l’Islam ? La question doit être posée. Si l’Église en elle-même a les promesses de la vie éternelle, la foi ne nous donne aucune assurance du maintien de sa présence sur le sol de notre pays. Certains saints ont, il est vrai, prophétisé que la France reviendrait à la foi, mais cela ne pourrait-il pas se produire après une disparition complète de la religion sur notre territoire ?
Ces interrogations, pour pénibles qu’elles soient, méritent toute notre attention. A vrai dire, la ville de Ninive qui devait être détruite ne l’a pas été parce que ses habitants ont accepté de faire pénitence ! Cet exemple inspiré ne suffit-il pas à remplir nos âmes d’espérance ? Certainement, un regain de ferveur, un nouvel élan de foi, une croisade de prières et de sacrifices est capable d’arracher du ciel une protection spéciale pour notre pays. Notre-Dame n’a-t-elle pas toujours montré un amour de prédilection pour « la Fille aînée de l’Église » ?
Nous repensons à l’apparition de Notre-Dame de Pontmain qui nous donne une telle illustration de l’efficacité de la prière :
« « Mais priez mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon fils se laisse toucher. »
C’était le 17 janvier 1871 dans le Nord de la Mayenne. Notre-Seigneur se laisse toucher et désire puissamment « se laisser toucher », mais il demande nos prières et tout peut se faire, alors, « en peu de temps ». Le retrait des troupes prussiennes commença le 22 janvier…
Alors, chers croisés, que le malheur des temps ne vous plonge pas dans un découragement stérile. L’heure est à un redoublement de prières et de sacrifices. Demandons à Notre-Dame, avec une foi profonde, de saintes vocations sacerdotales et religieuses qui sachent lancer les phalanges des catholiques fidèles à l’assaut du ciel et à l’assaut des âmes. Une seule sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, un seul saint curé d’Ars peuvent retourner la situation la plus désespérée. Ne ménagez pas vos forces : ce sont de vos prières et de vos sacrifices dont nous avons surtout besoin.
Abbé Régis de Cacqueray †
Supérieur du District de France