Un anniversaire
Bien chers fidèles,
Il y a aujourd’hui 40 ans, Monseigneur Charrière, évêque de Fribourg et Lausanne, signait l’acte de reconnaissance officielle de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. Portée sur les « fonts baptismaux », la Fraternité était ainsi reconnue et érigée comme une œuvre d’Eglise. Depuis, le temps a passé, et l’histoire de la Fraternité, loin d’avoir été un long fleuve tranquille, a connu des vicissitudes incalculables, mais aussi des joies, que l’historien mettra plus tard au grand jour.
Par fidélité à la Rome éternelle, son fondateur, le « vénéré Mgr Lefebvre » (pour reprendre les mots de Benoît XVI à Mgr Fellay en août 2004), lui a tracé un sillon bien net qui l’a placée sur les cimes du combat pour la défense de la foi catholique attaquée et minée par un néo-modernisme toujours destructeur. De fait, cette ligne de conduite a été incomprise de beaucoup. Entre un sédévacantisme sans issue et un ralliement par crainte de je ne sais quelle dérive, la Fraternité n’a jamais varié dans les principes prudentiels fondés sur la foi et la doctrine et posés dès le départ. Sans doute, les circonstances du moment présent l’ont fait adapter sa réponse, mais les principes doctrinaux et de foi demeurèrent inchangés. De la « suspens a divinis » lors de l’été chaud 1976 à l’espérance suscitée (bien à tort, il est vrai) avec l’élection du pape Jean-Paul II en 1978…, de la condamnation sans appel de la réunion oecuménique d’Assise aux sacres épiscopaux de 1988…, du Motu Proprio de condamnation Ecclesia Dei adflicta au pèlerinage de l’an 2000 à Rome, la Fraternité est toujours restée sur la même ligne de conduite magnifiquement exprimée dans la déclaration du 21 novembre 1974 : « Oui à la Rome éternelle gardienne des traditions, non à la Rome moderniste.»
Au départ, il est vrai, l’attention a été mise spontanément sur la question de la Messe. Clercs et fidèles ont été immédiatement frappés par le courant saccageur qui, tel un tsunami, les a frappés de stupeur. Qui pouvait dire s’y reconnaître devant cette nouvelle Messe qui, comme l’ont écrit les Cardinaux Ottaviani et Bacci dans leur Bref examen critique, « s’éloigne dans l’ensemble, comme dans le détail de la doctrine du Saint Sacrifice de la Messe » ?
Peu à peu, les analyses se sont faites plus minutieuses : devant la perte de la foi, les églises qui se vidaient, les clercs qui se sécularisaient en nombre, il était normal de se poser la question du pourquoi, des causes génératrices d’un tel bouleversement. Déjà, au Concile Vatican II, Mgr Lefebvre et les membres du Coetus inernationalis Patrum s’étaient levés contre des schémas qui introduisaient des nouveautés dans la théologie : Collégialité, oecuménisme, liberté religieuse, etc…
Dans cette perspective, la nouvelle messe apparaissait plus que jamais comme une application naturelle de ces nouveaux principes : à nouveaux principes théologiques, nouvelle liturgie : la loi de la prière suit la loi de la foi, et la loi de la foi s’exprime dans la loi de la prière (Lex orandi, lex credendi). Aux premières réformes en succédèrent de nombreuses : tous les pans de l’Eglise furent touchés : Messe, sacrements, rituel, catéchismes, droit canon, rosaire, chemin de la croix, concordats avec les Etats en application de la Liberté religieuse, réunions oecuméniques scandaleuses, comme celle d’Assise, etc…
Parallèlement, la Fraternité présentait ses objections et agissait sur le plan doctrinal et pastoral en continuant à former des prêtres, en appelant à la sainteté sacerdotale, à la sainteté des familles, en fondant des Prieurés, en donnant les sacrements à ceux qui les demandaient. Elle reprenait à son compte cette parole de Notre-Seigneur à saint François d’Assise : « François, va, et reconstruis ma Maison. »
Descendant dans l’arène et sortant des sentiers battus pour le bien des âmes, elle était frappée au pilori et certains l’abandonnaient ! « Elle est trop dure, elle ne l’est pas assez », que n’a‑t-on pas entendu ! Aujourd’hui, le temps a passé, et si le combat de la Messe semble théoriquement gagné depuis le Motu proprio du 7 juillet 2007 qui lève (en partie) l’opprobre et l’interdit qui pesaient sur la messe traditionnelle, il n’en reste pas moins qu’il reste encore à examiner la question du fond, celle du Concile Vatican II. C’est notamment le travail auquel la Fraternité s’attelle dans ces discussions doctrinales, travail long et patient, mais à Dieu d’ouvrir les intelligences et les cœurs… Car nous savons bien, de par la Constitution même de l’Eglise, que la clef de la résolution de cette crise sans précédant repose dans les mains de l’autorité de l’Eglise, notamment de celle du Pape, qui peu à peu, timidement certes encore, en prend conscience…
Un point charnière ? Mgr Fellay, récemment s’exprimait ainsi (DICI, le 16 octobre) :
« Le rappel de ce que l’Eglise a un passé qui reste aujourd’hui encore tout à fait valable. Ce regard non pas poussiéreux mais frais sur la Tradition de l’Eglise est un apport décisif dans la solution de la crise. On doit y ajouter le rappel de la puissance de la messe traditionnelle, de la mission et du rôle du prêtre tel que le veut Notre Seigneur, à son image et selon son Esprit. Lorsque nous demandons aux prêtres qui se rapprochent de la Fraternité ce qu’ils attendent de nous, ils nous répondent d’abord qu’ils attendent la doctrine. Et cela même avant la messe. C’est surprenant, mais en même temps c’est un très bon signe. Les fidèles ont le rôle important du témoignage, celui de montrer que la vie chrétienne comme elle a toujours été comprise, avec ses exigences et le respect de la loi de Dieu est tout à fait possible dans le monde moderne. C’est la vie chrétienne mise en pratique, un exemple très concret dont a besoin l’homme de la rue. Et pour la génération de ceux qui ont vingt ans, je vois qu’elle est en attente, prête pour l’aventure de la Tradition, sentant bien que ce qui lui est offert au dehors n’est que du toc. Nous sommes à un point charnière pour la reconstruction à venir, et bien que cela n’apparaisse pas encore nettement, je crois que tout est possible. »
Abbé Patrick Verdet, prieur
Extrait de Notre-Dame d’Aquitaine n° 23 de décembre 2010