Abbé Régis de Cacqueray
28 juillet 2009
« Le dôme du Rocher invite nos cœurs et nos esprits à réfléchir sur le mystère de la création et sur la foi d’Abraham. Ici les chemins des trois grandes religions monothéistes du monde se rencontrent, nous rappelant ce qu’elles ont en commun. - Chacune croit en un Dieu unique, créateur et régissant toute chose. Discours de Benoît XVI devant les musulmans au Dôme du Rocher, le 12 mai 2009 in Osservatore Romano du 19 mai 2009. |
« On parle désormais des ’trois grandes religions monothéistes’, mais la religion juive et la religion musulmane sont contre le Christ puisqu’elles ne sont pas avec Lui. C’est clair. Comment peut-on dire ‘les trois religions monothéistes’ ? Nous, nous sommes avec le Christ, c’est notre Dieu, et les autres sont contre le Christ. Les juifs sont contre le Christ, ils ne sont pas avec Notre Seigneur, donc ils ne sont pas avec Dieu. On pourrait citer les paroles de saint Jean :’Qui nie le Fils n’a pas non plus le Père, celui qui confesse le Fils a aussi le Père’ I Jn2,23 » (1) « On nous parle fréquemment aujourd’hui des ‘trois grandes religions monothéistes’. Alors, il faudrait que ces trois religions monothéistes s’unissent pour créer un monde meilleur. Non seulement c’est une complète utopie, mais un tel langage tenu par ces catholiques, des évêques et même par le Vatican constitue une véritable insulte à Notre Seigneur Jésus-Christ. Placer ainsi les musulmans, les juifs et les chrétiens sur le même pied, c’est invraisemblable. Outre ce que de tels propos ont de blasphématoire, cette attitude entretenue par le Vatican est totalement illusoire. » (2) Monseigneur Marcel Lefebvre dans « C’est moi l’accusé qui devrait vous juger ! » (1) page 201 et (2) page 301. |
Dans ces deux citations de Monseigneur Lefebvre placées en exergue, il est intéressant de le voir en train de réaliser la place toujours plus grande que prend cette expression des « trois grandes religions monothéistes » dans le discours de « l’église conciliaire » et de l’entendre manifester l’indignation qu’il ressent de son utilisation par les plus hautes autorités de l’Eglise. Nous ne savons pas à qui il faut attribuer cette célèbre expression et à partir de quand elle a été reprise dans le discours pontifical. En revanche, nous avons trouvé, rapporté par Maritain, ce petit dialogue entre Mauriac, Gide et lui. Il nous semble vraiment caractéristique de cette irruption de la nouvelle pensée religieuse qui s’est introduite dans l’Eglise et qui était appelée à y prendre une telle place :
Mauriac : « Mais n’y a‑t-il rien de commun entre ces trois convictions ? Il y avait sûrement Dieu. C’est tout de même immense ! Ces trois religions sont parentes.
Gide : « Peut-être des sœurs ennemies. »
Maritain : « Il y a non seulement un lien idéal, mais historique aussi, entre le judaïsme, le christianisme et l’islam. Ici et là, l’homme adore un seul Dieu. Et puis les trois personnes que vous avez vues n’exigeaient pas pour régler la question sociale que le monde entier se convertît à la foi. Il se peut même que sur la question sociale, elles se soient trouvées dans un certain accord. En tout cas, c’est en allant dans le sens de l’approfondissement et de la purification de la foi qu’on a chance de faire passer l’homme à un état meilleur. Ce n’est pas en mutilant l’être humain, en lui ôtant la foi en Dieu, qui est le premier de ses biens. »
Jacques Maritain dans « André Gide et notre temps ». Extrait de l’entretien tenu au siège de l’ « Union pour la vérité » le 26 janvier 1935. Œuvres complètes de Maritain, volume VI, pp.1025–1026.
Le ton de cet échange entre les trois intellectuels français a quelque chose d’inspiré et, au vu des événements qui se sont produits depuis, de vraiment prémonitoire ! De fait, une évolution considérable s’est produite dans l’esprit de la grande majorité des catholiques qui les a peu à peu amenés à cesser de considérer les autres religions ‑le judaïsme et l’islam en particulier- comme fausses mais comme désormais respectables et devenues porteuses de valeurs positives qu’elles défendent de concert avec la religion catholique. Pour désigner ces convergences et cette communauté d’intérêts, l’expression : « les trois grandes religions monothéistes » a été forgée et a été unanimement adoptée dans le discours des responsables politiques et religieux pour accompagner cette évolution, la faire passer dans les esprits et en favoriser le plein succès. L’impact de cette expression si bien trouvée a été tel que nous avons pensé utile de rechercher les causes qui en expliquent une si heureuse fortune. Nous en ferons ensuite une petite analyse philosophique et nous terminerons en la faisant comparaître devant le tribunal de la Foi.
Une expression qui a fait fortune
Cette expression à la mode pourrait, bien sûr, être utilisée pour simplement vouloir rappeler que la croyance en l’unicité de Dieu est commune au Christianisme, à l’Islam et au Judaïsme. Parmi toutes les religions qui existent à travers le monde, il est en effet exact que ces trois, de toute première importance, concordent en cette affirmation claire et fondamentale : il n’y a et il ne peut y avoir qu’un seul Dieu. Il n’est même pas besoin de les énumérer : chacun, aujourd’hui, lorsqu’il entend parler des « trois grandes religions monothéistes », sait parfaitement desquelles il s’agit. Certes, il en existe d’autres qui le sont aussi. Mais ces trois là, et de loin, sont admises comme étant les plus grandes, au moins par le rôle essentiel qu’elles ont joué et continuent de jouer dans l’histoire des hommes et, pour deux d’entre elles, le christianisme et l’islam, par le nombre de leurs fidèles ou de leurs adeptes. Personne ne songerait à leur contester la qualité de « religion » puisque ce sont bien des rapports entre Dieu et les hommes que chacune d’entre elles entend établir.
Il faut également reconnaître, en ce climat politique et religieux si tendu en lequel nous vivons, que cette formule semble avoir le mérite d’être porteuse d’un message de réconfort, d’espoir et de paix. N’est-ce pas en effet un fort symbole et une réussite que d’avoir su ainsi exprimer le Christianisme, l’Islam et le Judaïsme en une seule et même expression, expression qui paraît d’autant plus irrécusable qu’elle est solidement fondée sur un socle dogmatique commun ? Vu l’importance fondamentale que toutes les trois accordent à leur foi monothéiste, comment n’y découvriraient-elles pas un terrain d’entente qui devrait éloigner les risques d’affrontements religieux entre elles ?
Communément admise et acceptée, aujourd’hui employée aussi bien par les responsables politiques que par les chefs religieux, cette expression désormais consacrée apparaît donc comme une trouvaille de grande qualité dont s’est doté le monde contemporain afin de pouvoir exprimer son respect pour la permanence du phénomène religieux dans la société et sa reconnaissance de la prédominance de ses formes monothéistes. Aucune des trois religions, se voyant ainsi distinguée comme « grande » entre toutes, ne semble avoir de motif de se plaindre du choix de cette formule, certes rassembleuse, mais en même temps bâtie sur cette réalité commune de leur croyance en un Dieu unique. Enfin, comment ne pas se réjouir aussi de voir le prestige de cette tournure conçue pour parler des « trois grandes religions monothéistes « alors que l’on attend toujours que quelque tour équivalent soit forgé pour exprimer, avec une solennité identique, les principales religions polythéistes ?
Le risque d’un mauvais procès ?
L’on pourrait peut-être se borner à ces seuls commentaires et estimer inutile de vouloir aller plus loin, d’attribuer en particulier une éventuelle valeur philosophique à cette expression et, plus encore, de la passer au crible de la Foi catholique. A quoi bon en effet en fouiller le contenu si elle ne prétend pas descendre à ces profondeurs ? N’est-ce pas risquer de lui faire un mauvais procès alors qu’elle n’a rien demandé et ne veut sans doute rien d’autre que de brosser une description rapide et bienveillante de l’existant religieux du monde dans lequel nous vivons ?
Cependant, si nous admettons que l’on peut vouloir utiliser cette formule pour simplement noter la croyance du Christianisme, de l’Islam et du Judaïsme en un seul Dieu, il serait, en revanche, illusoire de penser que l’extrême banalisation de son emploi ne contribue pas à déclencher ou à favoriser dans les esprits le cheminement de la pensée religieuse moderne, celle qui se déclare respectueuse de toutes les religions, de laquelle émane cette expression et à laquelle elle apporte son concours.
Ce tour, à la fois respectueux des religions, bienveillant pour les monothéismes, véritable symbole d’espérance et d’apaisement des tensions religieuses, se montre en effet très puissant pour incliner tous ceux qui l’emploient ou qui l’entendent à faire leurs ces sentiments de respect, de bienveillance et d’espérance qu’il accrédite avec brio.
Aussi, même si l’on concède la possibilité d’en faire usage sans embrasser pour autant la pensée qu’elle suggère, il est cependant utile, pour éviter le risque de se laisser emporter, d’en approfondir le contenu philosophique et de l’examiner également sous le faisceau lumineux de la Foi.
Polythéisme ou monothéisme
L’expression qui retient notre attention a réuni ces trois religions ensemble aux deux motifs principaux de leur grandeur et de leur monothéisme. En ce qui concerne ce second motif, il apparaît visiblement comme étant un gage de leur honorabilité et de leur sérieux : s’il est mis en avant, c’est justement parce qu’il en impose. Le monde lui-même se trouverait certainement bien plus embarrassé de parler des religions polythéistes avec le même respect. Entendu dans un sens strict, le polythéisme n’est en effet qu’un non-sens philosophique que l’on pressent aisément. Saint Thomas en fait la réfutation en montrant l’impossibilité pour plusieurs individus (chacun ayant sa substance propre ‑le concept de consubstantialité n’étant même pas imaginé-) d’avoir la nature proprement divine (acte pur, esprit pur, tout-puissant, créateur et maître de toutes choses). En effet, s’il existe plusieurs dieux possédant la nature proprement divine, chacun d’entre eux se devrait pourtant d’être à l’origine de l’existence des autres dieux. Ce qui contredit alors la toute-puissance de chacun d’entre eux. En ce sens strict, le polythéisme n’a pas existé historiquement ou à peine.
Les polythéismes, qui sont donnés dans l’histoire des religions, s’il leur arrive de concéder à l’un des « êtres divins » auxquels ils croient, la nature proprement divine, ne parlent pour tous les autres d’ « êtres divins » qu’au sens analogique de ce mot : ce sont des esprits supérieurs aux hommes, qui peuvent avoir parfois des corps et qui sont répartis hiérarchiquement. Ils se perdent alors en ces mythologies et en ces fables grossières sur la coexistence de ces dieux à qui sont prêtés les qualités et les défauts des hommes.
La mise en valeur du monothéisme que véhicule notre formule ne nous est donc évidemment pas désagréable par l’éloignement où elle se tient des absurdités ou des fables du polythéisme. Elle rejoint les conclusions les plus solides auxquelles nous a accoutumés la théologie naturelle. En effet, la vérité de l’existence d’un seul Dieu n’est une croyance qu’en raison de la corruption du péché originel qui rend difficile la découverte de cette vérité à beaucoup d’hommes. Mais, en soi, il s’agit d’une connaissance accessible à la seule raison et non d’une foi.
Bien loin de ce non-sens du polythéisme compris dans un sens strict ou des fables véhiculées par les polythéismes historiques, nous nous plaçons donc résolument sur le chemin frayé par Aristote et si bien distingué ensuite par saint Thomas d’Aquin en ses fameuses « cinq voies de l’existence de Dieu ». Nous affirmons que la raison seule est déjà apte à parvenir à la certitude de l’existence de Dieu et de son unicité.
Un seul Dieu mais trois religions
Si nous pouvons donc nous féliciter du bon traitement que le monothéisme reçoit de cette expression, nous nous trouvons en revanche confrontés à une question qu’elle soulève immédiatement. La fin de la religion est de relier les hommes à Dieu et leur permettre de lui rendre ainsi l’honneur qui lui est dû. Notre formule semble donc nourrir l’idée que trois religions au moins rempliraient ce rôle à l’égard du Dieu unique : un seul Dieu certes, mais au moins trois religions qui se proposeraient aux hommes comme autant de voies pour l’honorer et y avoir accès.
Pourquoi pas ? Que la raison, pour le moment privée des lumières de la Foi, s’interroge. Pourquoi Dieu n’aurait-Il pu, selon son bon plaisir de Dieu, donner aux hommes diverses religions qui, toutes, pourraient conduire à Lui ? Différentes religions que sa sagesse aurait ainsi accommodées à la diversité des races, des civilisations, des âges, des tempéraments des peuples, à travers le monde et au cours des siècles ? L’hypothèse ne semble pas déraisonnable et l’on ne voit pas trop, selon les seuls critères de la raison, comment exclure une telle possibilité.
A considérer les trois religions visées par notre formule, il existe cependant une difficulté de taille. C’est que ces trois religions monothéistes ne présentent pas seulement des différences entre elles mais qu’elles se contredisent gravement et sur des questions fondamentales. Pour commencer par le commencement, elles s’opposent d’abord à propos de ce que Dieu dit de lui-même.
Nous demeurons toujours sous l’éclairage de la seule raison, pour le moment privée des lumières de la Foi, même si nous projetons maintenant ce regard purement rationnel sur le contenu des révélations des trois grandes religions monothéistes.
Pour deux d’entre elles, le dogme de la Trinité est un blasphème, un polythéisme qui ne reconnaît pas son nom. Pour ces deux mêmes religions, l’affirmation de l’Incarnation de Dieu et de la divinité de Jésus-Christ sont d’autres blasphèmes encore, indignes de la conception qu’elles se font de Dieu. S’il était donc possible d’admettre l’hypothèse de l’existence de plusieurs religions différentes, comment pourrait-on en revanche admettre de Dieu qu’Il aurait livré aux hommes, en différentes révélations successives, des assertions contradictoires concernant sa propre identité ?
La conséquence en est, pour la plus grande joie des rationalistes, que, si une portion des hommes croit au mystère de la Trinité comme à la prunelle de sa Foi et serait prête à verser son sang pour cette vérité parce que Dieu la leur a révélée et qu’Il ne peut ni se tromper ni les tromper, les autres portions de l’humanité, avec une conviction qui semble toute égale, et pareillement au nom de ce que Dieu leur a révélé, combattent farouchement cette même croyance…
L’ambiguïté de cette formule consiste en réalité à n’exprimer que la commune croyance de ces trois religions en l’existence d’un Dieu unique, en laissant miroiter qu’un tel socle suffit à fonder l’espoir d’une possibilité d’entente entre elles. Mais elle passe entièrement sous silence, comme s’ils pouvaient ne pas prêter à conséquence, les désaccords irréductibles qui opposent ces mêmes religions au sujet de ce que Dieu a dit de Lui-même. Cette expression fait la magnanime, celle qui parvient à se placer au-dessus des credo religieux et devient ainsi capable d’exhorter les religions à savoir dépasser leurs différences.
Elle laisse accroire qu’il est déjà si satisfaisant que tant d’hommes s’accordent sur la vérité de l’unicité de Dieu que les querelles de révélations, pour tous les hommes sages, devraient vraiment être évacuées. C’est une semblable logique qui amènerait sans doute à vouloir consoler des enfants ignorant l’identité de leurs parents en leur disant que c’est bien assez pour eux d’avoir la certitude qu’ils en ont et vraiment exagéré de vouloir savoir en plus qui ils sont.
Par ailleurs, cette expression dissimule également, sous son apparence irénique, une question conjointe, pas moins fondamentale. Etant donné que ces trois religions se contredisent gravement, Dieu ne peut les avoir données toutes les trois sans avoir menti au moins deux fois, soit à une grande partie d’entre les hommes soit peut-être même à tous. Mais si Dieu est menteur, Dieu n’est pas Dieu. Or, puisque Dieu est Dieu, Il n’est pas menteur. Il ne peut donc être à l’origine d’au moins de deux de ces trois religions et peut-être des trois.
Dès lors, comment ne pas récuser l’usage d’une telle expression laissant accroire que Dieu pourrait être l’auteur de trois religions qui se contredisent ? C’est Dieu Lui-même qui, subtilement, se retrouve gravement discrédité par cette formule : la raison suffit à le prouver.
Le regard de la Foi
Nous n’avons voulu marquer cette étape de l’examen philosophique de cette expression sans tout de suite recourir au regard de la Foi pour manifester que les premières difficultés qu’elle pose le sont donc d’abord à la raison.
Cependant, le seul regard décisif et définitif est celui de la Foi au jugement de laquelle tout doit être confié. Et la Foi nous apporte la certitude que Dieu n’a donné aux hommes qu’une seule religion et que cette religion est le Catholicisme. C’est donc indûment que les autres religions se déclarent être des religions et sont appelées telles car elles ne viennent pas de Dieu et ne l’honorent pas, elles ne relient pas les hommes à Lui. Loin de les Lui conduire, elles en détournent.
A ce titre, cette expression est outrageante pour Dieu et destructrice de la Foi puisqu’elle amène à penser qu’Il a communiqué aux hommes trois religions dont les « Fois » sont gravement contradictoires. La Foi Catholique, seule vraie, se retrouve ainsi placée sur pied d’égalité avec deux autres « Fois » pourtant violemment anti-trinitaires, contestatrices de la Révélation Evangélique et cependant considérées comme tout autant respectables qu’elle.
C’est en vain que l’on prétend échapper à la question essentielle de la vérité de l’enseignement de Jésus-Christ : elle est une pierre d’achoppement pour tout homme. La vie sur la terre de tout un chacun ne peut se dérouler autrement qu’en fonction de Lui, que l’on se soumette à sa loi, à son sang rédempteur et à son amour ou qu’on le rejette.
Nous croyons, quant à nous, de toute notre âme qu’Il est réellement la deuxième Personne de la Sainte Trinité qui s’est incarnée, que son enseignement est parfaitement vrai, sans l’ombre d’une erreur. Nous lui sommes infiniment reconnaissants de tout ce que, par pur amour, Il nous a dévoilé du sanctuaire de sa vie divine et nous ne pouvons imaginer de pire blasphème que celui qui consisterait à rejeter comme mensongères les paroles que Dieu a dites de lui-même.
Or, à bien des reprises, Il nous a répété que le rejet que les hommes feraient de Lui serait, en réalité, le rejet de Dieu Lui-même et que ceux qui l’outrageaient, outrageaient son Père : « Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père qui l’a envoyé. » Jean V, 23.
Et encore : Qui vous méprise me méprise, et qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé. » Luc X, 16.
Bien que leurs motifs soient divergents, les juifs (tenants du judaïsme) et les musulmans se retrouvent, les uns et les autres, en ce refus farouche de la divinité de Notre Seigneur et du mystère de la Sainte Trinité. Ils sont donc bien ceux qui n’honorent pas le Fils et qui ne peuvent donc honorer le Père qui l’a envoyé. Ils sont ceux qui méprisent le Fils et qui méprisent son Père qui l’a envoyé.
C’est d’eux que Notre Seigneur a dit « Si Dieu était votre Père, vous m’aimeriez, car c’est de Dieu que je suis sorti et que je viens…Vous, vous avez le diable pour père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. » Jean VIII, 43
L’Islam et le Judaïsme se leurrent et ils égarent très gravement leurs adeptes à vouloir honorer Dieu alors qu’ils rejettent précisément Dieu qui est venu parmi nous pour nous dire qui Il était.
Ces « deux religions » peuvent sans doute être dites grandes par leur rôle historique et par le nombre de ceux qu’elles ont perdu pour toujours. L’Islam peut encore être dit grand par le nombre de ses adeptes. Mais, avant tout, ces « religions » doivent d’abord être dites fausses, fausses religions. Lorsqu’on parle d’elles, la vérité demande que ce soit la première des choses qui doive être rappelée à leur sujet sous peine de faire perdre la foi aux catholiques par la confusion que l’on met dans leurs esprits et de manquer à la charité à l’égard des infidèles en ne leur disant plus qu’ils se trouvent dans les ténèbres de l’erreur.
Par ailleurs, en raison des dégâts provoqués par le faux œcuménisme qui a triomphé dans les esprits, il est aussi gravement préjudiciable de parler du « christianisme » comme d’un bloc à côté du Judaïsme et de l’Islam sans prendre le soin de préciser souvent et nettement que d’innombrables « religions » se réclament effectivement de Notre Seigneur Jésus-Christ mais que, parmi elles, seule est vraie la religion catholique. De même que l’on ne peut se déclarer satisfaits de savoir que les juifs et les musulmans sont au moins monothéistes, de la même manière, on ne saurait se contenter de savoir que de nombreux hommes reconnaissent plus ou moins la divinité de Notre Seigneur dans une doctrine affreusement dégradée par les hérésies, en particulier celles, véritablement terrifiantes, de Luther et de Calvin.
Comme l’a fait remarquer saint Thomas d’Aquin : « Un péché est d’autant plus grave qu’on est par lui plus séparé d’avec Dieu. Or, c’est par l’infidélité que l’on est le plus éloigné de Dieu, parce que qu’on n’a pas la vraie connaissance de Lui et que, par la fausse connaissance qu’on a de lui au contraire, on ne s’approche pas mais on s’écarte plutôt de Dieu. » IIa IIae Qu 10 art. 3. Selon notre grand Docteur, ces fausses religions et ces diverses hérésies, constituent donc le plus grave des péchés par la séparation d’avec Dieu qu’elles entraînent. Loin de devoir considérer que, par les vérités qu’elles tiennent captives, elles pourraient, dans une certaine mesure, rapprocher de Dieu, saint Thomas indique nettement qu’elles en écartent.
Certains diront que Benoît XVI n’emploie cette expression que par commodité diplomatique. Nous ne le pensons pas et nous croyons même que cette manière de défendre le Souverain Pontife ne rend guère hommage au courage indéniable qui est le sien. Nous croyons au contraire que le pape, lorsqu’il utilise cette expression, exprime une profonde pensée d’estime pour ces autres grandes religions. C’est pourquoi les discussions théologiques entre Rome et la Fraternité, voulues des deux côtés, s’avèrent bien comme étant tragiquement nécessaires. En effet, il apparaît clairement, sur ce seul exemple, que, entre l’usage courant que Benoît XVI fait de cette expression et le rejet indigné qu’en faisait Monseigneur Lefebvre, il y a un abîme qui n’est pas seulement de mots mais de doctrine.
Abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France
Suresnes, le 28 juillet 2009