La Transfiguration de Notre Seigneur

La Transfiguration, par Dominique Nollet (1694), Eglise saint Jacques de Bruges (Jakobskerk)

Il fut méta­mor­pho­sé devant eux [1], dit le texte grec, c’est-à-dire transfiguré.

La Transfiguration de NSJC n’est pas à pro­pre­ment par­ler un miracle, mais la ces­sa­tion momen­ta­née d’un miracle : celui de l’Incarnation du Verbe. En effet, Jésus abdique pour un temps les droits et les pré­ro­ga­tives de sa divi­ni­té ; sa per­sonne divine cache sa gloire et se rend volon­tai­re­ment, pen­dant toute sa vie ter­restre, pas­sible et mor­tel. Il voile sa divi­ni­té en vue de sa Passion. Sa Transfiguration, en nous le mon­trant, un ins­tant, dans l’état glo­rieux dans lequel il aurait dû être pen­dant toute sa vie, nous marque mieux encore son Amour pour nous, son ardent désir de souf­frir pour nos péchés et, par suite, le mérite infi­ni de tant d’humiliations, d’ignominies, de dou­leurs ain­si accep­tées, vou­lues et pré­fé­rées de son plein gré.

L’illumination du mont Thabor pré­vient le scan­dale du mont Golgotha. Celui que nous sui­vrons avec larmes dans toutes les phases dou­lou­reuses de la Passion, est vrai­ment, par sa nature consub­stan­tiel à Dieu son Père, cou­ron­né de gloire et d’honneur, le Roi du Ciel, la joie des Anges, le Juge sou­ve­rain qui vien­dra un jour, dans tout l’éclat de sa majes­té, juger tous les hommes…

  • Ce visage, qui sera pro­fa­né par les coups et les cra­chats, défi­gu­ré, devient sur le Thabor plus brillant que le soleil, transfiguré.
  • Ce corps qui sera tout entier meur­tri et ensan­glan­té, est ici resplendissant.
  • Ses vête­ments, qui seront jetés au sort, ont plus d’éclat que la neige.
  • Sur le cal­vaire, Jésus sera cru­ci­fié entre deux lar­rons ; sur le Thabor, il est entou­ré de Moïse et Elie.
  • Pierre le renie­ra ; ici il affirme qu’il est bon d’être en ce lieu avec NS.
  • Il n’y aura pas de nuée res­plen­dis­sante au Golgotha, mais des ténèbres car le soleil s’obscurcira.
  • La Voix du Père ne se fera pas entendre, au contraire, son Fils bien-​aimé sera comme aban­don­né par son Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pour­quoi m’as-tu abandonné ? »

Le récit de la Transfiguration doit nous rendre plus géné­reux pour par­ti­ci­per avec un grand esprit de foi aux souf­frances de sa Passion, à tout souf­frir de bon cœur pour lui et en union avec lui. « Si Jésus-​Christ est le Fils bien-​aimé du Père, Pierre, ne crai­gnez plus rien. Vous ne devez plus dou­ter de sa toute-​puissance, lors même qu’il sera en croix : ni perdre l’espérance de sa résur­rec­tion. Si votre peu de foi vous a fait trem­bler jusqu’ici, qu’au moins la voix du Père vous ras­sure. Si vous ne dou­tez point de la toute-​puissance du Père, pour­quoi doutez-​vous de celle du Fils ? Ne crai­gnez donc plus les maux aux­quels il va s’exposer volon­tai­re­ment pour nous ». (saint Jean Chrysostome, sur saint Matthieu).

Pas un seul ins­tant, la T S Vierge Marie, mal­gré les dou­leurs indi­cibles de son cœur, et la vision de la Croix, scan­dale pour les juifs et folie pour les païens, ne dou­te­ra de la divi­ni­té de son Fils crucifié.

Le deuxième ensei­gne­ment de la gloire de Jésus trans­fi­gu­ré est qu’elle est un reflet de celle pro­mise à ses élus. C’est une leçon d’espérance. Si nous souf­frons avec lui, nous serons glo­ri­fiés avec Lui, nous pro­met Saint Paul, qui nous dit aus­si : les souf­frances de la vie pré­sente sont sans pro­por­tion avec cette gloire qui sera un jour mani­fes­tée en nous, dans l’éternité du Ciel.

Concluons avec le pape saint Léon-​le-​Grand : « Que la foi de tous s’af­fer­misse avec la pré­di­ca­tion de l’Évangile, et que per­sonne n’ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été rache­té. Que per­sonne donc ne craigne de souf­frir pour la jus­tice, ni ne mette en doute la récom­pense pro­mise ; car c’est par le labeur qu’on par­vient au repos, par la mort qu’on par­vient à la vie. Puisque le Christ a accep­té toute la fai­blesse de notre pau­vre­té, si nous per­sé­vé­rons à le confes­ser et à l’ai­mer, nous sommes vain­queurs de ce qu’il a vain­cu et nous rece­vons ce qu’il a pro­mis. Qu’il s’a­gisse de pra­ti­quer les com­man­de­ments ou de sup­por­ter l’ad­ver­si­té, la voix du Père que nous avons enten­due tout à l’heure doit reten­tir sans cesse à nos oreilles : Celui-​ci est mon Fils bien-​aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! ».

Abbé Bertrand Labouche

Notes de bas de page
  1. Matthieu 17, 2.[]