Ne soyons pas effrayés, répondons à l’appel du Sacré-Cœur sans crainte ni désespoir : Dieu, quand Il le voudra et comme Il le voudra, nous donnera la victoire !
Éditorial de M. l’abbé Gonzague Peignot, supérieur du District de France de la FSSPX
Bien chers Amis,
« Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour. Et, pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les mépris et les froideurs qu’ils ont pour moi dans ce Sacrement d’amour. Et ce qui m’est encore plus sensible, c’est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. »
Nous célébrons, depuis décembre 2023, le 350e anniversaire des apparitions du Sacré-Cœur à sainte Marguerite-Marie. C’est lors de l’apparition du 27 décembre 1673 que Jésus prononça les paroles saisissantes que nous venons de citer.
Quoi de plus actuel ? Les attaques contre la chrétienté ne cessent de monter en puissance. Les blasphèmes se multiplient, tandis que l’indifférence religieuse progresse partout. Notre Seigneur Jésus-Christ et son Église sont l’objet d’un assaut de mépris sans précédent. Le Cœur de Jésus ne reçoit des hommes aujourd’hui que « des ingratitudes, des irrévérences, des sacrilèges, des mépris et des froideurs ».
Or, et c’est plus que déplorable, cette situation préoccupante, scandaleuse même, ne déclenche parmi les catholiques et dans la hiérarchie ecclésiastique, que des réactions très molles, très feutrées. L’un d’ailleurs ne va pas sans l’autre. C’est parce que les blasphémateurs se sentent plus ou moins assurés de l’impunité, ne craignant guère les réactions des catholiques, qu’ils s’y livrent sans limite.
Nous l’avons tous constaté lors de la cérémonie inaugurale des Jeux Olympiques, avec ces parodies de la religion catholique. Cette parade blasphématoire a suscité un tollé, malheureusement davantage manifeste chez certains hommes politiques, dans des pays non chrétiens, chez les musulmans même, que de la part des autorités ecclésiastiques, dont les communiqués ont été d’une platitude rien moins que confondante. Cette vive réaction internationale a cependant obligé le Comité International Olympique (CIO) à présenter ses excuses au public.
C’est évidemment à nous, qui voulons être les amis du Sacré-Cœur, qu’il convient au premier chef de réagir face à ces attaques contre sa divinité, son amour miséricordieux, son Église. Nous devons le faire dans l’espace public, dès que nous le pouvons. Il peut être également utile, chacun de notre côté, d’écrire aux instances concernées pour faire entendre notre mécontentement (l’expérience a montré que c’est efficace). Chacun, là où il est, selon ses moyens, discernera ce qui sera opportun et efficace pour contrer les menées des méchants, et travailler à empêcher au moins la répétition des attaques contre Notre-Seigneur.
Pour sa part, la Fraternité Saint-Pie X, en tant que telle, intervient dès que cela est nécessaire, et qu’une action peut avoir du sens, dans le domaine religieux qui est le sien. Certains lui reprochent de n’en pas faire assez, de ne pas réagir à tel ou tel scandale. Mais il faut comprendre que, les scandales étant devenus désormais quasi quotidiens, il faudrait, pour y réagir systématiquement, que la Fraternité fasse paraître chaque jour un ou plusieurs communiqués de protestation, fasse célébrer chaque jour une ou plusieurs messes de réparation, organise chaque jour une ou plusieurs marches de prière et de pénitence. On comprend bien que ce serait déraisonnable, impossible et contre-productif.
Cela signifie-t-il qu’il n’y a rien à faire, qu’il faut baisser les bras, laisser les ennemis de Dieu triompher sans résistance ? Certainement pas. Nous organiserons d’ailleurs de nouvelles protestations publiques dans les mois à venir, pour répondre à ces attaques publiques. Mais les protestations publiques, utiles et nécessaires à leur niveau, ne doivent être que la partie émergée de notre action de résistance au mal en cours, et de réparation du mal déjà advenu.
« Réparation » : c’est le mot exact que nous enseigne le Sacré-Cœur à travers les révélations communiquées à sainte Marguerite-Marie. Jésus ne demande pas à cette religieuse cloîtrée de manifester dans la rue : il lui enjoint de réparer personnellement, et de contribuer à susciter un mouvement de réparation.
Le mot « réparer » revient ainsi très souvent dans les récits que fait Marguerite-Marie de ses entretiens avec Jésus : il s’agit (nous citons) de réparer les outrages, de réparer les indignités, de réparer l’oubli et le mépris, de réparer les fautes, de réparer les amertumes et les angoisses, de réparer tant de sacrilèges et de profanations, etc.
Ce programme de réparation spirituelle, chacun de nous peut le mettre en œuvre sans avoir besoin d’une impulsion, d’un ordre, d’un appel spécial. C’est en effet à Jésus lui-même que nous entendons répondre, et il n’est nullement nécessaire pour cela de bénéficier d’un mandat particulier, d’une permission quelconque. Du seul fait que nous voulons être les amis de Jésus, nous sommes concernés lorsqu’il s’agit de ses intérêts.
Cependant, il convient de bien comprendre ce que signifie le mot de « réparation ».
Au premier abord, la réparation revêt un aspect pénitentiel, une dimension de sacrifice : il s’agirait d’accepter pour soi une peine afin d’expier un mal commis par autrui. Ceci est vrai, bien entendu. Toutefois, si nous examinons ce que signifie le mot « réparer » lorsqu’il s’agit d’un objet matériel qui aurait été cassé, nous découvrirons sans difficulté que l’aspect « pénitentiel » n’est que l’un des trois éléments, et non le plus important en soi, de l’acte de réparation.
Si nous voulons, par exemple, réparer un vase brisé auquel son propriétaire tenait beaucoup, il est vrai qu’il va d’abord falloir prendre sur nous : acheter de la colle, consacrer du temps à la réparation. Sans cet acte qui nous coûte, nous n’aboutirions pas à la reconstitution de son intégrité primitive qui constitue le deuxième aspect, nettement plus positif. Surtout, le but ultime de tout ce processus n’est pas le vase lui-même, mais son propriétaire : il s’agit d’apaiser sa tristesse, de lui redonner son sourire. Nous sommes là, très nettement, dans le registre de l’affection, de l’amour, de la charité.
En sorte qu’il existe bien trois éléments, d’une valeur croissante, dans la « réparation », qu’elle soit matérielle ou spirituelle. D’abord l’effort, l’investissement, le renoncement (dans le domaine spirituel, le sacrifice). Ensuite, le souci de remettre les choses en place, de restaurer l’ordre. Enfin, le désir de faire plaisir, de manifester un amour, de consoler.
N’oublions surtout pas ces deux derniers aspects de l’acte de réparation et consolons le Cœur de Notre-Seigneur ! L’Heure Sainte, si souvent organisée dans nos chapelles les premiers vendredis du mois, devrait, à cette fin, être fréquentée avec plus d’assiduité. La Messe en semaine devrait aussi faire partie de nos résolutions. Comme l’affirmait le saint Curé d’Ars : « Toutes les bonnes œuvres réunies n’équivalent pas au Saint Sacrifice de la Messe ». Je ne puis donc que vous inviter à offrir à Dieu l’effort d’assister au moins à une messe en semaine par mois en plus des premiers vendredis et premiers samedis du mois, pour ceux qui ne le font pas déjà.
Quant à ceux qui penseraient que cette entreprise de contrer les attaques des méchants, même en employant les moyens spirituels tels que la réparation, ne sert finalement à rien, puisque les méchants sont trop nombreux et trop puissants, qu’ils ouvrent les Livres saints pour reprendre courage et nourrir leur espérance. Ceux-ci contiennent, sans doute, des récits de batailles épiques pour Dieu et sa sainte Loi, par exemple dans la vie du roi David ou les livres des Maccabées. Mais deux livres en particulier nous présentent un moment où le peuple israélite risque d’être entièrement détruit, et où il remporte au contraire une victoire éclatante par l’action d’une femme pleine de foi et de confiance dans la puissance du Seigneur Dieu. Les figures de la très sainte Vierge Marie que sont Esther et Judith doivent ainsi nous emplir d’une espérance invincible dans le secours de Dieu.
La dévotion au Sacré-Cœur est une source de confiance, de courage, d’amour envers le Christ pour des centaines de millions d’âmes depuis trois siècles. Et son origine humaine est un simple « petit bout de bonne femme » qui s’appelait Marguerite-Marie. Simple religieuse cloîtrée, tout à fait inconnue, combattue et brocardée par le puissant parti janséniste, c’est elle qui est à l’origine de la diffusion extraordinaire de cette dévotion, en soi traditionnelle, mais qui n’avait jamais eu une telle expansion ! Alors, ne soyons pas effrayés, ne soyons pas découragés, répondons à l’appel du Sacré-Cœur sans crainte ni désespoir : Dieu, quand Il le voudra et comme Il le voudra, nous donnera la victoire. Il ne faut pas en douter. Car, ainsi le disait le prophète Élisée à son serviteur en lui faisant découvrir les légions d’anges qui les protégeaient (II Rois VI, 16–17), « il y en a plus avec nous que contre nous ». Nous faisons partie du camp de Notre-Seigneur, nous sommes déjà victorieux !
Source : Lettre aux amis et bienfaiteurs du District de France n°96