La Pénitence

Crédit : Philippe Lissac / Godong

Dieu n’est pas un jus­ti­cier impla­cable mais un Père, aimant don­ner son par­don au pécheur repen­tant et pénitent.

Quand l’es­prit s’ar­rête à médi­ter sur le péché, sur l’of­fense infi­nie qu’il inflige à la majes­té divine, l’homme se sent pous­ser à faire péni­tence, et même durant toute sa vie, car la vie est trop courte pour répa­rer une offense infi­nie. Les auteurs de spi­ri­tua­li­té, d’ailleurs, invitent à ne jamais se las­ser de faire péni­tence. Ce point est si impor­tant que le P. Faber, après avoir long­temps réflé­chi sur la cause pour laquelle tant d’âmes font si peu de pro­grès, en vint à la conclu­sion que cette cause était « l’ab­sence d’une dou­leur constante exci­tée par le sou­ve­nir du péché « .

Comment pratiquer la vertu de Pénitence ?

Pour pra­ti­quer la péni­tence d’une façon plus par­faite, il faut s’u­nir à Jésus péni­tent, et lui deman­der de vivre en nous avec son esprit d’hos­tie ; puis s’as­so­cier à ses sen­ti­ments et à ses œuvres de péni­tence. Toute la litur­gie du Carême entraîne le catho­lique vers cette pers­pec­tive d’u­nion au Christ des dou­leurs. D’un point de vue pra­tique, voi­ci quelques moyens pio­chés dans le livre du Père Tancquerey sur la théo­lo­gie ascé­tique et mystique.

a) C’est tout d’a­bord le sou­ve­nir habi­tuel et dou­lou­reux de ses péchés. Il ne convient pas sans doute de les repas­ser en détail dans son esprit – ce qui pour­rait trou­bler l’i­ma­gi­na­tion et créer de nou­velles ten­ta­tions. Mais il faut cher­cher à s’en sou­ve­nir dans leur glo­ba­li­té, et sur­tout à entre­te­nir à leur égard des sen­ti­ments de contri­tion et d’humiliation.

b) Ce sou­ve­nir dou­lou­reux est accom­pa­gné d’un sen­ti­ment de confu­sion per­pé­tuelle. Cette confu­sion, nous pou­vons la por­ter devant Dieu, comme Jésus-​Christ a por­té devant son Père la honte de nos offenses, sur­tout au jar­din de l’a­go­nie et au Calvaire. Nous la por­tons devant les hommes, hon­teux de nous voir char­gés de crimes dans l’as­sem­blée des saints. Nous la por­tons devant nous-​mêmes, ne pou­vant nous souf­frir ni nous sup­por­ter dans notre honte, disant sin­cè­re­ment avec le publi­cain : » O Dieu, ayez pitié de moi qui suis un pécheur ».

c) De là naît une crainte salu­taire du péché, une hor­reur pro­fonde pour toutes les occa­sions qui peuvent y conduire. Car, mal­gré sa bonne volon­té, l’homme demeure expo­sé à la ten­ta­tion et aux rechutes. Il acquiert ain­si la défiance de soi : » ne nous lais­sez pas suc­com­ber à la ten­ta­tion « . Cette défiance fait pré­voir les occa­sions dan­ge­reuses où nous pour­rions suc­com­ber, les moyens posi­tifs d’as­su­rer notre per­sé­vé­rance, et nous rend vigi­lants pour écar­ter les moindres impru­dences. Mais elle évite aus­si le décou­ra­ge­ment : plus nous avons conscience de notre impuis­sance, et plus nous met­tons notre confiance en Dieu, convain­cus de l’ef­fi­ca­ci­té de sa grâce à nous rendre victorieux.

Après cette pre­mière phase dans l’es­prit et le cœur, la ver­tu de Pénitence s’ex­pli­cite dans des actes externes à l’homme.
Les œuvres de péni­tence, si pénibles soient-​elles, paraissent faciles à celui dont l’es­prit est habi­té par cette pen­sée : je suis un échap­pé de l’en­fer, un échap­pé du pur­ga­toire, et, sans la misé­ri­corde divine, je subi­rai le châ­ti­ment trop bien mérité.

Les œuvres de péni­tence prin­ci­pales sont :

  1. L’acceptation d’a­bord rési­gnée, puis cor­diale et joyeuse de toutes les croix que la Providence veut bien nous envoyer. Le concile de Trente enseigne que c’est une grande preuve de l’a­mour de Dieu pour nous que de vou­loir bien agréer, comme satis­fac­tion pour nos péchés, la patience avec laquelle nous accep­tons tous les maux tem­po­rels qu’il nous inflige (épreuves phy­siques ou morales, intem­pé­ries des sai­sons, étreintes de la mala­die, revers de for­tune, insuc­cès, humi­lia­tions…). Ainsi donc, accep­tons toutes ces souf­frances avec une douce rési­gna­tion, per­sua­dés que nous les méri­tons à cause de nos péchés, et que la patience au milieu des épreuves est un des meilleurs moyens d’expiation.
  1. A cette patience, nous join­drons l’ac­com­plis­se­ment fidèle des devoirs d’é­tat en esprit de péni­tence et de répa­ra­tion. Le sacri­fice le plus agréable à Dieu est celui de l’o­béis­sance, « L’obéissance vaut mieux que le sacri­fice ». Or le devoir d’é­tat est pour nous l’ex­pres­sion mani­feste de la volon­té de Dieu. L’accomplir aus­si par­fai­te­ment que pos­sible, c’est donc offrir à Dieu le sacri­fice le plus par­fait, l’ho­lo­causte per­pé­tuel, puisque ce devoir nous sai­sit depuis le matin jus­qu’au soir. Que d’oc­ca­sions se pré­sentent aux pères et mères de famille d’of­frir à Dieu des sacri­fices nom­breux et aus­tères qui servent gran­de­ment à puri­fier leur âme ! Le tout, c’est d’ac­com­plir ces devoirs chré­tien­ne­ment, vaillam­ment, pour Dieu, en esprit de répa­ra­tion et de pénitence.
  2. Il est aus­si d’autres œuvres spé­cia­le­ment recom­man­dées par la Sainte Ecriture, comme le jeûne et l’au­mône. L’Eglise a ins­ti­tué le jeûne du Carême, des Vigiles et des Quatre-​Temps pour don­ner aux fidèles l’oc­ca­sion d’ex­pier leurs fautes. Beaucoup de péchés viennent en effet direc­te­ment ou indi­rec­te­ment de la sen­sua­li­té, des excès dans le boire et le man­ger, et rien n’est plus effi­cace pour les répa­rer que la pri­va­tion de nour­ri­ture, qui va à la racine du mal en mor­ti­fiant l’a­mour du plai­sir sen­suel. Quant à l’au­mône, elle est une œuvre de cha­ri­té et une pri­va­tion : à ce double titre, elle a une grande effi­ca­ci­té pour rache­ter nos péchés : » l’au­mône couvre la mul­ti­tude des péchés ». Ce que nous disons de l’au­mône cor­po­relle s’ap­plique à plus forte rai­son à l’au­mône spirituelle.
  3. Enfin res­tent les pri­va­tions et mor­ti­fi­ca­tions volon­taires que nous nous impo­sons en expia­tion de nos fautes, en par­ti­cu­lier celles qui vont à la source du mal, en châ­tiant et dis­ci­pli­nant les facul­tés qui ont contri­bué à nous les faire commettre.

La Pénitence, consi­dé­rée sous cet angle, offre une cer­taine beau­té atti­rante. Le regain d’a­mour qu’elle fait naître, d’a­bord dans l’âme du pécheur repen­tant, per­met d’al­ler jus­qu’à poser des actes dif­fi­ciles à la nature. Dieu n’est plus regar­dé comme un jus­ti­cier impla­cable mais comme un père, aimant don­ner son pardon.

Source : La Sainte Ampoule n° 285 – mars 2025