Ces catholiques voulaient une religion, alors ils sont devenus protestants

A la lumière de la doc­trine de Léon XIII, il est urgent de reve­nir au but pre­mier de l’Eglise, le salut des âmes. 

L’actualité de l’Eglise invite à se pen­cher sur la figure et sur l’enseignement du pape Léon XIII, dont le suc­ces­seur actuel évoque volon­tiers la sol­li­ci­tude en matière sociale, illus­trée par l’encyclique Rerum nova­rum (1891). Le riche ensei­gne­ment doc­tri­nal du pré­dé­ces­seur direct de saint Pie X concerne cepen­dant bien d’autres domaines de la doc­trine catho­lique, en par­ti­cu­lier au sujet de l’Eglise dont il est ques­tion dans l’encyclique Satis cogni­tum (29 juin 1896) sur l’unité de l’Eglise.

Or comme l’Eglise est le pro­lon­ge­ment de l’œuvre du Sauveur, la meilleure manière d’expliquer en quoi consiste son uni­té est de pré­ci­ser son but :

Comme la mis­sion divine [de Jésus-​Christ] devait être durable et per­pé­tuelle, Il s’est adjoint des dis­ciples aux­quels Il a fait part de Sa puis­sance, et ayant fait des­cendre sur eux du haut du ciel « l’Esprit de véri­té », Il leur a ordon­né de par­cou­rir la terre entière et de prê­cher fidè­le­ment à toutes les nations ce que Lui-​même avait ensei­gné et pres­crit, afin qu’en pro­fes­sant Sa doc­trine et en obéis­sant à Ses lois, le genre humain pût acqué­rir la sain­te­té sur la terre et, dans le ciel, l’éternel bonheur.

Tel est le plan d’après lequel l’Eglise a été consti­tuée, tels sont les prin­cipes qui ont pré­si­dé à sa naissance.

Le rôle de l’Eglise est donc de conduire les âmes à la sain­te­té ici-​bas, au ciel dans l’au-delà. C’est là l’œuvre prin­ci­pale et l’œuvre de civi­li­sa­tion, de paci­fi­ca­tion, la sol­li­ci­tude pour les pro­blèmes ter­restres en découlent spon­ta­né­ment, tout en étant œuvre secon­daire. La pre­mière mis­sion est bien d’évangéliser, de trans­mettre la foi, car « celui qui croi­ra et sera bap­ti­sé sera sau­vé, qui ne croi­ra pas sera condam­né »[1].

L’esprit de Vatican II, avec sa confiance opti­miste dans les valeurs du monde contem­po­rain, qui, « dans la mesure où elles pro­cèdent du génie humain, qui est un don de Dieu, sont fort bonnes[2] », et sa logique de la liber­té reli­gieuse qui conduit à rendre timide l’affirmation publique de la foi catho­lique, a eu un effet impré­vu, que Josef Ratzinger, alors arche­vêque de Munich, rapporte :

Récemment, j’ai reçu deux évêques sud-​américains avec les­quels j’ai par­lé de pro­jets sociaux ain­si que d’ex­pé­riences et d’ef­forts pas­to­raux. Ils m’ont par­lé de la publi­ci­té inten­sive avec laquelle une cen­taine de déno­mi­na­tions chré­tiennes se récla­mant de la Réforme ont fait irrup­tion dans le catho­li­cisme tra­di­tion­nel du pays et ont trans­for­mé le visage reli­gieux du pays. Ils ont évo­qué un résul­tat étrange qu’ils ont consi­dé­ré comme symp­to­ma­tique et qui les a obli­gés à faire un exa­men de conscience sur le cours de l’Église catho­lique sud-​américaine depuis la fin du Concile. Ils ont racon­té que les émis­saires de cer­tains vil­lages sont venus voir l’é­vêque catho­lique et lui ont annon­cé qu’ils avaient désor­mais rejoint une com­mu­nau­té évan­gé­lique. Ils ont pro­fi­té de l’oc­ca­sion pour remer­cier l’é­vêque de toutes les actions sociales qu’il avait menées pour eux au cours des années et qu’ils ont appré­ciées à leur juste valeur. « Mais nous avions aus­si besoin d’une reli­gion », disaient-​ils, « et c’est pour cela que nous sommes deve­nus pro­tes­tants. » Lors de telles ren­contres, mes deux hôtes ont dit qu’ils avaient à nou­veau pris conscience de la pro­fonde reli­gio­si­té qui habite les Indiens et les habi­tants de leur pays, et qu’ils avaient un peu négli­gée en pen­sant qu’il fal­lait d’a­bord déve­lop­per et ensuite seule­ment évangéliser.

Josef Ratzinger, Theologische Prinzipienlehre, Wewel Verlag, 1982, p.139. Traduction fran­çaise : Les prin­cipes de la théo­lo­gie catho­lique, Téqui, 2005.

Les media com­mentent à l’envi les infor­ma­tions dont on dis­pose sur le nou­veau pape, ils glosent sur ses ten­dances et attachent une grande impor­tance à des thèmes tels que la paix dans le monde, les pro­blèmes sociaux, l’écologie, la liber­té des jour­na­listes, les rap­ports avec les autres reli­gions, mais aus­si avec les chré­tiens aca­tho­liques, etc.

Romano Amerio avait dénon­cé dans Iota Unum[3], cette erreur du « chris­tia­nisme secon­daire », qui consiste à juger de la reli­gion par ses effets secon­daires. Sa cari­ca­ture est l’affirmation d’un pas­teur pro­tes­tant contro­ver­sé, Martin Niemoller : 

Le chris­tia­nisme n’est pas du tout une reli­gion, c’est un mes­sage qui vient de Dieu et que nous devons trans­mettre aux hommes pour qu’ils rede­viennent des hommes. Cela n’a pas de rap­ports avec la reli­gion. Il y a des reli­gions beau­coup plus riches que la soi-​disant reli­gion du Nouveau Testament.

On a l’impression que les leçons de cette erreur n’ont pas encore por­té. L’urgence dans l’Eglise est pré­ci­sé­ment de res­tau­rer l’esprit de reli­gion, c’est-à-dire de culte divin, en com­men­çant par la pré­di­ca­tion inté­grale et pré­cise de la foi, l’exhortation à la vie inté­rieure, la digni­té de la litur­gie, et pour cela la for­ma­tion des prêtres. Le reste sera don­né par sur­croît. « Si je suis Père, où est le culte qui m’est dû[4] ? »

Nos prières accom­pagnent le nou­veau pape pour accom­plir cette œuvre.

Notes de bas de page
  1. Marc 16, 16[]
  2. Constitution Gaudium et spes, n°11 §2.[]
  3. 1985. Traduction fran­çaise, Nouvelles Editions Latines, 1987.[]
  4. Malachie 1, 6.[]